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- Aperçu par hasardNeoprof expérimenté
En tant que profane je suis ce fil avec intérêt, et aussi pas mal de perplexité. Car je dois dire qu'il y a une chose qui m'étonne: sans avoir d'aptitudes spéciales, je crois manier à peu près correctement la langue française, que ce soit dans la vie de tous les jours ou dans le cadre de mon travail. Or j'ai le souvenir d'avoir appris son fonctionnement à l'aide d'une base assez limitée de catégories simples. C'était dans les années 1970-1980. Je connais pas mal de personnes de ma génération ou des générations antérieures (pour celles-ci, ne serait-ce que mes parents) qui sont dans la même situation, et lorsqu'en amateur nous discutons un peu grammaire je crois que nous parvenons assez bien à nous comprendre. Or quand je lis ce dont vous discutez ici, je dois bien reconnaître que je n'y comprends pas grand chose et j'ai l'impression qu'à force de subtilité la grammaire est devenue aussi limpide qu'un flacon d'encre de Chine. Dans le même temps, quand je vois les lycéens auxquels je fais cours ces dernières années, je dirais qu'un tiers ne sait pas distinguer un participe passé d'un infinitif, la même proportion ne sait pas me donner un adjectif quand j'en demande un pour décrire la facture d'une œuvre (mais me donne plutôt un nom ou un verbe à la place), certains conjuguent les adjectifs ou bien accordent les verbes au pluriel à la manière des adjectifs. Au pluriel beaucoup accordent l'adjectif qualificatif mais omettent la marque sur le nom auquel il se rapporte. Et la population de mon lycée est considérée comme plutôt favorisée. Mais que se passe-t-il? C'est vraiment pour moi un mystère. Les catégories avec lesquelles nous apprenions dans les années 1970 et 1980 sont-elles devenues inopérantes pour une raison qui m'échappe? Le cerveau des élèves a-t-il changé de telle sorte que les anciennes méthodes ne peuvent plus fonctionner? Je précise qu'il n'y a vraiment pas d'intention polémique dans ma question.
- ProvenceEnchanteur
C’est très simple : les horaires consacrés à l’apprentissage du français ont été quasiment divisés par deux (et le temps de l’automatisation a disparu), l’enseignement de la grammaire et de l’orthographe a été méprisé par l’inspection et la mode de la séquence pédagogique a contribué à massacrer la nature de nos enseignements.
- NLM76Grand Maître
Ce que je ne comprends pas, cher @e-wanderer, c'est que toi, tu prennes en considération le critère supprimable/déplaçable. Il me paraît complètement et définitivement inepte, et l'une des origines principales de nos malheurs. Mais si tu le considères, c'est que tu as des raisons, que je n'ai sans doute pas vues. Qu'est-ce qui te pousse à accorder de l'importance à cette affaire ?e-Wanderer a écrit:En fait, il convient peut-être de comprendre d'où ça vient.
Au départ, on trouve la proposition de Pierre Le Goffic de récupérer l'étiquette de locatif empruntée au latin (Sum Romæ) pour décrire en français le complément prépositionnel essentiel du verbe être : Je suis à Rome. Et il oblitère le sémantisme de localisation (ou plutôt, il fait de cette notion de localisation une lecture très extensive), ce qui permet d'étendre cette étiquette de locatif à tous les compléments prépositionnels essentiels du verbe être. Je suis pour le Castres Olympique, le silence est d'or, la cantatrice est très en voix ce soir, Pierre est de Marseille etc. Effectivement, comme ce complément prépositionnel est clairement sous la dépendance du verbe être, qu'il n'est ni déplaçable ni supprimable, ce n'est pas plus idiot que de parler de complément circonstanciel intégré, avec toutes les ramifications sémantiques parfois peu commodes à préciser (complément de matière, d'origine, d'engagement, de forme physique ? On voit bien avec cette petite batterie d'exemples que tout cela n'est pas très classique de toute façon…). Bref, on unifie tous ces cas embêtants sous une étiquette unique : le locatif devient la fonction décrivant tout complément prépositionnel essentiel du verbe être, quel que soit son sens. C'est assez simple et efficace, au fond.
Les choses se compliquent avec Riegel, Pellat et Rioul, qui dans la GMF, ont trouvé l'idée de Le Goffic intéressante et ont fait le choix de la reprendre. Mais ils ont estimé que comme il s'agissait de compléments du verbe être et que ces compléments prépositionnels essentiels décrivaient un aspect ou une caractéristique du sujet (même partielle ou transitoire), on pouvait compléter l'étiquette en parlant d'attribut locatif. Ce n'est d'ailleurs pas complètement déconnant, AMHA.
