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- TailleventFidèle du forum
Suite à une évocation dans un autre fil, je voulais lancer la discussion sur les romans Paresse pour tous et La vie est à nous d'Hadrien Klent.
Il s'agit de récits d'anticipation politique, portant respectivement sur la campagne présidentiel et une partie de l'exercice du pouvoir par un président, économiste de formation, ayant axé son programme sur une idée simple : le passage à la semaine de 15 heures. Les ouvrages, surtout le second, contiennent aussi une réflexion assez poussée sur les structures politiques et la manière d'exercer le pouvoir.
Je ne sais pas si ça vous dit d'en parler un peu, aussi bien au plan littéraire qu'au niveau des idées véhiculées.
Je commence :
D'abord, j'ai vraiment eu beaucoup de plaisir à lire ces ouvrages. Le style est très fluide, dessinant une action bien menée et tendue par une action ramassée sur quelques jours (avec pas mal d'analepses pour retracer la réflexion ayant mené aux idées proposées). Il y a aussi une forme de polyphonie, chaque roman suivant plusieurs personnages en parallèle, qui va bien avec les idées mises en avant (en particulier la moindre personnalisation du pouvoir).
Au plan plus intellectuel et politique, j'ai simplement adoré. Il faut dire que ce que proposent ces romans réagit particulièrement bien avec des réflexions qui m'agitent depuis un bon moment. C'est largement documenté (il y a de belles bibliographies à la fin de chaque volume) et ça repose sur des propositions d'économistes sérieux, c'est donc du solide, si utopique que ça paraisse. Je précise que, particulièrement dans le second volume, les difficultés de mise en œuvre ne sont pas éludées et que des pistes de solution sont abordées (même si un peu rapidement, je l'admets).
Bref, à la fois un vrai plaisir de lecture et une bonne nourriture pour des réflexions de fond sur notre société.
Il s'agit de récits d'anticipation politique, portant respectivement sur la campagne présidentiel et une partie de l'exercice du pouvoir par un président, économiste de formation, ayant axé son programme sur une idée simple : le passage à la semaine de 15 heures. Les ouvrages, surtout le second, contiennent aussi une réflexion assez poussée sur les structures politiques et la manière d'exercer le pouvoir.
Je ne sais pas si ça vous dit d'en parler un peu, aussi bien au plan littéraire qu'au niveau des idées véhiculées.
Je commence :
D'abord, j'ai vraiment eu beaucoup de plaisir à lire ces ouvrages. Le style est très fluide, dessinant une action bien menée et tendue par une action ramassée sur quelques jours (avec pas mal d'analepses pour retracer la réflexion ayant mené aux idées proposées). Il y a aussi une forme de polyphonie, chaque roman suivant plusieurs personnages en parallèle, qui va bien avec les idées mises en avant (en particulier la moindre personnalisation du pouvoir).
Au plan plus intellectuel et politique, j'ai simplement adoré. Il faut dire que ce que proposent ces romans réagit particulièrement bien avec des réflexions qui m'agitent depuis un bon moment. C'est largement documenté (il y a de belles bibliographies à la fin de chaque volume) et ça repose sur des propositions d'économistes sérieux, c'est donc du solide, si utopique que ça paraisse. Je précise que, particulièrement dans le second volume, les difficultés de mise en œuvre ne sont pas éludées et que des pistes de solution sont abordées (même si un peu rapidement, je l'admets).
Bref, à la fois un vrai plaisir de lecture et une bonne nourriture pour des réflexions de fond sur notre société.
- zigmag17Guide spirituel
"Paresse pour tous" je vais le relire car je compte en faire étudier des extraits à mes élèves de term bac pro l' année prochaine, il se prête parfaitement à leur thème d'étude et j'avais adoré ce roman, écrit en effet dans un style fluide et agréable.
Je l'avais perçu comme une intéressante utopie.
Je ne connais pas le second, je vais m'y plonger!
Je repasserai plus tard par ici pour faire des compte-rendus frais et détaillés !
Je l'avais perçu comme une intéressante utopie.
Je ne connais pas le second, je vais m'y plonger!
Je repasserai plus tard par ici pour faire des compte-rendus frais et détaillés !
