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par Reine Margot Mer 15 Fév 2023 - 20:44
Jean-Michel Muglioni revient une nouvelle fois sur cette affirmation : enseigner est devenu impossible – il faudrait dire est interdit – parce que des considérations psychologiques, sociologiques et économiques priment sur le contenu du savoir. Pour décider de ce que c’est qu’enseigner, on consulte donc des cabinets de conseil et jamais les maîtres ou les professeurs dont on sait qu’ils savent enseigner et connaissent réellement ce qu’ils ont à enseigner.


Apprendre, instruire n’est plus la finalité de l’école : il faut former des hommes pour qu’ils acquièrent les « compétences » requises par le marché du travail. Je ne demande pas qu’on me croie : les plus raisonnables de ses amis voient l’état de déliquescence de l’école, du primaire à l’université, mais ils ne croient ni mon diagnostic, jugé trop pessimiste, ni mon étiologie. Je demande seulement qu’on examine et qu’on s’interroge, sans attendre que je propose des remèdes à la catastrophe. Je ne cherche pas des électeurs.

La violence à l’école
Beaucoup de familles mettent leurs enfants dans une école privée : est-ce parce qu’elles fuient la réalité sociale de leur pays, comme l’a dit – il y a plus de vingt ans – une principale de collège à une de mes connaissances qui voulait que son enfant retrouve le sommeil qu’il avait perdu en fréquentant un établissement où régnait la violence ? Cette principale récitait la leçon qu’elle avait apprise en « formation » et qu’elle avait bien comprise. Elle considérait donc non pas que l’école reflète la violence de la société, mais qu’elle doit la refléter. Qu’instruire dans un milieu protégé du monde extérieur puisse pacifier, qui en a aujourd’hui la conviction ? Lorsqu’on semble s’alarmer de la situation, c’est que la France est mal placée dans les classements internationaux qui jugent les écoles en fonction de leur contribution à la bonne marche de l’économie. Les remèdes alors proposés sont la cause du mal : on réforme l’école selon les injonctions de cabinets de conseil1, et non pas selon les conseils d’hommes qui maîtrisent leur savoir et savent l’enseigner. Et – ironiquement ? – on prétend que ces « conseillers » suivent des méthodes scientifiques ! Qu’est-ce donc que faire évoluer le métier d’enseignant, sinon, depuis longtemps, tout faire pour qu’il disparaisse ? À quoi bon des agrégés, c’est-à-dire des professeurs maîtrisant une discipline, pour s’occuper d’élèves qu’on ne veut pas instruire ?


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par Enna Mer 15 Fév 2023 - 21:11
Oui, merveilleux et précieux professeur qui n' est en retraite que de nom, heureusement!! J'avais lu cet article sur un blog mais mais de le partager 😊.

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par Reine Margot Jeu 16 Fév 2023 - 8:41
j'avais oublié le lien:

https://www.mezetulle.fr/quelle-ecole-voulons-nous/

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par Iphigénie Jeu 16 Fév 2023 - 8:55
Oui! Merci : c’est rare d’entendre parler des problèmes concrets de l’école sans maquillage idéologique :
Spoiler:
La suite de l’article cité est tout aussi passionnante que la partie citée d’ailleurs et soulève d’autres riches interrogations : merci pour le lien complet!
extrait seulement :
La croyance au déterminisme social est autoréalisatrice

