- trompettemarineMonarque
Dans mes souvenirs, la réforme de 1990 proposait d'écrire charriot.
- zigmag17Guide spirituel
Aperçu par hasard a écrit:Voltaire a écrit:Vu d'un point de vue naïf, vous semblez penser qu'ajouter de la logique ou de la cohérence dans l'orthographe améliorera les choses. Je n'en suis pas si sûre (désolée, j'ai perdu pas mal de 1/2 points dans mes dictées à cause de l'accent circonflexe), pour avoir observé mes élèves (en maths, où l'on s'exprime en français mais où les élèves semblent penser que l'orthographe, voire la syntaxe, sont en option), mais surtout ma propre mère, qui à l'époque a vu pas mal de ses possibilités de carrière s'évanouir à cause de son orthographe pitoyable. Elle est capable d'écrire dans le même texte chariot ET charriot ET charette ET charrette sans parvenir à trancher sur (au moins) un choix unique, à ses yeux ils sont également irrationnels. Ayant moi-même une orthographe à peu près correcte (non, je ne suis pas un enfant trouvé), j'ai essayé de l'entraîner de mon mieux sans succès aucun. Ni dictées nombreuses ni explications étymologiques n'y ont rien fait, il y a toujours au moins deux fautes par ligne dans ses textes.
Tiens, c'est marrant, le correcteur orthographique ne me souligne que charette ...
Si tu n'es pas une enfant trouvée, tu pourrais être ma sœur cachée, parce que j'ai la même allergie aux accents circonflexes (je n'ai jamais rien compris à la logique de ce truc-là, s'il y en a une...). Quant à ma mère, ancienne institutrice et qui m'a appris à lire et à écrire, grande lectrice, elle a malgré des efforts continus depuis plus de soixante-dix ans de pratique scripturale, d'encombrantes difficultés avec l'orthographe. Ce qu'elle reconnaît et déplore volontiers d'ailleurs.
Dans la plupart des mots c'est l'amuïssement du -S qui est remplacé par un accent circonflexe, par exemple : "forest" (on retrouve le s dans "déforestation", "forestier"), s'est transformé en "forêt"; de même pour "hospital" (hospitalier, hospitalisation) transformé en "hôpital", etc
Il existe aussi des mots qui ont vu apparaître l'accent circonflexe pour éviter un hiatus (deux fois la même voyelle), mais cette fois je n'ai pas d'exemple à donner, je ne sais pas si c'est le cas pour "sûre" (suure???), je n'en suis pas sûre (avec accent !!! )
Bon c'est une explication très grossière, des souvenirs de fac que j'utilise en classe à l'occasion mais c'est rare.
Mais si ça peut aider...!
- NLM76Grand Maître
Là, c'est typiquement un choix qui me paraît malvenu. Tant qu'à simplifier, on simplifie. Dans ce cas, on écrit "charette, chariot, charetée, charoi..." Les doubles consonnes (sauf -ss-, évidemment) après un -a-, j'ai le sentiment que c'est vraiment le premier truc tordu qu'on pourrait passer par pertes et profits. Mais simplifier en étendant la complication à de nouveaux mots...trompettemarine a écrit:Dans mes souvenirs, la réforme de 1990 proposait d'écrire charriot.
Pour ce qui est de l'accent circonflexe, il est quand même important de comprendre qu'il est au carrefour de plusieurs logiques, dont la première est oubliée par la plupart : elle est phonétique. A l'origine, le circonflexe ne note pas la chute d'un -s. Il note le fait que cette chute a pour conséquence un allongement de la voyelle. Cet allongement s'est plus ou moins évanoui dans un grand nombre de variantes du français aujourd'hui. Mais il reste des gens qui ne prononcent pas "maître" comme "mètre", ni "patte" comme "pâte" — dans ce cas l'allongement est entremêlé à une différence de timbre. Ainsi, de seür, seüre est né sûr, sûre après la chute de l'-e atone, qui a lui aussi, si je ne me trompe, entraîné l'allongement de l'-u-.
La deuxième logique est distinctive : dans la plupart des cas, aujourd'hui, "dû" et "du" sont à peu près homophones, par exemple.
Enfin, la troisième logique est orthographique dans la mesure où il permet de rapprocher, comme le disait @zigmag, par exemple, "forêt" et "forestier".
Mais au total, il me semble que l'accent circonflexe est vraiment un épiphénomène monté en épingle aussi bien par les réactionnaires que par les progressistes. Il me semblerait de bon aloi de se dire que cette affaire n'est pas un drame ; en tout cas, que celui qui a un doute (faut-il un circonflexe, ou pas), s'autorise sereinement à choisir la solution de la simplicité : si j'ai un doute, je vais au plus simple, et je ne mets pas de circonflexe. Dans ce cas, je ne fais de "faute" répréhensible, je me contente de simplifier, d'abréger en quelque sorte la graphie.
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- Aperçu par hasardNeoprof expérimenté
zigmag17 a écrit:Aperçu par hasard a écrit:Voltaire a écrit:Vu d'un point de vue naïf, vous semblez penser qu'ajouter de la logique ou de la cohérence dans l'orthographe améliorera les choses. Je n'en suis pas si sûre (désolée, j'ai perdu pas mal de 1/2 points dans mes dictées à cause de l'accent circonflexe), pour avoir observé mes élèves (en maths, où l'on s'exprime en français mais où les élèves semblent penser que l'orthographe, voire la syntaxe, sont en option), mais surtout ma propre mère, qui à l'époque a vu pas mal de ses possibilités de carrière s'évanouir à cause de son orthographe pitoyable. Elle est capable d'écrire dans le même texte chariot ET charriot ET charette ET charrette sans parvenir à trancher sur (au moins) un choix unique, à ses yeux ils sont également irrationnels. Ayant moi-même une orthographe à peu près correcte (non, je ne suis pas un enfant trouvé), j'ai essayé de l'entraîner de mon mieux sans succès aucun. Ni dictées nombreuses ni explications étymologiques n'y ont rien fait, il y a toujours au moins deux fautes par ligne dans ses textes.
Tiens, c'est marrant, le correcteur orthographique ne me souligne que charette ...
Si tu n'es pas une enfant trouvée, tu pourrais être ma sœur cachée, parce que j'ai la même allergie aux accents circonflexes (je n'ai jamais rien compris à la logique de ce truc-là, s'il y en a une...). Quant à ma mère, ancienne institutrice et qui m'a appris à lire et à écrire, grande lectrice, elle a malgré des efforts continus depuis plus de soixante-dix ans de pratique scripturale, d'encombrantes difficultés avec l'orthographe. Ce qu'elle reconnaît et déplore volontiers d'ailleurs.