- uneodysséeNeoprof expérimenté
Ah, merci Taillevent !!!
Je les ai dévorés chacun en un jour (c’est-à-dire en veillant très tard pour les terminer…).
Je plussoie sur les deux plans.
C’est alerte, et joyeux. J’ai relevé un petit défaut de relecture, une explication donnée deux fois, sans doute l’auteur avait-il oublié l’avoir placée ailleurs et cela a échappé à l’éditeur. Mais ce n’est pas grand chose au regard de l’énergie qui en émane. Les réflexions sont menées de manière plaisante, souvent par les dialogues des personnages. J’ai eu l’occasion d’en lire un passage (le débat télévisé avec la principale opposante) lors d’un atelier d’écriture, cela a beaucoup plu à mon auditoire. Il y a beaucoup d’humour et de légèreté.
Sur le fond, c’est très nourrissant et stimulant. On est pleinement dans ce fameux «renouvellement des imaginaires» qui a longtemps fait défaut, avec un côté très réaliste, très ancré dans l’aujourd’hui (contrairement à Eutopia qui nous transporte loin dans un monde bien meilleur) qui laisse toute sa place à l’optimisme.
Je les ai dévorés chacun en un jour (c’est-à-dire en veillant très tard pour les terminer…).
Je plussoie sur les deux plans.
C’est alerte, et joyeux. J’ai relevé un petit défaut de relecture, une explication donnée deux fois, sans doute l’auteur avait-il oublié l’avoir placée ailleurs et cela a échappé à l’éditeur. Mais ce n’est pas grand chose au regard de l’énergie qui en émane. Les réflexions sont menées de manière plaisante, souvent par les dialogues des personnages. J’ai eu l’occasion d’en lire un passage (le débat télévisé avec la principale opposante) lors d’un atelier d’écriture, cela a beaucoup plu à mon auditoire. Il y a beaucoup d’humour et de légèreté.
Sur le fond, c’est très nourrissant et stimulant. On est pleinement dans ce fameux «renouvellement des imaginaires» qui a longtemps fait défaut, avec un côté très réaliste, très ancré dans l’aujourd’hui (contrairement à Eutopia qui nous transporte loin dans un monde bien meilleur) qui laisse toute sa place à l’optimisme.
- NihtFidèle du forum
Ouh que cela a l'air intéressant ! Merci pour la référence !
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Burnt me at the stake, you thought I was a witch
Centuries ago, now you just call me a bitch
Man's world, Marina
- TailleventFidèle du forum
Je confirme, c'est passionnant. Je ne compte plus le nombre de fois que j'ai conseillé ces livres et ç'a souvent donné lien ensuite à de vives discussions.
@uneodyssée Merci beaucoup ! Tu as réussi à mettre des mots sur des sensations que j'avais peine à placer dans mon commentaire. Il y a effectivement un joyeux renouvellement des imaginaires qui manque bien souvent dans les idées progressistes.
@uneodyssée Merci beaucoup ! Tu as réussi à mettre des mots sur des sensations que j'avais peine à placer dans mon commentaire. Il y a effectivement un joyeux renouvellement des imaginaires qui manque bien souvent dans les idées progressistes.
- nicole 86Expert spécialisé
Je ne connaissais pas, dommage pas disponible pour le moment à la médiathèque.
Oui, je suis du genre à les vouloir, là tout de suite
Oui, je suis du genre à les vouloir, là tout de suite
- lene75Prophète
Vous me donnez envie ! Bon, j'ai d'abord une pile de copies et de livres à finir, mais je garde les références sous le coude.
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Une classe, c'est comme une boîte de chocolats, on sait jamais sur quoi on va tomber...
- Pat BÉrudit
J'ai adoré "Paresse pour tous", il faut que j'achète "La vie est à nous", je ne savais pas qu'il existait !
Il faut dire que je n'ai absolument pas le temps de suivre l'actualité littéraire...
Je profite du sujet pour poser une question. Je cherche une idée de petit cadeau pour mon mari qui n'est pas fan des romans, il préfère des bouquins de philo / réflexion (ou témoignages mais ce n'est pas le sujet ici... et en réalité il n'a jamais le temps de lire sauf les journaux) ; je cherche un bouquin philosophique sur le même thème ; je pense en particulier à celui qui avait inspiré la chanson de Moustaki "Le droit à la paresse".
