- BaldredSage
Libé publie une interview de Frédéric Grimaud, auteur de Enseignants, les nouveaux prolétaires
Quelques éléments intéressants :
La prolétarisation :
F.Grimaud pointe le rôle majeur de Blanquer dans ce processus :
La démobilisation des enseignants ne serait pas une culpabilité personnelle de petits nantis ou d'égoïstes lâches mais bien le résultat de cette prolétarisation :
Pour Grimaud, la crise d'attractivité est supportable puisqu'elle ne touchera pas les établissements des classes privilégiées, au détriment des classes populaires. L'objectif du nouveau management public étant à terme une privatisation de l'école.
Quelques éléments intéressants :
La prolétarisation :
La perte d'expertise professionnelle, si peu valorisée par les profs eux-mêmes est mon sens un danger majeur : nous ne faisons plus le dernier des métiers, nous ne faisons plus un métier.Ce qui signe la prolétarisation, c’est la grande subordination à la tâche. De plus en plus, les outils sont imposés aux enseignants et le travail est très prescrit. Il y a une perte de l’expertise professionnelle. La deuxième étape, c’est l’arrivée du nouveau management public, autrement dit l’importation dans la fonction publique des normes de travail du secteur privé et la gestion par des indicateurs chiffrés.
F.Grimaud pointe le rôle majeur de Blanquer dans ce processus :
Virage confirmé par Attal :Prenez cette idée de l’école des fondamentaux : c’est une façon de réduire les attendus scolaires. Lire, écrire, compter, c’est ce qu’il faut de minimum pour les enfants d’ouvriers. Ça nécessite moins de compétences professionnelles, donc c’est plus facile de recruter des contractuels que dans une école qui aurait l’ambition de faire accéder à l’ensemble de la culture. Jean-Michel Blanquer était là au bon moment, en négociant la sortie du virage libéral dans l’école
Dans sa réforme du «choc des savoirs», il a mis tous les ingrédients qui vont dans le sens d’une baisse d’autonomie procédurale des professeurs : les manuels labellisés, la généralisation des évaluations, la refonte des programmes…
La démobilisation des enseignants ne serait pas une culpabilité personnelle de petits nantis ou d'égoïstes lâches mais bien le résultat de cette prolétarisation :
parce qu’on est qualifié pour le travail que l’on fait, on a des compétences professionnelles et on devient socialement puissant. Or, les professions qui savent le mieux organiser le rapport de force sont celles socialement puissantes. Mais tout le nouveau management public et la taylorisation du travail nous font perdre de l’expertise professionnelle, donc nous affaiblissent socialement. En éclatant le collectif, on empêche les travailleurs de résister collectivement.
Pour Grimaud, la crise d'attractivité est supportable puisqu'elle ne touchera pas les établissements des classes privilégiées, au détriment des classes populaires. L'objectif du nouveau management public étant à terme une privatisation de l'école.
- CasparProphète
J'ai toujours un peu de mal avec le terme "privatisation de l'école" que je trouve vague...Peut-on parler de privatisation comme on privatiserait la SNCF par exemple ? Qu'est-ce que ça voudrait dire concrètement ?
- BaldredSage
Caspar a écrit:J'ai toujours un peu de mal avec le terme "privatisation de l'école" que je trouve vague...Peut-on parler de privatisation comme on privatiserait la SNCF par exemple ? Qu'est-ce que ça voudrait dire concrètement ?
La sous dotation chronique de l'université a conduit au développement de formations privées payantes, autrefois gratuites par exemple.
Mais il me semble que Grimaud l'entende surtout comme l'importation des règles de management du privé dans les services publics, et l'école. Autonomie, mises en concurrence, le chef d'établissement en chef d'entreprise qui gère les personnels, y compris dans le volet pédagogique.
- lene75Prophète
Baldred a écrit:
Pour Grimaud, la crise d'attractivité est supportable puisqu'elle ne touchera pas les établissements des classes privilégiées, au détriment des classes populaires. L'objectif du nouveau management public étant à terme une privatisation de l'école.
Pourtant la crise d'attractivité touche aussi les établissements privilégiés, non pas pour les postes fixes mais pour les remplacements et les BMP. Ce qui pousse d'ailleurs vers la privatisation.
- CasparProphète
Baldred a écrit:Caspar a écrit:J'ai toujours un peu de mal avec le terme "privatisation de l'école" que je trouve vague...Peut-on parler de privatisation comme on privatiserait la SNCF par exemple ? Qu'est-ce que ça voudrait dire concrètement ?
La sous dotation chronique de l'université a conduit au développement de formations privées payantes, autrefois gratuites par exemple.
Mais il me semble que Grimaud l'entende surtout comme l'importation des règles de management du privé dans les services publics, et l'école. Autonomie, mises en concurrence, le chef d'établissement en chef d'entreprise qui gère les personnels, y compris dans le volet pédagogique.