Dans la plupart des mots c'est l'amuïssement du -S qui est remplacé par un accent circonflexe, par exemple : "forest" (on retrouve le s dans "déforestation", "forestier"), s'est transformé en "forêt"; de même pour "hospital" (hospitalier, hospitalisation) transformé en "hôpital", etc
Il existe aussi des mots qui ont vu apparaître l'accent circonflexe pour éviter un hiatus (deux fois la même voyelle), mais cette fois je n'ai pas d'exemple à donner, je ne sais pas si c'est le cas pour "sûre" (suure???), je n'en suis pas sûre (avec accent !!! )
Bon c'est une explication très grossière, des souvenirs de fac que j'utilise en classe à l'occasion mais c'est rare.
Mais si ça peut aider...!
Oui, c'est en général la réponse qu'on me fait. Mais pour moi cela ne fait que déplacer le problème, parce que si c'est une question d'amuïssement, encore faut-il savoir quand celui-ci a eu lieu... alors on me dit: "oh, mais fastoche!... bien souvent c'est devant un "t"!". Je veux bien, mais alors qu'on m'explique comment, par exemple, sur une base intuitive et sans avoir étudié l'étymologie, on détermine que l'accent circonflexe est là dans dans "gâteau" et pas dans "bateau".
Cela dit il y a des cas évidents, quand l'accent indique une différence manifeste de prononciation, comme dans "tache" vs "tâche". Ce qui d'ailleurs rend d'autant plus incompréhensible pour moi la confusion de plus en plus fréquente entre ces deux graphies. Et pas seulement dans les copies des élèves. Même dans la presse il m'est arrivé de lire "une tâche de couleur".
- zigmag17Guide spirituel
Merci NLM76 pour ces explications
Cette histoire d'accent circonflexe me fait penser non pas à une méthode pour éviter de se tromper , mais à des confusions cocasses possibles ( sans plus de recette à livrer pour éviter de se tromper ): "Aimer les petits jeunes" vs "aimer les petits jeûnes", par exemple . Ca ne fait pas avancer le schmilblick!!
Cette histoire d'accent circonflexe me fait penser non pas à une méthode pour éviter de se tromper , mais à des confusions cocasses possibles ( sans plus de recette à livrer pour éviter de se tromper ): "Aimer les petits jeunes" vs "aimer les petits jeûnes", par exemple . Ca ne fait pas avancer le schmilblick!!
- Aperçu par hasardNeoprof expérimenté
Ah oui, merci @NLM76, je n'avais pas remarqué tes explications avant de poster mon dernier message.
"Il reste des gens"... mais pour moi la différence de prononciation est criante! Tu veux dire que je fais partie d'une espèce en voie de disparition?
NLM76 a écrit:Mais il reste des gens qui ne prononcent pas "maître" comme "mètre", ni "patte" comme "pâte" — dans ce cas l'allongement est entremêlé à une différence de timbre.
"Il reste des gens"... mais pour moi la différence de prononciation est criante! Tu veux dire que je fais partie d'une espèce en voie de disparition?
- HocamSage
Totalement d'accord sur le circonflexe, un épiphénomène monté en épingle, mais hélas, comme je l'avais dit il y a quelques années, « signe extérieur de francitude » trop évident pour être tripatouillé sans montée au créneau.NLM76 a écrit:Là, c'est typiquement un choix qui me paraît malvenu. Tant qu'à simplifier, on simplifie. Dans ce cas, on écrit "charette, chariot, charetée, charoi..." Les doubles consonnes (sauf -ss-, évidemment) après un -a-, j'ai le sentiment que c'est vraiment le premier truc tordu qu'on pourrait passer par pertes et profits. Mais simplifier en étendant la complication à de nouveaux mots...trompettemarine a écrit:Dans mes souvenirs, la réforme de 1990 proposait d'écrire charriot.
Pour ce qui est de l'accent circonflexe, il est quand même important de comprendre qu'il est au carrefour de plusieurs logiques, dont la première est oubliée par la plupart : elle est phonétique. A l'origine, le circonflexe ne note pas la chute d'un -s. Il note le fait que cette chute a pour conséquence un allongement de la voyelle. Cet allongement s'est plus ou moins évanoui dans un grand nombre de variantes du français aujourd'hui. Mais il reste des gens qui ne prononcent pas "maître" comme "mètre", ni "patte" comme "pâte" — dans ce cas l'allongement est entremêlé à une différence de timbre. Ainsi, de seür, seüre est né sûr, sûre après la chute de l'-e atone, qui a lui aussi, si je ne me trompe, entraîné l'allongement de l'-u-.
La deuxième logique est distinctive : dans la plupart des cas, aujourd'hui, "dû" et "du" sont à peu près homophones, par exemple.
Enfin, la troisième logique est orthographique dans la mesure où il permet de rapprocher, comme le disait @zigmag, par exemple, "forêt" et "forestier".
Mais au total, il me semble que l'accent circonflexe est vraiment un épiphénomène monté en épingle aussi bien par les réactionnaires que par les progressistes. Il me semblerait de bon aloi de se dire que cette affaire n'est pas un drame ; en tout cas, que celui qui a un doute (faut-il un circonflexe, ou pas), s'autorise sereinement à choisir la solution de la simplicité : si j'ai un doute, je vais au plus simple, et je ne mets pas de circonflexe. Dans ce cas, je ne fais de "faute" répréhensible, je me contente de simplifier, d'abréger en quelque sorte la graphie.
Pour charriot, je suis assez d'accord sur le fond, mais la logique qui a présidé est d'accorder les séries brèves de la même famille en touchant le moins de mots possibles, et encore mieux en respectant l'étymologie : c'est le cas ici, on a carrus qui donne charrette, charrue, charron, charretier, charroyer... et chariot est tout seul avec son simple r. Après, je comprends ce que tu veux dire, mais ça entraîne vers d'autres horizons qui risquent d'en « ébouriffer » quelques-uns... C'est là qu'on en revient à ce que je disais plus haut : « simplification » est à prendre avec des pincettes, il vaut mieux parler ici d' « harmonisation ».
- NLM76Grand Maître
Tant que l'orthographe admise est celle-ci, je conseillerais ceci :Aperçu par hasard a écrit:Je veux bien, mais alors qu'on m'explique comment, par exemple, sur une base intuitive et sans avoir étudié l'étymologie, on détermine que l'accent circonflexe est là dans dans "gâteau" et pas dans "bateau".
