Faire progresser les élèves les plus faibles en rédaction (sixième)

Bonjour à tous

Cette année, je travaille chaque semaine un petit groupe d'élèves très faibles en écriture : les conditions sont idéales (groupe de six ou sept), néanmoins ils ont de telles difficultés que je me trouve un peu démuni. Je suis confronté à une réalité qu'on a tendance à oublier dans le contexte de la classe : les lacunes persistantes des élèves les plus "faibles".

Comment feriez-vous pour que ce travail soit profitable dans ce contexte de travail en petit groupe ? J'ai commencé par travailler sur le portrait, puis sur un récit de combat, mais les productions écrites restent très limitées...

Merci

Quelques éléments d'un travail fait en CE2, mais qui peut correspondre au niveau de tes élèves !
Je me suis beaucoup appuyé sur le travail proposé par le manuel mille-feuilles pour la rédaction :
Ce manuel propose une progression avec 2 textes, un travail en vocabulaire (enrichissement) et divers exercices de niveau progressif pour écrire de courts textes.
Les textes seront sans intérêts pour tes élèves (littérature de jeunesse) mais j'ai trouvé la progression de rédaction intéressante car il y a vraiment des exercices guidés et des propositions pour enrichir, pour éviter de se retrouver avec ce que j'appelle de la "diarrhée verbale".
Je ne connais pas le manuel sur les autres niveaux de primaire, sans doute la méthode est-elle similaire.
En primaire, tu ne trouveras pas de textes en lien avec les programmes de collège, mais peut-être que, sur les différents niveaux, tu trouveras de quoi aider tes élèves.
Le portrait est, par exemple, traité avec des propositions sur le physique, les caractéristiques morales...
C'est évidemment plus basique que ce qui est attendu en collège.

Bonjour @Minos,
Ce sont des élèves de quel niveau ?
Peux-tu préciser ce qui fait leur faiblesse en écriture ? Sont-ils plutôt volontaires ou passifs ?
Manquent-ils d 'idées, de moyens pour les exprimer, les deux ? Certains sont-ils dys ?
Leurs écrits sont-ils brefs ou inutilement délayés, comment sont-ils à l'oral ? En fluence ?
Les stratégies peuvent varier en fonction des problèmes des élèves, même si un groupe, même petit, peut en croiser plusieurs.

Je suis un peu dans la même situation que toi, 1h30 par semaine en demi-groupes (très petits effectifs) avec des élèves en grande partie très faibles. On ne fait quasiment que de la rédaction. Ils ont un cahier juste pour ce cours. En gros on reste une période (correspondant en gros au chapitre de lecture) sur quasiment le même sujet avec une ou deux fois des changements de consignes (comme le propose Dominique Bucheton). Je reste à mon bureau et les élèves défilent 2 à fois dans l'heure (je suis avec un et un autre attend derrière pour ne pas perdre de temps) pour qu'on lise ensemble où ils en sont, donner des conseils,  des pistes,  réfléchir ensemble.  J'exagère un peu quand je dis que je ne comprends pas (graphie, syntaxe,  ponctuation,  enchaînements, vocabulaire) et je valorise énormément leur style ("j'adore ce verbe ! Je vois vraiment la scène ! J'adore l'idée que tu aies changé de paragraphe ici...) et de temps en temps leur graphie. Je limite beaucoup l'imagination pure dans le sujet )mais j'essaie qu'ils aient le choix entre divers sujets possibles, pour satisfaire leur intérêt à choisir et pousser ainsi leur imagination, leur capacité à visualiser). J'insiste beaucoup,  beaucoup,  beaucoup sur la  ponctuation et les paragraphes.
Je suis plutôt content du résultat et cerise sur le gâteau ce sont des cours hyper agréables et j'aime aussi corriger leurs rédactions quand je note, donc si les conditions le permettent je compte continuer ainsi l'année prochaine.
J'ai été surpris par le fait qu'ils reprennent volontiers leur travail après le passage au bureau. Quand un passage est bien un coup de tampon pouce levé.
Ils ont un dictionnaire analogique aussi (trouver le mot juste).

