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- henrietteMédiateur
https://etudiant.lefigaro.fr/article/le-declin-alarmant-de-l-enseignement-du-latin-et-du-grec-dans-les-colleges-et-lycees_301b24fc-f15e-11ec-aecb-a5c44b571225/
Les statistiques publiées mardi 14 juin par le ministère de l’éducation nationale, illustrent le déclin de l’enseignement des langues anciennes au collège et au lycée.
De 6,6% en 1996 à 3% en 2022, la part des lycéens latinistes a été divisée par deux en 25 ans. Et sur près de 366 000 candidats au bac général seuls 772 ont choisi une langue ancienne en spécialité en 2022. Le ministère de l’Éducation nationale a publié mardi 14 juin des statistiques sur l’évolution de l’étude des langues ancienne dans les établissements scolaires. Ils illustrent un déclin généralisé de l’enseignement du latin et du grec. Manque de budgets, désintérêt des chefs d’établissement pour la matière, découragement des candidats au CAPES, Robert Delord, de l’association Arrête ton char, pointe les causes du déclin. Pour le président de cette association de promotion des langues anciennes, l’engouement des élèves est toujours bien réel mais l’État refuse d’accorder les moyens nécessaires pour les enseigner dans de bonnes conditions sur l’ensemble du territoire national.
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"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
- User9525Niveau 8
Bien que lettres modernes (et latiniste médiocre, c'est un peu la même chose...), je trouve ce bilan affligeant mais pas étonnant. L'utilitarisme dominant veut qu'on oublie que la valeur de la culture et des savoirs, c'est une richesse autrement plus jubilatoire que d'apprendre à apprendre...quoi au fait ?
Résultat d'une politique voulue par des collègues mêmes mais je ne les citerai pas
Résultat d'une politique voulue par des collègues mêmes mais je ne les citerai pas
- MiniloupiotteNiveau 7
Merci beaucoup, Henriette, pour cet article qui correspond tout à fait à ce que je constate. J'ai l'exemple d'un collège où j'ai enseigné un an, qui affiche encore le latin comme option proposée sur le site académique des établissements, et je sais pertinemment que c'est faux par les collègues qui sont sur place. Et la gestionnaire des remplaçants à qui j'ai proposé de faire ces heures (réduites quand je suis partie à 3h avec des niveaux groupés) ne veut rien savoir et préfère me faire faire un complément ailleurs en français. Meme les IPR ne peuvent lutter contre cette logique comptable, au détriment des élèves qui seraient très intéressés (je le sais par les collègues) pour étudier les LCA. Ton article met bien cela en évidence, merci encore.
- A reboursEsprit éclairé
C'est réellement la fin...
Je retiens surtout cet argument, le désintérêt de la part de cde.
Mon cde s'y est bien employé depuis plusieurs années, et moyennant le covid et ma situation personnelle, bingo, il ferme mon poste à la fin de l'année prochaine. Je suis la plus ancienne, mais les autres sont LM.
Le latin, le grec, et les postes de LC sont cuits.
Je retiens surtout cet argument, le désintérêt de la part de cde.
Mon cde s'y est bien employé depuis plusieurs années, et moyennant le covid et ma situation personnelle, bingo, il ferme mon poste à la fin de l'année prochaine. Je suis la plus ancienne, mais les autres sont LM.
Le latin, le grec, et les postes de LC sont cuits.
- OudemiaBon génie
Ça me rend à la fois très triste et très en colère.
Quand je pense au député Hippolyte Ducos, doyen de l'assemblée nationale il y a bien longtemps, qui avait fait ce qu'il pouvait contre le vent qui se levait déjà...
Quand je pense au député Hippolyte Ducos, doyen de l'assemblée nationale il y a bien longtemps, qui avait fait ce qu'il pouvait contre le vent qui se levait déjà...
- LoraNeoprof expérimenté
Et donc, A Rebours, tu partiras en mesure de carte scolaire ou tu occuperas un poste de Lettres Modernes (je risque de me retrouver dans la même situation prochainement, donc ça m’inquiète) ?
Dans mon collège, ce sont tout d’abord les élèves qui ne sont pas intéressés par le latin (seulement quatre 5e pendant les deux années de Covid, onze pour l’année prochaine !). Certes, les horaires sont toujours en début ou fin de journée, mais ils ont été réduits à une heure par semaine. Mais c’est déjà trop pour eux.
Cette année, je suis passée dans chaque 6e deux fois. À chaque fois, un tiers de la classe est intéressé à la fin de l’intervention… mais ils ne s’inscrivent finalement pas.
Dans mon collège, ce sont tout d’abord les élèves qui ne sont pas intéressés par le latin (seulement quatre 5e pendant les deux années de Covid, onze pour l’année prochaine !). Certes, les horaires sont toujours en début ou fin de journée, mais ils ont été réduits à une heure par semaine. Mais c’est déjà trop pour eux.
Cette année, je suis passée dans chaque 6e deux fois. À chaque fois, un tiers de la classe est intéressé à la fin de l’intervention… mais ils ne s’inscrivent finalement pas.