- Dire que "gâteau", comme "gâter" devrait se prononcer — comme le font certains — avec un -a- long, plus vélaire, comme dans le "pâte" de ceux qui savent le distinguer de "patte". S'entraîner à le prononcer quelquefois ainsi, de sorte que ce circonflexe s'inscrive dans la mémoire auditive et buccale. En revanche, "bateau" ne peut pas se prononcer "bâteau".
- Utiliser des connaissances étymologiques que sinon tout le monde, du moins beaucoup de gens ont intuitivement, bien au-delà du cercle fermé des latinistes : celles qui viennent de la connaissance de l'anglais, qui marchent très souvent pour le circonflexe lié à un ancien -s. Cela marche pour forest et forêt ; cela marche aussi pour boat et bateau (qui a effectivement une origine germanique), comme pour gâter et waste.
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- Aperçu par hasardNeoprof expérimenté
NLM76 a écrit:Tant que l'orthographe admise est celle-ci, je conseillerais ceci :Aperçu par hasard a écrit:Je veux bien, mais alors qu'on m'explique comment, par exemple, sur une base intuitive et sans avoir étudié l'étymologie, on détermine que l'accent circonflexe est là dans dans "gâteau" et pas dans "bateau".
- Dire que "gâteau", comme "gâter" devrait se prononcer — comme le font certains — avec un -a- long, plus vélaire, comme dans le "pâte" de ceux qui savent le distinguer de "patte". S'entraîner à le prononcer quelquefois ainsi, de sorte que ce circonflexe s'inscrive dans la mémoire auditive et buccale. En revanche, "bateau" ne peut pas se prononcer "bâteau".[/li]
- Utiliser des connaissances étymologiques que sinon tout le monde, du moins beaucoup de gens ont intuitivement, bien au-delà du cercle fermé des latinistes : celles qui viennent de la connaissance de l'anglais, qui marchent très souvent pour le circonflexe lié à un ancien -s. Cela marche pour forest et forêt ; cela marche aussi pour boat et bateau (qui a effectivement une origine germanique), comme pour gâter et waste.[/li]
Merci pour ces précisions.
Pour "bateau" je trouve que c'est un cas intéressant. Parce que personnellement (et je pense que c'est aussi comme cela dans ma région d'origine), j'ai tendance à le prononcer avec un "a" plus long qu'il ne faudrait. Et le raisonnement intuitif (à quoi j'en suis réduit, n'ayant aucune connaissance en étymologie) pourrait aisément me mener à des hypothèses fantaisistes, puisque je pourrais être tenté de relier "bateau" à "bât", "bâter" - avec cette idée qu'il pourrait y avoir une parenté entre les termes du fait qu'il est ici et là question de transport... je pense que dans ce cas comme dans d'autres, l'intuition du Béotien a ses limites.
Et je veux bien que l'accent circonflexe soit un épiphénomène monté en épingle, il reste que c'est une occasion de se tromper, et que faire des fautes n'est jamais agréable.
- MathadorEmpereur
Cela me fait penser à un dessin du Canard qui était titré si je me souviens bien « En Algérie, le jeune c'est seulement pendant le Ramadan ! » (en référence à la démographie de la classe politique).zigmag17 a écrit:Merci NLM76 pour ces explications
Cette histoire d'accent circonflexe me fait penser non pas à une méthode pour éviter de se tromper , mais à des confusions cocasses possibles ( sans plus de recette à livrer pour éviter de se tromper ): "Aimer les petits jeunes" vs "aimer les petits jeûnes", par exemple . Ca ne fait pas avancer le schmilblick!!
_________________
"There are three kinds of lies: lies, damned lies, and statistics." (cité par Mark Twain)
« Vulnerasti cor meum, soror mea, sponsa; vulnerasti cor meum in uno oculorum tuorum, et in uno crine colli tui.
Quam pulchrae sunt mammae tuae, soror mea sponsa! pulchriora sunt ubera tua vino, et odor unguentorum tuorum super omnia aromata. » (Canticum Canticorum 4:9-10)
- NLM76Grand Maître
Tu as entièrement raison. D'abord, sur le sentiment de prononcer "bateau" avec un -a- long, sur l'intuition qui relie "bateau" à "bât", il me semble que tu réagis d'une façon tout à fait naturelle. D'abord, en reliant "bateau" à "bâter", tu fais en quelque sorte une "étymologie populaire", phénomène tout à fait naturel et constant dans une langue. On voit souvent à priori les étymologies populaires comme des "erreurs" ; certes au plan diachronique, elles le sont. Mais au plan synchronique, elles touchent sans aucun doute davantage à la vérité de la langue que les étymologies savantes. Surtout qu'en fait, on rapproche plus naturellement encore "bateau" de "bâtir, bâtisse" et surtout "bâtiment".Aperçu par hasard a écrit:Pour "bateau" je trouve que c'est un cas intéressant. Parce que personnellement (et je pense que c'est aussi comme cela dans ma région d'origine), j'ai tendance à le prononcer avec un "a" plus long qu'il ne faudrait. Et le raisonnement intuitif (à quoi j'en suis réduit, n'ayant aucune connaissance en étymologie) pourrait aisément me mener à des hypothèses fantaisistes, puisque je pourrais être tenté de relier "bateau" à "bât", "bâter" - avec cette idée qu'il pourrait y avoir une parenté entre les termes du fait qu'il est ici et là question de transport... je pense que dans ce cas comme dans d'autres, l'intuition du Béotien a ses limites.
Et je veux bien que l'accent circonflexe soit un épiphénomène monté en épingle, il reste que c'est une occasion de se tromper, et que faire des fautes n'est jamais agréable.
Maintenant, en l'espèce, il me semble que le phénomène d'étymologie populaire, qui consiste en gros à rapprocher pour le sens des mots qui ont certaines proximités dans leur structure phonique, connaît des interférences majeures.
