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- AmaliahEmpereur
A part "Nuit et brouillard", qu'étudiez-vous?
- cannelle21Grand Maître
Je vais suivre ton fil.
Pour évoquer la destruction, je fais Oradour, de Tardieu, qui fonctionne bien.
ET pour évoquer le génocide juif en parallèle, je fais des extraits de la pièce de théâtre L'instruction.
Je ne réponds pas directement à la question, mais ça me permet de suivre le fil.
Pour évoquer la destruction, je fais Oradour, de Tardieu, qui fonctionne bien.
ET pour évoquer le génocide juif en parallèle, je fais des extraits de la pièce de théâtre L'instruction.
Je ne réponds pas directement à la question, mais ça me permet de suivre le fil.
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Il y a des gens si bêtes que si une idée apparaissait à la surface de leur cerveau, elle se suiciderait, terrifiée de solitude.
- RobinFidèle du forum
Fugue de mort, par Paul Celan.
Lait noir du petit jour nous le buvons le soir
nous le buvons midi et matin nous le buvons la nuit
nous buvons et buvons
nous creusons une tombe dans les airs on y couche à son aise
Un homme habite la maison qui joue avec les serpents qui écrit
qui écrit quand il fait sombre sur l’Allemagne tes cheveux d’or Margarete
il écrit cela et va à sa porte et les étoiles fulminent il siffle pour appeler ses chiens
il siffle pour rappeler ses Juifs et fait creuser une tombe dans la terre
il nous ordonne jouez maintenant qu’on y danse
Lait noir du petit jour nous te buvons la nuit
nous te buvons midi et matin nous te buvons le soir
nous buvons et buvons
Un homme habite la maison qui joue avec les serpents qui écrit
qui écrit quand il fait sombre sur l’Allemagne tes cheveux d’or Margarete
Tes cheveux de cendre Sulamith nous creusons une tombe dans les airs on y couche à son aise
Il crie creusez plus profond la terre vous les uns et les autres chantez et jouez
il saisit le fer à sa ceinture il le brandit ses yeux sont bleus
creusez plus profond les bêches vous les uns et les autres jouez encore qu’on y danse
Lait noir du petit jour nous te buvons la nuit
nous te buvons midi et matin nous te buvons le soir
nous buvons et buvons
un homme habite la maison tes cheveux d’or Margarete
tes cheveux de cendre Sulamith il joue avec les serpents
Il crie jouez la mort plus doucement la mort est un maître d’Allemagne
il crie plus sombre les accents des violons et vous montez comme fumée dans les airs
et vous avez une tombe dans les nuages on y couche à son aise
Lait noir du petit jour nous te buvons la nuit
nous te buvons midi la mort est un maître d’Allemagne
nous te buvons soir et matin nous buvons et buvons
la mort est un maître d’Allemagne ses yeux sont bleus
il te touche avec une balle de plomb il te touche avec précision
un homme habite la maison tes cheveux d’or Margarete
il lâche ses chiens sur nous et nous offre une tombe dans les airs
il joue avec les serpents il rêve la mort est un maître d’Allemagne
tes cheveux d’or Margarete
tes cheveux de cendre Sulamith
Bucarest, 1945.
Traduction Olivier Favier.
Lait noir du petit jour nous le buvons le soir
nous le buvons midi et matin nous le buvons la nuit
nous buvons et buvons
nous creusons une tombe dans les airs on y couche à son aise
Un homme habite la maison qui joue avec les serpents qui écrit
qui écrit quand il fait sombre sur l’Allemagne tes cheveux d’or Margarete
il écrit cela et va à sa porte et les étoiles fulminent il siffle pour appeler ses chiens
il siffle pour rappeler ses Juifs et fait creuser une tombe dans la terre
il nous ordonne jouez maintenant qu’on y danse
Lait noir du petit jour nous te buvons la nuit
nous te buvons midi et matin nous te buvons le soir
nous buvons et buvons
Un homme habite la maison qui joue avec les serpents qui écrit
qui écrit quand il fait sombre sur l’Allemagne tes cheveux d’or Margarete
Tes cheveux de cendre Sulamith nous creusons une tombe dans les airs on y couche à son aise
Il crie creusez plus profond la terre vous les uns et les autres chantez et jouez
il saisit le fer à sa ceinture il le brandit ses yeux sont bleus
creusez plus profond les bêches vous les uns et les autres jouez encore qu’on y danse
Lait noir du petit jour nous te buvons la nuit
nous te buvons midi et matin nous te buvons le soir
nous buvons et buvons
un homme habite la maison tes cheveux d’or Margarete
tes cheveux de cendre Sulamith il joue avec les serpents
Il crie jouez la mort plus doucement la mort est un maître d’Allemagne
il crie plus sombre les accents des violons et vous montez comme fumée dans les airs
et vous avez une tombe dans les nuages on y couche à son aise
Lait noir du petit jour nous te buvons la nuit
nous te buvons midi la mort est un maître d’Allemagne
nous te buvons soir et matin nous buvons et buvons
la mort est un maître d’Allemagne ses yeux sont bleus
il te touche avec une balle de plomb il te touche avec précision
un homme habite la maison tes cheveux d’or Margarete
il lâche ses chiens sur nous et nous offre une tombe dans les airs
il joue avec les serpents il rêve la mort est un maître d’Allemagne
tes cheveux d’or Margarete
tes cheveux de cendre Sulamith
Bucarest, 1945.
Traduction Olivier Favier.
- MUTISExpert
On trouve dans le livre de Rachel Ertel, Dans la langue de personne (Seuil, 1993) une anthologie de poèmes consacrés à ce sujet. Très bon livre au passage.
Parmi les livres les plus impressionnants pour choisir des passages poétiques il y a le recueil d"Itzhok Katzenelson : Le Chant du peuple juif assassiné. C'est une lecture bouleversante et parfois très éprouvante. Mais c'est à mon avis le recueil poétique majeur pour ce sujet.