Quand je cherche sur internet, je trouve le livre du même titre, de Paul Lafargue, et un autre qui s'appelle "Eloge de la Paresse" de Eugène Marsan. Est-ce que vous connaissez ? Lequel recommanderiez-vous, lequel est le plus abordable ?
(désolée si je suis hors sujet... mais de mémoire ces deux bouquins doivent être dans la bibliographie de Hadrien Klent, à la fin du livre, donc c'est pas totalement HS !)
Il faut dire que je n'ai absolument pas le temps de suivre l'actualité littéraire...
Je profite du sujet pour poser une question. Je cherche une idée de petit cadeau pour mon mari qui n'est pas fan des romans, il préfère des bouquins de philo / réflexion (ou témoignages mais ce n'est pas le sujet ici... et en réalité il n'a jamais le temps de lire sauf les journaux) ; je cherche un bouquin philosophique sur le même thème ; je pense en particulier à celui qui avait inspiré la chanson de Moustaki "Le droit à la paresse".
Quand je cherche sur internet, je trouve le livre du même titre, de Paul Lafargue, et un autre qui s'appelle "Eloge de la Paresse" de Eugène Marsan. Est-ce que vous connaissez ? Lequel recommanderiez-vous, lequel est le plus abordable ?
(désolée si je suis hors sujet... mais de mémoire ces deux bouquins doivent être dans la bibliographie de Hadrien Klent, à la fin du livre, donc c'est pas totalement HS !)
- EdithWGrand sage
Le bouquin « La Vie Solide » sous titré La charpente comme éthique du faire, est un très beau livre écrit par un traducteur (de philosophie allemande) devenu charpentier, Arthur Lochman. Je l’ai offert à plusieurs personnes qui ont toutes adoré. C’est accessible et extrêmement intelligent et profond, sur la richesse du faire, de l’être et du savoir.
- EdithWGrand sage
nicole 86 a écrit:Je ne connaissais pas, dommage pas disponible pour le moment à la médiathèque.
Oui, je suis du genre à les vouloir, là tout de suite
Je les ai commandés chez mon libraire, arrivée prévue dans une semaine.
- lene75Prophète
Pat B a écrit:J'ai adoré "Paresse pour tous", il faut que j'achète "La vie est à nous", je ne savais pas qu'il existait !
Il faut dire que je n'ai absolument pas le temps de suivre l'actualité littéraire...
Je profite du sujet pour poser une question. Je cherche une idée de petit cadeau pour mon mari qui n'est pas fan des romans, il préfère des bouquins de philo / réflexion (ou témoignages mais ce n'est pas le sujet ici... et en réalité il n'a jamais le temps de lire sauf les journaux) ; je cherche un bouquin philosophique sur le même thème ; je pense en particulier à celui qui avait inspiré la chanson de Moustaki "Le droit à la paresse".
Quand je cherche sur internet, je trouve le livre du même titre, de Paul Lafargue, et un autre qui s'appelle "Eloge de la Paresse" de Eugène Marsan. Est-ce que vous connaissez ? Lequel recommanderiez-vous, lequel est le plus abordable ?
(désolée si je suis hors sujet... mais de mémoire ces deux bouquins doivent être dans la bibliographie de Hadrien Klent, à la fin du livre, donc c'est pas totalement HS !)
Je ne connais pas ces deux-là.
Sinon, ça dépend de ce que tu appelles philo. Il y a un petit essai de Russell, très court, qui s'appelle Éloge de l'oisiveté. C'est très accessible, mais pas grand public au sens où pas romancé : il n'y a pas d'effets de manche ou autre suspens qui tiendrait le lecteur en haleine comme dans les livres de philo populaire. Mais il n'y a aucune difficulté d'accès au sens.
Édit : ça ne résoudra pas ton problème de cadeau si tu choisis cette option, mais il est aussi accessible gratuitement en ligne ici http://classiques.uqac.ca/contemporains/russell_bertrand/Eloge_oisivete/Eloge_oisivete.html
- uneodysséeNeoprof expérimenté
D’ailleurs, il figure dans la biblio de Paresse pour tous
Je l’ai regardée pour te répondre mais je n’en connais aucun.