Considérons un idiolecte dans lequel le locuteur ne fait pas la différence entre le -a- de "gâteau" et celui de "bateau". Il entend l'analogie entre "gâteau, bateau, râteau, château, plateau ; pataud ; vibrato, staccato, legato". Quand il apprend à lire et à écrire ces mots, il distingue assez facilement la première série des deux suivantes, l'une avec un seul nom lié à un adjectif dont le féminin rend l'orthographe assez facile à retenir, les autres qui interfèrent peu parce qu'ils relèvent d'une langue technique qu'on découvre généralement assez tard, et pour laquelle l'orthographe et la culture disent nettement qu'il s'agit de mots d'origine italienne. Il reste donc la série "gâteau, râteau, château ; bateau, plateau". Il est naturel que par analogie, on ait envie d'étendre le circonflexe aux deux noms restants, surtout que "bateau" peut être relié de façon assez vraisemblable à "bât, bâter ; bâtir, bâtiment". Mais en même temps, au moment où il apprend à écrire, ou plus tard, il a envie que s'accordent d'une façon ou d'une autre l'oral et l'écrit, et s'il entend des gens prononcer "gâteau" avec un -a- long vélaire, cela va satisfaire son besoin de cohérence ; il va se mettre à prononcer quelquefois "gâteau" avec un -a- vélaire long. Mais comme la distinction ne lui est pas naturelle, il va étendre malgré lui, intuitivement cette prononciation à "bateau", puisque c'est un mot sur lequel, fondamentalement, il a doute concernant l'orthographe. La confusion va perdurer ; elle peut s'étendre à un sociolecte, à une variante régionale...
Prenons maintenant un locuteur dont l'idiolecte est lié à une variante régionale qui distingue très naturellement les deux -a- de "gâteau" et de "bateau". Il ne devrait pas faire de "faute". Mais en même temps, dans son coin, on rapproche naturellement "bateau" de "bâtiment" et de "bât", malgré la légère différence phonétique, et à cause du fait que cette différence est quand même légère. Mais en plus ce qui se passe, c'est que sans doute, parmi les gens qui distinguent"bât" de "bas", nombreux sont ceux qui tendent à prononcer "batir", et plus encore "batiment", avec un -a- antérieur. Pourtant il sait intuitivement qu'on écrit "bâtiment", "bâtir", sans doute parce que quelque chose en lui sait qu'on "devrait" prononcer "bâtiment" avec un -a- postérieur, parce qu'il lui arrive de l'entendre ainsi. N'empêche : il s'habitue à ce que -â- note parfois un -a- antérieur, et ne note pas une différence phonétique, mais une différence étymologique. Donc il est naturel qu'il s'y perde aussi pour "bateau", aussi bien à l'oral qu'à l'écrit.
Autrement dit, écrire "bâteau" est certes une faute dans l'orthographe admise aujourd'hui ; mais le péché est tout ce qu'il y a de plus véniel, et signale au moins autant d'intelligence que d'ignorance. Il y a de quoi en sourire, mais certainement pas de quoi avoir honte.
- Spoiler:
- Et en plus, si on respectait l'étymologie, il faudrait écrire "bâteau" dans "monter un bateau", ou encore "bâteleur", parce que ces mots viennent de l'ancien français bastel, sans doute à rapprocher de bât et bâton.
Maintenant, si on veut transmettre l'orthographe admise aux jeunes gens qui ne font pas naturellement la différence entre "gâteau" et "bateau" pour ce qui est du -a-, il me semble de bon aloi de leur dire que l'on "devrait" (le conditionnel est important !) prononcer "gâteau", dans la langue la plus châtiée (mais que dans la langue courante de notre région, qui est tout à fait correcte, on ne fait pas la différence); ou qu'on note "gâteau" et "bateau" par égard pour d'autres variantes régionales du français (et l'on fait entendre et imiter ces prononciations plus distinctives). Et pour fixer le tout, on peut dire que "bateau" est lié à l'anglais "boat".
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- TailleventFidèle du forum
Il y a quand même beaucoup de cas où la logique devient parfaitement byzantine.
Exemple : il y a quelques minutes, voulant écrire un message juste, je vérifie un accord sur lequel j'ai un doute, celui de l'adjectif suivant l'expression "des plus". C'est sans aucun bonheur que je découvre qu'il y a DEUX règles, toutes deux parfaitement logiques et aboutissant néanmoins à des résultats opposés. (https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/21496/la-grammaire/ladjectif/accord-de-ladjectif/cas-particuliers-daccord-de-ladjectif-en-phrase/accord-de-ladjectif-avec-des-plus-des-moins-des-mieux)
Exemple : il y a quelques minutes, voulant écrire un message juste, je vérifie un accord sur lequel j'ai un doute, celui de l'adjectif suivant l'expression "des plus". C'est sans aucun bonheur que je découvre qu'il y a DEUX règles, toutes deux parfaitement logiques et aboutissant néanmoins à des résultats opposés. (https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/21496/la-grammaire/ladjectif/accord-de-ladjectif/cas-particuliers-daccord-de-ladjectif-en-phrase/accord-de-ladjectif-avec-des-plus-des-moins-des-mieux)
- valleExpert spécialisé
Mais là on retrouve (comme plus ou moins souvent quand le suket est évoqué) une discussion qui n'est pas sur l'orthographe, mais sur l'ensemble de la langue. L'accord après "des plus" ne sera une question d'orthographe que pour les adjectifs oralement invariables, mais pas pour "amical".
- TailleventFidèle du forum
Je suis largement d'accord. C'est nettement plus facile à réaliser oralement. Il n'en reste pas moins que ça m'a posé un problème d'orthographe.valle a écrit:Mais là on retrouve (comme plus ou moins souvent quand le suket est évoqué) une discussion qui n'est pas sur l'orthographe, mais sur l'ensemble de la langue. L'accord après "des plus" ne sera une question d'orthographe que pour les adjectifs oralement invariables, mais pas pour "amical".
- TailleventFidèle du forum
En relisant certains échanges ici, je repense à une remarque de Jean-Pierre Minaudier dans son irremplaçable Poésie du gérondif. (Si vous avez lu l'ouvrage, vous savez que ce qui suit n'est pas forcément à prendre trop sérieusement, mais tout de même. Si vous ne l'avez pas lu, je vous intime de vous y mettre.) Il s'interroge sur les subtilités quasi quantiques qui existent dans la grammaire de certaines langues. Il pose une hypothèse selon laquelle, dans certaines sociétés où la survie n'était pas trop compliquée, les habitants auraient pu avoir le temps de peaufiner leur langue pour la rendre "plus belle" mais aussi plus incompréhensible pour les voisins, en particulier en créant des grammaires très complexes. C'est évidemment en bonne partie une boutade mais je pense que, comme souvent chez Minaudier (vraiment, lisez-le, c'est un ordre ! vous me remercierez plus tard), il y a quelque chose de plus profond là-dessous.