Ce qui compte pour l’homme, ce qui est humainement essentiel, bref, ce qui a une valeur, ne dépend pas du marché. L’école ne s’y intéresse plus. Elle n’a donc rien à enseigner. De là son échec, aujourd’hui reconnu, mais faussement attribué à des causes sociales : les enfants d’un milieu pauvre échoueraient parce qu’ils sont pauvres, déterminisme social oblige. Puis-je proposer une autre hypothèse, paradoxale encore, mais moins méprisante ? La croyance au déterminisme social est autoréalisatrice. Revenons à l’élémentaire : si un élève ne sait rien, son milieu n’en est pas la cause, peut-être l’école a-t-elle tout simplement oublié de l’instruire et de s’en donner les moyens. Non pas de l’argent, mais une organisation qui permette à chacun d’être réellement pris en main sans avoir besoin comme aujourd’hui de trouver chez lui des répétiteurs. Pourquoi ce qui devrait aller de soi n’est-il pas admis, sinon parfois en paroles ? Je me souviens qu’il fallait naguère interdire les « devoirs à la maison » pour ne pas favoriser ceux qui pouvaient être aidés chez eux : on ne voyait pas qu’alors, d’autant qu’on ne faisait déjà pas grand-chose en classe, les parents qui le pouvaient donnaient un autre enseignement à leurs enfants ou payaient un répétiteur. On ne voyait pas, on ne voit pas que moins on est exigeant dans les écoles, plus l’écart s’accroît entre ceux qui sont suivis chez eux et les autres. L’école est le lieu de la reproduction sociale quand elle n’est pas l’école, c’est-à-dire quand elle n’instruit pas. Mais une vulgate sociologique a fait croire que par sa nature même l’école reproduisait les inégalités et qu’il fallait donc qu’elle cesse d’être elle-même. Et – je l’ai encore récemment entendu dire à la radio – la culture dite classique serait « élitiste » et « bourgeoise ». Donc pourquoi l’enseigner ? Où l’on voit que l’idéologie, ce terme étant pris au sens que lui donne Marx, invente toutes les ruses pour justifier, par un argument en apparence favorable aux plus démunis, une politique qui les abandonne à eux-mêmes.
AsarteLilith
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par AsarteLilith Jeu 16 Fév 2023 - 9:36
Ce monsieur a mis en mots, et de manière fine, ce que je pense et sens confusément et souvent obscurément, sans avoir une telle clarté. Son propos est à la fois compréhensible et fin. Hélas, je doute qu'il soit entendu !

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Chuis comme les plantes sans eau : sans grec ni latin, j'me dessèche.

ON DIT CHOCOLATINE, PHILISTINS !
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par kazamasogetsu Jeu 16 Fév 2023 - 9:44
Tellement vrai. Mais le gauchisme ( ou tout ce qui s'en réclame ) c'est "le bien" et quand on est contre, on est réactionnaire, rétrograde, de droite, voire fachiste. Le pragmatisme et un minimum de clairvoyance, c'est mal.
Un collègue me disait récemment que les idéologues qui saccagent l'EN depuis près de 40 ans, Meirieu en tête, devraient être jugés pour haute trahison... Je serais témoin à charge.
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Ramanujan974
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par Ramanujan974 Jeu 16 Fév 2023 - 9:47
kazamasogetsu a écrit:Tellement vrai.  Mais le gauchisme ( ou tout ce qui s'en réclame ) c'est "le bien" et quand on est contre, on est réactionnaire, rétrograde, de droite, voire fachiste. Le pragmatisme et un minimum de clairvoyance, c'est mal.
Un collègue me disait récemment que les idéologues qui saccagent l'EN depuis près de 40 ans, Meirieu en tête, devraient être jugés pour haute trahison... Je serais témoin à charge.

