Annie Ernaux reçoit le Nobel de littérature en 2022

Absolument ravie qu'elle ait eu ce prix !
Outre les titres déjà cités, je recommande l'écriture comme un couteau qui fait vraiment comprendre son travail d'écrivaine

Pour ce qu'elle apporte à la réflexion sur la place de la femme, elle est aussi très importante. J'aime tout dans son oeuvre mais j'ai aimé en particulier La Femme gelée et Mémoire de fille sur cette question.

A mon avis, le prix aurait dû revenir à Salman Rushdie.

Ianna a écrit:A mon avis, le prix aurait dû revenir à Salman Rushdie.

Trop risqué sans doute, le Nobel est en général consensuel (et ils doivent aussi redorer leur blason après les scandales qui ont éclaté il y a quelques années).

En la lisant, j'ai souvent été frappée par la mémoire phénoménale qu'elle avait des petits détails de sa vie (d'enfant, notamment) et sa finesse d'observation et de jugement. Un peu moins convaincue par ses talents d'écrivaine. Par contre, je vois qu'on n'a pas tous les mêmes préférés. J'ai beaucoup apprécié La Place, mais Passion Simple ne m'a vraiment pas plu (lu 2 fois pourtant à 2 âges différents !), je l'ai trouvé à la fois plutôt vide et sonnant faux...

bénou a écrit:En la lisant, j'ai souvent été frappée par la mémoire phénoménale qu'elle avait des petits détails de sa vie (d'enfant, notamment) et sa finesse d'observation et de jugement. Un peu moins convaincue par ses talents d'écrivaine. Par contre, je vois qu'on n'a pas tous les mêmes préférés. J'ai beaucoup apprécié La Place, mais Passion Simple ne m'a vraiment pas plu (lu 2 fois pourtant à 2 âges différents !), je l'ai trouvé à la fois plutôt vide et sonnant faux...

Ayant relu le livre après avoir vécu moi-même une "passion simple", je m'y suis reconnu et trouvé qu'il sonnait très juste (les descriptions de l'attente en particulier, de l'obsession...) alors que je l'avais lu à la sortie et l'avais trouvé sans intérêt.

La lecture de La Place, par hasard au CDI quand j'étais lycéen, m'a bouleversé et mis brutalement fin au mépris que j'avais développé pour mon père.

Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:La lecture de La Place, par hasard au CDI quand j'étais lycéen, m'a bouleversé et mis brutalement fin au mépris que j'avais développé pour mon père.

Il faudrait que je le relise mais je crains que l'effet ne soit pas similaire.  Son livre Les années m'attend à la médiathèque et je n'ai pas voulu multiplier les réservations ( ni augmenter exagérément ma PAL).

Édit : je n'adhère pas à son style mais j'ai reçu  lors de ses premieres publications, sa démarche de "transfuge de classe " comme un coup de poignard.

Mrs D. a écrit:Pour ce qu'elle apporte à la réflexion sur la place de la femme, elle est aussi très importante. J'aime tout dans son oeuvre mais j'ai aimé en particulier La Femme gelée et Mémoire de fille sur cette question.

Sûrement mais je trouve très agaçant qu’on la réduise « à une femme qui parle des femmes »: dit-on d’un auteur que c’est un mâle qui parle des mâles exclusivement?  Il y aurait là quelque chose à creuser,  il me semble.
Le comble c’est sur rtl hier soir : « une femme modeste, une prof ( sic) de milieu très humble qui parle des femmes et des oubliés….. »
Montaigne un intello aristo qui cause des problèmes de prostate.

Iphigénie a écrit:

Mrs D. a écrit:Pour ce qu'elle apporte à la réflexion sur la place de la femme, elle est aussi très importante. J'aime tout dans son oeuvre mais j'ai aimé en particulier La Femme gelée et Mémoire de fille sur cette question.

Sûrement mais je trouve très agaçant qu’on la réduise « à une femme qui parle des femmes »: dit-on d’un auteur que c’est un mâle qui parle des mâles exclusivement?  Il y aurait là quelque chose à creuser,  il me semble.
Le comble c’est sur rtl hier soir : « une femme modeste, une prof ( sic) de milieu très humble qui parle des femmes et des oubliés….. »
Montaigne un intello aristo qui cause des problèmes de prostate.

Je ne me sens pas concernée par ce "on" de réduction. J'ai dit que tous les aspects de son oeuvre me parlaient, mais que cette question en particulier m'intéressait chez elle, et je ne pense pas qu'il faille la minimiser par retour de balancier (puisqu'on ne souligne pas quand les hommes parlent des hommes, ne soulignons pas quand les femmes parlent des femmes). Je trouve que c'est quand même un aspect de son oeuvre qui est loin d'être anecdotique.