Quand on lit les grammairiens du XVIIe siècle*, on sent bien 1) qu'ils avaient des terres leur assurant des revenus et donc du temps à perdre ; 2) qu'ils avaient une maîtrise de ce qu'ils construisaient eux-mêmes et de ses prérequis qui était considérable ; 3) qu'ils étaient très fier de faire mieux que les autres. Je vois ici des remarques qui me confirment largement cet aspect : la maîtrise de la langue constitue une sorte de distinction (Bourdieu vous expliquera, mais c'est moins fun que Minaudier, vous ne l'avez pas encore lu ?). Dans ce cadre, simplifier ne serait évidemment pas dans l'intérêt de ceux qui maîtrisent et perdraient une occasion de briller en société (qui a dit "d'écraser les autres" ?!?).
* Au passage, quelques remarques sur ces époques intéressantes de l'Ancien Régime. Les études des écrits privés montrent que, malgré le colossal temps libre dont ils disposaient, même les nobles avaient une maîtrise plus que perfectible des règles de la langue française. Je n'évoque même pas le cas des femmes, dont l'éducation était beaucoup moins axée sur ces questions…
Quand on lit les grammairiens du XVIIe siècle*, on sent bien 1) qu'ils avaient des terres leur assurant des revenus et donc du temps à perdre ; 2) qu'ils avaient une maîtrise de ce qu'ils construisaient eux-mêmes et de ses prérequis qui était considérable ; 3) qu'ils étaient très fier de faire mieux que les autres. Je vois ici des remarques qui me confirment largement cet aspect : la maîtrise de la langue constitue une sorte de distinction (Bourdieu vous expliquera, mais c'est moins fun que Minaudier, vous ne l'avez pas encore lu ?). Dans ce cadre, simplifier ne serait évidemment pas dans l'intérêt de ceux qui maîtrisent et perdraient une occasion de briller en société (qui a dit "d'écraser les autres" ?!?).
* Au passage, quelques remarques sur ces époques intéressantes de l'Ancien Régime. Les études des écrits privés montrent que, malgré le colossal temps libre dont ils disposaient, même les nobles avaient une maîtrise plus que perfectible des règles de la langue française. Je n'évoque même pas le cas des femmes, dont l'éducation était beaucoup moins axée sur ces questions…
- nonoHabitué du forum
Taillevent a écrit:En relisant certains échanges ici, je repense à une remarque de Jean-Pierre Minaudier dans son irremplaçable Poésie du gérondif. (Si vous avez lu l'ouvrage, vous savez que ce qui suit n'est pas forcément à prendre trop sérieusement, mais tout de même. Si vous ne l'avez pas lu, je vous intime de vous y mettre.) Il s'interroge sur les subtilités quasi quantiques qui existent dans la grammaire de certaines langues. Il pose une hypothèse selon laquelle, dans certaines sociétés où la survie n'était pas trop compliquée, les habitants auraient pu avoir le temps de peaufiner leur langue pour la rendre "plus belle" mais aussi plus incompréhensible pour les voisins, en particulier en créant des grammaires très complexes. C'est évidemment en bonne partie une boutade mais je pense que, comme souvent chez Minaudier (vraiment, lisez-le, c'est un ordre ! vous me remercierez plus tard), il y a quelque chose de plus profond là-dessous.
Quand on lit les grammairiens du XVIIe siècle*, on sent bien 1) qu'ils avaient des terres leur assurant des revenus et donc du temps à perdre ; 2) qu'ils avaient une maîtrise de ce qu'ils construisaient eux-mêmes et de ses prérequis qui était considérable ; 3) qu'ils étaient très fier de faire mieux que les autres. Je vois ici des remarques qui me confirment largement cet aspect : la maîtrise de la langue constitue une sorte de distinction (Bourdieu vous expliquera, mais c'est moins fun que Minaudier, vous ne l'avez pas encore lu ?). Dans ce cadre, simplifier ne serait évidemment pas dans l'intérêt de ceux qui maîtrisent et perdraient une occasion de briller en société (qui a dit "d'écraser les autres" ?!?).
* Au passage, quelques remarques sur ces époques intéressantes de l'Ancien Régime. Les études des écrits privés montrent que, malgré le colossal temps libre dont ils disposaient, même les nobles avaient une maîtrise plus que perfectible des règles de la langue française. Je n'évoque même pas le cas des femmes, dont l'éducation était beaucoup moins axée sur ces questions…
Tu m'as vraiment donné envie de le lire. Je le commande dès mon retour de vacances.
Et j'aime beaucoup ce qu'il en est dit sur Amazon :
" Historien de formation, gros consommateur de littérature et de bandes dessinées depuis mon adolescence, j'ai, sur la quarantaine, traversé une drôle de crise: durant plus de cinq ans, je ne suis pratiquement arrivé à lire que des livres de linguistique, essentiellement des grammaires de langues rares et lointaines. Aujourd'hui le gros de l'orage est passé, mais je persiste à consommer nettement plus de linguistique que de romans. Je n'apprends pas ces langues: à part l'espagnol, l'anglais et deux mots d'allemand, je ne sais passablement que l'estonien, et je me suis quand même récemment mis au basque car c'est de loin la langue la plus exotique d'Europe. Mais j'en collectionne les grammaires - je possède à ce jour très exactement 1.149 ouvrages de linguis tique concernant 856 langues, dont 620 font l'objet d'une description complète. Je les dévore comme d'autres dévorent des romans policiers, comme le rentier balzacien dévorait les cours de la Bourse, comme les jeunes filles du temps jadis dévoraient Lamartine, frénétiquement, la nuit, le jour, chez moi, dans les diligences (pardon, le métro), en vacances, en rêve. Il y a longtemps en revanche que j'ai appris à m'en tenir à d'autres sujets dans les soirées en ville, car je ne tiens pas spécialement à dîner avec Lucullus. "
Jean-Pierre MINAUDIER est né en 1961 à Lyon. Diplômé de l'ENS, professeur d'histoire en hypokhâgne et khâgne, traducteur, il est également chargé de cours d'histoire estonienne et de tra duction littéraire depuis l'es to nien à l'INALCO et enseigne le basque à la Maison Basque de Paris. Son temps libre est assez compté.
_________________
Prof en LP
- NLM76Grand Maître
Pourquoi sans bonheur ? La liberté t'angoisse ? C'est assez naturel ; mais quand même on peut arriver à s'en accommoder — surtout quand elle concerne un domaine aussi circonscrit que l'accord de l'adjectif après "des plus". Et puis cela démontre le contraire de ce que tu dis. En l'espèce, ça n'a rien de byzantin. Les deux logiques se tiennent ; donc les deux orthographes sont valides — cela dépend cela de ce que tu signifies. Cela dit, je ne crois pas que quiconque ici ait voulu démontrer que l'orthographe admise était la plus logique qui soit. Elle est ce qu'elle est, et quand on enseigne, il est bon d'y repérer une certaine logique, afin de la transmettre efficacement.Taillevent a écrit:Il y a quand même beaucoup de cas où la logique devient parfaitement byzantine.