Personnellement j'ai étudié une année ce texte d'Isaïe Spiegel...
Je vais peut-être le refaire, tiens ! :
Nuit. Avec moi sur le grabat gît le froid, gît la faim.
Le ciel gelé est mort, pendu au carreau. Sur ma tête
En fins grains de pavot la voie lactée s'émiette
Un quartier de lune tremble sur mes lèvres - bout de pain.
Ils viendront à l'aube, ils soulèveront ma tête,
Et mes yeux -deux étoiles - tomberont en poussière.
Sur mes lèvres un bout de pain frémissant
Se posera - la voie lactée et ses rayons.
Personne ne reconnaîtra mon corps ni mes traits
Sous ma peau distendue craquelée par la faim.
Quand dans le chariot avec le vent je serai couché
Mes lèvres téteront la voie lactée - bout de pain.
La difficulté alors est de ne pas céder aux larmes quand on lit ce texte...
Evidemment pour les tenants du lieu commun anti-humaniste (le pathos c'est mal), il faut passer son chemin...
Parmi les livres les plus impressionnants pour choisir des passages poétiques il y a le recueil d"Itzhok Katzenelson : Le Chant du peuple juif assassiné. C'est une lecture bouleversante et parfois très éprouvante. Mais c'est à mon avis le recueil poétique majeur pour ce sujet.
Personnellement j'ai étudié une année ce texte d'Isaïe Spiegel...
Je vais peut-être le refaire, tiens ! :
Nuit. Avec moi sur le grabat gît le froid, gît la faim.
Le ciel gelé est mort, pendu au carreau. Sur ma tête
En fins grains de pavot la voie lactée s'émiette
Un quartier de lune tremble sur mes lèvres - bout de pain.
Ils viendront à l'aube, ils soulèveront ma tête,
Et mes yeux -deux étoiles - tomberont en poussière.
Sur mes lèvres un bout de pain frémissant
Se posera - la voie lactée et ses rayons.
Personne ne reconnaîtra mon corps ni mes traits
Sous ma peau distendue craquelée par la faim.
Quand dans le chariot avec le vent je serai couché
Mes lèvres téteront la voie lactée - bout de pain.
La difficulté alors est de ne pas céder aux larmes quand on lit ce texte...
Evidemment pour les tenants du lieu commun anti-humaniste (le pathos c'est mal), il faut passer son chemin...
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"Heureux soient les fêlés car ils laissent passer la lumière" (Audiard)
"Ce n'est pas l'excès d'autorité qui est dangereux, c'est l'excès d'obéissance" (Primo Levi)
"La littérature, quelque passion que nous mettions à le nier, permet de sauver de l'oubli tout ce sur quoi le regard contemporain, de plus en plus immoral, prétend glisser dans l'indifférence absolue" (Enrique Vila-Matas)
" Que les dissemblables soient réunis et de leurs différences jaillira la plus belle harmonie ; rien ne se fait sans lutte." (Héraclite)
"Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie, de n'être pas fou" (Pascal).
- Thalia de GMédiateur
En effet.MUTIS a écrit:La difficulté alors est de ne pas céder aux larmes quand on lit ce texte...
Je ne connaissais pas. Merci de l'avoir cité.
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Le printemps a le parfum poignant de la nostalgie, et l'été un goût de cendres.
Soleil noir de mes mélancolies.
- SteredDoyen
Une poupée à Auschwitz
Sur un tas de cendre humaine une poupée est assise
C'est l'unique reliquat, l'unique trace de vie.
Toute seule elle est assise, orpheline de l'enfant
Qui l'aima de toute son âme. Elle est assise
Comme autrefois elle l'était parmi ses jouets
Auprès du lit de l'enfant sur une petite table.
Elle reste assise ainsi, sa crinoline défaite,
Avec ses grands yeux tout bleus et ses tresses toutes blondes,
Avec des yeux comme en ont toutes les poupées du monde
Qui du haut du tas de cendre ont un regard étonné
Et regardent comme font toutes les poupées du monde.
Pourtant tout est différent, leur étonnement diffère
De celui qu'ont dans les yeux toutes les poupées du monde
Un étrange étonnement qui n'appartient qu'à eux seuls.
Car les yeux de la poupée sont l'unique paire d'yeux
Qui de tant et tant d'yeux subsiste encore en ce lieu,
Les seuls qui aient resurgi de ce tas de cendre humaine,
Seuls sont demeurés des yeux les yeux de cette poupée
Qui nous contemple à présent, vue éteinte sous la cendre,
Et jusqu'à ce qu'il nous soit terriblement difficile
De la regarder dans les yeux.
Dans ses mains, il y a peu, l'enfant tenait la poupée,
Dans ses bras, il y a peu, la mère portait l'enfant,
La mère tenait l'enfant comme l'enfant portait la poupée,
Et se tenant tous les trois c'est à trois qu'ils succombèrent
Dans une chambre de mort, dans son enfer étouffant.
La mère, l'enfant, la poupée.
La poupée, l'enfant, la mère.
Parce qu'elle était poupée, la poupée eut de la chance.
Quel bonheur d'être poupée et de n'être pas enfant !
Comme elle y était entrée elle est sortie de la chambre,
Mais l'enfant n'était plus là pour la serrer contre lui,
Comme pour serrer l'enfant il n'y avait plus de mère.
Alors elle est restée là, juchée sur un tas de cendre,
Et l'on dirait qu'alentour elle scrute et qu'elle cherche
Les mains, les petites mains qui voici peu la tenaient.
De la chambre de la mort la poupée est ressortie
Entière avec sa forme et avec son ossature,
Ressortie avec sa robe et avec ses tresses blondes.