J’ai offert La vie solide à mon père, il a bien aimé aussi (mais étant charpentier de formation, a gentiment noté une certaine naïveté à «ces intellos qui se mettent au boulot» !!! — mon père fils d’universitaire ! Il avait toutefois été scotché par À la ligne du regretté Joseph Ponthus.
Je l’ai regardée pour te répondre mais je n’en connais aucun.
J’ai offert La vie solide à mon père, il a bien aimé aussi (mais étant charpentier de formation, a gentiment noté une certaine naïveté à «ces intellos qui se mettent au boulot» !!! — mon père fils d’universitaire ! Il avait toutefois été scotché par À la ligne du regretté Joseph Ponthus.
- nicole 86Expert spécialisé
uneodyssée a écrit:D’ailleurs, il figure dans la biblio de Paresse pour tous
Je l’ai regardée pour te répondre mais je n’en connais aucun.
J’ai offert La vie solide à mon père, il a bien aimé aussi (mais étant charpentier de formation, a gentiment noté une certaine naïveté à «ces intellos qui se mettent au boulot» !!! — mon père fils d’universitaire ! Il avait toutefois été scotché par À la ligne du regretté Joseph Ponthus.
Je viens de l'ajouter à mon panier Amazon
Quant au livre de Joseph Pontus, c'est un immense coup de cœur l'an dernier.
- Pat BÉrudit
lene75 a écrit:Pat B a écrit:J'ai adoré "Paresse pour tous", il faut que j'achète "La vie est à nous", je ne savais pas qu'il existait !
Il faut dire que je n'ai absolument pas le temps de suivre l'actualité littéraire...
Je profite du sujet pour poser une question. Je cherche une idée de petit cadeau pour mon mari qui n'est pas fan des romans, il préfère des bouquins de philo / réflexion (ou témoignages mais ce n'est pas le sujet ici... et en réalité il n'a jamais le temps de lire sauf les journaux) ; je cherche un bouquin philosophique sur le même thème ; je pense en particulier à celui qui avait inspiré la chanson de Moustaki "Le droit à la paresse".
Quand je cherche sur internet, je trouve le livre du même titre, de Paul Lafargue, et un autre qui s'appelle "Eloge de la Paresse" de Eugène Marsan. Est-ce que vous connaissez ? Lequel recommanderiez-vous, lequel est le plus abordable ?
(désolée si je suis hors sujet... mais de mémoire ces deux bouquins doivent être dans la bibliographie de Hadrien Klent, à la fin du livre, donc c'est pas totalement HS !)
Je ne connais pas ces deux-là.
Sinon, ça dépend de ce que tu appelles philo. Il y a un petit essai de Russell, très court, qui s'appelle Éloge de l'oisiveté. C'est très accessible, mais pas grand public au sens où pas romancé : il n'y a pas d'effets de manche ou autre suspens qui tiendrait le lecteur en haleine comme dans les livres de philo populaire. Mais il n'y a aucune difficulté d'accès au sens.
Édit : ça ne résoudra pas ton problème de cadeau si tu choisis cette option, mais il est aussi accessible gratuitement en ligne ici http://classiques.uqac.ca/contemporains/russell_bertrand/Eloge_oisivete/Eloge_oisivete.html
Commandé... ainsi que le livre appelé "Le droit à la paresse" de Paul Lafargue. Avec un peu de chance, l'un des deux lui plaira (il est très difficile...) !
Merci !
- uneodysséeNeoprof expérimenté
A-t-il lu Éloge du carburateur ? J’y pense parce que cela fait partie des livres que j’ai offerts à mon père (très difficile aussi !!!), et qu’il a appréciés.
- TailleventFidèle du forum
J'ai édité le titre du fil histoire de l'ouvrir à d'autres ouvrages sur la thématique du travail et de sa valeur.
- uneodysséeNeoprof expérimenté
Très bien, bonne idée !