Exemple : il y a quelques minutes, voulant écrire un message juste, je vérifie un accord sur lequel j'ai un doute, celui de l'adjectif suivant l'expression "des plus". C'est sans aucun bonheur que je découvre qu'il y a DEUX règles, toutes deux parfaitement logiques et aboutissant néanmoins à des résultats opposés. (https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/21496/la-grammaire/ladjectif/accord-de-ladjectif/cas-particuliers-daccord-de-ladjectif-en-phrase/accord-de-ladjectif-avec-des-plus-des-moins-des-mieux)
Taillevent a écrit:En relisant certains échanges ici, je repense à une remarque de Jean-Pierre Minaudier dans son irremplaçable Poésie du gérondif. (Si vous avez lu l'ouvrage, vous savez que ce qui suit n'est pas forcément à prendre trop sérieusement, mais tout de même. Si vous ne l'avez pas lu, je vous intime de vous y mettre.) Il s'interroge sur les subtilités quasi quantiques qui existent dans la grammaire de certaines langues. Il pose une hypothèse selon laquelle, dans certaines sociétés où la survie n'était pas trop compliquée, les habitants auraient pu avoir le temps de peaufiner leur langue pour la rendre "plus belle" mais aussi plus incompréhensible pour les voisins, en particulier en créant des grammaires très complexes. C'est évidemment en bonne partie une boutade mais je pense que, comme souvent chez Minaudier (vraiment, lisez-le, c'est un ordre ! vous me remercierez plus tard), il y a quelque chose de plus profond là-dessous.
Quand on lit les grammairiens du XVIIe siècle*, on sent bien 1) qu'ils avaient des terres leur assurant des revenus et donc du temps à perdre ; 2) qu'ils avaient une maîtrise de ce qu'ils construisaient eux-mêmes et de ses prérequis qui était considérable ; 3) qu'ils étaient très fier de faire mieux que les autres. Je vois ici des remarques qui me confirment largement cet aspect : la maîtrise de la langue constitue une sorte de distinction (Bourdieu vous expliquera, mais c'est moins fun que Minaudier, vous ne l'avez pas encore lu ?). Dans ce cadre, simplifier ne serait évidemment pas dans l'intérêt de ceux qui maîtrisent et perdraient une occasion de briller en société (qui a dit "d'écraser les autres" ?!?).
* Au passage, quelques remarques sur ces époques intéressantes de l'Ancien Régime. Les études des écrits privés montrent que, malgré le colossal temps libre dont ils disposaient, même les nobles avaient une maîtrise plus que perfectible des règles de la langue française. Je n'évoque même pas le cas des femmes, dont l'éducation était beaucoup moins axée sur ces questions…
Tu crois vraiment que seuls les riches se créent des particularités linguistiques qui leur permettent de se distinguer des autres ? Je pense qu'effectivement, de nombreuses caractéristiques linguistiques n'ont pas tellement une fonction "communicative", mais davantage identitaire : il s'agit de se donner les moyens de se reconnaître comme appartenant à une communauté. Et cela existe dans toutes les langues, dans tous les sociolectes, dans tous les variétés régionales d'une langue.
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- TailleventFidèle du forum
@NLM76
Pour le premier point, comme je l'a dit, c'est en absolu logique et effectivement, c'est très spécifique.
Sur la question de la distinction, je ne dis pas que seuls les puissants créent des faits de langue. Les sociolectes sont effectivement une réalité très répandue. Par contre, l'effet de ces distinctions n'est pas le même. Tu me diras que j'enfonce une porte ouverte en signalant que cet élément permet, comme d'autres, aux puissants de renforcer leur domination mais je pense que ça n'est pas inutile de le rappeler dans le débat qui nous occupe (et j'aimais bien le fait que Minaudier permette d'extraire cette réflexion du strict cadre du français).
@nono Ravi de t'avoir donné envie, c'était un peu le but. Tu verras que le ton du texte vaut son pesant de cacahuètes ; la présentation que tu cites t'en auras donné une (mince) idée.
Pour le premier point, comme je l'a dit, c'est en absolu logique et effectivement, c'est très spécifique.
Sur la question de la distinction, je ne dis pas que seuls les puissants créent des faits de langue. Les sociolectes sont effectivement une réalité très répandue. Par contre, l'effet de ces distinctions n'est pas le même. Tu me diras que j'enfonce une porte ouverte en signalant que cet élément permet, comme d'autres, aux puissants de renforcer leur domination mais je pense que ça n'est pas inutile de le rappeler dans le débat qui nous occupe (et j'aimais bien le fait que Minaudier permette d'extraire cette réflexion du strict cadre du français).
@nono Ravi de t'avoir donné envie, c'était un peu le but. Tu verras que le ton du texte vaut son pesant de cacahuètes ; la présentation que tu cites t'en auras donné une (mince) idée.
- LurkerNiveau 2
Je n'évoque même pas le cas des femmes, dont l'éducation était beaucoup moins axée sur ces questions…
et pour cause, l'orthographe de l'academie s'attachait aux origines, notamment latine des mots, et on n'enseignait pas le latin au femmes (c
En 1673, l’Académie française demande donc à l’un de ses membres, François Eudes de Mézeray, d’établir des règles pour l’orthographe française. Eudes de Mézeray était entré à l’Académie en 1643, succédant à Voiture. [...] . Pour Mézeray, l’Académie doit préférer « l’ancienne orthographe, qui distingue les gens de Lettres d’avec les Ignorants et les simples femmes »..
https://www.academie-francaise.fr/lorthographe-histoire-dune-longue-querelle
- TailleventFidèle du forum
Absolument. Cela va même encore plus loin : non seulement on ne leur enseignait pas le latin, mais très peu le français non plus.Lurker a écrit:Je n'évoque même pas le cas des femmes, dont l'éducation était beaucoup moins axée sur ces questions…
et pour cause, l'orthographe de l'academie s'attachait aux origines, notamment latine des mots, et on n'enseignait pas le latin au femmes (c
En 1673, l’Académie française demande donc à l’un de ses membres, François Eudes de Mézeray, d’établir des règles pour l’orthographe française. Eudes de Mézeray était entré à l’Académie en 1643, succédant à Voiture. [...] . Pour Mézeray, l’Académie doit préférer « l’ancienne orthographe, qui distingue les gens de Lettres d’avec les Ignorants et les simples femmes »..
https://www.academie-francaise.fr/lorthographe-histoire-dune-longue-querelle
- VoltaireNiveau 10
Et en ceci on est revenu au point de départ (en y adjoignant les garçons au passage)Taillevent a écrit:
Absolument. Cela va même encore plus loin : non seulement on ne leur enseignait pas le latin, mais très peu le français non plus.