OK je comprends mieux, ce n'est donc oas une privatisation à proprement parler (au sens où je l'entends habituellement).
- dandelionVénérable
Les enseignants suisses utilisent des manuels labellisés et sont davantage contraints que nous sur le plan pédagogique. Pourtant, ils ne sont ni pauvres ni prolétaires. Nous avions autrefois en anglais des programmes assez contraignants, et c’est aujourd’hui beaucoup moins le cas (ce qui conduit à ce que certains élèves refassent les mêmes thèmes d’année en année et n’en voient jamais d’autres). Je ne comprends pas non plus en quoi enseigner ‘seulement’ à lire, écrire et compter serait plus facile pour des contractuels. Enseigner la lecture n’a rien à voir avec le fait de savoir lire soi-même.
- BaldredSage
dandelion a écrit:Les enseignants suisses utilisent des manuels labellisés et sont davantage contraints que nous sur le plan pédagogique. Pourtant, ils ne sont ni pauvres ni prolétaires. Nous avions autrefois en anglais des programmes assez contraignants, et c’est aujourd’hui beaucoup moins le cas (ce qui conduit à ce que certains élèves refassent les mêmes thèmes d’année en année et n’en voient jamais d’autres). Je ne comprends pas non plus en quoi enseigner ‘seulement’ à lire, écrire et compter serait plus facile pour des contractuels. Enseigner la lecture n’a rien à voir avec le fait de savoir lire soi-même.
Euh tu es vraiment en train de comparer les salaires français et suisses ?
Pour la suite, je ne comprends pas d'où viennent les conclusions que tu sembles tirer.
- GanbatteHabitué du forum
Baldred a écrit:dandelion a écrit:Les enseignants suisses utilisent des manuels labellisés et sont davantage contraints que nous sur le plan pédagogique. Pourtant, ils ne sont ni pauvres ni prolétaires. Nous avions autrefois en anglais des programmes assez contraignants, et c’est aujourd’hui beaucoup moins le cas (ce qui conduit à ce que certains élèves refassent les mêmes thèmes d’année en année et n’en voient jamais d’autres). Je ne comprends pas non plus en quoi enseigner ‘seulement’ à lire, écrire et compter serait plus facile pour des contractuels. Enseigner la lecture n’a rien à voir avec le fait de savoir lire soi-même.
Euh tu es vraiment en train de comparer les salaires français et suisses ?
Pour la suite, je ne comprends pas d'où viennent les conclusions que tu sembles tirer.
La comparaison n'est pas inintéressante, dans la mesure où Grimaud fonde son usage du mot "prolétaire" sur ce qu'il appelle la "subordination à la tâche." Cet aspect est plus marqué chez les enseignants suisses, pourtant il ne viendrait à l'idée de personne de les qualifier de "prolétaires." Et elle met en évidence un usage du mot que je trouve tout à fait abusif.
On peut très légitimement s'interroger sur l'évolution du métier d'enseignant, qui a toujours été caractérisé par la tension entre les statuts de cadre et d'exécutant, mais vraiment, "prolétaires", non, sauf à oublier toutes les sciences humaines de Marx à Bourdieu.
- Aperçu par hasardNeoprof expérimenté
Et moi qui culpabilise d'être un petit bourgeois... il faudrait savoir à la fin...
- IridianeFidèle du forum
Ganbatte a écrit:Baldred a écrit:dandelion a écrit:Les enseignants suisses utilisent des manuels labellisés et sont davantage contraints que nous sur le plan pédagogique. Pourtant, ils ne sont ni pauvres ni prolétaires. Nous avions autrefois en anglais des programmes assez contraignants, et c’est aujourd’hui beaucoup moins le cas (ce qui conduit à ce que certains élèves refassent les mêmes thèmes d’année en année et n’en voient jamais d’autres). Je ne comprends pas non plus en quoi enseigner ‘seulement’ à lire, écrire et compter serait plus facile pour des contractuels. Enseigner la lecture n’a rien à voir avec le fait de savoir lire soi-même.
Euh tu es vraiment en train de comparer les salaires français et suisses ?
Pour la suite, je ne comprends pas d'où viennent les conclusions que tu sembles tirer.
La comparaison n'est pas inintéressante, dans la mesure où Grimaud fonde son usage du mot "prolétaire" sur ce qu'il appelle la "subordination à la tâche." Cet aspect est plus marqué chez les enseignants suisses, pourtant il ne viendrait à l'idée de personne de les qualifier de "prolétaires." Et elle met en évidence un usage du mot que je trouve tout à fait abusif.
On peut très légitimement s'interroger sur l'évolution du métier d'enseignant, qui a toujours été caractérisé par la tension entre les statuts de cadre et d'exécutant, mais vraiment, "prolétaires", non, sauf à oublier toutes les sciences humaines de Marx à Bourdieu.
