- SashimiNiveau 5
Bonjour à tous,
je peine sur l'étude du poème "Le soleil" de Baudelaire, pourriez-vous m'aider ?
Le fait qu'il soit qualifié de "cruel" qui "frappe à traits redoublés" dans la première strophe me perturbe, cette image d'agresseur est contradictoire avec la suite, où il est déifié de façon méliorative, non ?
Et dans la première strophe, est-ce que le soleil a un rôle actif sur le poète, ou est-il juste un élément du décor ?
J'ai l'impression que quelque chose m'échappe là-dedans et j'ai la grippe, ça n'aide pas
Merci beaucoup !
Le long du vieux faubourg, où pendent aux masures
Les persiennes, abri des secrètes luxures,
Quand le soleil cruel frappe à traits redoublés
Sur la ville et les champs, sur les toits et les blés,
Je vais m’exercer seul à ma fantasque escrime,
Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,
Trébuchant sur les mots comme sur les pavés,
Heurtant parfois des vers depuis longtemps rêvés.
Ce père nourricier, ennemi des chloroses,
Eveille dans les champs les vers comme les roses ;
Il fait s’évaporer les soucis vers le ciel,
Et remplit les cerveaux et les ruches de miel.
C’est lui qui rajeunit les porteurs de béquilles
Et les rend gais et doux comme des jeunes filles,
Et commande aux moissons de croître et de mûrir
Dans le coeur immortel qui toujours veut fleurir !
Quand, ainsi qu’un poète, il descend dans les villes,
Il ennoblit le sort des choses les plus viles,
Et s’introduit en roi, sans bruit et sans valets,
Dans tous les hôpitaux et dans tous les palais.
je peine sur l'étude du poème "Le soleil" de Baudelaire, pourriez-vous m'aider ?
Le fait qu'il soit qualifié de "cruel" qui "frappe à traits redoublés" dans la première strophe me perturbe, cette image d'agresseur est contradictoire avec la suite, où il est déifié de façon méliorative, non ?
Et dans la première strophe, est-ce que le soleil a un rôle actif sur le poète, ou est-il juste un élément du décor ?
J'ai l'impression que quelque chose m'échappe là-dedans et j'ai la grippe, ça n'aide pas
Merci beaucoup !
Le long du vieux faubourg, où pendent aux masures
Les persiennes, abri des secrètes luxures,
Quand le soleil cruel frappe à traits redoublés
Sur la ville et les champs, sur les toits et les blés,
Je vais m’exercer seul à ma fantasque escrime,
Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,
Trébuchant sur les mots comme sur les pavés,
Heurtant parfois des vers depuis longtemps rêvés.
Ce père nourricier, ennemi des chloroses,
Eveille dans les champs les vers comme les roses ;
Il fait s’évaporer les soucis vers le ciel,
Et remplit les cerveaux et les ruches de miel.
C’est lui qui rajeunit les porteurs de béquilles
Et les rend gais et doux comme des jeunes filles,
Et commande aux moissons de croître et de mûrir
Dans le coeur immortel qui toujours veut fleurir !
Quand, ainsi qu’un poète, il descend dans les villes,
Il ennoblit le sort des choses les plus viles,
Et s’introduit en roi, sans bruit et sans valets,
Dans tous les hôpitaux et dans tous les palais.
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Suppléante en pointillés depuis octobre 2012 ~ Admise au CAER en avril 2024 ~ Stagiaire 2024-25
Fuir! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D'être parmi l'écume inconnue et les cieux !
Mallarmé
- IllianeExpert
Ici, la question de la "cruauté" du soleil peut être perçue comme une forme de punition quasi divine pour les "secrètes luxures" évoquées plus haut ; cela contribue qui plus est à brosser un tableau plutôt négatif du faubourg, peut-être justement pour opposer cela ensuite avec les pouvoirs "alchimiques" de l'astre transformant le laid en beau. Le présenter comme un astre "frappeur" peut aussi permettre de commencer la comparaison avec le poète qui lui est dans l'"escrime" (tout en donnant l'impression que le poète, dans cette strophe, est "seul contre tous", en proie aux éléments) - on remarque d'ailleurs un parallélisme de construction entre les vers 3 et 17 ("quand, ainsi qu'un poète...").
Voici quelques premières pistes, je vais essayer d'y réfléchir davantage...
Voici quelques premières pistes, je vais essayer d'y réfléchir davantage...
- OudemiaBon génie
Apollon-Phébus est un dieu archer.
Je suppose que ce n'est pas toi qui as choisi ce texte, vraiment pas un des meilleurs poèmes de Baudelaire !
Je suppose que ce n'est pas toi qui as choisi ce texte, vraiment pas un des meilleurs poèmes de Baudelaire !
- Charles-MauriceNiveau 10
Dans l'état spleenetique, le ciel bleu est ironique, et cruel en exposant un idéal inattingible. Le soleil irradiant une puissance vitale l'est aussi, d'autant que le tableau urbain peut être lu comme une projection mentale du sujet.
- zigmag17Guide spirituel
Fichtre.Charles-Maurice a écrit:Dans l'état spleenetique, le ciel bleu est ironique, et cruel en exposant un idéal inattingible. Le soleil irradiant une puissance vitale l'est aussi, d'autant que le tableau urbain peut être lu comme une projection mentale du sujet.