Exemple pour la première période. En classe entière on a regardé Orphée dans la série arte les grands mythes, et on a fait une rapide carte mentale avec les différents moments de sa vie (je crois 7 moments). Ils ont rédigé la vie d'Orphée en autant de paragraphes (très longue rédaction, pas tant en terme de temps que de lignes, mais je voulais tout de suite voir les paragraphes). Et ensuite ils ont fait 2 rédactions, plutôt axées description, où en fonction du sujet ils pouvaient choisir un des épisodes de la vie d'Orphée (on en discutait ensemble). Un monstre, le territoire du monstre. Les rédactions doivent s'appuyer sur des procédés d'écriture, auxquels on réfléchit ensemble, en s'appuyant sur les textes lus (insérer des questions pour créer du suspense pour la 2e par exemple). Puis une troisième notée avec l'ensemble : arrivée d'Orphée ou des Argonautes sur le territoire du monstre, et leur rencontre avec le monstre.

Baldred a écrit:
Ce sont des élèves de quel niveau ?
Peux-tu préciser ce qui fait leur faiblesse en écriture ? Sont-ils plutôt volontaires ou passifs ?
Manquent-ils d 'idées, de moyens pour les exprimer, les deux ? Certains sont-ils dys ?  
Leurs écrits sont-ils brefs ou inutilement délayés, comment sont-ils à l'oral ? En fluence ?
Les stratégies peuvent varier en fonction des problèmes des élèves, même si un groupe, même petit, peut en croiser plusieurs.

Bonjour Baldred

Ce sont des sixièmes qui sont plutôt volontaires.

Il y a un peu de tout : certains ont du mal à écrire deux lignes, d'autres font des pavés bourrés de fautes. Pour la fluence, cela dépend aussi beaucoup des cas : certains s'en sortent bien et d'autres déchiffrent à peine. Il y a aussi un ou deux élèves dys.

Bref, en effet il faut gérer l'hétérogénéité, même dans un contexte de petit groupe.

Minos a écrit:

Baldred a écrit:
Ce sont des élèves de quel niveau ?
Peux-tu préciser ce qui fait leur faiblesse en écriture ? Sont-ils plutôt volontaires ou passifs ?
Manquent-ils d 'idées, de moyens pour les exprimer, les deux ? Certains sont-ils dys ?  
Leurs écrits sont-ils brefs ou inutilement délayés, comment sont-ils à l'oral ? En fluence ?
Les stratégies peuvent varier en fonction des problèmes des élèves, même si un groupe, même petit, peut en croiser plusieurs.

Bonjour Baldred

Ce sont des sixièmes qui sont plutôt volontaires.

Il y a un peu de tout : certains ont du mal à écrire deux lignes, d'autres font des pavés bourrés de fautes. Pour la fluence, cela dépend aussi beaucoup des cas : certains s'en sortent bien et d'autres déchiffrent à peine. Il y a aussi un ou deux élèves dys.

Bref, en effet il faut gérer l'hétérogénéité, même dans un contexte de petit groupe.

Bonjour,
Pardon pour ce questionnaire, et merci de tes réponses qui abordent un des points aveugles du groupe de ce-que-vous-voulez faible. Pour l'instant, en dehors du fait de considérer qu'un groupe restreint est en soi une réponse suffisante pour remédier aux difficultés scolaires, il y a peu de pistes proposées par le ministère et encore moins par nos IPR, sinon la  remédiation d'une compétence avant de rejoindre le Grand Tout.
Autant dire que tout repose sur nous.
Le premier constat est que dans un groupe "faible" qui va reconstruire son hétérogénéité, un cours adapté n'est pas simplement un cours plus lent.
Dans le cas de l'expression, écrite, mais qu'il n'est pas nécessaire de disjoindre de l'oral, puisque ton groupe est volontaire tu peux essayer de mesurer leur capacité à imaginer avant d'intervenir sur leur capacité à transcrire ce qu'ils imaginent.
L'expérience de Heider-Simmel montre que nous ne pouvons pas ne pas attribuer des intentions à ce que nous voyons. En d'autres termes, de même qu'on ne peut pas ne pas communiquer, on ne peut pas ne pas imaginer. En revanche cette imagination peut être "empêchée".
La petite animation de l'expérience propose des mouvements présentés comme aléatoires (ce dont je doute fortement) auxquels il n'est pas possible de donner un sens.
https://www.youtube.com/watch?v=VTNmLt7QX8E