Là où ça devient délirant, c'est si on commence à paraphraser : Elle est à l'université par Elle est étudiante. Parce qu'on remet du sémantisme dans la boucle d'une grille de lecture syntaxique, et du coup on cumule les inconvénients des deux systèmes : le côté abstrait de la grille de lecture syntaxique (assurément peu adapté à des débutants !), et le côté approximatif de la lecture sémantique (c'est "à peu près le même sens mais quand même pas tout à fait", on n'a pas forcément de mots adapté pour désigner la nuance sémantique précise etc.). Et on passe par des reformulations qui deviennent complètement hasardeuses.
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- Aperçu par hasardNeoprof expérimenté
Provence a écrit:C’est très simple : les horaires consacrés à l’apprentissage du français ont été quasiment divisés par deux (et le temps de l’automatisation a disparu), l’enseignement de la grammaire et de l’orthographe a été méprisé par l’inspection et la mode de la séquence pédagogique a contribué à massacrer la nature de nos enseignements.
Merci pour ta réponse, @Provence. Je comprends, mais au-delà de ce que tu évoques là, j'ai l'impression que les catégories et méthodes d'analyse elles-mêmes sont devenues moins intuitives.
- ProvenceEnchanteur
Aperçu par hasard a écrit:Provence a écrit:C’est très simple : les horaires consacrés à l’apprentissage du français ont été quasiment divisés par deux (et le temps de l’automatisation a disparu), l’enseignement de la grammaire et de l’orthographe a été méprisé par l’inspection et la mode de la séquence pédagogique a contribué à massacrer la nature de nos enseignements.
Merci pour ta réponse, @Provence. Je comprends, mais au-delà de ce que tu évoques là, j'ai l'impression que les catégories et méthodes d'analyse elles-mêmes sont devenues moins intuitives.
L’intuition, c’est aussi de l’entraînement. Et l’entraînement, c’est du temps. Quand tout est flou, que veux-tu faire ? Et il y a aussi le problème d’une transmission abîmée. J’ai eu une stagiaire il y a quelques années, une fille intelligente qui ne comprenait rien à la grammaire qu’elle devait enseigner. Elle l’enseigne toujours aujourd’hui, mais n’en saisit toujours pas la finalité.
L’an passé, un IPR a affirmé en réunion que l’enseignement de la grammaire, c’était une perte de temps…
- HermionyGuide spirituel
Médée a écrit:Je vous lis depuis quelques posts : c'est quoi ces inepties ? On n'est pas censés enseigner ça quand même ? Il n'y aucune cohérence, comment on peut justifier un truc pareil ?
Autant je veux bien qu'il y ait des débats sur certaines notions, mais là ça n'a absolument aucun sens
On peut l'enseigner. C'est ainsi qu'on trouve des comptes bien en vue sur Instagram qui diffusent cette approche.
Par ailleurs, les IPR insistent beaucoup pour que ce soit appliqué à la lettre. Si, pour ma part, j'ai répondu à mon IPR que j'y étais opposée (pour toutes les raisons évoquées plus haut), je pense que beaucoup de collègues appliquent. J'ai un collègue fan, dans mon bahut. En deux ans, j'en vois déjà les effets chez ses élèves.
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"Soyons subversifs. Révoltons-nous contre l'ignorance, l'indifférence, la cruauté, qui d'ailleurs ne s'exerce si souvent contre l'homme que parce qu'elles se sont fait la main sur les animaux. Il y aurait moins d'enfants martyrs s'il y avait moins d'animaux torturés".
Marguerite Yourcenar
« La vraie bonté de l’homme ne peut se manifester en toute pureté et en toute liberté qu’à l’égard de ceux qui ne représentent aucune force. » «Le véritable test moral de l’humanité, ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux. » Kundera, L’Insoutenable Légèreté de l’être
- Aperçu par hasardNeoprof expérimenté
Provence a écrit:L’an passé, un IPR a affirmé en réunion que l’enseignement de la grammaire, c’était une perte de temps…
Comment peut-on soutenir une chose pareille?
Un peu comme si, dans ma matière, on disait qu'il faut apprendre aux élèves à représenter l'espace sans leur enseigner les règles de la perspective.
- ProvenceEnchanteur
Aperçu par hasard a écrit:Provence a écrit:L’an passé, un IPR a affirmé en réunion que l’enseignement de la grammaire, c’était une perte de temps…
Comment peut-on soutenir une chose pareille?
Un peu comme si, dans ma matière, on disait qu'il faut apprendre aux élèves à représenter l'espace sans leur enseigner les règles de la perspective.
C’est très exactement le problème. La grammaire est attaquée par ceux qui devraient la défendre.
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
Aperçu par hasard a écrit:Provence a écrit:L’an passé, un IPR a affirmé en réunion que l’enseignement de la grammaire, c’était une perte de temps…
Comment peut-on soutenir une chose pareille?
Un peu comme si, dans ma matière, on disait qu'il faut apprendre aux élèves à représenter l'espace sans leur enseigner les règles de la perspective.
En cinq ans de collège, on ne m'a jamais appris la perspective
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