- JeanB.Niveau 6
Lora a écrit:Et donc, A Rebours, tu partiras en mesure de carte scolaire ou tu occuperas un poste de Lettres Modernes (je risque de me retrouver dans la même situation prochainement, donc ça m’inquiète) ?
Dans mon collège, ce sont tout d’abord les élèves qui ne sont pas intéressés par le latin (seulement quatre 5e pendant les deux années de Covid, onze pour l’année prochaine !). Certes, les horaires sont toujours en début ou fin de journée, mais ils ont été réduits à une heure par semaine. Mais c’est déjà trop pour eux.
Cette année, je suis passée dans chaque 6e deux fois. À chaque fois, un tiers de la classe est intéressé à la fin de l’intervention… mais ils ne s’inscrivent finalement pas.
Les élèves se montent la tête entre eux. Un premier dans la bande dira "c'est nul, ma sœur en fait!", puis le deuxième ajoutera son anecdote aussi, avant que cela ne se répande à toute la classe : c'est comme cela qu'on arrive à un nombre quasiment nul d'inscription(s). Le mécanisme est le même en spé (au lycée).
- LoraNeoprof expérimenté
Oui, c’est vrai, JeanB.
- CasparProphète
Petit HS ou aparté mais en lien quand même. De nombreux départements universitaires sont en perdition aux USA: anglais, littérature comparée, histoire, sociologie...au profit de matières jugées plus utiles. D'après l'article que j'ai lu c'est la catastrophe (les "classics", à savoir latin et grec ne doivent pas être en reste malheureusement).
- zigmag17Guide spirituel
C'est désastreux.
C'est comme cela qu'on s'achemine vers la décadence: la fin des Belles Lettres pour tous, la fin de la culture et du savoir offerts.
Quel gâchis.
C'est comme cela qu'on s'achemine vers la décadence: la fin des Belles Lettres pour tous, la fin de la culture et du savoir offerts.
Quel gâchis.
- LefterisEsprit sacré
C'est foutu, tout a été fait pour : réduire les horaires élèves, dénigrer en haut lieu, mettre en concurrence les enseignants pour les DHG, dégoûter les étudiants, et faire fermer par rebond les sections peu à peu en fac. Ne même plus imposer le latin aux capes LM (même l'AF va quasi disparaître, puisque disparu au capes). C'est toute une chaîne de savoirs qui est rompue. Dans les 5 ans qui ont suivi l'oeuvre de NVB, c'est 10 % des enseignants de LC qui ont disparu ( voir rapport de l'IG) . On doit en être à 20 % maintenant. Ces matières "inutiles" ne peuvent tenir que par un volontarisme étatique, parce qu'on est persuadé de l'importance de la culture en générale, de la nôtre en particulier. Ce n'est plus le cas, ce sont uniquement des "coûts" pour les gestionnaires et pour nombre de politiciens dont le niveau culturel est à faire peur.
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- zigmag17Guide spirituel
Quelle société va-t-on devenir? Une société déculturée n'est plus une vraie société si? Faut-il imaginer une société livrée à des hordes comme dans les dystopies? Avec à sa tête un noyau très restreint de possesseurs de pouvoirs totalitaires, le tout dans la violence permanente, sans plus jamais rien de raffiné, d'élaboré, d'humain? Je préfère ne pas y penser.
Pourtant on y vient me semble-t-il.
Pourtant on y vient me semble-t-il.
- OudemiaBon génie
Autre HS, mais pas tant que ça non plus.
Installez-vous bien, c'est un peu long
Installez-vous bien, c'est un peu long
- Pendant l’été 2008 Le Figaro a demandé chaque jour à un grand écrivain étranger d’écrire une nouvelle inédite commençant par la même phrase de «L'Odyssée».:
Douglas Kennedy Homère dans l’Ohio 30 juillet 2008
« Ulysse prit le sentier rocailleux qui monte à travers bois, du port vers la falaise. Il allait à l'endroit qu'avait dit Athéna… »
J'ai relevé les yeux. Devant moi, face à l'estrade, une soixantaine de visages moroses exprimaient un ennui absolu. Il était 8 h 36 un jeudi matin de janvier, l'heure de mon cours « Classiques 12 », une occasion de parcourir les grandes pages de la littérature grecque et latine en seize semaines, condensées et toujours traduites par votre serviteur afin de les rendre plus digestibles à de jeunes esprits. Votre serviteur étant maître assistant en études classiques au Crewe College, une université médiocre dans un coin médiocre de cet État médiocre qu'est l'Ohio.
« Ulysse prit le sentier rocailleux… » Chaque mois de janvier depuis sept ans, j'entame mon premier cours du semestre d'hiver par cette lecture d'Homère. Pourquoi, alors, ai-je eu aujourd'hui du mal à réprimer un sanglot monté dans ma gorge au moment où je prononçais ces mots ? Cette tristesse refoulée, renvoyée à plus tard, a une explication : c'est la dernière fois que je donne cette leçon, la dernière fois que j'enseigne « Classiques 12 » ou n'importe quelle autre matière au Crewe College, et sans doute la dernière fois que j'exerce en tant que professeur du supérieur.