On peut le projeter aux élèves en leur demandant ce qu'ils voient, d'écrire l'histoire qu'ils pensent être représentée.
Au pire, l'élève décrira les mouvements des figures géométriques sans aucune personnalisation. Je ne l'ai jamais rencontré, le grand triangle finit toujours par "poursuivre" le petit.
Au mieux, ils écrivent une histoire complète avec personnages, situations, péripéties et dialogues.
Cela permet d'évaluer où se situent les difficultés.
Ensuite il est possible d'utiliser Lector, Lectrix de Cèbe et Goigoux pour travailler sur l'image mentale, et de proposer le "nourrissage" culturel des enfants "empêchés" de penser que décrit Boimare.
Ces étapes permettent de rendre plus efficace, ou tout simplement possible, notre boulot de prof de Lettres

Merci pour vos réponses !

Je vais me pencher sur les ressources mentionnées notamment "Millefeuille" et "Lector et lectrix"...

Minos a écrit:Bonjour à tous

Cette année, je travaille chaque semaine un petit groupe d'élèves très faibles en écriture : les conditions sont idéales (groupe de six ou sept), néanmoins ils ont de telles difficultés que je me trouve un peu démuni. Je suis confronté à une réalité qu'on a tendance à oublier dans le contexte de la classe : les lacunes persistantes des élèves les plus "faibles".

Comment feriez-vous pour que ce travail soit profitable dans ce contexte de travail en petit groupe ? J'ai commencé par travailler sur le portrait, puis sur un récit de combat, mais les productions écrites restent très limitées...

Merci

Ce qui est important, c'est de créer le bon état d'esprit pour qu'ils progressent. Les thèmes ou les types d'écrits sont plutôt des prétextes que des objectifs. Avec six ou sept élèves, il y a vraiment moyen de fournir une aide individualisée. Quel est le cadre horaire?

C'est évidemment difficile de donner des conseils précis sur les difficultés des élèves sans les connaître. Mais il y a quelques principes généraux que l'on peut proposer:
- Toujours partir des idées des élèves. Valoriser ce qui peut l'être, même si c'est très peu. Donner des pistes pour que l'histoire fonctionne, par exemple en posant des questions sur les personnages.
- S'ils sont complètement bloqués, poser des questions très simples pour démarrer la machine. "Comment tu veux appeler ton héros? Quand est-ce que ça se passe? Contre qui se bat-il? Pourquoi sont-ils fâchés? Tu hésites? Choisis. Donne-moi des noms. Peu importe lesquels, mais choisis. Après, c'est de la logique. Tu n'as plus qu'à dérouler le fil. Avec quoi se battent-ils? Qu'est-ce qu'il faut pour se sauver dans cette situation? Quelles sont les conséquences? Comment leurs amis vont réagir?"
- Rassurer les élèves qui sont bloqués par le souci de donner une réponse juste (tu es libre de faire ce que tu veux de tes personnages) ou d'être original (l'originalité viendra en son temps).
- Encourager les élèves à écrire simplement.
- Travailler en plusieurs jets. Ne pas se contenter de noter une production. Après correction, donner l'opportunité de compléter et d'améliorer le travail pour que le résultat final soit satisfaisant. Personnellement, quand je note, je donne la possibilité de gagner 4 points bonus en réécrivant la rédaction. Ca pourrait être plus.
- Pour les fautes d'orthographe, les souligner sans les corriger et laisser l'élève corriger par lui-même.
- Si les phrases sont incompréhensibles, passer par l'oral. Faire lire à voix haute. Demander à l'élève ce qu'il a voulu dire.
- Laisser les élèves discuter de leurs histoires, par exemple pendant une récréation. Ca peut faire émerger beaucoup d'idées. S'assurer que tout le monde respecte les idées des autres (ce qui ne devrait pas poser trop de problèmes s'ils sont tous très faibles).

Bonjour, Minos,

Effectivement, la rédaction reste largement un impensé de la pédagogie - comme si la seule multiplication des devoirs allait permettre aux élèves de progresser.
Il a pourtant existé un travail très méthodique sur le sujet, mais qui s'est quasiment perdu. Si cela t'intéresse, tu trouveras des pistes très intéressantes dans de vieux manuels de Primaire des années 20 aux années 60. Pour résumer ce qu'on y apprend : écrire pas à pas, d'abord des phrases correctes, complètes, avec majuscule et point, le mot juste autant que possible (grâce à un nourrissage constant en vocabulaire), puis de petits paragraphes, puis des textes.
Le problème est qu'actuellement, la vogue des "cahiers d'écrivain" et autres "joggings d'écriture" en primaire fait à peu près tout l'inverse : on veut faire produire de la quantité indépendamment de la considération de ce qu'un élève de tel âge est capable de faire correctement, on obtient du noircissage de page impossible à corriger, donc on ne corrige rien, et tout ce que l'élève apprend, finalement, c'est à écrire n'importe quoi en se fichant de toute considération relative à la correction de la langue. Je me suis bien fâchée avec cette plaie de conseillère pédagogique, à ce sujet, lors de la dernière liaison CM2-6e, sous l'oeil navré des collègues de primaire qui avait l'air de dire : "Vous voyez ce qu'on subit".
Bref, quand des élèves arrivent en Sixième sans avoir jamais rien écrit que du charabia, il est nécessaire de reprendre les choses méthodiquement.
Tu ne feras pas des miracles avec des élèves en difficultés, mais ils sont capables de progresser, et avec un groupe de 7, tu as de bonnes conditions pour cela.

Pour ceux qui sont complètement bloqués, il convient de leur donner le sentiment de leur propre capacité, avec des objectifs simples, et en levant l'épineuse question de "l'inspiration" en fournissant des supports imagés. Je travaille beaucoup, avec ces élèves, à partir de bandes dessinées, parfois très courts. Avec des élèves en grande difficulté, je peux même partir d'un simple strip. On observe, on raconte à l'oral, on note si nécessaire des mots de vocabulaire au tableau, et ensuite, l'élève refait une phrase par case pour raconter l'histoire. J'insiste que les caractéristiques de la phrase correcte : majuscule, point, verbe pour dire qui fait quoi, une idée complète et claire.
Comme le dit egomet, il faut redonner confiance à ces élèves. À ce stade, laisse tomber l'orthographe : concentre-toi sur la syntaxe et les bases de la phrase, majuscule, point, verbe. L'élève doit retrouver le sentiment de sa capacité à satisfaire à des objectifs et progresser, sans se perdre dans une multitude de directions simultanées. N'hésite pas à multiplier ces exercices. Tu peux aussi donner dans le désordre (pour les élèves qui ont du mal avec l'enchaînement logique des actions) des illustrations d'un conte lu et expliqué en classe pour travailler la logique des événements en remettant les images dans l'ordre et, à nouveau, le récit image par image.
Il s'agit ensuite de passer de l'image à l'imagination avec des suites de petits textes, par exemple, et des questions très précises pour s'emparer de l'histoire et la construire peu à peu (je ne développe pas : egomet l'a déjà fait). Là encore, il convient d'être très progressif pour ne pas décourager, en travaillant seulement sur quelques phrases au début : imaginer comment Hansel et Gretel se débarrassent de la sorcière, pas plus (on donne la suite, il faut que ce qu'on imagine s'insère entre les deux), puis sur un vrai paragraphe.
Pour les élèves qui ont toujours du mal à construire leurs phrases, tu peux utiliser une matrice : tu leur fais faire un tableau avec trois colonnes : une colonne "qui ?", une colonne "fait quoi ?" et une colonne avec une précision éventuelle (où ? comment ? pourquoi ?). L'élève écrit chaque phrase dans le tableau, ligne par ligne : le sujet dans la première colonne, l'action, avec un verbe conjugué dans la deuxième, et il est obligé de se limiter (pour éviter les phrases interminables et incohérentes) dans la troisième. Ensuite, il recopie phrase par phrase en veillant aux majuscules et aux points. Cela donne des textes maladroits, mais au moins corrects, et quand cette construction commence à être intégrée, on peut faire évoluer certains points : barrer les innombrables répétitions du même sujet pour faire employer un pronom, ajouter avant la première colonne un indice de temps ou un mot de liaison... Mais plus tard : pas à pas, avec les élèves fragiles, c'est important de décomposer la tâche pour qu'ils puissent atteindre les objectifs progressivement.
Cette matrice peut aussi être utile pour ces élèves qui écrivent au kilomètre sans structurer leur pensée, sans la découper en phrases.