Et avec ses grands yeux bleus qui tout pleins d'étonnement
Nous regardent dans les yeux, nous regardent, nous regardent.
Sur un tas de cendre humaine une poupée est assise
C'est l'unique reliquat, l'unique trace de vie.
Toute seule elle est assise, orpheline de l'enfant
Qui l'aima de toute son âme. Elle est assise
Comme autrefois elle l'était parmi ses jouets
Auprès du lit de l'enfant sur une petite table.
Elle reste assise ainsi, sa crinoline défaite,
Avec ses grands yeux tout bleus et ses tresses toutes blondes,
Avec des yeux comme en ont toutes les poupées du monde
Qui du haut du tas de cendre ont un regard étonné
Et regardent comme font toutes les poupées du monde.
Pourtant tout est différent, leur étonnement diffère
De celui qu'ont dans les yeux toutes les poupées du monde
Un étrange étonnement qui n'appartient qu'à eux seuls.
Car les yeux de la poupée sont l'unique paire d'yeux
Qui de tant et tant d'yeux subsiste encore en ce lieu,
Les seuls qui aient resurgi de ce tas de cendre humaine,
Seuls sont demeurés des yeux les yeux de cette poupée
Qui nous contemple à présent, vue éteinte sous la cendre,
Et jusqu'à ce qu'il nous soit terriblement difficile
De la regarder dans les yeux.
Dans ses mains, il y a peu, l'enfant tenait la poupée,
Dans ses bras, il y a peu, la mère portait l'enfant,
La mère tenait l'enfant comme l'enfant portait la poupée,
Et se tenant tous les trois c'est à trois qu'ils succombèrent
Dans une chambre de mort, dans son enfer étouffant.
La mère, l'enfant, la poupée.
La poupée, l'enfant, la mère.
Parce qu'elle était poupée, la poupée eut de la chance.
Quel bonheur d'être poupée et de n'être pas enfant !
Comme elle y était entrée elle est sortie de la chambre,
Mais l'enfant n'était plus là pour la serrer contre lui,
Comme pour serrer l'enfant il n'y avait plus de mère.
Alors elle est restée là, juchée sur un tas de cendre,
Et l'on dirait qu'alentour elle scrute et qu'elle cherche
Les mains, les petites mains qui voici peu la tenaient.
De la chambre de la mort la poupée est ressortie
Entière avec sa forme et avec son ossature,
Ressortie avec sa robe et avec ses tresses blondes.
Et avec ses grands yeux bleus qui tout pleins d'étonnement
Nous regardent dans les yeux, nous regardent, nous regardent.
Mosche SCHULSTEIN
- SteredDoyen
L'enfant de Pompéi
Puisque l’angoisse de chacun est notre angoisse,
Nous revivons toujours la tienne, enfant gracile,
Qui t’es blottie contre ta mère, éperdument,
Comme si tu voulais te réfugier en elle,
Quand tout noir, à midi, le ciel est devenu.
En vain, parce que l’air transformé en poison
A filtré jusqu’à toi par les fenêtres closes
De ta maison tranquille, aux murs si rassurants,
Qu’avaient ravie tes chants et tes rires timides.
Des siècles ont passé, la cendre faite pierre
Emprisonne à jamais la grâce de ton corps.
Ainsi restes-tu parmi nous, convulsif moulage de plâtre,
Agonie infinie, terrible témoignage
Du cas que font les dieux de notre race altière.
Rien, cependant, ne reste parmi nous, de ta lointaine sœur,
De l’enfant de Hollande, entre quatre murs emmurée,
Qui écrivit pourtant sa jeunesse sans lendemain :
Ses cendres ont été dispersées par le vent, muettes,
Et un cahier jauni renferme sa vie brève.
Plus rien ne reste de l’écolière d’Hiroshima,
Ombre clouée au mur par la lumière de mille soleils.
Puissants de la terre, maîtres en nouveaux poisons,
Tristes gardiens secrets du tonnerre définitif,
Les fléaux du ciel amplement nous suffisent.
Avant que d’appuyer du doigt, arrêtez-vous, réfléchissez.
Primo Levi, 20 novembre 1978
Puisque l’angoisse de chacun est notre angoisse,
Nous revivons toujours la tienne, enfant gracile,
Qui t’es blottie contre ta mère, éperdument,
Comme si tu voulais te réfugier en elle,
Quand tout noir, à midi, le ciel est devenu.
En vain, parce que l’air transformé en poison
A filtré jusqu’à toi par les fenêtres closes
De ta maison tranquille, aux murs si rassurants,
Qu’avaient ravie tes chants et tes rires timides.
Des siècles ont passé, la cendre faite pierre
Emprisonne à jamais la grâce de ton corps.
Ainsi restes-tu parmi nous, convulsif moulage de plâtre,
Agonie infinie, terrible témoignage
Du cas que font les dieux de notre race altière.
Rien, cependant, ne reste parmi nous, de ta lointaine sœur,
De l’enfant de Hollande, entre quatre murs emmurée,
Qui écrivit pourtant sa jeunesse sans lendemain :
Ses cendres ont été dispersées par le vent, muettes,
Et un cahier jauni renferme sa vie brève.
Plus rien ne reste de l’écolière d’Hiroshima,
Ombre clouée au mur par la lumière de mille soleils.
Puissants de la terre, maîtres en nouveaux poisons,
Tristes gardiens secrets du tonnerre définitif,
Les fléaux du ciel amplement nous suffisent.
Avant que d’appuyer du doigt, arrêtez-vous, réfléchissez.
Primo Levi, 20 novembre 1978
- MUTISExpert
Je trahirai demain pas aujourd’hui.
Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,
Je ne trahirai pas.
Vous ne savez pas le bout de mon courage.
Moi je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.