- *Ombre*Grand sage
Il se trouve que je viens de finir Paresse pour tous et Amaliah m'a signalé ce sujet. Mais finalement, il n'y a pas encore de réels retours ni réflexions autour de cette oeuvre ou de sa suite (que je n'ai pas encore lue).
Je me lance, alors.
Il ne faut pas chercher dans ce récit de quelconques qualités littéraires. Ce n'est pas le propos. Si je devais assigner un genre à ce texte, je parlerais d'essai fictionnalisé : l'intrigue, les personnages sont construits pour mettre en scène des idées et sont plutôt lisses et plats, mais peu importe. Le texte a beaucoup de fraîcheur et suscite l'enthousiasme, du moins, j'imagine, pour ceux qui, comme moi, sont en bonne partie déjà acquis à ses thèses. J'étais déjà convaincue, avant la lecture, que la surexploitation des êtres humains, des animaux et de la planète procède d'une même vision égoïste et mortifère de la société, et que les luttes sociales et écologiques convergent nécessairement. Ce que mon fils résume par la formule : "L'écologie sans la lutte des classes, c'est du jardinage." Il y a toujours quelque chose de plaisant à trouver ses propres idées clairement mises en forme par autrui. Cela dit, j'ai trouvé la réflexion vraiment très superficielle, et occultant des questions cruciales comme la santé ou l'éducation (enfin, postuler que, si on tous beaucoup de temps libre, tout le monde ira d'un seul coup beaucoup mieux, c'est aller un peu vite en besogne à mon goût). Par ailleurs, l'auteur semble penser que tout le monde va forcément adorer le mode de vie qu'il suggère : on dirait, à la lecture de son livre, qu'il suffit de donner plein de temps libre aux gens pour que tout le monde se jette avec bonheur dans la création d'un potager, visant l'autonomie alimentaire ou presque. Pour les autres, je ne sais pas, mais moi, c'est sûr, j'aurais horreur de ça. Comme Sully Prudhomme, à mes yeux, le rêve où le laboureur me dit de faire moi-même mon pain et de gratter la terre est un pur cauchemar. Je veux bien soutenir les AMAP, les petits producteurs, mais il ne faut pas plus me demander de bêcher, semer et récolter que demander à ces personnes de faire un cours de français. Chacun son taf, ses compétences, et surtout ses appétences. Le potager m'ennuie profondément, et la meilleure chose que je puisse faire dans un jardin, c'est y écrire de la poésie, ce qui a peu de chances de garnir notre assiette. Mais dans le livre, tout le monde est toujours très content de pouvoir mettre les mains dans la terre au premier rayon de soleil. Je me permets d'avoir quelques doutes sur un enthousiasme aussi uniforme.
Tout est un peu teinté d'angélisme. L'auteur nous dit que 50% des gens travaillent à moins de 8 km de leur domicile, distance indolore à vélo, même pour quelqu'un de peu sportif, et en conclut aussitôt qu'on peut se passer de 50% des voitures. Là aussi, je tique, et d'expérience. Je travaille à 10 km de chez moi, je fais volontiers le trajet à vélo MAIS : quand je devais emmener les enfants à l'école, ou récupérer les courses sur le chemin, le vélo, c'était pas possible, et ce ne sont tout de même pas là des circonstances exceptionnelles, cela fait partie du quotidien de la plupart des ménages. Et là encore, à moins d'imposer les choses de façon autoritaire, il faut prendre en compte le souhait des individus. Moi, faire le trajet à vélo, j'aime beaucoup aux beaux jours, mais franchement, quand il pleut ou qu'il fait tellement froid que respirer l'air glacial à 6h30 le matin suffit à faire mal à la gorge, non merci. Je ne vois aucune raison de m'infliger cela alors que je peux faire le trajet tranquillement en 10 minutes en voiture. Et tout comme je déteste le jardinage, il y a des gens qui détestent sans doute le vélo, quand bien même c'est bon pour la santé, le moral ou tout ce qu'on voudra.