Ca remonterait à plus longtemps que ça : René Haby, qui a crée le collège unique en 1975, était patron de la DGESCO dans les années 60.
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par Iphigénie Jeu 16 Fév 2023 - 9:48
Le gauchisme et le droitisme ( le budget, le budget, le marché, le marché ..): les vrais conservateurs finalement de l’inégalité sociale les uns par illusion, les autres par conviction.
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par Clecle78 Jeu 16 Fév 2023 - 9:51
C'est tellement vrai et tellement déprimant. Je ressens tout cela depuis que j'enseigne, soit près de 40 ans. Je me souviens encore de cet article du nouvel Obs dans les années 90 fustigeant l'enseignement élitiste du latin et du grec. Malheureusement rien ne s'est arrangé depuis et je pars, laissant derrière moi un tas de ruines fumantes (bon, je reconnais que c'est un peu hyperbolique)
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par Iphigénie Jeu 16 Fév 2023 - 10:01
Clecle78 a écrit:C'est tellement vrai et tellement déprimant. Je ressens tout cela depuis que j'enseigne, soit près de 40 ans. Je me souviens encore de cet article du nouvel Obs dans les années 90 fustigeant l'enseignement élitiste du latin et du grec. Malheureusement rien ne s'est arrangé depuis et je pars, laissant derrière moi un tas de ruines fumantes (bon, je reconnais que c'est un peu hyperbolique)
Oui: la fumée est légère et ne trouble personne.
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par kazamasogetsu Jeu 16 Fév 2023 - 10:49
Iphigénie a écrit:Le gauchisme et le droitisme ( le budget, le budget, le marché, le marché ..): les vrais conservateurs finalement de l’inégalité sociale les uns par illusion, les autres par conviction.

Après l'illusion... plutôt illusionisme. Tout va bien, le niveau monte il y aplus de diplômés (copyright un IPR ) Hop petit tour de passe-passe et on calme les foules. Il y a quelque chose de fait SCIEMMENT. Je ne crois plus depuis longtemps à une quelconque naïveté de la gauche.A ce point là c'est de la vraie malveillance.
Et la droite est toujours aussi négligente, car une école efficace c'est un investissement rentable sur le long terme
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par kazamasogetsu Jeu 16 Fév 2023 - 10:49
Iphigénie a écrit:Le gauchisme et le droitisme ( le budget, le budget, le marché, le marché ..): les vrais conservateurs finalement de l’inégalité sociale les uns par illusion, les autres par conviction.

Après l'illusion... plutôt illusionisme. Tout va bien, le niveau monte il y aplus de diplômés (copyright un IPR ) Hop petit tour de passe-passe et on calme les foules. Il y a quelque chose de fait SCIEMMENT. Je ne crois plus depuis longtemps à une quelconque naïveté de la gauche.A ce point là c'est de la vraie malveillance.
Et la droite est toujours aussi négligente, car une école efficace c'est un investissement rentable sur le long terme
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par Iphigénie Jeu 16 Fév 2023 - 10:56
Naïveté est un raccourci: il y a aussi le désir de se maintenir dans les rouages, par exemple: donc si ça foire c’est qu’on n’a pas été assez loin ( par exemple): mais il ne faut pas négliger non plus la part des convictions irrationnelles que rien ne vient démonter, surtout pas les évidences  Smile
Et surtout le fait que le MEN n’est pas réellement dirigé par ses ministres mais par ses hauts fonctionnaires formés à merveille pour faire des comptes sur papier et rien d’autre . Pour le coup là il manque de l’esprit et de la conviction chevillée au corps, on n’a que des comptables et des stratèges pour imposer ces comptes ( et tout autour, idiots utiles ou illuminés, des brasseurs de vent …)


Dernière édition par Iphigénie le Jeu 16 Fév 2023 - 11:03, édité 1 fois
DesolationRow
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par DesolationRow Jeu 16 Fév 2023 - 11:00
Je trouve ce qui est dit sur le déterminisme social extrêmement juste.
LouisBarthas
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par LouisBarthas Jeu 16 Fév 2023 - 11:20
Ramanujan974 a écrit:René Haby, qui a crée le collège unique en 1975, était patron de la DGESCO dans les années 60.
Le collège unique, création de la droite, défendu aujourd'hui bec et ongles par la gauche.
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par Wilhelm Jeu 16 Fév 2023 - 11:22
AsarteLilith a écrit:Ce monsieur a mis en mots, et de manière fine, ce que je pense et sens confusément et souvent obscurément, sans avoir une telle clarté. Son propos est à la fois compréhensible et fin. Hélas, je doute qu'il soit entendu !
Effectivement, on peut en douter ! C'est cela qui est le plus désolant. Et ce d'autant plus que son père, Jacques Muglioni — inspecteur et doyen de l'Inspection générale de philosophie, s'étant opposé avec courage au ministère de l'éducation nationale  —, le dénonçait déjà dans les années 80-90, dans des textes d'une grande probité intellectuelle, défenseur d'une authentique école républicaine, inspiré par Condorcet (certainement), par Kant (assurément), — de très beaux textes par ailleurs.