Vous avez aux pieds des chaussures
Avec des clous.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui,
Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre,
Il ne faut pas moins d’une nuit
Pour renier, pour abjurer, pour trahir.
Pour renier mes amis,
Pour abjurer le pain et le vin,
Pour trahir la vie,
Pour mourir.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui.
La lime est sous le carreau,
La lime n’est pas pour le barreau,
La lime n’est pas pour le bourreau,
La lime est pour mon poignet.
Aujourd’hui je n’ai rien à dire,
Je trahirai demain.
Marianne Cohn, 1943
Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,
Je ne trahirai pas.
Vous ne savez pas le bout de mon courage.
Moi je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.
Vous avez aux pieds des chaussures
Avec des clous.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui,
Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre,
Il ne faut pas moins d’une nuit
Pour renier, pour abjurer, pour trahir.
Pour renier mes amis,
Pour abjurer le pain et le vin,
Pour trahir la vie,
Pour mourir.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui.
La lime est sous le carreau,
La lime n’est pas pour le barreau,
La lime n’est pas pour le bourreau,
La lime est pour mon poignet.
Aujourd’hui je n’ai rien à dire,
Je trahirai demain.
Marianne Cohn, 1943
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"Heureux soient les fêlés car ils laissent passer la lumière" (Audiard)
"Ce n'est pas l'excès d'autorité qui est dangereux, c'est l'excès d'obéissance" (Primo Levi)
"La littérature, quelque passion que nous mettions à le nier, permet de sauver de l'oubli tout ce sur quoi le regard contemporain, de plus en plus immoral, prétend glisser dans l'indifférence absolue" (Enrique Vila-Matas)
" Que les dissemblables soient réunis et de leurs différences jaillira la plus belle harmonie ; rien ne se fait sans lutte." (Héraclite)
"Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie, de n'être pas fou" (Pascal).
- NadejdaGrand sage
Quelques noms :
Avrom Sutzkever, poète yiddish d'une très grande force :
http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/sutzkever/sutzkever.html
Sur la chaussée du ghetto en bringuebalant
Est passée une charrette remplie de chaussures
Encore chaude des pieds qui les avaient portées
Cadeau effroyable des exterminés et j’ai
Reconnu de ma mère la chaussure éculée
A la bouche béante ourlée de lèvres ensanglantées.
Courant derrière le convoi j’ai crié
Je veux être offrande à ton amour
Tomber à genoux et baiser
La poussière de ta chaussure frémissante
Et la sacrer phylactère sur mon front
En prononçant ton nom
Toutes les chaussures dans le brouillard des larmes
Sont devenues chaussures de ma mère.
Et ma main tendue est retombée inerte
Se refermant comme sur le vide du rêve.
Depuis ma conscience est une chaussure tordue.
Juillet 1943, ghetto de Vilnius
Paul Celan, déjà cité, notamment ses poèmes sur sa mère comme "Flocons noirs" :
(De la neige est tombée, sans clarté. Cela fait déjà une lune
ou deux que l’automne sous une bure de moine
m’a apporté un message à moi aussi, une lettre des versants d’Ukraine :
« Songe qu’ici aussi c’est l’hiver, pour la millième fois maintenant
dans ce pays où coule le plus vaste des fleuves :
sang céleste de Jaacob, béni par des haches…
Oh glace d’une rougeur irréelle - leur hetman y patauge avec
tout son train vers les soleils qui s’assombrissent… Enfant, ah un drap
pour m’y enrouler, quand brillent les heaumes,
quand éclate la motte, colorée de rose, quand poudroient comme neige
les ossements de ton père, et que les sabots
en crissant écrasent la chanson du cèdre…
Un drap, juste une petite bande de tissu, pour que j’y garde,
maintenant que tu apprends à pleurer, à mes côtés
l’étroitesse du monde qui ne verdit jamais, mon enfant, non plus pour le tien ! »
L’automne m’est passé, mère, saignant, la neige m’a brûlé :
mon cœur, je l’ai cherché, pour qu’il pleure, j’ai trouvé le souffle, ah celui de l’été,
il était comme toi.
Les larmes me sont venues. Le bandeau, je l’ai tissé.)
Paul Celan a correspondu avec la poète allemande Nelly Sachs, très marquée également par le génocide, mais n'étant pas chez moi je n'ai rien sous la main pour le moment.
Autre poète de langue allemande, Rose Ausländer, originaire de Czernowicz
J’ai hérité
de la rosée
de leurs larmes
(…)
Tu marches
dans la ville noire
les pieds meurtris
sur la hanche
te touche la mort
Une anthologie rassemble une sélection de poèmes de poètes juifs de langue allemande originaires de Czernowicz (comme Celan et l'écrivain Appelfeld) : Poèmes de Czernowicz. Douze poètes juifs de langue allemande, anthologie présentée et traduite par François Mathieu, éditions Laurence Teper, 2008
Pensez aussi à Benjamin Fondane qui, s'il n'a pas pu témoigner directement du génocide, avait eu très tôt, comme prophétiquement, la conscience de la catastrophe à venir. Son recueil incontournable : Le mal des fantômes.
Sur l'universalité de la judéité, ce poème par exemple : https://aquariumvert.wordpress.com/2013/02/20/intermede-ulysse-de-benjamin-fondane/
Uri Orlev, plutôt connu aujourd'hui pour ses livres à destination de la jeunesse, a survécu enfant au camp de Bergen-Belsen. Ses poèmes ont été écrits dans le camp sur des planchettes de bois : http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2011/11/uri-orlev-po%C3%A8mes-%C3%A9crits-%C3%A0-bergen-belsen-en-1944-en-sa-treizi%C3%A8me-ann%C3%A9e.html
L'écriture poétique des enfants dans les camps et ghettos n'est d'ailleurs pas à négliger, elle est souvent sidérante par sa maturité au-delà des maladresses : https://aquariumvert.wordpress.com/2013/02/11/poemes-denfants-de-theresienstadt/
D'autres poètes :
-l'israélien Dan Pagis : https://aquariumvert.wordpress.com/2013/04/03/intermede-poemes-de-dan-pagis-1930-1986/
-le hongrois Miklos Radnoti dont l'on a retrouvé les dernières poèmes dans sa poche, son cadavre ayant été jeté dans un charnier après son exécution : https://aquariumvert.wordpress.com/tag/miklos-radnoti/
Je suis tombé près de lui. Comme une corde qui saute,
son corps, roide, s’est retourné.