- HocamSage
Hmm, il semble assez clair que ce que voulait dire @Taillevent, c'est que ce sont ces petites coteries de grammairiens et/ou d'Académiciens qui étaient du bon côté du manche de la langue, et c'est leur lourd héritage d'incohérences et de revirements que nous payons aujourd'hui. Ce sont eux qui, en matière d'orthographe en particulier, ont fait et font encore la pluie et le beau temps. Le nombre de fois, sur ce forum, où des intervenants se permettent de faire appel à la notion d'usage (« l'Usâââââge », comme aurait dit Jean d'Ormesson), en oubliant qu'en fait, cet usage est en grande partie celui de ces gens-là, fait peur à voir. Firmin-Didot encore une fois, en 1868 :NLM76 a écrit:
Tu crois vraiment que seuls les riches se créent des particularités linguistiques qui leur permettent de se distinguer des autres ? Je pense qu'effectivement, de nombreuses caractéristiques linguistiques n'ont pas tellement une fonction "communicative", mais davantage identitaire : il s'agit de se donner les moyens de se reconnaître comme appartenant à une communauté. Et cela existe dans toutes les langues, dans tous les sociolectes, dans tous les variétés régionales d'une langue.
Ambroise Firmin-Didot a écrit:Jusqu'au commencement de ce siècle, son Dictionnaire [de l'Académie], moins répandu, n'avait pas acquis l'autorité dont il jouit universellement ; de sorte qu'il restait à chacun quelque liberté pour modifier l'orthographe, soit dans le manuscrit, soit dans l'impression. C'est ainsi qu'avaient pu et que pouvaient encore se faire jour les préférences en matière d'écriture de ceux qu'on nommait alors « les honnêtes gens » et dont la manière était désignée sous ce nom : l'Usage.
Mais l'Usage, que l'Académie invoquait jusqu'en 1835 comme sa règle, n'a plus aujourd'hui de raison d'être ; le Dictionnaire est là qui s'oppose à tout changement : chaque écrivain, chaque imprimerie, s'est soumis à la loi : elle y est gravée ; les journaux, par leur immense publicité, l'ont propagée partout ; personne n'oserait la braver.
- LurkerNiveau 2
Pour en revenir aux etrangers, les allemands avant de s'attaquer à l'orthographe, etudient en primaire longuement les sons pour pouvoir bien differencier les mots composés de sons voisins mais differents (eg i "court" , i long). Cela mobilise du temps et de l'effort (cahier de "sons" et tutti quanti). Une fois ceci assimilié les choses sont plus simples, puisque les mots s'ecrivent essentiellement comme ils se prononcent.
La ou cela se complique avec le francais, c'est qu'une partie des phonemes ne sont plus vraiment differenciés par un nombre croisant de locuteurs natifs. En bonus le meme grapheme peut denoter une modulation du son ou/et un rappel historique (est il vraiment necessaire de materialiser dans l'ecriture courrante que « forêt » vient du latin « forestis » et cousin de l'anglais "forest". Que guêpe » vient du latin « vespa » (comme le scooter) et mais n'est cousin de l'anglais "wasp" et de l'allemand "Wespe" que de maniere plus lointaine).
Sans parler qu'il ne suffit pas toujours de savoir uniquement le grec et le latin. D'ou vient le deuxieme m du prénom Emmanuel ?
L'hebreux pourtant ne begaille pas pas : עִמָּנוּאֵל pourtant les transliterations en grec ancien et en latin si. Des hebraisants m'ont dit que c'etait du au nedukuda du mem (מָּ se transliterant en une double consonne pour differentes raisons que j'ignore) mais cela passe au dessus de la tete de la plus part des locuteurs natifs (de l'hebreux) qui transcrivent allegrement Emanuel (comme les italiens d'ailleurs et apparament les grecs modernes).
Que gagne t on en France a toujours ecrire en Emmanuel avec deux m quand ni les israeliens, ni les grecs, ni les italiens ne le font ? (nous ne sommes pas les seuls ceci etant dit)
L.
La ou cela se complique avec le francais, c'est qu'une partie des phonemes ne sont plus vraiment differenciés par un nombre croisant de locuteurs natifs. En bonus le meme grapheme peut denoter une modulation du son ou/et un rappel historique (est il vraiment necessaire de materialiser dans l'ecriture courrante que « forêt » vient du latin « forestis » et cousin de l'anglais "forest". Que guêpe » vient du latin « vespa » (comme le scooter) et mais n'est cousin de l'anglais "wasp" et de l'allemand "Wespe" que de maniere plus lointaine).
Sans parler qu'il ne suffit pas toujours de savoir uniquement le grec et le latin. D'ou vient le deuxieme m du prénom Emmanuel ?
L'hebreux pourtant ne begaille pas pas : עִמָּנוּאֵל pourtant les transliterations en grec ancien et en latin si. Des hebraisants m'ont dit que c'etait du au nedukuda du mem (מָּ se transliterant en une double consonne pour differentes raisons que j'ignore) mais cela passe au dessus de la tete de la plus part des locuteurs natifs (de l'hebreux) qui transcrivent allegrement Emanuel (comme les italiens d'ailleurs et apparament les grecs modernes).
Que gagne t on en France a toujours ecrire en Emmanuel avec deux m quand ni les israeliens, ni les grecs, ni les italiens ne le font ? (nous ne sommes pas les seuls ceci etant dit)
L.
- Aperçu par hasardNeoprof expérimenté
Ce fil m'amène à me poser pas mal de questions en tant que non spécialiste - des questions qui ne touchent peut-être pas directement au cœur du débat, mais qui ne me paraissent pas sans lien ni sans intérêt. Cela dit, ceux qui s'y connaissent les trouveront probablement triviales.