Parce que j'ai perdu mon poste, voyez-vous. Ou plus exactement, je me suis fait refuser ma titularisation, de sorte qu'au-delà des quelques mois restants qui me lient par contrat à cet établissement mon avenir universitaire est une énigme absolue.
Titularisation : une place assurée pour la vie, un privilège qui vous épargne de vous soucier de trouver un autre emploi tant que vous resterez sur cette Terre. Titularisation : la carotte que l'administration du Crewe College m'a tendue sous le nez sept années durant avant de la retirer brusquement, et ce pour des raisons que je ne caractériserais pas d'« injustes », ce terme étant décidément bien trop faible pour décrire ce qui m'arrive.
J'ai pourtant rempli toutes les conditions requises. Mon essai sur Sénèque et les stoïciens a été publié par une maison d'édition universitaire des plus respectables, et j'ai donné avec une régularité de métronome le genre d'articles pédagogiquement rébarbatifs que l'on attend de nous à une kyrielle de revues théoriques que plus personne ne lit de nos jours, la théorie étant désormais une valeur tombée en complète désuétude. Même si le Crewe College n'est pas précisément un berceau d'intellectualisme, je me jugeais relativement heureux d'y avoir décroché une niche de maître assistant : après tout, nous n'étions que sept sur les vingt nouveaux titulaires du doctorat de l'Université de Michigan dont la faculté d'études classiques reste l'une des meilleures du pays à trouver un emploi correspondant à notre diplôme, et bien qu'ayant toujours rêvé d'être pris sur un campus prestigieux, du genre de Columbia, de Chicago ou de Berkeley, j'ai accepté avec assez bonne grâce de rejoindre un établissement de seconde zone dans l'Ohio.
La petite ville qui accueille le Crewe College était coquette et barbante comme celles où se déroulent les romans de Sinclair Lewis, que plus personne ne lit de nos jours ; mon salaire annuel de soixante mille dollars m'a permis d'acheter l'une de ces modestes maisons en bardeaux blancs qui sont un autre archétype de la petite ville universitaire, tout en m'assurant un train de vie modeste dont les moments forts consistaient à aller régulièrement à Cleveland au volant de ma Volvo d'occasion pour y entendre son exceptionnel Orchestre symphonique, à passer mes trois semaines de vacances d'été dans le bungalow du Nord Michigan qu'un ami voulait bien me prêter, et à…
Attendez : soixante mille « brut ». Après impôts, c'était quarante mille. Tous mes collègues de Crewe me l'avaient dit et répété : « Tu as évité de t'encombrer d'une femme et d'enfants, au moins. Dieu merci, parce que si tu avais été un “reproducteur” tu serais en prison pour dettes, à l'heure qu'il est. Qui peut entretenir une famille avec soixante mille brut, par les temps qui courent ? » Mais voilà, je ne suis pas un « reproducteur », oh que non, ni le genre de gay qui passe tous ses week-ends à écumer les rares bars de Cleveland où il est possible de faire des rencontres. Certes, il m'est arrivé de rencontrer des hommes sur Internet au cours de ces années, mais mon plus grand souhait, avoir quelqu'un de permanent dans ma vie, s'est obstiné à ne jamais se réaliser.
Le psy que je voyais à Cleveland quand je pouvais me permettre la dépense était persuadé que toute ma personnalité se résumait à ma relation au père, dans mon cas un agent d'assurances atrabilaire qui avait passé sa vie à se dire que la « vraie vie » devait être ailleurs et à regarder de haut son « rat de bibliothèque » et introverti de fils, même s'il a toujours eu le bon goût de s'abstenir de me forcer à jouer à des jeux machos-hétéros avec lui, ou de me traiter de mauviette. « Vous n'avez jamais pu trouver grâce aux yeux de votre père, aimait marteler le psy, et comme lui-même était émasculé par votre mère… »
Franchement ! D'accord, nous pouvons tous tenter la défausse à la Kierkegaard et proclamer que la vie doit être vécue en regardant devant soi et comprise en regardant derrière, mais après ? Tout comme nous pouvons nous arrêter sur les déficiences structurelles de notre enfance et nous répéter : « Oui, oui, c'est à partir de là que tout est allé de travers ! » La vérité vraie, toutefois, c'est celle-ci : « Ulysse prit le sentier rocailleux qui monte à travers bois, du port vers la falaise… »
Le pédagogue que je suis voudra évidemment mettre l'accent sur les mots de port et de bois. Nous sommes tous à la recherche d'un port d'attache, d'un havre de sécurité dans cette pagaille imprévisible qu'est la vie. Souvent, nous nous résignons à une existence qui n'est pas celle que nous aurions voulue dans le seul but de satisfaire ce besoin éperdu de protection. Mais quand le port s'avère ne pas être le refuge tant rêvé, et nous conduit au contraire à l'inquiétante pénombre des bois, ne nous arrive-t-il pas, à nous tous, de nous demander quel était le sens de toutes ces concessions acceptées au nom d'une quiétude fallacieuse ?
« Nous sommes navrés, vraiment. » C'est ainsi que le recteur de la faculté a entamé, un jour d'avril dernier, l'entretien au cours duquel il m'a annoncé que ma demande de titularisation avait été rejetée. « C'est injuste, nous le savons tous, a-t-il poursuivi, mais j'ai les mains liées, dans ce dossier. Le conseil d'administration en a décidé autrement. » Ce que les dignes administrateurs venaient de décider, c'était d'« équilibrer » le budget de fonctionnement en réduisant le nombre de professeurs titulaires en sciences humaines afin de pouvoir créer deux nouvelles chaires dans le département de gestion et marketing.
J'ai protesté, presque machinalement :
« Mais je n'ai accepté ce poste que parce que vous m'aviez assuré qu'il me conduirait à la titularisation ! Et je pense avoir répondu à tous les impératifs que…
Vous y avez plus que répondu, m'a-t-il coupé, et je vous prie de croire que je vous donnerai une lettre de recommandation étincelante pour toute position à laquelle vous postulerez.
Il ne reste aucune « position » en études classiques ! Je suis un dinosaure…
Allons, allons, ne soyez pas si pessimiste, a-t-il contré en essayant de dissimuler son manque d'optimisme flagrant. Avec vos références…
Je ne vaux pas un clou ! » ai-je éclaté avec une véhémence qui a paru choquer le recteur.
Une indifférence dédaigneuse est apparue sur ses traits. Après un silence, il s'est borné à conclure :
« Nous vivons une curieuse époque, c'est sûr. Mais ce n'est pas mon problème. »
Apprendre une telle nouvelle quatorze mois à l'avance me laissait certes plein de temps pour chercher une solution. J'ai aussitôt contacté le service des carrières de l'Université du Michigan. Là, on m'a appris que trente postes en études classiques étaient à pourvoir sur le plan national pour l'année universitaire à venir, et que douze mille candidats étaient en lice. « Mais vos références sont très impressionnantes », m'a assuré l'orientatrice. Comme celles d'au moins trois mille de mes rivaux. Ainsi que je m'y attendais, je n'ai pas reçu une seule proposition.
« Nous vivons une curieuse époque. » C'est peu de le dire. En fin de compte, que peuvent représenter Homère ou Eschyle dans un monde où équilibrer un budget est l'impératif catégorique, où les études classiques sont devenues un luxe stérile, tellement dépourvu de valeur marchande qu'il paraît presque suspect ?
« Alors, qu'est-ce que tu comptes faire ? m'a interrogé récemment l'un de mes collègues.
Pas la moindre idée », ai-je répondu, car je venais également de recevoir une fin de non-recevoir de quelque quarante lycées à travers le pays, le grec et le latin disparaissant des programmes du secondaire comme neige au soleil.
Suis-je aigri ? Un peu, oui ! Mais peut-être est-ce le prix à payer pour rester convaincu que l'enseignement de littératures archaïques garde une place dans le monde tel qu'il est devenu ? L'un de mes anciens confrères, germaniste distingué, a renoncé à sa carrière universitaire et travaille désormais dans une grande surface de la banlieue de Cleveland, où il s'occupe du très étriqué rayon librairie. Dix dollars de l'heure, qu'il est heureux d'empocher car c'était ça ou la rue. Quelqu'un qui détient un doctorat de Stanford…
« Et Ulysse s'éloigna du port par un âpre sentier, à travers les bois et les hauteurs… » Je regarde mes étudiants. Et je prends ma respiration, tentant de cesser un instant de penser à mon avenir, ou plutôt à son inexistence.
« Eh bien… En quoi cette phrase nous intéresse-t-elle ? »
Un long silence, à peine troublé par des bâillements sous cape. J'attends que quelqu'un dise quelque chose, n'importe quoi. Mais je n'entends que ce même silence dont Ulysse devait être environné dans ses fameux bois. Du moins savait-il qu'il allait rentrer à la maison, lui…
La maison. C'est un lieu, mais aussi une idée. Sauf que dans un univers où les idées doivent rapporter un profit, la traversée des bois ne vous reconduit plus à la maison. Elle ne fait que vous égarer un peu plus. Et quand on est perdu, le seul son que l'on perçoit est l'absence de son.
Le silence, et rien d'autre.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Bernard Cohen
- zigmag17Guide spirituel
Oudemia a écrit:Autre HS, mais pas tant que ça non plus.
Installez-vous bien, c'est un peu long
- Pendant l’été 2008 Le Figaro a demandé chaque jour à un grand écrivain étranger d’écrire une nouvelle inédite commençant par la même phrase de «L'Odyssée».:
Douglas Kennedy Homère dans l’Ohio 30 juillet 2008
« Ulysse prit le sentier rocailleux qui monte à travers bois, du port vers la falaise. Il allait à l'endroit qu'avait dit Athéna… »
J'ai relevé les yeux. Devant moi, face à l'estrade, une soixantaine de visages moroses exprimaient un ennui absolu. Il était 8 h 36 un jeudi matin de janvier, l'heure de mon cours « Classiques 12 », une occasion de parcourir les grandes pages de la littérature grecque et latine en seize semaines, condensées et toujours traduites par votre serviteur afin de les rendre plus digestibles à de jeunes esprits. Votre serviteur étant maître assistant en études classiques au Crewe College, une université médiocre dans un coin médiocre de cet État médiocre qu'est l'Ohio.
« Ulysse prit le sentier rocailleux… » Chaque mois de janvier depuis sept ans, j'entame mon premier cours du semestre d'hiver par cette lecture d'Homère. Pourquoi, alors, ai-je eu aujourd'hui du mal à réprimer un sanglot monté dans ma gorge au moment où je prononçais ces mots ? Cette tristesse refoulée, renvoyée à plus tard, a une explication : c'est la dernière fois que je donne cette leçon, la dernière fois que j'enseigne « Classiques 12 » ou n'importe quelle autre matière au Crewe College, et sans doute la dernière fois que j'exerce en tant que professeur du supérieur.
Parce que j'ai perdu mon poste, voyez-vous. Ou plus exactement, je me suis fait refuser ma titularisation, de sorte qu'au-delà des quelques mois restants qui me lient par contrat à cet établissement mon avenir universitaire est une énigme absolue.
Titularisation : une place assurée pour la vie, un privilège qui vous épargne de vous soucier de trouver un autre emploi tant que vous resterez sur cette Terre. Titularisation : la carotte que l'administration du Crewe College m'a tendue sous le nez sept années durant avant de la retirer brusquement, et ce pour des raisons que je ne caractériserais pas d'« injustes », ce terme étant décidément bien trop faible pour décrire ce qui m'arrive.
J'ai pourtant rempli toutes les conditions requises. Mon essai sur Sénèque et les stoïciens a été publié par une maison d'édition universitaire des plus respectables, et j'ai donné avec une régularité de métronome le genre d'articles pédagogiquement rébarbatifs que l'on attend de nous à une kyrielle de revues théoriques que plus personne ne lit de nos jours, la théorie étant désormais une valeur tombée en complète désuétude. Même si le Crewe College n'est pas précisément un berceau d'intellectualisme, je me jugeais relativement heureux d'y avoir décroché une niche de maître assistant : après tout, nous n'étions que sept sur les vingt nouveaux titulaires du doctorat de l'Université de Michigan dont la faculté d'études classiques reste l'une des meilleures du pays à trouver un emploi correspondant à notre diplôme, et bien qu'ayant toujours rêvé d'être pris sur un campus prestigieux, du genre de Columbia, de Chicago ou de Berkeley, j'ai accepté avec assez bonne grâce de rejoindre un établissement de seconde zone dans l'Ohio.
La petite ville qui accueille le Crewe College était coquette et barbante comme celles où se déroulent les romans de Sinclair Lewis, que plus personne ne lit de nos jours ; mon salaire annuel de soixante mille dollars m'a permis d'acheter l'une de ces modestes maisons en bardeaux blancs qui sont un autre archétype de la petite ville universitaire, tout en m'assurant un train de vie modeste dont les moments forts consistaient à aller régulièrement à Cleveland au volant de ma Volvo d'occasion pour y entendre son exceptionnel Orchestre symphonique, à passer mes trois semaines de vacances d'été dans le bungalow du Nord Michigan qu'un ami voulait bien me prêter, et à…
Attendez : soixante mille « brut ». Après impôts, c'était quarante mille. Tous mes collègues de Crewe me l'avaient dit et répété : « Tu as évité de t'encombrer d'une femme et d'enfants, au moins. Dieu merci, parce que si tu avais été un “reproducteur” tu serais en prison pour dettes, à l'heure qu'il est. Qui peut entretenir une famille avec soixante mille brut, par les temps qui courent ? » Mais voilà, je ne suis pas un « reproducteur », oh que non, ni le genre de gay qui passe tous ses week-ends à écumer les rares bars de Cleveland où il est possible de faire des rencontres. Certes, il m'est arrivé de rencontrer des hommes sur Internet au cours de ces années, mais mon plus grand souhait, avoir quelqu'un de permanent dans ma vie, s'est obstiné à ne jamais se réaliser.
Le psy que je voyais à Cleveland quand je pouvais me permettre la dépense était persuadé que toute ma personnalité se résumait à ma relation au père, dans mon cas un agent d'assurances atrabilaire qui avait passé sa vie à se dire que la « vraie vie » devait être ailleurs et à regarder de haut son « rat de bibliothèque » et introverti de fils, même s'il a toujours eu le bon goût de s'abstenir de me forcer à jouer à des jeux machos-hétéros avec lui, ou de me traiter de mauviette. « Vous n'avez jamais pu trouver grâce aux yeux de votre père, aimait marteler le psy, et comme lui-même était émasculé par votre mère… »
Franchement ! D'accord, nous pouvons tous tenter la défausse à la Kierkegaard et proclamer que la vie doit être vécue en regardant devant soi et comprise en regardant derrière, mais après ? Tout comme nous pouvons nous arrêter sur les déficiences structurelles de notre enfance et nous répéter : « Oui, oui, c'est à partir de là que tout est allé de travers ! » La vérité vraie, toutefois, c'est celle-ci : « Ulysse prit le sentier rocailleux qui monte à travers bois, du port vers la falaise… »
Le pédagogue que je suis voudra évidemment mettre l'accent sur les mots de port et de bois. Nous sommes tous à la recherche d'un port d'attache, d'un havre de sécurité dans cette pagaille imprévisible qu'est la vie. Souvent, nous nous résignons à une existence qui n'est pas celle que nous aurions voulue dans le seul but de satisfaire ce besoin éperdu de protection. Mais quand le port s'avère ne pas être le refuge tant rêvé, et nous conduit au contraire à l'inquiétante pénombre des bois, ne nous arrive-t-il pas, à nous tous, de nous demander quel était le sens de toutes ces concessions acceptées au nom d'une quiétude fallacieuse ?
« Nous sommes navrés, vraiment. » C'est ainsi que le recteur de la faculté a entamé, un jour d'avril dernier, l'entretien au cours duquel il m'a annoncé que ma demande de titularisation avait été rejetée. « C'est injuste, nous le savons tous, a-t-il poursuivi, mais j'ai les mains liées, dans ce dossier. Le conseil d'administration en a décidé autrement. » Ce que les dignes administrateurs venaient de décider, c'était d'« équilibrer » le budget de fonctionnement en réduisant le nombre de professeurs titulaires en sciences humaines afin de pouvoir créer deux nouvelles chaires dans le département de gestion et marketing.
J'ai protesté, presque machinalement :
« Mais je n'ai accepté ce poste que parce que vous m'aviez assuré qu'il me conduirait à la titularisation ! Et je pense avoir répondu à tous les impératifs que…
Vous y avez plus que répondu, m'a-t-il coupé, et je vous prie de croire que je vous donnerai une lettre de recommandation étincelante pour toute position à laquelle vous postulerez.
Il ne reste aucune « position » en études classiques ! Je suis un dinosaure…
Allons, allons, ne soyez pas si pessimiste, a-t-il contré en essayant de dissimuler son manque d'optimisme flagrant. Avec vos références…
Je ne vaux pas un clou ! » ai-je éclaté avec une véhémence qui a paru choquer le recteur.
Une indifférence dédaigneuse est apparue sur ses traits. Après un silence, il s'est borné à conclure :
« Nous vivons une curieuse époque, c'est sûr. Mais ce n'est pas mon problème. »
Apprendre une telle nouvelle quatorze mois à l'avance me laissait certes plein de temps pour chercher une solution. J'ai aussitôt contacté le service des carrières de l'Université du Michigan. Là, on m'a appris que trente postes en études classiques étaient à pourvoir sur le plan national pour l'année universitaire à venir, et que douze mille candidats étaient en lice. « Mais vos références sont très impressionnantes », m'a assuré l'orientatrice. Comme celles d'au moins trois mille de mes rivaux. Ainsi que je m'y attendais, je n'ai pas reçu une seule proposition.
« Nous vivons une curieuse époque. » C'est peu de le dire. En fin de compte, que peuvent représenter Homère ou Eschyle dans un monde où équilibrer un budget est l'impératif catégorique, où les études classiques sont devenues un luxe stérile, tellement dépourvu de valeur marchande qu'il paraît presque suspect ?
« Alors, qu'est-ce que tu comptes faire ? m'a interrogé récemment l'un de mes collègues.
Pas la moindre idée », ai-je répondu, car je venais également de recevoir une fin de non-recevoir de quelque quarante lycées à travers le pays, le grec et le latin disparaissant des programmes du secondaire comme neige au soleil.
Suis-je aigri ? Un peu, oui ! Mais peut-être est-ce le prix à payer pour rester convaincu que l'enseignement de littératures archaïques garde une place dans le monde tel qu'il est devenu ? L'un de mes anciens confrères, germaniste distingué, a renoncé à sa carrière universitaire et travaille désormais dans une grande surface de la banlieue de Cleveland, où il s'occupe du très étriqué rayon librairie. Dix dollars de l'heure, qu'il est heureux d'empocher car c'était ça ou la rue. Quelqu'un qui détient un doctorat de Stanford…
« Et Ulysse s'éloigna du port par un âpre sentier, à travers les bois et les hauteurs… » Je regarde mes étudiants. Et je prends ma respiration, tentant de cesser un instant de penser à mon avenir, ou plutôt à son inexistence.
« Eh bien… En quoi cette phrase nous intéresse-t-elle ? »
Un long silence, à peine troublé par des bâillements sous cape. J'attends que quelqu'un dise quelque chose, n'importe quoi. Mais je n'entends que ce même silence dont Ulysse devait être environné dans ses fameux bois. Du moins savait-il qu'il allait rentrer à la maison, lui…
La maison. C'est un lieu, mais aussi une idée. Sauf que dans un univers où les idées doivent rapporter un profit, la traversée des bois ne vous reconduit plus à la maison. Elle ne fait que vous égarer un peu plus. Et quand on est perdu, le seul son que l'on perçoit est l'absence de son.
Le silence, et rien d'autre.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Bernard Cohen
Merci beaucoup Oudemia pour cet épatant moment de lecture.
Ca me donne envie de lire les autres contributions.
Ce qu'il écrit est très juste je trouve, et indépendamment du thème je garde quelques formules qui me plaisent bien! ("la maison est un lieu mais aussi une idée" est une image qui me parle terriblement!!)
2008 déjà... (ça me fait penser à une chanson de Philippe Katerine, moins pessimiste et plus fantaisiste, mais je ne vais pas ramener ma fraise dadaïste ici! )
- pseudo-intelloSage
Je ne sais pas si j'ai des latinistes de 5e l'an prochain.
Enfin si, je sais que j'en ai "au moins 3", mais 3, ça ne suffit pas...
Enfin si, je sais que j'en ai "au moins 3", mais 3, ça ne suffit pas...
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- LefterisEsprit sacré
Pas HS. Nous y sommes presque. La brutalité étasunienne en moins, pour l'instant du moins , tant qu'il y aura des lauréats de concours titulaires. Ils finiront leur carrière sans enseigner les LA, mais ils auront un travail pour manger. Leurs successeurs, s'il y en a, non, même pas. On mettra fin à leur contrat quand il aura été décidé de réduire la DHG, que les élèves se détourneront, ou toute autre raison.Oudemia a écrit:Autre HS, mais pas tant que ça non plus.
Installez-vous bien, c'est un peu long
- Pendant l’été 2008 Le Figaro a demandé chaque jour à un grand écrivain étranger d’écrire une nouvelle inédite commençant par la même phrase de «L'Odyssée».:
Douglas Kennedy Homère dans l’Ohio 30 juillet 2008
« Ulysse prit le sentier rocailleux qui monte à travers bois, du port vers la falaise. Il allait à l'endroit qu'avait dit Athéna… »
J'ai relevé les yeux. Devant moi, face à l'estrade, une soixantaine de visages moroses exprimaient un ennui absolu. Il était 8 h 36 un jeudi matin de janvier, l'heure de mon cours « Classiques 12 », une occasion de parcourir les grandes pages de la littérature grecque et latine en seize semaines, condensées et toujours traduites par votre serviteur afin de les rendre plus digestibles à de jeunes esprits. Votre serviteur étant maître assistant en études classiques au Crewe College, une université médiocre dans un coin médiocre de cet État médiocre qu'est l'Ohio.
« Ulysse prit le sentier rocailleux… » Chaque mois de janvier depuis sept ans, j'entame mon premier cours du semestre d'hiver par cette lecture d'Homère. Pourquoi, alors, ai-je eu aujourd'hui du mal à réprimer un sanglot monté dans ma gorge au moment où je prononçais ces mots ? Cette tristesse refoulée, renvoyée à plus tard, a une explication : c'est la dernière fois que je donne cette leçon, la dernière fois que j'enseigne « Classiques 12 » ou n'importe quelle autre matière au Crewe College, et sans doute la dernière fois que j'exerce en tant que professeur du supérieur.
Parce que j'ai perdu mon poste, voyez-vous. Ou plus exactement, je me suis fait refuser ma titularisation, de sorte qu'au-delà des quelques mois restants qui me lient par contrat à cet établissement mon avenir universitaire est une énigme absolue.
Titularisation : une place assurée pour la vie, un privilège qui vous épargne de vous soucier de trouver un autre emploi tant que vous resterez sur cette Terre. Titularisation : la carotte que l'administration du Crewe College m'a tendue sous le nez sept années durant avant de la retirer brusquement, et ce pour des raisons que je ne caractériserais pas d'« injustes », ce terme étant décidément bien trop faible pour décrire ce qui m'arrive.
J'ai pourtant rempli toutes les conditions requises. Mon essai sur Sénèque et les stoïciens a été publié par une maison d'édition universitaire des plus respectables, et j'ai donné avec une régularité de métronome le genre d'articles pédagogiquement rébarbatifs que l'on attend de nous à une kyrielle de revues théoriques que plus personne ne lit de nos jours, la théorie étant désormais une valeur tombée en complète désuétude. Même si le Crewe College n'est pas précisément un berceau d'intellectualisme, je me jugeais relativement heureux d'y avoir décroché une niche de maître assistant : après tout, nous n'étions que sept sur les vingt nouveaux titulaires du doctorat de l'Université de Michigan dont la faculté d'études classiques reste l'une des meilleures du pays à trouver un emploi correspondant à notre diplôme, et bien qu'ayant toujours rêvé d'être pris sur un campus prestigieux, du genre de Columbia, de Chicago ou de Berkeley, j'ai accepté avec assez bonne grâce de rejoindre un établissement de seconde zone dans l'Ohio.
La petite ville qui accueille le Crewe College était coquette et barbante comme celles où se déroulent les romans de Sinclair Lewis, que plus personne ne lit de nos jours ; mon salaire annuel de soixante mille dollars m'a permis d'acheter l'une de ces modestes maisons en bardeaux blancs qui sont un autre archétype de la petite ville universitaire, tout en m'assurant un train de vie modeste dont les moments forts consistaient à aller régulièrement à Cleveland au volant de ma Volvo d'occasion pour y entendre son exceptionnel Orchestre symphonique, à passer mes trois semaines de vacances d'été dans le bungalow du Nord Michigan qu'un ami voulait bien me prêter, et à…
Attendez : soixante mille « brut ». Après impôts, c'était quarante mille. Tous mes collègues de Crewe me l'avaient dit et répété : « Tu as évité de t'encombrer d'une femme et d'enfants, au moins. Dieu merci, parce que si tu avais été un “reproducteur” tu serais en prison pour dettes, à l'heure qu'il est. Qui peut entretenir une famille avec soixante mille brut, par les temps qui courent ? » Mais voilà, je ne suis pas un « reproducteur », oh que non, ni le genre de gay qui passe tous ses week-ends à écumer les rares bars de Cleveland où il est possible de faire des rencontres. Certes, il m'est arrivé de rencontrer des hommes sur Internet au cours de ces années, mais mon plus grand souhait, avoir quelqu'un de permanent dans ma vie, s'est obstiné à ne jamais se réaliser.