La nuque, à bout portant… Et toi comme les autres,
pensais-je, il te suffit d’attendre sans bouger.
La mort, de notre attente, est la rose vermeille.
Der springt noch auf, aboyait-on là-haut.
De la boue et du sang séchaient sur mon oreille.
-Des poètes de langue polonaise ont aussi rendu compte de la Shoah, comme Tadeusz Borowski ou Wladyslaw Szlengel ("Conversation avec un enfant" par exemple :
On en trouve une sélection dans Poètes de l’apocalypse. Anthologie de poésie en polonais, hébreu et yiddish (1939-1945), Presses Universitaires de Lille, 1991
Enfin, des poètes qui n'ont pas directement connu la Shoah mais en sont hantés, pour des raisons souvent familiale. Juste un exemple, Tadeusz Rozewicz : https://aquariumvert.wordpress.com/2013/04/29/intermede-tadeusz-rozewicz-p-s-jai-trebuche-moi-aussi-sur-une-pierre-au-debut-de-mon-parcours/
Bien sûr, ma sélection dépasse largement ce qu'il est possible de faire en 3e en raison du niveau des élèves ou des impératifs du programme.
Avrom Sutzkever, poète yiddish d'une très grande force :
http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/sutzkever/sutzkever.html
Sur la chaussée du ghetto en bringuebalant
Est passée une charrette remplie de chaussures
Encore chaude des pieds qui les avaient portées
Cadeau effroyable des exterminés et j’ai
Reconnu de ma mère la chaussure éculée
A la bouche béante ourlée de lèvres ensanglantées.
Courant derrière le convoi j’ai crié
Je veux être offrande à ton amour
Tomber à genoux et baiser
La poussière de ta chaussure frémissante
Et la sacrer phylactère sur mon front
En prononçant ton nom
Toutes les chaussures dans le brouillard des larmes
Sont devenues chaussures de ma mère.
Et ma main tendue est retombée inerte
Se refermant comme sur le vide du rêve.
Depuis ma conscience est une chaussure tordue.
Juillet 1943, ghetto de Vilnius
Paul Celan, déjà cité, notamment ses poèmes sur sa mère comme "Flocons noirs" :
(De la neige est tombée, sans clarté. Cela fait déjà une lune
ou deux que l’automne sous une bure de moine
m’a apporté un message à moi aussi, une lettre des versants d’Ukraine :
« Songe qu’ici aussi c’est l’hiver, pour la millième fois maintenant
dans ce pays où coule le plus vaste des fleuves :
sang céleste de Jaacob, béni par des haches…
Oh glace d’une rougeur irréelle - leur hetman y patauge avec
tout son train vers les soleils qui s’assombrissent… Enfant, ah un drap
pour m’y enrouler, quand brillent les heaumes,
quand éclate la motte, colorée de rose, quand poudroient comme neige
les ossements de ton père, et que les sabots
en crissant écrasent la chanson du cèdre…
Un drap, juste une petite bande de tissu, pour que j’y garde,
maintenant que tu apprends à pleurer, à mes côtés
l’étroitesse du monde qui ne verdit jamais, mon enfant, non plus pour le tien ! »
L’automne m’est passé, mère, saignant, la neige m’a brûlé :
mon cœur, je l’ai cherché, pour qu’il pleure, j’ai trouvé le souffle, ah celui de l’été,
il était comme toi.
Les larmes me sont venues. Le bandeau, je l’ai tissé.)
Paul Celan a correspondu avec la poète allemande Nelly Sachs, très marquée également par le génocide, mais n'étant pas chez moi je n'ai rien sous la main pour le moment.
Autre poète de langue allemande, Rose Ausländer, originaire de Czernowicz
J’ai hérité
de la rosée
de leurs larmes
(…)
Tu marches
dans la ville noire
les pieds meurtris
sur la hanche
te touche la mort
Une anthologie rassemble une sélection de poèmes de poètes juifs de langue allemande originaires de Czernowicz (comme Celan et l'écrivain Appelfeld) : Poèmes de Czernowicz. Douze poètes juifs de langue allemande, anthologie présentée et traduite par François Mathieu, éditions Laurence Teper, 2008
Pensez aussi à Benjamin Fondane qui, s'il n'a pas pu témoigner directement du génocide, avait eu très tôt, comme prophétiquement, la conscience de la catastrophe à venir. Son recueil incontournable : Le mal des fantômes.
Sur l'universalité de la judéité, ce poème par exemple : https://aquariumvert.wordpress.com/2013/02/20/intermede-ulysse-de-benjamin-fondane/
Uri Orlev, plutôt connu aujourd'hui pour ses livres à destination de la jeunesse, a survécu enfant au camp de Bergen-Belsen. Ses poèmes ont été écrits dans le camp sur des planchettes de bois : http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2011/11/uri-orlev-po%C3%A8mes-%C3%A9crits-%C3%A0-bergen-belsen-en-1944-en-sa-treizi%C3%A8me-ann%C3%A9e.html
L'écriture poétique des enfants dans les camps et ghettos n'est d'ailleurs pas à négliger, elle est souvent sidérante par sa maturité au-delà des maladresses : https://aquariumvert.wordpress.com/2013/02/11/poemes-denfants-de-theresienstadt/
D'autres poètes :
-l'israélien Dan Pagis : https://aquariumvert.wordpress.com/2013/04/03/intermede-poemes-de-dan-pagis-1930-1986/
-le hongrois Miklos Radnoti dont l'on a retrouvé les dernières poèmes dans sa poche, son cadavre ayant été jeté dans un charnier après son exécution : https://aquariumvert.wordpress.com/tag/miklos-radnoti/
Je suis tombé près de lui. Comme une corde qui saute,
son corps, roide, s’est retourné.