Par exemple, quelqu'un a dit, je crois, qu'une langue est un dialecte avec une armée et une marine, ou quelque chose comme cela. Ce que je comprends comme: la différence dialecte/langue s'ancre dans le politique, une langue étant appuyée sur l'exercice d'un pouvoir et donc sur la possibilité de définir une norme. Mais peut-on dire de ce fait qu'une langue est forcément appuyée, aussi, sur un organe régulateur? En France, nous avons l'Académie, une vieille institution autour de laquelle flotte un vague parfum d'ancien régime, presque de droit divin. Ce qui, me dis-je, n'est peut-être pas sans incidence sur - ou, pris sous un autre angle, est peut-être assez révélateur de - notre rapport à la langue. Mais comment cela se passe-t-il ailleurs? Le modèle de l'académie (comme instance régulatrice face à l'usage) est-il largement dominant? Existe-t-il d'autres types d'organes régulateurs? Avec des fonctionnements proches ou différents, voire très différents de celui du modèle académique? Une langue sans instance régulatrice est-elle cependant possible? Et s'il existe des modèles très contrastés dans la régulation des langues, cela se traduit-il par des différences sensibles dans les modes d'évolution et finalement les formes des langues elles-mêmes?
Toutes ces choses s'étudient, je suppose. Cela semble un champ très intéressant au croisement du linguistique, du social et du politique, non?
Par exemple, quelqu'un a dit, je crois, qu'une langue est un dialecte avec une armée et une marine, ou quelque chose comme cela. Ce que je comprends comme: la différence dialecte/langue s'ancre dans le politique, une langue étant appuyée sur l'exercice d'un pouvoir et donc sur la possibilité de définir une norme. Mais peut-on dire de ce fait qu'une langue est forcément appuyée, aussi, sur un organe régulateur? En France, nous avons l'Académie, une vieille institution autour de laquelle flotte un vague parfum d'ancien régime, presque de droit divin. Ce qui, me dis-je, n'est peut-être pas sans incidence sur - ou, pris sous un autre angle, est peut-être assez révélateur de - notre rapport à la langue. Mais comment cela se passe-t-il ailleurs? Le modèle de l'académie (comme instance régulatrice face à l'usage) est-il largement dominant? Existe-t-il d'autres types d'organes régulateurs? Avec des fonctionnements proches ou différents, voire très différents de celui du modèle académique? Une langue sans instance régulatrice est-elle cependant possible? Et s'il existe des modèles très contrastés dans la régulation des langues, cela se traduit-il par des différences sensibles dans les modes d'évolution et finalement les formes des langues elles-mêmes?
Toutes ces choses s'étudient, je suppose. Cela semble un champ très intéressant au croisement du linguistique, du social et du politique, non?
- MinerveNiveau 4
Hocam a écrit:
Hmm, il semble assez clair que ce que voulait dire @Taillevent, c'est que ce sont ces petites coteries de grammairiens et/ou d'Académiciens qui étaient du bon côté du manche de la langue, et c'est leur lourd héritage d'incohérences et de revirements que nous payons aujourd'hui. Ce sont eux qui, en matière d'orthographe en particulier, ont fait et font encore la pluie et le beau temps. Le nombre de fois, sur ce forum, où des intervenants se permettent de faire appel à la notion d'usage (« l'Usâââââge », comme aurait dit Jean d'Ormesson), en oubliant qu'en fait, cet usage est en grande partie celui de ces gens-là, fait peur à voir. Firmin-Didot encore une fois, en 1868 :Ambroise Firmin-Didot a écrit:Jusqu'au commencement de ce siècle, son Dictionnaire [de l'Académie], moins répandu, n'avait pas acquis l'autorité dont il jouit universellement ; de sorte qu'il restait à chacun quelque liberté pour modifier l'orthographe, soit dans le manuscrit, soit dans l'impression. C'est ainsi qu'avaient pu et que pouvaient encore se faire jour les préférences en matière d'écriture de ceux qu'on nommait alors « les honnêtes gens » et dont la manière était désignée sous ce nom : l'Usage.
Mais l'Usage, que l'Académie invoquait jusqu'en 1835 comme sa règle, n'a plus aujourd'hui de raison d'être ; le Dictionnaire est là qui s'oppose à tout changement : chaque écrivain, chaque imprimerie, s'est soumis à la loi : elle y est gravée ; les journaux, par leur immense publicité, l'ont propagée partout ; personne n'oserait la braver.
Manifestement cet homme est né trop tôt ... sans doute aurait-il loué le courage des élèves et parfois de l'administration qui bravent l'Académie tous les jours !!
- NLM76Grand Maître
Oui, j'avais bien compris. Mais c'est justement à cette caricature que je m'en prenais. Elle me paraît complètement à côté de la plaque. Si notre orthographe est relativement incohérente, c'est à mon avis du fait qu'un très grand nombre de "coteries" l'ont façonnée, et ceux qui résistent le plus aux réformes orthographiques, ce ne sont pas les "élites", mais le peuple, et plus précisément ceux que l'élite appelle avec mépris les "demi-lettrés" : les instituteurs, les professeurs de français, l'immense majorité des Français qui sont allés à l'école.Hocam a écrit:
Hmm, il semble assez clair que ce que voulait dire @Taillevent, c'est que ce sont ces petites coteries de grammairiens et/ou d'Académiciens qui étaient du bon côté du manche de la langue, et c'est leur lourd héritage d'incohérences et de revirements que nous payons aujourd'hui. Ce sont eux qui, en matière d'orthographe en particulier, ont fait et font encore la pluie et le beau temps. Le nombre de fois, sur ce forum, où des intervenants se permettent de faire appel à la notion d'usage (« l'Usâââââge », comme aurait dit Jean d'Ormesson), en oubliant qu'en fait, cet usage est en grande partie celui de ces gens-là, fait peur à voir.
Si ça ne tenait qu'à moi, tu le sais déjà, je serais plutôt pour des "simplifications" assez radicales de l'orthographe ; mais je sais que cela ne tient pas qu'à moi, et que ça tient à peine plus à l'académie française & co.
- Spoiler:
- Non, tu n'es pas toi aussi adepte de cette horreur de "et/ou" ! En l'espèce, il "et" aurait été très clair.
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- Interview de Nicole Belloubet à l'occasion de la publication du Rapport sur la Refondation de l'Ecole : "Il faut cesser de dire qu'il faut absolument lire et écrire à la fin du primaire".
- Faut-il faire signer et donc lire notre dossier RAEP à notre chef d'établissement ?
- Faut-il absolument étudier une pièce du XVIIe en 5e ?
- Tant d'erreurs d'orthographe... mais pourquoi ?
- Pourquoi faut-il réformer ?
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum