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- KlmzooNiveau 1
Bonjour à tous,
J'ai une question totalement naïve, je sais qu'enseigner la philosophie dans le supérieur exige un excellent parcours (ENS, agrégation etc etc.) J'ai néanmoins une question un peu naïve sûrement, est-ce que le Master de Philo ENS-PLS peut se substituer au moins en partie et donner davantage de poids à un CV pour un projet qui irait dans ce sens ? (Où est-ce que c'est bel et bien le parcours "classique" qui est attendu.)
Un grand merci et excellente semaine à tous,
Klmzoo
Ps: j'ai hésité sur le bon forum, j'espère que celui-ci est le bon^^
J'ai une question totalement naïve, je sais qu'enseigner la philosophie dans le supérieur exige un excellent parcours (ENS, agrégation etc etc.) J'ai néanmoins une question un peu naïve sûrement, est-ce que le Master de Philo ENS-PLS peut se substituer au moins en partie et donner davantage de poids à un CV pour un projet qui irait dans ce sens ? (Où est-ce que c'est bel et bien le parcours "classique" qui est attendu.)
Un grand merci et excellente semaine à tous,
Klmzoo
Ps: j'ai hésité sur le bon forum, j'espère que celui-ci est le bon^^
- IridianeFidèle du forum
Bonjour,
Pour enseigner la philosophie (ou toute autre discipline) dans le supérieur en tant que titulaire, on ne peut pas faire l’économie d’un concours (CAPES ou agreg) et d’un doctorat. Sauf à vouloir faire des vacations : là vous pouvez envoyer votre CV et voir si quelqu’un vous prend.
Pour enseigner la philosophie (ou toute autre discipline) dans le supérieur en tant que titulaire, on ne peut pas faire l’économie d’un concours (CAPES ou agreg) et d’un doctorat. Sauf à vouloir faire des vacations : là vous pouvez envoyer votre CV et voir si quelqu’un vous prend.
- KlmzooNiveau 1
Oui bien sûr, cela s'entend. Je n'ai pas du être claire. Ma question est davantage : est-ce que le Master ENS-PSL philo peut permettre de compenser le fait de n'avoir pas fait l'ENS "pour de vrai" ?
- IridianeFidèle du forum
Euh, il n'y a en fait aucun master qui "compense" quoi que ce soit. Avoir fait l'ENS n'est pas un pré-requis pour enseigner dans le supérieur, et le master que vous avez fait n'est pas plus reconnu qu'un autre. Cela ne se jouera absolument pas sur votre master.
- KlmzooNiveau 1
Une grande partie des enseignants de philo dans le supérieur ont fait l'ENS. Ce n'est pas un pré-requis mais c'est une réalité.
- IridianeFidèle du forum
Sur le lot (qui n’est pas très nombreux), certes, et c’est notamment vrai pour la classe prépa - encore que loin d’être systématique, c'est plutôt le rang à l'agreg qui compte. En fait vous prenez le problème à l'envers: statistiquement, il y a plus de normaliens bien classés à l'agreg donc vous en déduisez la nécessité d'être normalien, alors que ce n'est pas ça le point. Pour la fac, non, ça n’est pas l’ENS et encore moins le master qui compte, mais plutôt l'expérience dans le supérieur (ATER, vacations), le CV (quantité et qualité des productions scientifiques) et le rapport de soutenance. Vous pouvez parfaitement avoir tout cela sans être normalien. Par ailleurs, le master n'a vraiment aucune importance, c'est le doctorat qui compte.
- PoupoutchModérateur
Officiellement, il n'est pas nécessaire d'avoir fait l'ENS pour obtenir un poste en université. Ni d'ailleurs d'être titulaire d'un concours de l'enseignement secondaire.
Maintenant, on sait tous qu'il y a nettement plus de candidats que de postes (et je ne sais pas pour la philo mais j'imagine que c'est une matière très tendue au niveau des recrutements), et donc qu'aux critères officiels (être titulaire d'un doctorat et avoir obtenu la qualification) s'ajoutent des critères officieux.
Il n'est donc pas impossible d'obtenir un poste de MCF sans être normalien. Il est sans doute plus difficile de l'obtenir. Idem pour l'agrégation d'ailleurs.
Personne n'ayant de boule de cristal, on ne pourra pas vous dire si tel ou tel comité de sélection aura un a priori plus positif face à votre master ENS-PSL. Parce qu'on ne sait ni quel sera ce comité, ni qui sera en face de vous pour tel ou tel poste.
Si on a le projet de devenir MCF, il faut avoir conscience que c'est un parcours difficile et hasardeux, et il est prudent d'avoir un plan B en tête.
Pour la prépa, comme dit ci dessus, c'est le rang à l'agreg qui va jouer.
Maintenant, on sait tous qu'il y a nettement plus de candidats que de postes (et je ne sais pas pour la philo mais j'imagine que c'est une matière très tendue au niveau des recrutements), et donc qu'aux critères officiels (être titulaire d'un doctorat et avoir obtenu la qualification) s'ajoutent des critères officieux.
Il n'est donc pas impossible d'obtenir un poste de MCF sans être normalien. Il est sans doute plus difficile de l'obtenir. Idem pour l'agrégation d'ailleurs.
Personne n'ayant de boule de cristal, on ne pourra pas vous dire si tel ou tel comité de sélection aura un a priori plus positif face à votre master ENS-PSL. Parce qu'on ne sait ni quel sera ce comité, ni qui sera en face de vous pour tel ou tel poste.
Si on a le projet de devenir MCF, il faut avoir conscience que c'est un parcours difficile et hasardeux, et il est prudent d'avoir un plan B en tête.
Pour la prépa, comme dit ci dessus, c'est le rang à l'agreg qui va jouer.
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Lapin Émérite, celle qui Nage en Lisant ou Inversement, Dompteuse du fauve affamé et matutinal.
"L'intelligence est une maladie qui peut se transmettre très facilement mais dont on peut guérir très rapidement et sans aucune séquelle"
- jésusFidèle du forum
L'année où j'ai tenté d'avoir un contrat doctoral, on a donné deux contrats doctoraux à des étudiants qui n'avaient pas de concours.
Mais, j'ai toujours entendu dire par mes profs de philo de fac qu'il fallait assurer ses arrières avec un concours avant de se lancer dans la recherche
Si, la thèse en philo n'aboutit à aucun poste par la suite, qu'est-ce que vous faites ?
J'ai vu quantité de non-normaliens s'en sortir, avoir un concours, une thèse, un poste dans le supérieur sans avoir fait l'ENS.
Mais, j'ai toujours entendu dire par mes profs de philo de fac qu'il fallait assurer ses arrières avec un concours avant de se lancer dans la recherche
Si, la thèse en philo n'aboutit à aucun poste par la suite, qu'est-ce que vous faites ?
J'ai vu quantité de non-normaliens s'en sortir, avoir un concours, une thèse, un poste dans le supérieur sans avoir fait l'ENS.
- IridianeFidèle du forum
De façon générale, comme on ne peut absolument pas se projeter de façon certaine dans une carrière dans le supérieur (comme le rappelle Poupoutch plus haut), passer un concours de l’enseignement (capes / agreg) reste le meilleur moyen d’avoir un débouché à la sortie de ses études, dans une discipline comme la philosophie.
- PoupoutchModérateur
J'ajoute qu'on peut toujours trouver des exceptions qui vont confirmer les règles, mais qu'il faut se garder d'en faire des généralités. Il y a tant de paramètres qui entrent en ligne de compte, du sujet sur lequel on travaille au réseau qu'on a su tisser, du parcours qu'on a suivi à l'attitude qu'on aura le jour de l'audition, sans compter le facteur chance, qu'il est impossible de prédire quoi que ce soit à qui que ce soit, si ce n'est que le parcours est semé d'embûches et qu'il est prudent d'assurer ses arrières.
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Lapin Émérite, celle qui Nage en Lisant ou Inversement, Dompteuse du fauve affamé et matutinal.
"L'intelligence est une maladie qui peut se transmettre très facilement mais dont on peut guérir très rapidement et sans aucune séquelle"
- N.M.Niveau 2
Non, l'absence de la mention "ancien élève de l'ENS" ne peut pas être "compensée" par celle d'un master délivré par l'ENS ; si vous préférez, il n'existe pas d'équivalent à cette distinction. A titre purement informatif, et même si cette dernière n'a rien de nécessaire pour accéder à un poste dans le supérieur, à peu près tous les PU/MCF de P1/P4, en philosophie, sont normaliens (très majoritairement Ulm, puis Lyon). Dans le master d'histoire de la philosophie que j'ai suivi, tous étaient ulmiens, sauf une Lyonnaise et un major à l'agrégation.
- RuthvenGuide spirituel
Dans mon département, un seul normalien, mais c'est la proviiiiiiiince, aux limites du monde civilisé (la preuve, les nouveautés de Vrin n'arrivent jamais jusqu'à nous).
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Poupoutch a écrit: je ne sais pas pour la philo mais j'imagine que c'est une matière très tendue au niveau des recrutements
Il y en a très peu, effectivement.
Formellement, il n'est nécessaire ni d'avoir été normalien, ni d'avoir eu un concours pour devenir universitaire : il est strictement indispensable d'avoir fait une thèse — et une bonne thèse, avec un bon rapport de thèse (et il n'est pas du tout évident de faire cela en 3 ou 4 ans : j'en connais qui commencent en réalité à travailler et à écrire largement avant de s'inscrire). Une bonne thèse, si possible avec un bon directeur de thèse, qui réunira un bon jury — et incitera son doctorant à publier et à communiquer en colloque.
Il n'est pas impossible d'être élu sur un poste en 17 section sans être normalien (je ne le suis pas). Il n'est pas non plus impossible d'être élu sur un poste de 17è sans être normalien et en étant certifié (j'en connais deux), ou sans être normalien, ni agrégé, ni certifié (j'en connais un). Pour ce que j'en sais, c'est tout de même plus long quand on ne vient pas d'Ulm ou de Lyon, ce qui n'est pas étonnant. Et puis ce n'est pas le cas le plus fréquent, mais surtout : cela dépend considérablement du type de thèse (philo politique, morale, phéno, de l'esthétique, etc. etc. etc. — chacune a ses mœurs et ses habitudes).
Mais matériellement, se lancer dans cette entreprise sans avoir aucun concours, ou à défaut des moyens de vivre, est très aventureux : il n'y a aucune assurance, c'est le moins que l'on en puisse dire. Il y a très peu de postes et beaucoup de candidats — beaucoup de docteurs, voire de docteurs avec HDR (ce qui n'est pas peu dire), et des dossiers longs comme le bras, avec publications etc. Je me demande même si ce n'est pas l'une des filières les plus darwiniennes dans l'ensemble.
Ruthven a écrit:Dans mon département, un seul normalien, mais c'est la proviiiiiiiince, aux limites du monde civilisé (la preuve, les nouveautés de Vrin n'arrivent jamais jusqu'à nous).
Bah… il suffit d'ouvrir un compte et de commander par téléphone ou par internet : c'est quand même mieux qu'il y a 40 ans.
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Si tu vales valeo.
- KlmzooNiveau 1
N.M. a écrit:Non, l'absence de la mention "ancien élève de l'ENS" ne peut pas être "compensée" par celle d'un master délivré par l'ENS ; si vous préférez, il n'existe pas d'équivalent à cette distinction. A titre purement informatif, et même si cette dernière n'a rien de nécessaire pour accéder à un poste dans le supérieur, à peu près tous les PU/MCF de P1/P4, en philosophie, sont normaliens (très majoritairement Ulm, puis Lyon). Dans le master d'histoire de la philosophie que j'ai suivi, tous étaient ulmiens, sauf une Lyonnaise et un major à l'agrégation.
Merci pour cette info très claire ! C’était une simple demande d’informations concernant les spécificités de l’ENS, du statut de normalien et de celui du master proposé par ailleurs mais j’ai l’impression qu’on a présumé de mes intentions (ou de mon absence d’intention ) concernant les concours et de tout un tas d’autres choses
- e-WandererGrand sage
Ma province est plus lointaine que la tienne, mais dans mon département (lettres), sur 33 collègues, je compte 31 agrégés et 25 normaliens (16 Ulm, 9 Lyon). Quand je suis arrivé (il y a une grosse vingtaine d'années), il y avait un tout petit peu moins de normaliens (1/3 Ulm, 1/3 Lyon, 1/3 non normaliens), mais avec la raréfaction des postes, la concurrence est devenue démentielle.Ruthven a écrit:Dans mon département, un seul normalien, mais c'est la proviiiiiiiince, aux limites du monde civilisé (la preuve, les nouveautés de Vrin n'arrivent jamais jusqu'à nous).
Je ne pense pas d'ailleurs qu'il y ait de véritable réflexe "d'entre soi", mais il est évident qu'être normalien est un indice de la qualité du dossier, et surtout les années de fonctionnaire stagiaire (4 années rémunérées à l'ENS + 3 années de monitorat quasiment garanties) permettent d'avoir facilement une expérience internationale, de participer à des séminaires et colloques de jeunes chercheurs etc. Si on a juste une thèse "sèche", même excellente, on ne fait logiquement pas le poids par rapport à quelqu'un qui a passé deux années comme lecteur à l'étranger, qui aligne 15 publications et présente déjà un nouveau projet de recherche mûri et structuré. J'ai été recruté sans trop de soucis il y a une grosse vingtaine d'années, mais aujourd'hui, mon dossier serait nettement insuffisant (j'avais une petite édition de texte pas terrible et un seul article, mais à l'époque on demandait seulement aux doctorants de préparer… leur doctorat. Je préférais nettement cette logique).
Je confirme qu'on se fiche complètement du master.
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« Profitons du temps qui nous reste avant la définitive invasion de la grande muflerie du Nouveau Monde » (Huysmans)
- KlmzooNiveau 1
e-Wanderer a écrit:Ma province est plus lointaine que la tienne, mais dans mon département (lettres), sur 33 collègues, je compte 31 agrégés et 25 normaliens (16 Ulm, 9 Lyon). Quand je suis arrivé (il y a une grosse vingtaine d'années), il y avait un tout petit peu moins de normaliens (1/3 Ulm, 1/3 Lyon, 1/3 non normaliens), mais avec la raréfaction des postes, la concurrence est devenue démentielle.Ruthven a écrit:Dans mon département, un seul normalien, mais c'est la proviiiiiiiince, aux limites du monde civilisé (la preuve, les nouveautés de Vrin n'arrivent jamais jusqu'à nous).
Je ne pense pas d'ailleurs qu'il y ait de véritable réflexe "d'entre soi", mais il est évident qu'être normalien est un indice de la qualité du dossier, et surtout les années de fonctionnaire stagiaire (4 années rémunérées à l'ENS + 3 années de monitorat quasiment garanties) permettent d'avoir facilement une expérience internationale, de participer à des séminaires et colloques de jeunes chercheurs etc. Si on a juste une thèse "sèche", même excellente, on ne fait logiquement pas le poids par rapport à quelqu'un qui a passé deux années comme lecteur à l'étranger, qui aligne 15 publications et présente déjà un nouveau projet de recherche mûri et structuré. J'ai été recruté sans trop de soucis il y a une grosse vingtaine d'années, mais aujourd'hui, mon dossier serait nettement insuffisant (j'avais une petite édition de texte pas terrible et un seul article, mais à l'époque on demandait seulement aux doctorants de préparer… leur doctorat. Je préférais nettement cette logique).
Je confirme qu'on se fiche complètement du master.
Du coup, vous diriez que c’est le statut de Normalien ou ce qu’il permet de faire (publications, colloques, xp à l’étranger…) qui change la donne ? Un peu des deux sans doute ?
(Là encore c’est une question de curiosité, s’il vous plaît, ne présumez pas de mes intentions^^ Pas taper^^)
- e-WandererGrand sage
Un peu les deux, mais surtout les possibilités offertes et les réalisations. Car en commission, on va certes mentionner que le candidat est normalien, ça marque les esprits mais ça prend 10 secondes, comme un rang brillant à l'agreg. En revanche, on va parler beaucoup plus longtemps d'un lectorat à Cambridge qui a donné lieu sur place à l'organisation d'un séminaire ou d'une journée d'études etc.
Il faut bien comprendre que la recherche a changé d'époque. Aujourd'hui, on est passé à l'ère des financements sur projets. Et qu'est-ce qui marche pour obtenir un financement ? Les projets 1) internationaux. 2) avec un volet numérique. 3) interdisciplinaires 4) qui montrent qu'on a la capacité de fédérer une équipe. SURTOUT PAS de la recherche à long terme qui engage un seul chercheur sur 20 ans, mais plutôt un projet ciblé qui va durer 4-5 ans. Je suis pour ma part engagé dans un gros projet philologique depuis 20 ans (heureusement collectif, et avec un site internet) : c'était très bien vu à l'époque et nous avons obtenu de gros financements, mais aujourd'hui je suis à contre-courant car ça mobilise l'essentiel de mon temps et je ne peux plus monter de nouveaux projets pour mon labo. Aujourd'hui, le rythme idéal, c'est 4-5 ans : ça rassure le pouvoir néo-libéral qui voit que son argent est employé de façon rentable et qui peut ainsi maintenir les chercheurs sous pression (ces fainéants qui "sont entrés parce qu'il y avait de la lumière", comme disait Sarkozy). Tu montes un projet, on te file des sous, tu peux te déplacer à l'étranger, acheter du matériel, payer des stagiaires ou des emplois en CDD si c'est une grosse machine etc. Et au bout de 5 ans, tu affiches tes résultats, tu rédiges un beau bilan qui sert la cause de ton labo, et tu recommences.
Dans cette optique, la thèse est conçue comme une sorte de premier projet, et on va regarder si c'est déjà dans l'esprit : travail en collaboration, séjour à l'étranger, création d'un petit site internet ou d'un blog hypothèses etc. Si tu veux passer ta vie à une œuvre de fond solitaire (préparer une traduction et une édition critique des Sept livres de poétique de Scaliger, par exemple), tu seras considéré comme un poids mort, qui met 6 ans à ajouter une ligne à son CV.
Un normalien ou un agrégé brillant, c'est typiquement quelqu'un qui a une maturité précoce, qui sait travailler vite et sous pression. C'est surtout en cela que c'est intéressant.
Il faut bien comprendre que la recherche a changé d'époque. Aujourd'hui, on est passé à l'ère des financements sur projets. Et qu'est-ce qui marche pour obtenir un financement ? Les projets 1) internationaux. 2) avec un volet numérique. 3) interdisciplinaires 4) qui montrent qu'on a la capacité de fédérer une équipe. SURTOUT PAS de la recherche à long terme qui engage un seul chercheur sur 20 ans, mais plutôt un projet ciblé qui va durer 4-5 ans. Je suis pour ma part engagé dans un gros projet philologique depuis 20 ans (heureusement collectif, et avec un site internet) : c'était très bien vu à l'époque et nous avons obtenu de gros financements, mais aujourd'hui je suis à contre-courant car ça mobilise l'essentiel de mon temps et je ne peux plus monter de nouveaux projets pour mon labo. Aujourd'hui, le rythme idéal, c'est 4-5 ans : ça rassure le pouvoir néo-libéral qui voit que son argent est employé de façon rentable et qui peut ainsi maintenir les chercheurs sous pression (ces fainéants qui "sont entrés parce qu'il y avait de la lumière", comme disait Sarkozy). Tu montes un projet, on te file des sous, tu peux te déplacer à l'étranger, acheter du matériel, payer des stagiaires ou des emplois en CDD si c'est une grosse machine etc. Et au bout de 5 ans, tu affiches tes résultats, tu rédiges un beau bilan qui sert la cause de ton labo, et tu recommences.
Dans cette optique, la thèse est conçue comme une sorte de premier projet, et on va regarder si c'est déjà dans l'esprit : travail en collaboration, séjour à l'étranger, création d'un petit site internet ou d'un blog hypothèses etc. Si tu veux passer ta vie à une œuvre de fond solitaire (préparer une traduction et une édition critique des Sept livres de poétique de Scaliger, par exemple), tu seras considéré comme un poids mort, qui met 6 ans à ajouter une ligne à son CV.
Un normalien ou un agrégé brillant, c'est typiquement quelqu'un qui a une maturité précoce, qui sait travailler vite et sous pression. C'est surtout en cela que c'est intéressant.
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« Profitons du temps qui nous reste avant la définitive invasion de la grande muflerie du Nouveau Monde » (Huysmans)
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Être normalien, cela permet deux choses : d'une part, de rencontrer des profs, de faire sa thèse avec eux et de bénéficier d'un réseau qui permet non seulement de faire une thèse, mais de publier et de communiquer “en cours de thèse”, d'autre part, d'avoir plus facilement des occasions d'enseigner dans le sup, y compris à l'étranger, et d'avoir une expérience en la matière. Cela fait des dossiers qui, lorsqu'ils sont dans le profil, sont évidemment pris en considération.
Cela étant dit, il n'est pas impossible de faire le même type de parcours sans être normalien. Le fait principal, c'est le couplage de l'augmentation du nombre de thésards, et de bons thésards, avec la baisse du nombre de postes : il en résulte une augmentation très nette de la concurrence. Au point qu'il devient parfois difficile de départager des candidats qu'on pourrait recruter, voire que l'on devrait recruter s'il y avait assez de postes — les besoins étant d'ailleurs souvent présents en réalité, mais “couverts autrement”.
Cela étant dit, il n'est pas impossible de faire le même type de parcours sans être normalien. Le fait principal, c'est le couplage de l'augmentation du nombre de thésards, et de bons thésards, avec la baisse du nombre de postes : il en résulte une augmentation très nette de la concurrence. Au point qu'il devient parfois difficile de départager des candidats qu'on pourrait recruter, voire que l'on devrait recruter s'il y avait assez de postes — les besoins étant d'ailleurs souvent présents en réalité, mais “couverts autrement”.
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Si tu vales valeo.
- KlmzooNiveau 1
Merci beaucoup c'est très clair. Et j'ai une autre question totalement naïve mais ces mêmes capacités (le fait de fédérer des équipes, d'avoir une approche interdisciplinaire, le numérique...) ont-elles une valeur quand elles ont été démontrées dans "la vie civile" si je puis dire ? Donc plutôt dans le privé (entreprises, organisations...) ? Où est-ce vraiment des considérations qui n'ont de valeur que dans le contexte "académique" et "universitaire" ? Il me semble (mais c'est peut-être juste une impression) que dans les sciences (typiquement IA, ingénierie...) la frontière entre la recherche et "l'opérationnel" est plus poreuse.
Je suis en Master Phi, je n'ai aucune prétention juste l'envie de comprendre le milieu dans lequel évolue mes professeurs et les enjeux de ma discipline au sein de l'université.
Je suis en Master Phi, je n'ai aucune prétention juste l'envie de comprendre le milieu dans lequel évolue mes professeurs et les enjeux de ma discipline au sein de l'université.
- AscagneGrand sage
@E-Wanderer et @epekeina.tes.ousias ont bien résumé la situation et l'évolution de ces dernières décennies, je trouve.
J'ajoute que la tendance est de pousser de plus en plus les doctorants à produire des communications et des articles en cours de thèse. C'est aussi dans l'intérêt des équipes... en tout cas ça fonctionne comme ça en lettres. Le parcours doctoral a bien changé rien qu'en une décennie (j'ai vu la bascule se faire alors que j'étais thésard). Mais en période de pénurie de postes et d'accélération du nouveau mode de fonctionnement de la recherche, ça peut accroître la frustration plus qu'autre chose.
Pour répondre à la question initiale, ce qu'il faut viser, c'est un contrat doctoral et un/des postes d'ATER, et en profiter pour accumuler les expériences et les réalisations.
Il faut aussi avoir un filet de sécurité et passer un concours comme l'agrégation (ou autre chose car le secondaire n'est pas non plus pour tout le monde).
J'ajoute que la tendance est de pousser de plus en plus les doctorants à produire des communications et des articles en cours de thèse. C'est aussi dans l'intérêt des équipes... en tout cas ça fonctionne comme ça en lettres. Le parcours doctoral a bien changé rien qu'en une décennie (j'ai vu la bascule se faire alors que j'étais thésard). Mais en période de pénurie de postes et d'accélération du nouveau mode de fonctionnement de la recherche, ça peut accroître la frustration plus qu'autre chose.
Pour répondre à la question initiale, ce qu'il faut viser, c'est un contrat doctoral et un/des postes d'ATER, et en profiter pour accumuler les expériences et les réalisations.
Il faut aussi avoir un filet de sécurité et passer un concours comme l'agrégation (ou autre chose car le secondaire n'est pas non plus pour tout le monde).
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Klmzoo a écrit:Merci beaucoup c'est très clair. Et j'ai une autre question totalement naïve mais ces mêmes capacités (le fait de fédérer des équipes, d'avoir une approche interdisciplinaire, le numérique...) ont-elles une valeur quand elles ont été démontrées dans "la vie civile" si je puis dire ? Donc plutôt dans le privé (entreprises, organisations...) ? Où est-ce vraiment des considérations qui n'ont de valeur que dans le contexte "académique" et "universitaire" ? Il me semble (mais c'est peut-être juste une impression) que dans les sciences (typiquement IA, ingénierie...) la frontière entre la recherche et "l'opérationnel" est plus poreuse.
Je suis en Master Phi, je n'ai aucune prétention juste l'envie de comprendre le milieu dans lequel évolue mes professeurs et les enjeux de ma discipline au sein de l'université.