Paresse pour tous, c'est tout de même une pensée fort peu complexe, une idée séduisante, mais qui entre peu dans le détail de tout ce qui serait à repenser avec un tel modèle, soit que cela deviendrait indigeste pour une lecture qui se veut grand public, soit que la réflexion ne soit pas si aboutie qu'elle voudrait le laisser penser. Quid de l'hôpital où, avec des équipes en 3 huit (pour simplifier), on passe déjà beaucoup de temps en transmissions ? Quid des forces de police ? Ou bien faut-il penser qu'une société plus "cool" rendrait tout le monde moral, empathique et doux ? On a parfois l'impression que c'est le cas à la lecture des pages. Et l'école ? On ramène les cours à 3 heures par jours, aussi, ou on fait travailler les enfants plus que les adultes ?
Il y a peut-être des réponses à certaines questions dans le volume 2 mais je garde l'impression, malgré une lecture plaisante et un récit auquel j'aimerais croire, d'un ensemble pas tout à fait convaincant. Néanmoins, cette oeuvre a le mérite de faire réfléchir à la place accordée au travail, au partage des profits, à l'exercice du pouvoir par le contrôle des outils de production (de biens ou de services), l'aliénation des travailleurs, et de lancer des pistes qui restent intéressantes pour évoluer vers davantage de justice sociale.
Je suis contente d'avoir lu ce livre, même si cela n'a rien d'une oeuvre vraiment littéraire, et n'est pas complètement convaincant.
Je me lance, alors.
Il ne faut pas chercher dans ce récit de quelconques qualités littéraires. Ce n'est pas le propos. Si je devais assigner un genre à ce texte, je parlerais d'essai fictionnalisé : l'intrigue, les personnages sont construits pour mettre en scène des idées et sont plutôt lisses et plats, mais peu importe. Le texte a beaucoup de fraîcheur et suscite l'enthousiasme, du moins, j'imagine, pour ceux qui, comme moi, sont en bonne partie déjà acquis à ses thèses. J'étais déjà convaincue, avant la lecture, que la surexploitation des êtres humains, des animaux et de la planète procède d'une même vision égoïste et mortifère de la société, et que les luttes sociales et écologiques convergent nécessairement. Ce que mon fils résume par la formule : "L'écologie sans la lutte des classes, c'est du jardinage." Il y a toujours quelque chose de plaisant à trouver ses propres idées clairement mises en forme par autrui. Cela dit, j'ai trouvé la réflexion vraiment très superficielle, et occultant des questions cruciales comme la santé ou l'éducation (enfin, postuler que, si on tous beaucoup de temps libre, tout le monde ira d'un seul coup beaucoup mieux, c'est aller un peu vite en besogne à mon goût). Par ailleurs, l'auteur semble penser que tout le monde va forcément adorer le mode de vie qu'il suggère : on dirait, à la lecture de son livre, qu'il suffit de donner plein de temps libre aux gens pour que tout le monde se jette avec bonheur dans la création d'un potager, visant l'autonomie alimentaire ou presque. Pour les autres, je ne sais pas, mais moi, c'est sûr, j'aurais horreur de ça. Comme Sully Prudhomme, à mes yeux, le rêve où le laboureur me dit de faire moi-même mon pain et de gratter la terre est un pur cauchemar. Je veux bien soutenir les AMAP, les petits producteurs, mais il ne faut pas plus me demander de bêcher, semer et récolter que demander à ces personnes de faire un cours de français. Chacun son taf, ses compétences, et surtout ses appétences. Le potager m'ennuie profondément, et la meilleure chose que je puisse faire dans un jardin, c'est y écrire de la poésie, ce qui a peu de chances de garnir notre assiette. Mais dans le livre, tout le monde est toujours très content de pouvoir mettre les mains dans la terre au premier rayon de soleil. Je me permets d'avoir quelques doutes sur un enthousiasme aussi uniforme.
Tout est un peu teinté d'angélisme. L'auteur nous dit que 50% des gens travaillent à moins de 8 km de leur domicile, distance indolore à vélo, même pour quelqu'un de peu sportif, et en conclut aussitôt qu'on peut se passer de 50% des voitures. Là aussi, je tique, et d'expérience. Je travaille à 10 km de chez moi, je fais volontiers le trajet à vélo MAIS : quand je devais emmener les enfants à l'école, ou récupérer les courses sur le chemin, le vélo, c'était pas possible, et ce ne sont tout de même pas là des circonstances exceptionnelles, cela fait partie du quotidien de la plupart des ménages. Et là encore, à moins d'imposer les choses de façon autoritaire, il faut prendre en compte le souhait des individus. Moi, faire le trajet à vélo, j'aime beaucoup aux beaux jours, mais franchement, quand il pleut ou qu'il fait tellement froid que respirer l'air glacial à 6h30 le matin suffit à faire mal à la gorge, non merci. Je ne vois aucune raison de m'infliger cela alors que je peux faire le trajet tranquillement en 10 minutes en voiture. Et tout comme je déteste le jardinage, il y a des gens qui détestent sans doute le vélo, quand bien même c'est bon pour la santé, le moral ou tout ce qu'on voudra.
Paresse pour tous, c'est tout de même une pensée fort peu complexe, une idée séduisante, mais qui entre peu dans le détail de tout ce qui serait à repenser avec un tel modèle, soit que cela deviendrait indigeste pour une lecture qui se veut grand public, soit que la réflexion ne soit pas si aboutie qu'elle voudrait le laisser penser. Quid de l'hôpital où, avec des équipes en 3 huit (pour simplifier), on passe déjà beaucoup de temps en transmissions ? Quid des forces de police ? Ou bien faut-il penser qu'une société plus "cool" rendrait tout le monde moral, empathique et doux ? On a parfois l'impression que c'est le cas à la lecture des pages. Et l'école ? On ramène les cours à 3 heures par jours, aussi, ou on fait travailler les enfants plus que les adultes ?
Il y a peut-être des réponses à certaines questions dans le volume 2 mais je garde l'impression, malgré une lecture plaisante et un récit auquel j'aimerais croire, d'un ensemble pas tout à fait convaincant. Néanmoins, cette oeuvre a le mérite de faire réfléchir à la place accordée au travail, au partage des profits, à l'exercice du pouvoir par le contrôle des outils de production (de biens ou de services), l'aliénation des travailleurs, et de lancer des pistes qui restent intéressantes pour évoluer vers davantage de justice sociale.
Je suis contente d'avoir lu ce livre, même si cela n'a rien d'une oeuvre vraiment littéraire, et n'est pas complètement convaincant.
- Clecle78Bon génie
Je n'ai pas lu le livre mais si je me fie au compte rendu il ne faut pas être trop paresseux tout de même pour faire 8km en vélo ou un potager.
- TailleventFidèle du forum
@*Ombre*
Concernant l'aspect littéraire, je ne serais pas tout à fait aussi dur que toi. Le texte ne va certes pas révolutionner la littérature mais il reste très agréable à lire.
Sur le fond, je confirme ton intuition : (comme je l'avais signalé dans mon premier commentaire) les aspects pratiques de la mise en œuvre du programme sont beaucoup plus abordés dans le second ouvrage, sans mettre sous le tapis les difficultés, les résistances et les compromis nécessaires (à l’exception, de mémoire, du monde de l'éducation, sur lequel je me pose aussi pas mal de questions).
Tu dis que c'est une pensée très peu complexe, c'est peut-être vrai mais je ne suis pas sûr que celle qui sous-tende le modèle de développement actuel soit beaucoup plus élaborée. Au final, il propose en tout cas un concept largement cohérent dont les présupposés idéologiques sont assumés.
Et tu auras sans doute observé la bibliographie proposée. Je ne l'ai pas abordée en détail mais je pense qu'elle propose des pistes plus complètes pour bon nombre des points que tu abordes.
Concernant le caractère "autoritaire" de ce qui est imposé, là encore, c'est abordé dans le deuxième livre. La mise en œuvre propose d'ailleurs un modèle de travail pour ceux qui voudraient continuer à travailler plus, en imposant quelques contraintes pour les faire participer aussi au modèle solidaire proposé. Je me pose aussi une question similaire à celle que je mentionnais au point précédent : je ne suis pas du tout persuadé que le modèle actuel soit moins autoritaire quant aux choix laissés aux individus.