Par exemple « La fin de l’école » (1980), in L’École ou le loisir de penser (1993), Paris, Minerve, 2017, p. 37-42 :

La méconnaissance de la finalité et du sens comme question centrale de la philosophie pratique et, par suite, l’absence d’une conviction suffisamment assurée sur la fonction de l’école entraînent une indifférence croissante pour les contenus, c’est-à-dire pour les différentes formes du savoir et de la culture, et laissent libre cours à l’invasion de la pédagogie, tantôt par les procédés dits d’animation, tantôt par les techniques d’apprentissage calquées sur des modèles empruntés aux formes du travail industriel. La [38] pédagogie se présente dans les deux cas, non plus comme l’art d’enseigner, c’est-à-dire de guider la pensée d’autrui sur les chemins du savoir, mais comme une panoplie de techniques imaginées pour produire des comportements dont l’ensemble constitue, dans un sens restrictif et très particulier du mot, l’éducation. Rappelons pour mémoire que le behaviourisme, contemporain en Amérique du taylorisme, est à l’origine de la psychologie de réaction et du comportementalisme qui ont abouti à ce qu’on croit pouvoir appeler innocemment la pédagogie par objectifs. Le refus affiché de se référer à une idée réfléchie de l’homme conduit à organiser l’apprentissage d’après des tâches ou sur le modèle des tâches définies par les besoins d’un système de production dans lequel l’homme intervient comme instrument. D’où une méthode de décomposition du comportement réduit à une somme d’habiletés pouvant s’acquérir selon des processus isolables et se prêtant à la mesure en vue d’une évaluation. Cette pédagogie, ou plutôt cette psychologie appliquée ayant, grâce à un schéma expérimental et à un présupposé quantitatif, certaines apparences de scientificité, pouvait alors s’institutionnaliser un nouveau type de pouvoir sous la bannière des « sciences de l’éducation ».
[…]
La fascination exercée par le phénomène de groupe est à l’origine d’expérimentations pédagogiques qui suivent en commun le souci de partir du « vécu » des élèves, de tirer parti d’effets psychosociologiques, d’exploiter un matériel (documentation, machines), reléguant l’enseignement proprement dit au rang d’auxiliaire, d’appoint dérisoire appelé à intervenir le moins possible et le plus tard possible, précisément quand ce n’est plus possible. L’acte d’apprendre est assimilé à un phénomène psychologique ordinaire, la connaissance confondue avec l’information, sa diffusion ou son commentaire, d’où la croyance proprement magique, non critique, à l’importance décisive des media ; enfin le groupe est pris pour un sujet réel et capable de pensée. Au mieux, l’activité intellectuelle est conçue sur le modèle de l’activité industrielle, économique, qui appelle le concours de plusieurs, la division du travail, la diversité des intérêts et des compétences, l’échange de vues, l’arbitrage. Mais l’école, c’est autre chose. La connaissance (et c’est vrai aussi de l’habileté corporelle) n’est pas le fait d’un groupe ; elle est le fait d’individus distincts, séparés, capables d’atteindre chacun à l’autonomie de la pensée. On n’entre pas dans un orchestre pour devenir musicien, mais parce qu’on l’est déjà. On ne comprend pas à plusieurs, car comprendre n’est pas une tâche collective. Tout peut se faire ou se mettre en commun sauf la pensée. On peut tout faire ensemble, sauf être intelligent. « Les sots ont ceci de commun avec les éponges, dit Valéry, c’est qu’ils adhèrent. » L’intelligence n’adhère pas, ne fait pas partie, n’est le coéquipier de personne. L’école s’efface dès que le groupe l’emporte sur la classe où les esprits sont égaux et libres devant la tâche personnelle d’apprendre. Simone Weil, lectrice de Platon, nous rappelle que le nombre deux pensé par un esprit ne peut s’ajouter au nombre deux pensé par un autre esprit pour former le nombre quatre, pas plus que le fonctionnement d’une machine, si perfectionnée soit-elle, ne peut produire une seule pensée.