La nuque, à bout portant… Et toi comme les autres,
pensais-je, il te suffit d’attendre sans bouger.
La mort, de notre attente, est la rose vermeille.
Der springt noch auf, aboyait-on là-haut.
De la boue et du sang séchaient sur mon oreille.
-Des poètes de langue polonaise ont aussi rendu compte de la Shoah, comme Tadeusz Borowski ou Wladyslaw Szlengel ("Conversation avec un enfant" par exemple :
- Spoiler:
— Dis-moi, Maman, demande l’enfant, / Qu’est-ce que ça veut dire, LOIN ? //
Loin, c’est derrière les montagnes, / Par-delà les forêts et les fleuves, / Loin signifie des rails / Et des voyages sur la mer, / Les navires, les espaces bleus, / Les montagnes dans le soleil… //
Loin, il y a des îles dorées, / Un souffle de vent parfumé, / Il y a une verdure humide / Et un sable doux et sec…/ Mais comment expliquer à l’enfant / Ce que veut dire LOIN ? //
Loin, mon cher enfant / (et une larme frémit sur les cils), / Loin, c’est comme de notre atelier/ Jusqu’aux ateliers de Többens… //
Et dis-moi, chère Maman, / Que signifie JADIS ? //
Jadis, c’est le soir dans la ville, / Des réverbères, des néons, / C’est une paix douce à la maison / Et une cheminée qui flambe…/ Jadis, c’est le café Ziemiańska, / Jadis c’est le dîner avec la radio, / Jadis c’est Nasz Przegląd le matin / Et une soirée au cinéma Paladium. / Jadis, c’est un mois à la mer, / Des photos d’une excursion, / Celle du mariage, sous le voile, / Et aussi du pain blanc, sans le son.. //
Mais comment expliquer à l’enfant / Ce passé clair et glorieux, / Alors qu’il ne sait rien du tout ; / Comment lui expliquer JADIS ? //
Vois-tu, mon cher garçon, / Triste et vieilli dès l’enfance, / Jadis, c’est quand depuis longtemps / Il n’y a pas eu de distribution de miel…//
Et dis-moi, Maman, explique-moi, / Qu’est-ce que j’entends la nuit, / Ces sifflets longs, lointains, / Qu’est-ce qui siffle, et pourquoi ? //
Comment expliquer à l’enfant, / Quel exemple, quelle illustration / Pour dire que dans la nuit / Sifflent les locomotives… / Comment raconter les rails / Et les voyages infinis, / Le plaisir de rouler en sleeping / Et la folie des trains rapides. / Gares, signaux, aiguillages, / Villes nouvelles, rues inconnues, / Billets, correspondances, / Bagages, buffet et porteur… //
Les feux qui scintillent la nuit, / La traînée violette des fumées… / Comment et pourquoi expliquer / Qu’il y a un monde ailleurs ? //
Ce monde signifie, mon garçon / Qui tords tes mains de tristesse, / Qu’il y a des choses plus loin que Többens — / Et plus lointaines que le miel…
On en trouve une sélection dans Poètes de l’apocalypse. Anthologie de poésie en polonais, hébreu et yiddish (1939-1945), Presses Universitaires de Lille, 1991
Enfin, des poètes qui n'ont pas directement connu la Shoah mais en sont hantés, pour des raisons souvent familiale. Juste un exemple, Tadeusz Rozewicz : https://aquariumvert.wordpress.com/2013/04/29/intermede-tadeusz-rozewicz-p-s-jai-trebuche-moi-aussi-sur-une-pierre-au-debut-de-mon-parcours/
Bien sûr, ma sélection dépasse largement ce qu'il est possible de faire en 3e en raison du niveau des élèves ou des impératifs du programme.
- User24373Neoprof expérimenté
Merci! (Je recherchais justement ce poème !)MUTIS a écrit:Je trahirai demain pas aujourd’hui.
Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,
Je ne trahirai pas.
Vous ne savez pas le bout de mon courage.
Moi je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.
Vous avez aux pieds des chaussures
Avec des clous.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui,
Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre,
Il ne faut pas moins d’une nuit
Pour renier, pour abjurer, pour trahir.
Pour renier mes amis,
Pour abjurer le pain et le vin,
Pour trahir la vie,
Pour mourir.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui.
La lime est sous le carreau,
La lime n’est pas pour le barreau,
La lime n’est pas pour le bourreau,
La lime est pour mon poignet.
Aujourd’hui je n’ai rien à dire,
Je trahirai demain.
Marianne Cohn, 1943
- MUTISExpert
Merci Nadejda...
Que de merveilles sur ce fil...
Que de merveilles sur ce fil...
_________________
"Heureux soient les fêlés car ils laissent passer la lumière" (Audiard)
"Ce n'est pas l'excès d'autorité qui est dangereux, c'est l'excès d'obéissance" (Primo Levi)
"La littérature, quelque passion que nous mettions à le nier, permet de sauver de l'oubli tout ce sur quoi le regard contemporain, de plus en plus immoral, prétend glisser dans l'indifférence absolue" (Enrique Vila-Matas)
" Que les dissemblables soient réunis et de leurs différences jaillira la plus belle harmonie ; rien ne se fait sans lutte." (Héraclite)
"Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie, de n'être pas fou" (Pascal).