Bref, je peux tout à fait concevoir que tu ne sois pas convaincue, mais tu cherches peut-être dans ce livre quelque chose qu'il n'a jamais promis. (Je ne suis d'ailleurs pas certain que le livre ait ce but ; il me semble plutôt fait pour ouvrir la réflexion que pour vendre un modèle précis.)
Concernant l'aspect littéraire, je ne serais pas tout à fait aussi dur que toi. Le texte ne va certes pas révolutionner la littérature mais il reste très agréable à lire.
Sur le fond, je confirme ton intuition : (comme je l'avais signalé dans mon premier commentaire) les aspects pratiques de la mise en œuvre du programme sont beaucoup plus abordés dans le second ouvrage, sans mettre sous le tapis les difficultés, les résistances et les compromis nécessaires (à l’exception, de mémoire, du monde de l'éducation, sur lequel je me pose aussi pas mal de questions).
Tu dis que c'est une pensée très peu complexe, c'est peut-être vrai mais je ne suis pas sûr que celle qui sous-tende le modèle de développement actuel soit beaucoup plus élaborée. Au final, il propose en tout cas un concept largement cohérent dont les présupposés idéologiques sont assumés.
Et tu auras sans doute observé la bibliographie proposée. Je ne l'ai pas abordée en détail mais je pense qu'elle propose des pistes plus complètes pour bon nombre des points que tu abordes.
Concernant le caractère "autoritaire" de ce qui est imposé, là encore, c'est abordé dans le deuxième livre. La mise en œuvre propose d'ailleurs un modèle de travail pour ceux qui voudraient continuer à travailler plus, en imposant quelques contraintes pour les faire participer aussi au modèle solidaire proposé. Je me pose aussi une question similaire à celle que je mentionnais au point précédent : je ne suis pas du tout persuadé que le modèle actuel soit moins autoritaire quant aux choix laissés aux individus.
Bref, je peux tout à fait concevoir que tu ne sois pas convaincue, mais tu cherches peut-être dans ce livre quelque chose qu'il n'a jamais promis. (Je ne suis d'ailleurs pas certain que le livre ait ce but ; il me semble plutôt fait pour ouvrir la réflexion que pour vendre un modèle précis.)
- EdithWGrand sage
Le paresseux est celui qui travaille beaucoup… afin de se libérer des temps de paresse, ou « coliberté » comme écrit dans le livre.
J’ai lu les trois premiers livres, en ordre chronologique : Qu’advienne le Chaos (sombre, limite science fiction, mais pas mal), La grande panne (très chouette et assez jouissif), Paresse pour tous que j’ai vraiment dévoré et je lis en dégustant sa suite, La Vie est à nous. Je trouve ces romans très bien écrits, j’étais déjà acquise aux idées, c’est assez sympa de voir un essai de concrétisation, pas plus improbable qu’un autre système et les références sont solides.
Merci de la découverte! Ce sont des livres qu’on a envie de partager autour de soi.
@taillevent : exactement la même analyse.
J’ai lu les trois premiers livres, en ordre chronologique : Qu’advienne le Chaos (sombre, limite science fiction, mais pas mal), La grande panne (très chouette et assez jouissif), Paresse pour tous que j’ai vraiment dévoré et je lis en dégustant sa suite, La Vie est à nous. Je trouve ces romans très bien écrits, j’étais déjà acquise aux idées, c’est assez sympa de voir un essai de concrétisation, pas plus improbable qu’un autre système et les références sont solides.
Merci de la découverte! Ce sont des livres qu’on a envie de partager autour de soi.
@taillevent : exactement la même analyse.
- *Ombre*Grand sage
Taillevent a écrit: il me semble plutôt fait pour ouvrir la réflexion que pour vendre un modèle précis.
Je le pense aussi, et c'est là, à mon avis, son grand mérite.
- SoiréeHabitué du forum
C'est drôle de penser que la police a une utilité et que la mettre en sous service serait problématique. Je dis la police mais c'est l'ensemble du système pénal dont l'utilité pratique pour le commun pourrait être questionnée.
- *Ombre*Grand sage
Oui, je suis sûre que les Haïtiens, qui n'ont plus de police depuis quelques années, trouvent cela très drôle en effet.
- SoiréeHabitué du forum
Ce n'est peut-être pas la seule variable à considérer ?
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