- Astolphe33Niveau 5
Considérer que le soleil cruel qui frappe le fait pour punir les secrètes luxures me semble forcer le texte de façon arbitraire. Il me semble qu'on peut commencer par du concret : le soleil, ça tape, ça mord, cf. la canicule (cruelle elle aussi, ha ha). Et là en effet, le soleil frappe "les toits et les champs", ça tape, ça chauffe. La première strophe part de ces conditions très concrètes, dysphoriques comme l'environnement des faubourgs. Le contraste peut alors fonctionner avec la suite = pour le commun des hommes, le soleil qui tape est cruel, mais pour moi le poète c'est un père nourricier, un bienfaiteur, un guérisseur, etc.
Par ailleurs, je serais prudent sur l'idée d'une "déification", peu importe. Cela dit, "traits" (= flèches) en effet rappelle la mythologie de Phœbus archer.
P.S. J'avais lu trop rapidement "cruel soleil" mais Baudelaire écrit bien "soleil cruel" sans antéposition de l'épithète, qui serait probablement trop connotée "style noble de la poésie" (antéposer ou non est possible ici sans gêne pour la prosodie), alors même que "traits" évoque l'imaginaire mythologique du soleil.
Par ailleurs, je serais prudent sur l'idée d'une "déification", peu importe. Cela dit, "traits" (= flèches) en effet rappelle la mythologie de Phœbus archer.
P.S. J'avais lu trop rapidement "cruel soleil" mais Baudelaire écrit bien "soleil cruel" sans antéposition de l'épithète, qui serait probablement trop connotée "style noble de la poésie" (antéposer ou non est possible ici sans gêne pour la prosodie), alors même que "traits" évoque l'imaginaire mythologique du soleil.
- PonocratesExpert spécialisé
La lecture concrète que vous proposez est en effet la plus logique mais...
L'heure tardive aidant, je lis la cruauté du soleil, comme la souffrance provoquée par la lumière après une bonne gueule de bois, le poème allant du réveil en ville, à la promenade champêtre. La lumière qui arrache aux luxures de la nuit. Mais j'ai bien conscience de forcer le texte.Astolphe33 a écrit:Considérer que le soleil cruel qui frappe le fait pour punir les secrètes luxures me semble forcer le texte de façon arbitraire.
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- IphigénieProphète
Oui, voilà! D’accord avec Illiane aussi. Avec l’ambiguïté d’Apollon-Phoebus /Apollon Loxias, celui qui guérit mais qui propage la peste, et dieu des arts et de la poésie, et de la raison…il a aussi quelque chose d’implacable.Charles-Maurice a écrit:Dans l'état spleenetique, le ciel bleu est ironique, et cruel en exposant un idéal inattingible. Le soleil irradiant une puissance vitale l'est aussi, d'autant que le tableau urbain peut être lu comme une projection mentale du sujet.
Mais comme le dit Oudemia, Baudelaire a fait mieux…
- IllianeExpert
Astolphe33 a écrit:Considérer que le soleil cruel qui frappe le fait pour punir les secrètes luxures me semble forcer le texte de façon arbitraire. Il me semble qu'on peut commencer par du concret : le soleil, ça tape, ça mord, cf. la canicule (cruelle elle aussi, ha ha). Et là en effet, le soleil frappe "les toits et les champs", ça tape, ça chauffe. La première strophe part de ces conditions très concrètes, dysphoriques comme l'environnement des faubourgs. Le contraste peut alors fonctionner avec la suite = pour le commun des hommes, le soleil qui tape est cruel, mais pour moi le poète c'est un père nourricier, un bienfaiteur, un guérisseur, etc.
Bien sûr, mais cela me semblait tellement évident que je n'ai même pas pensé à en parler !
- DorineHabitué du forum
Pour moi, il n'y a pas vraiment de contradiction. Le soleil apparaît cruel dans la première strophe à cause de ses traits ou rayons qui brûlent mais son action reste positive.Illiane a écrit:Astolphe33 a écrit:Considérer que le soleil cruel qui frappe le fait pour punir les secrètes luxures me semble forcer le texte de façon arbitraire. Il me semble qu'on peut commencer par du concret : le soleil, ça tape, ça mord, cf. la canicule (cruelle elle aussi, ha ha). Et là en effet, le soleil frappe "les toits et les champs", ça tape, ça chauffe. La première strophe part de ces conditions très concrètes, dysphoriques comme l'environnement des faubourgs. Le contraste peut alors fonctionner avec la suite = pour le commun des hommes, le soleil qui tape est cruel, mais pour moi le poète c'est un père nourricier, un bienfaiteur, un guérisseur, etc.
Bien sûr, mais cela me semblait tellement évident que je n'ai même pas pensé à en parler !
La première strophe me fait penser à Hélios qui a révélé les amours de Vénus. Ici ce sont les secrètes luxures qui sont éclairées.
- SashimiNiveau 5
Merci infiniment ! ça m'oriente vraiment dans ma réflexion. Je crois que je me focalisais trop sur cet adjectif, lui donnais trop de place et voulais presque lui dédier un mouvement ... c'est vrai que ce n'est pas le meilleur de Baudelaire et que d'autres poèmes sont mieux construits.
Je répondrai plus longuement, finalement ce n'est pas la grippe que j'ai mais le Covid et mes idées ne sont plus tout à fait en place
Je répondrai plus longuement, finalement ce n'est pas la grippe que j'ai mais le Covid et mes idées ne sont plus tout à fait en place
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Mallarmé
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