- OudemiaBon génie
Ce qui me gêne, c'est la traduction, qui, sauf exception, tue la poésie (j'ai découvert Paul Celan par Todesfuge dans un séjour linguistique, je me suis procuré aussitôt deux de ses recueils ).
Pour un cours de français, c'est gênant.
J'ai des découvertes à faire, en tout cas, merci !
Pour un cours de français, c'est gênant.
J'ai des découvertes à faire, en tout cas, merci !
- jul'Érudit
Si c'est un homme
Poème de Primo Levi
Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis
Considérez si c'est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connait pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui meurt pour un oui pour un non.
Considérez si c'est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu'à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N'oubliez pas que cela fut,
Non, ne l'oubliez pas:
Gravez ces mots dans votre coeur.
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant;
Répétez-les à vos enfants.
Ou que votre maison s'écroule;
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous.
PRIMO LEVI
Poème de Primo Levi
Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis
Considérez si c'est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connait pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui meurt pour un oui pour un non.
Considérez si c'est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu'à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N'oubliez pas que cela fut,
Non, ne l'oubliez pas:
Gravez ces mots dans votre coeur.
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant;
Répétez-les à vos enfants.
Ou que votre maison s'écroule;
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous.
PRIMO LEVI
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l'humour, c'est comme les essuie-glaces, ça n'arrête pas la pluie, mais ça permet d'avancer (J.L. Fournier)
- MUTISExpert
Je ne dirais pas que la traduction tue la poésie. Elle change l'approche et l'analyse ce n'est pas pareil. Par exemple le texte de Spiegel que je cite est traduit du yiddish. Cela n'empêche pas son effet sur le lecteur et sa beauté. Cela n'empêche pas la lecture et l'émotion. Cela voudrait dire sinon que l'on ne peut lire de la poésie qu'en langue originale. Ce qui est à mon avis faux.
En tout cas ces textes peuvent être étudiés même s'ils sont traduits. Avec une approche différente sans doute.
En tout cas ces textes peuvent être étudiés même s'ils sont traduits. Avec une approche différente sans doute.
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"Heureux soient les fêlés car ils laissent passer la lumière" (Audiard)
"Ce n'est pas l'excès d'autorité qui est dangereux, c'est l'excès d'obéissance" (Primo Levi)
"La littérature, quelque passion que nous mettions à le nier, permet de sauver de l'oubli tout ce sur quoi le regard contemporain, de plus en plus immoral, prétend glisser dans l'indifférence absolue" (Enrique Vila-Matas)
" Que les dissemblables soient réunis et de leurs différences jaillira la plus belle harmonie ; rien ne se fait sans lutte." (Héraclite)
"Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie, de n'être pas fou" (Pascal).
- leyadeEsprit sacré
MUTIS a écrit:On trouve dans le livre de Rachel Ertel, Dans la langue de personne (Seuil, 1993) une anthologie de poèmes consacrés à ce sujet. Très bon livre au passage.
Parmi les livres les plus impressionnants pour choisir des passages poétiques il y a le recueil d"Itzhok Katzenelson : Le Chant du peuple juif assassiné. C'est une lecture bouleversante et parfois très éprouvante. Mais c'est à mon avis le recueil poétique majeur pour ce sujet.
Personnellement j'ai étudié une année ce texte d'Isaïe Spiegel...
Je vais peut-être le refaire, tiens ! :
Nuit. Avec moi sur le grabat gît le froid, gît la faim.
Le ciel gelé est mort, pendu au carreau. Sur ma tête
En fins grains de pavot la voie lactée s'émiette
Un quartier de lune tremble sur mes lèvres - bout de pain.
Ils viendront à l'aube, ils soulèveront ma tête,
Et mes yeux -deux étoiles - tomberont en poussière.
Sur mes lèvres un bout de pain frémissant
Se posera - la voie lactée et ses rayons.
Personne ne reconnaîtra mon corps ni mes traits
Sous ma peau distendue craquelée par la faim.
Quand dans le chariot avec le vent je serai couché
Mes lèvres téteront la voie lactée - bout de pain.
La difficulté alors est de ne pas céder aux larmes quand on lit ce texte...
Evidemment pour les tenants du lieu commun anti-humaniste (le pathos c'est mal), il faut passer son chemin...
Quel texte! L'image est d'une force! :shock:
_________________
Maggi is my way, Melfor is my church and Picon is my soutien. Oui bon je sais pas dire soutien en anglais.
LSU AP ENT HDA PAI PAP PPMS PPRE ULIS TICE PAF
- leyadeEsprit sacré
Sinon, comme Cannelle, je fais Oradour de Tardieu.
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Maggi is my way, Melfor is my church and Picon is my soutien. Oui bon je sais pas dire soutien en anglais.
LSU AP ENT HDA PAI PAP PPMS PPRE ULIS TICE PAF
- User5899Demi-dieu
Tout dépend comment on envisage ou comment on perçoit la poésie. Objectivement, la traduction fait perdre (comme en prose) tous les jeux d'échos phoniques entre mots de mêmes racines (ou qu'on fait passer pour tels), ainsi que (plus propre à la poésie) tous les rythmes, qui découlent du système de la langue originale. Comme Oudémia, s'il m'arrive pourtant de faire lire des textes en langues étrangères, je suis gêné& par le problème et je ne le fais que pour des langues que je pratique, ne serait-ce qu'un peu, et qu'avec le texte (par pléonasme original) en regard. Y compris pour les auteurs du XVIe siècle français.MUTIS a écrit:Je ne dirais pas que la traduction tue la poésie. Elle change l'approche et l'analyse ce n'est pas pareil. Par exemple le texte de Spiegel que je cite est traduit du yiddish. Cela n'empêche pas son effet sur le lecteur et sa beauté. Cela n'empêche pas la lecture et l'émotion. Cela voudrait dire sinon que l'on ne peut lire de la poésie qu'en langue originale. Ce qui est à mon avis faux.