Je ne parlais pas de toi en effet mais de tout ce qu’on entend sur les médias! Je rebondissais juste sur l’aspect dont tu parlais, comme d’un des aspects.

Iphigénie a écrit:Je ne parlais pas de toi en effet mais de tout ce qu’on entend sur les médias! Je rebondissais juste sur l’aspect dont tu parlais, comme d’un des aspects.

Je comprends ! Je n'ai pas eu le temps de beaucoup regarder la couverture médiatique, je vais profiter du week-end...

Eh bien moi ça me gonfle le blabla transfuge de classe. Non, elle ne sort pas d'un trou à rat non plus. Elle était fille de commerçants, alors certes c'était pas Rotschild, mais quand même.
Bon, au demeurant, ses oeuvres me sont toujours tombé des mains mais peut-être que j'étais trop jeune, il faudrait que je réessaie. Cela étant, je suis très contente que ça soit elle et pas Houellebecq qui ait eu le Nobel !

J'ai été agréablement surprise qu'elle obtienne le prix Nobel même si, personnellement, j'avais trouvé son style assez froid, quasi clinique en commençant à lire La femme gelée. Raison de plus (mon compagnon aime beaucoup et a déjà étudié son oeuvre avec ses élèves) pour que je m'y remette !

Iphigénie a écrit:
Le comble c’est sur rtl hier soir : « une femme modeste, une prof ( sic) de milieu très humble qui parle des femmes et des oubliés….. »
Montaigne un intello aristo qui cause des problèmes de prostate.

Où l'on joint le mépris de classe au sexisme, un bonheur. On se croirait pile dans un Ernaux.

Caspar a écrit: Beaucoup de commentaires négatifs sur les réseaux sociaux: gauchiste, pro-Mélenchon, communiste, antisémite...j'en passe et des meilleures.

Elle n'est rien de tout cela, mais elle est aveugle en politique.
J'apprécie l'écrivain - j'ai lu sept de ses livres -, mais elle a pris, ces dernières années, des positions que je juge répréhensibles, du soutien à la raciste, homophobe et antisémite Houria Bouteldja, à celui, inconditionnel, à Mélenchon, en passant par l'apologie du voile islamique « fierté des humiliés », ou l'appel au boycott de manifestations culturelles israéliennes.

Note bien qu'il y a la réaction exactement inverse, avec un dégueulis absolument infâme de commentaires insultants sur Houellebecq, sur lequel j'ai très précisément la même opinion que sur Ernaux : ce n'est pas mon truc, mais il est difficile de nier que c'est un écrivain.

LouisBarthas a écrit:

Caspar a écrit: Beaucoup de commentaires négatifs sur les réseaux sociaux: gauchiste, pro-Mélenchon, communiste, antisémite...j'en passe et des meilleures.

Elle n'est rien de tout cela, mais elle est aveugle en politique.
J'apprécie l'écrivain - j'ai lu sept de ses livres -, mais elle a pris, ces dernières années, des positions que je juge répréhensibles, du soutien à la raciste, homophobe et antisémite Houria Bouteldja, à celui, inconditionnel, à Mélenchon, en passant par l'apologie du voile islamique « fierté des humiliés », ou l'appel au boycott de manifestations culturelles israéliennes.

Je n'avais pas du tout eu vent de ses positions politiques, je découvre...

Elaïna a écrit:Eh bien moi ça me gonfle le blabla transfuge de classe. Non, elle ne sort pas d'un trou à rat non plus. Elle était fille de commerçants, alors certes c'était pas Rotschild, mais quand même.
Bon, au demeurant, ses oeuvres me sont toujours tombé des mains mais peut-être que j'étais trop jeune, il faudrait que je réessaie. Cela étant, je suis très contente que ça soit elle et pas Houellebecq qui ait eu le Nobel !

L'expression et le concept sociologique ont servi de marketing à pas mal de livres ces dernières années, la littérature s'effaçant souvent dans l'entreprise. Beaucoup d'auteurs s'en réclament...
J'ai beaucoup aimé les premiers récits d'Ernaux, notamment sur ses parents, mais depuis quelques années, ses livres m'ennuient, son écriture patine, ça ne parle quasiment que de chair mais qu'est-ce que ça en manque; j'ai trouvé par exemple Mémoire de fille affecté, c'était comme une figure imposée aussi, comme si elle avait un devoir, parler de toutes les violences vécues mais à aucun moment, elle ne sublime la vie par l'écriture. Je ne dis pas qu'il faut faire du joli mais du pauvre et du plus en plus pauvre, non.
Ceci dit, elle a une œuvre, elle a écrit de grands livres, et je suis contente qu'elle ait le Nobel, malgré ses récents textes et les prises de position qu'elle adopte politiquement. Ce n'est pas sans lien, je pense, avec l'admiration qu'Edouard Louis ou Lasganerie affichent pour elle.