Ou encore « « Les vandales » » (1958), in L’École ou le loisir de penser (1993), Paris, Minerve, 2017, p. 33-34 :

Bientôt il n’y aura plus de professeurs. On le sait et on feint à peine de s’en émouvoir. Peut-être soupçonne-t-on que la société des machines n’a pas besoin d’écoles. Car s’il s’agit d’apprendre des techniques, il suffit que les techniciens consacrent quelques heures aux enfants pour leur communiquer un savoir-faire. On y a déjà pensé. Comme le forgeron forme son apprenti, l’ingénieur dispensera à ses élèves les connaissances strictement nécessaires à l’exercice de son métier. Après tout il est légitime d’utiliser les compétences et d’économiser un temps précieux par le choix des notions utilisables et des méthodes efficaces. On entend dire partout que les enfants perdent leur temps à apprendre de belles choses qui ne leur seront d’aucun usage et qu’à la fin de leurs études livresques ils se trouvent démunis devant les tâches sérieuses du métier. La culture classique appartient à un autre âge. Elle occupait les loisirs d’une aristocratie de la naissance ou de la fortune. Qu’elle disparaisse donc avec les derniers privilèges ! Les plus libéraux veulent bien la faire garder au musée par des conservateurs débiles. Mais qu’elle n’entrave pas la marche du progrès, comme on dit.
Il faut plutôt avouer que les amis de la démocratie rejoignent ici les pires réactionnaires dans le culte de l’efficacité technique, religion nouvelle dont les dieux n’ont pas besoin d’âme pour susciter l’adoration. Or le latin et le grec font connaître d’autres dieux et d’autres hommes. Ils nous apprennent à ne point trop adorer, car ils nous font voir des passions communes, des guerres qui ne sont plus les nôtres, des temples qui ne sont plus consacrés. On craint cette expérience millénaire, c’est-à-dire ce scepticisme. Mais les « humanités » préparent aussi à l’admiration, parce qu’elles montrent les œuvres qui ont vaincu le temps, les pensées qui ont tenu plus sûrement que les colonnes de marbre. Les dieux meurent et l’esprit est éternel.
[34] Une civilisation n’est pas un système de moyens, c’est un ensemble de valeurs. Elle se justifie non par sa puissance, mais par sa culture. Elle se perpétue par l’école où les hommes grandissent ensemble avant d’être séparés par les métiers. Car les métiers séparent les hommes, quoi qu’on ait dit, tandis que la culture les réunit. L’école est donc la seule chance qui leur reste de se comprendre et d’aimer l’œuvre commune. Elle doit être défendue contre la mode et l’impatience des réformateurs. S’il s’agit de l’agrandir pour donner son plein sens au beau mot d’Université, afin que nul n’en soit exclu injustement, travaillons pour la réforme. Mais d’abord défendons l’école contre « les humeurs brouillonnes et inquiètes » qui ne songent qu’à la détruire en l’asservissant aux intérêts bornés d’une civilisation mécanique. L’école est faite pour que les hommes n’oublient pas l’humanité et apprennent ainsi le prix de la paix.

En 1958 déjà !