En tout cas ces textes peuvent être étudiés même s'ils sont traduits. Avec une approche différente sans doute.
Evidemment, ce serait dommage de se priver de ces textes. Mais j'ai peur que mon émotion ne se construise sur des bases peu légitimes.
- CeladonDemi-dieu
Terrible. Il a un titre, ce poème, Mutis ?
- OudemiaBon génie
Cripure a écrit:Tout dépend comment on envisage ou comment on perçoit la poésie. Objectivement, la traduction fait perdre (comme en prose) tous les jeux d'échos phoniques entre mots de mêmes racines (ou qu'on fait passer pour tels), ainsi que (plus propre à la poésie) tous les rythmes, qui découlent du système de la langue originale. Comme Oudémia, s'il m'arrive pourtant de faire lire des textes en langues étrangères, je suis gêné& par le problème et je ne le fais que pour des langues que je pratique, ne serait-ce qu'un peu, et qu'avec le texte (par pléonasme original) en regard. Y compris pour les auteurs du XVIe siècle français.MUTIS a écrit:Je ne dirais pas que la traduction tue la poésie. Elle change l'approche et l'analyse ce n'est pas pareil. Par exemple le texte de Spiegel que je cite est traduit du yiddish. Cela n'empêche pas son effet sur le lecteur et sa beauté. Cela n'empêche pas la lecture et l'émotion. Cela voudrait dire sinon que l'on ne peut lire de la poésie qu'en langue originale. Ce qui est à mon avis faux.
En tout cas ces textes peuvent être étudiés même s'ils sont traduits. Avec une approche différente sans doute.
Evidemment, ce serait dommage de se priver de ces textes. Mais j'ai peur que mon émotion ne se construise sur des bases peu légitimes.
- Spoiler:
et pour les auteurs français : il y a des faux amis à repérer, des contre-sens à éviter, des précisions à donner mais avec un petit effort c'est compréhensible et on ne perd rien du texte (sur le trépas de Bertrand du Guesclin en 5e par exemple)
- AmaliahEmpereur
Un grand merci pour tous ces textes. J'en connaissais certains, j'en découvre beaucoup d'autres.
J'ai étudié au cours des séquences précédentes :
« Où vont tous ces enfants… » de V. Hugo.
« Le Dormeur du val » d’A. Rimbaud.
« La Colombe poignardée et le jet d’eau d’eau » de G. Apollinaire.
« Si je mourais là-bas… » de G. Apollinaire.
Et là, dans ma séquence consacrée à l'art engagé, j'étudie:
« La Victoire de Guernica ».
« Oradour ».
« Ce cœur qui haïssait la guerre ».
« Strophes pour se souvenir ».
« Afrique ».
« Jamais je ne pourrai dormir ».
En évaluation, ce sera « Barbara ».
Je cherchais un texte qui évoque les camps, je n'ai plus que l'embarras du choix!
J'ai étudié au cours des séquences précédentes :
« Où vont tous ces enfants… » de V. Hugo.
« Le Dormeur du val » d’A. Rimbaud.
« La Colombe poignardée et le jet d’eau d’eau » de G. Apollinaire.
« Si je mourais là-bas… » de G. Apollinaire.
Et là, dans ma séquence consacrée à l'art engagé, j'étudie:
« La Victoire de Guernica ».
« Oradour ».
« Ce cœur qui haïssait la guerre ».
« Strophes pour se souvenir ».
« Afrique ».
« Jamais je ne pourrai dormir ».
En évaluation, ce sera « Barbara ».
Je cherchais un texte qui évoque les camps, je n'ai plus que l'embarras du choix!
- User5899Demi-dieu
Euh, il lui est arrivé un truc, à la colombeAmaliah a écrit:« La Colombe et le jet d’eau d’eau » de G. Apollinaire.
- NadejdaGrand sage
Une précision quand même, bien qu'elle soit évidente : le génocide juif ce n'est pas que les camps. Beaucoup de poèmes évoqués ici évoquent la mise à mort dans les ghettos, les exécutions par balles dans les territoires de l'ex-URSS. L'image du camp s'est imposé dans l'imaginaire occidental mais ce n'est "qu'une" des modalités de la mise à mort. De très beaux poèmes ont aussi été écrits par ceux qui ont survécu ou assisté aux fusillades à l'Est, notamment à Kiev. On tend à les regrouper aujourd'hui sous l'expression "littérature des ravins".
Par ailleurs, ce sont des poèmes qui sont rarement engagés au sens où les Français l'entendent. Ces poètes écrivent d'abord pour "eux", pour donner un nom aux disparus, leur dresser un tombeau, pour réaffirmer la subjectivité là où la destruction n'a laissé qu'une masse indifférenciée de victimes, pas franchement pour dénoncer quoi que soit.
Par ailleurs, ce sont des poèmes qui sont rarement engagés au sens où les Français l'entendent. Ces poètes écrivent d'abord pour "eux", pour donner un nom aux disparus, leur dresser un tombeau, pour réaffirmer la subjectivité là où la destruction n'a laissé qu'une masse indifférenciée de victimes, pas franchement pour dénoncer quoi que soit.
- AmaliahEmpereur
Merci Cripure pour la bourde et Nadejda pour les précisions. Je ne connaissais pas l'expression "littérature des ravins".
- AmaliahEmpereur
cannelle21 a écrit:Je vais suivre ton fil.
Pour évoquer la destruction, je fais Oradour, de Tardieu, qui fonctionne bien.
ET pour évoquer le génocide juif en parallèle, je fais des extraits de la pièce de théâtre L'instruction.
Je ne réponds pas directement à la question, mais ça me permet de suivre le fil.
De qui est cette pièce, Cannelle?
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