Je n’ai pas lu le livre donc ce qui va suivre ne vaut que de façon générale et pas forcément pour ce cas particulier mais 1/ il n’est pas interdit redéfinir le sens d’un mot à condition de montrer l’évolution dudit sens et de justifier sa redéfinition ; 2/ il n’est pas impossible (pour dire le moins) que des concepts des sciences sociales évoluent, en particulier depuis Bourdieu et a fortiori Marx. En faire le constat ne revient pas à « oublier toutes les sciences humaines de Marx à bourdieu », ce qui, outre que c’est très excessif, n’a absolument aucun sens.
En l’occurrence, je ne sais pas exactement ce qu’il en est dans le livre ni si je suis d’accord avec le propos, mais redéfinir le cadre de ce qu’on appelle un « prolétaire » dans la société actuelle ne me semble pas absurde. D’autant plus que Marx, Bourdieu et « toutes les sciences humaines » (enfin j’imagine hein, je ne sais pas trop ce que ça veut dire…) ont eux-mêmes récupéré et redéfini ce terme venu de la société romaine et récupéré avant eux par des révolutionnaires de 1793…
- BaldredSage
Je ne suis pas un spécialiste, mais il parle de "prolétarisation", ce qui ne signifie pas que nous sommes des prolétaires. En revanche, les contractuels constituent bien un " prolétariat" enseignant, même s'ils ne sont pas sociologuement des prolétaires.
Il est vrai que le le langage marxiste de Grimaud peut brouiller son propos, qui paraît néanmoins assez clair : l'affaiblissement de l'enseignement comme métier et la dépossession d'une culture professionnelle comme source du mal-être enseignant.
Edit: d'accord avec le message de @iridiane
Il est vrai que le le langage marxiste de Grimaud peut brouiller son propos, qui paraît néanmoins assez clair : l'affaiblissement de l'enseignement comme métier et la dépossession d'une culture professionnelle comme source du mal-être enseignant.
Edit: d'accord avec le message de @iridiane
- Aperçu par hasardNeoprof expérimenté
En rapport avec le sujet du topic, cette émission de France Cul sur le statut, l'état d'esprit et la perception des fonctionnaires (passe au moment où je poste):
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/entendez-vous-l-eco/fonctionnaires-privilegies-ou-declasses-7623793
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/entendez-vous-l-eco/fonctionnaires-privilegies-ou-declasses-7623793
Présentation par France Culture a écrit:Fainéants, privilégiés, bornés, inutiles… Les qualificatifs péjoratifs servant à qualifier les fonctionnaires sont nombreux. Dès le XIXème siècle, les agents de l’Etat étaient déjà perçus comme une population paresseuse et moins efficace que les salariés du secteur privé. Mais si le sentiment anti-fonctionnaires est ancien, celui-ci a pris une importance nouvelle dans la deuxième moitié du XXème siècle, en parallèle de l’agrandissement des déficits publics. Le fonctionnaire est progressivement devenu synonyme de dépense publique, ce qui provoque depuis les années 1970 une multiplication des politiques réformant leur nombre, leur statut ou leur rémunération dans l’idée de réaliser des économies et des gains d’efficacité. Mais la réduction des ressources allouées au fonctionnement des services publics, à l’origine d’une dégradation des conditions de travail des agents, tend à rendre le métier de moins en moins attractif. Comment “la haine du fonctionnaire” s’incarne t-elle dans la politique de rationalisation des dépenses publiques ? Quelles en sont les conséquences sur les conditions de travail des fonctionnaires et sur l’attractivité du métier ?
- BaldredSage
Aperçu par hasard a écrit:En rapport avec le sujet du topic, cette émission de France Cul sur le statut, l'état d'esprit et la perception des fonctionnaires (passe au moment où je poste):
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/entendez-vous-l-eco/fonctionnaires-privilegies-ou-declasses-7623793Présentation par France Culture a écrit:Fainéants, privilégiés, bornés, inutiles… Les qualificatifs péjoratifs servant à qualifier les fonctionnaires sont nombreux. Dès le XIXème siècle, les agents de l’Etat étaient déjà perçus comme une population paresseuse et moins efficace que les salariés du secteur privé. Mais si le sentiment anti-fonctionnaires est ancien, celui-ci a pris une importance nouvelle dans la deuxième moitié du XXème siècle, en parallèle de l’agrandissement des déficits publics. Le fonctionnaire est progressivement devenu synonyme de dépense publique, ce qui provoque depuis les années 1970 une multiplication des politiques réformant leur nombre, leur statut ou leur rémunération dans l’idée de réaliser des économies et des gains d’efficacité. Mais la réduction des ressources allouées au fonctionnement des services publics, à l’origine d’une dégradation des conditions de travail des agents, tend à rendre le métier de moins en moins attractif. Comment “la haine du fonctionnaire” s’incarne t-elle dans la politique de rationalisation des dépenses publiques ? Quelles en sont les conséquences sur les conditions de travail des fonctionnaires et sur l’attractivité du métier ?
Merci pour le lien !
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