Je ne suis même pas certain que ça ait “fait ses preuves” ailleurs que dans le marketing de prêt-à-porter…
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Si tu vales valeo.
- epekeina.tes.ousiasModérateur
epekeina.tes.ousias a écrit:Klmzoo a écrit:Merci beaucoup c'est très clair. Et j'ai une autre question totalement naïve mais ces mêmes capacités (le fait de fédérer des équipes, d'avoir une approche interdisciplinaire, le numérique...) ont-elles une valeur quand elles ont été démontrées dans "la vie civile" si je puis dire ? Donc plutôt dans le privé (entreprises, organisations...) ? Où est-ce vraiment des considérations qui n'ont de valeur que dans le contexte "académique" et "universitaire" ? Il me semble (mais c'est peut-être juste une impression) que dans les sciences (typiquement IA, ingénierie...) la frontière entre la recherche et "l'opérationnel" est plus poreuse.
Je suis en Master Phi, je n'ai aucune prétention juste l'envie de comprendre le milieu dans lequel évolue mes professeurs et les enjeux de ma discipline au sein de l'université.
Je ne suis même pas certain que ça ait “fait ses preuves” ailleurs que dans le marketing de prêt-à-porter…
Ascagne a écrit:@E-Wanderer et @epekeina.tes.ousias ont bien résumé la situation et l'évolution de ces dernières décennies, je trouve.
J'ajoute que la tendance est de pousser de plus en plus les doctorants à produire des communications et des articles en cours de thèse. C'est aussi dans l'intérêt des équipes... en tout cas ça fonctionne comme ça en lettres. Le parcours doctoral a bien changé rien qu'en une décennie (j'ai vu la bascule se faire alors que j'étais thésard). Mais en période de pénurie de postes et d'accélération du nouveau mode de fonctionnement de la recherche, ça peut accroître la frustration plus qu'autre chose.
Pour répondre à la question initiale, ce qu'il faut viser, c'est un contrat doctoral et un/des postes d'ATER, et en profiter pour accumuler les expériences et les réalisations.
Il faut aussi avoir un filet de sécurité et passer un concours comme l'agrégation (ou autre chose car le secondaire n'est pas non plus pour tout le monde).
Je serais plus sévère que toi. Tout cela contribue à écarter les “travaux au long cours” au profit des travaux plus ponctuels, voire des effets de modes… Et je ne parle pas des thésards, mais d'un phénomène plus général.
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Si tu vales valeo.
- DesolationRowEmpereur
J'ai vu, dans des CoS, des professeurs de cinquante-soixante ans reprocher à des jeunes docteurs d'avoir des dossiers trop peu étoffés hors de leur thèse - oubliant soigneusement qu'il n'était pas question, lorsqu'eux-mêmes ont été recrutés, d'exiger des candidats d'avoir publié, outre leur thèse, x articles et d'avoir obtenu y postdoctorats. Je me suis fait quelques copains en le faisant remarquer.
- epekeina.tes.ousiasModérateur
DesolationRow a écrit:J'ai vu, dans des CoS, des professeurs de cinquante-soixante ans reprocher à des jeunes docteurs d'avoir des dossiers trop peu étoffés hors de leur thèse - oubliant soigneusement qu'il n'était pas question, lorsqu'eux-mêmes ont été recrutés, d'exiger des candidats d'avoir publié, outre leur thèse, x articles et d'avoir obtenu y postdoctorats. Je me suis fait quelques copains en le faisant remarquer.
J'aime aussi proférer ce genre de taquineries…
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Si tu vales valeo.
- PonocratesExpert spécialisé
J'ai une amie Mcf qui le reconnaît bien volontiers, mais elle m'explique aussi que les dossiers des candidats actuels sont bien différents, avec une inflation des CV. Dans ce contexte, la concurrence est rude et la remarque de votre collègue n'est pas absurde.DesolationRow a écrit:J'ai vu, dans des CoS, des professeurs de cinquante-soixante ans reprocher à des jeunes docteurs d'avoir des dossiers trop peu étoffés hors de leur thèse - oubliant soigneusement qu'il n'était pas question, lorsqu'eux-mêmes ont été recrutés, d'exiger des candidats d'avoir publié, outre leur thèse, x articles et d'avoir obtenu y postdoctorats. Je me suis fait quelques copains en le faisant remarquer.
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"If you think education is too expensive, try ignorance ! "
"As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? "
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