L’École ou le loisir de penser est un recueil d'articles inspirants, que tout professeur devrait avoir lu, qui devrait être obligatoire à l'INSPÉ (pour son autodestruction) "Quelle école voulons-nous?" JM Muglioni 558662839 . Mais qu'il est ô combien désespérant de lire ce qui était déjà dénoncé il y a de cela plusieurs décennies et de voir où nous allons, ou plutôt où on veut nous faire aller, dans l'intérêt de quelques uns, d'une idéologie : l'économisme...
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par Iphigénie Jeu 16 Fév 2023 - 11:29
Comme quoi l’éducation est une transmission…. L’élève qui découvre son savoir tout seul: mon oeil Smile
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par Reine Margot Jeu 16 Fév 2023 - 11:54
Oui, j'ai trouvé cet article très juste, c'est une analyse à la fois fine et accessible de ce qui se passe.
J'ai particulièrement aimé la conclusion:

P.S. J’oubliais : par-dessus le marché, si j’ose dire, l’école nouvelle, n’instruisant pas, est incapable d’atteindre le but qu’elle se propose, préparer au travail dans l’entreprise.

Les entreprises sont actuellement les premières à se plaindre du niveau des recrutés.

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par Enna Jeu 16 Fév 2023 - 13:15
Un immense merci, Wilhelm, de ces références!

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par Iphigénie Jeu 16 Fév 2023 - 14:06
Oui je trouve ce passage magnifiquement écrit et répond en partie à une discussion entamée sur un autre fil sur les faiblesses de la démocratie, non pas en tant qu'idée mais en tant que système réel de société:

Il faut plutôt avouer que les amis de la démocratie rejoignent ici les pires réactionnaires dans le culte de l’efficacité technique, religion nouvelle dont les dieux n’ont pas besoin d’âme pour susciter l’adoration. Or le latin et le grec font connaître d’autres dieux et d’autres hommes. Ils nous apprennent à ne point trop adorer, car ils nous font voir des passions communes, des guerres qui ne sont plus les nôtres, des temples qui ne sont plus consacrés. On craint cette expérience millénaire, c’est-à-dire ce scepticisme. Mais les « humanités » préparent aussi à l’admiration, parce qu’elles montrent les œuvres qui ont vaincu le temps, les pensées qui ont tenu plus sûrement que les colonnes de marbre. Les dieux meurent et l’esprit est éternel.
[34] Une civilisation n’est pas un système de moyens, c’est un ensemble de valeurs. Elle se justifie non par sa puissance, mais par sa culture. Elle se perpétue par l’école où les hommes grandissent ensemble avant d’être séparés par les métiers. Car les métiers séparent les hommes, quoi qu’on ait dit, tandis que la culture les réunit. L’école est donc la seule chance qui leur reste de se comprendre et d’aimer l’œuvre commune. Elle doit être défendue contre la mode et l’impatience des réformateurs. S’il s’agit de l’agrandir pour donner son plein sens au beau mot d’Université, afin que nul n’en soit exclu injustement, travaillons pour la réforme. Mais d’abord défendons l’école contre « les humeurs brouillonnes et inquiètes » qui ne songent qu’à la détruire en l’asservissant aux intérêts bornés d’une civilisation mécanique. L’école est faite pour que les hommes n’oublient pas l’humanité et apprennent ainsi le prix de la paix.
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par Wilhelm Jeu 16 Fév 2023 - 14:10
Enna a écrit:Un immense merci, Wilhelm, de ces références!

Je t'en prie.
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"Quelle école voulons-nous?" JM Muglioni Empty Re: "Quelle école voulons-nous?" JM Muglioni

par Pixel Jeu 16 Fév 2023 - 15:31
Iphigénie a écrit:Comme quoi l’éducation est une transmission…. L’élève qui découvre son savoir tout seul: mon oeil Smile

Le fil actualités de mon téléphone m'a recommandé cet article aujourd'hui : https://theconversation.com/inegalites-en-maternelle-quelle-pedagogie-choisir-pour-les-reduire-196310 et je trouve qu'il fait bien écho à cette fausse idée de l'élève qui "construit" son savoir seul et qui crée en réalité de profondes inégalités dès... la maternelle!
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par Enna Sam 18 Fév 2023 - 15:47
Je vous signale cette table ronde de l' Institut fin janvier sur l' IA et l' éducation...

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par Enna Sam 18 Fév 2023 - 15:47
https://www.youtube.com/live/pZaY4JZrY0A?feature=share

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