Ce matin sur France Inter , Annie Ernaux a dit qu'elle n'aimait pas cette notion de transfuge de classe.
C'est d'ailleurs un concept récemment arrivé dans le grand public ? Je ne me souviens pas l'avoir lu quand elle a publié "La place" et ses 1ers livres.

On en a parlé à propos de Didier Eribon (remarquable "retour à Reims"), mais surtout d'Edouard Louis.

Honchamp a écrit:Ce matin sur France Inter , Annie Ernaux a dit qu'elle n'aimait pas cette notion de transfuge de classe.
C'est d'ailleurs un concept récemment arrivé dans le grand public ?  Je ne me souviens pas l'avoir lu quand elle a publié "La place" et ses 1ers livres.

On en a parlé à propos de Didier Eribon (remarquable "retour à Reims"), mais surtout d'Edouard Louis.

On n'en parlait pas à l'époque en utilisant cette expression et malheureusement comme pas mal de concepts de socio ou de psychologie, une fois que ça tombe dans la langue commune, c'est employé un peu à tort et à travers:

« Mais ne vous fiez pas aux apparences. Car derrière les grilles de l’entrée, dans l’ombre, on répète. Une adaptation des Confessions de Jean-Jacques Rousseau. Quand il raconte son enfance Pourquoi ce choix ? “Parce que Rousseau est un transfuge de classe” rappelle Marjorie Nakache directrice artistique du STS (théâtre de Stains) et metteuse en scène. Parce qu’aussi le nom de Jean-Jacques Rousseau, se souvient-elle, était régulièrement cité dans les manifestations de gilets jaunes et que le postulat de l’auteur, “l’homme nait naturellement bon, c’est la société qui le corrompt” peut faire réfléchir, faire débat. »/

Sur le site de France Culture.
Retour à Reims c'est vraiment une belle lecture !

Honchamp a écrit:Ce matin sur France Inter , Annie Ernaux a dit qu'elle n'aimait pas cette notion de transfuge de classe.
C'est d'ailleurs un concept récemment arrivé dans le grand public ?  Je ne me souviens pas l'avoir lu quand elle a publié "La place" et ses 1ers livres.

On en a parlé à propos de Didier Eribon (remarquable "retour à Reims"), mais surtout d'Edouard Louis.

Je pense que c'est Didier Eribon lui-même qui emploie ce concept de transfuge de classe dans Retour à Reims, non ? Dans mon souvenir, il y a des passages très autobiographiques mais aussi d'autres assez costauds du côté de l'essai de sociologie, d'où l'emploi légitime d'une notion comme celle-ci.
C'est en tout cas une lecture très marquante. Eribon dit d'ailleurs à plusieurs reprises son admiration pour les livres d'Annie Ernaux et tout ce qu'il leur doit.

Elaïna a écrit:Eh bien moi ça me gonfle le blabla transfuge de classe. Non, elle ne sort pas d'un trou à rat non plus. Elle était fille de commerçants, alors certes c'était pas Rotschild, mais quand même.
Bon, au demeurant, ses oeuvres me sont toujours tombé des mains mais peut-être que j'étais trop jeune, il faudrait que je réessaie. Cela étant, je suis très contente que ça soit elle et pas Houellebecq qui ait eu le Nobel !

La rage de tous les fafounets qui, sur la foi d'un article du Figaro voyaient déjà leur héros couronné fait plaisir à voir.
(Je sais ce n'est pas charitable)

Houellebecq est encore jeune il a le temps.

J'ai beau ne pas avoir croché à ses textes, j'en reconnais l'immense importance. C'est vraiment quelqu'un qui a construit une œuvre cohérente. Il faudra peut-être que je réessaie.

Elaïna a écrit:Eh bien moi ça me gonfle le blabla transfuge de classe. Non, elle ne sort pas d'un trou à rat non plus. Elle était fille de commerçants, alors certes c'était pas Rotschild, mais quand même.

Pour quelqu'un de sa génération - elle est née en 1940 - c'était même relativement courant.
Certes, dans les années 60, La proportion d’enfants issus des classes moyennes ou diplômées était un petit peu plus élevée dans l'enseignement secondaire, mais la majorité des enseignants du primaire étaient encore des enfants de paysans et d'ouvriers. Chez moi, dans les campagnes du Sud-Ouest, c'était flagrant : quand on était bon élève à l'école, on devenait instituteur.