Le psy que je voyais à Cleveland quand je pouvais me permettre la dépense était persuadé que toute ma personnalité se résumait à ma relation au père, dans mon cas un agent d'assurances atrabilaire qui avait passé sa vie à se dire que la « vraie vie » devait être ailleurs et à regarder de haut son « rat de bibliothèque » et introverti de fils, même s'il a toujours eu le bon goût de s'abstenir de me forcer à jouer à des jeux machos-hétéros avec lui, ou de me traiter de mauviette. « Vous n'avez jamais pu trouver grâce aux yeux de votre père, aimait marteler le psy, et comme lui-même était émasculé par votre mère… »
Franchement ! D'accord, nous pouvons tous tenter la défausse à la Kierkegaard et proclamer que la vie doit être vécue en regardant devant soi et comprise en regardant derrière, mais après ? Tout comme nous pouvons nous arrêter sur les déficiences structurelles de notre enfance et nous répéter : « Oui, oui, c'est à partir de là que tout est allé de travers ! » La vérité vraie, toutefois, c'est celle-ci : « Ulysse prit le sentier rocailleux qui monte à travers bois, du port vers la falaise… »
Le pédagogue que je suis voudra évidemment mettre l'accent sur les mots de port et de bois. Nous sommes tous à la recherche d'un port d'attache, d'un havre de sécurité dans cette pagaille imprévisible qu'est la vie. Souvent, nous nous résignons à une existence qui n'est pas celle que nous aurions voulue dans le seul but de satisfaire ce besoin éperdu de protection. Mais quand le port s'avère ne pas être le refuge tant rêvé, et nous conduit au contraire à l'inquiétante pénombre des bois, ne nous arrive-t-il pas, à nous tous, de nous demander quel était le sens de toutes ces concessions acceptées au nom d'une quiétude fallacieuse ?
« Nous sommes navrés, vraiment. » C'est ainsi que le recteur de la faculté a entamé, un jour d'avril dernier, l'entretien au cours duquel il m'a annoncé que ma demande de titularisation avait été rejetée. « C'est injuste, nous le savons tous, a-t-il poursuivi, mais j'ai les mains liées, dans ce dossier. Le conseil d'administration en a décidé autrement. » Ce que les dignes administrateurs venaient de décider, c'était d'« équilibrer » le budget de fonctionnement en réduisant le nombre de professeurs titulaires en sciences humaines afin de pouvoir créer deux nouvelles chaires dans le département de gestion et marketing.
J'ai protesté, presque machinalement :
« Mais je n'ai accepté ce poste que parce que vous m'aviez assuré qu'il me conduirait à la titularisation ! Et je pense avoir répondu à tous les impératifs que…
Vous y avez plus que répondu, m'a-t-il coupé, et je vous prie de croire que je vous donnerai une lettre de recommandation étincelante pour toute position à laquelle vous postulerez.
Il ne reste aucune « position » en études classiques ! Je suis un dinosaure…
Allons, allons, ne soyez pas si pessimiste, a-t-il contré en essayant de dissimuler son manque d'optimisme flagrant. Avec vos références…
Je ne vaux pas un clou ! » ai-je éclaté avec une véhémence qui a paru choquer le recteur.
Une indifférence dédaigneuse est apparue sur ses traits. Après un silence, il s'est borné à conclure :
« Nous vivons une curieuse époque, c'est sûr. Mais ce n'est pas mon problème. »
Apprendre une telle nouvelle quatorze mois à l'avance me laissait certes plein de temps pour chercher une solution. J'ai aussitôt contacté le service des carrières de l'Université du Michigan. Là, on m'a appris que trente postes en études classiques étaient à pourvoir sur le plan national pour l'année universitaire à venir, et que douze mille candidats étaient en lice. « Mais vos références sont très impressionnantes », m'a assuré l'orientatrice. Comme celles d'au moins trois mille de mes rivaux. Ainsi que je m'y attendais, je n'ai pas reçu une seule proposition.
« Nous vivons une curieuse époque. » C'est peu de le dire. En fin de compte, que peuvent représenter Homère ou Eschyle dans un monde où équilibrer un budget est l'impératif catégorique, où les études classiques sont devenues un luxe stérile, tellement dépourvu de valeur marchande qu'il paraît presque suspect ?
« Alors, qu'est-ce que tu comptes faire ? m'a interrogé récemment l'un de mes collègues.
Pas la moindre idée », ai-je répondu, car je venais également de recevoir une fin de non-recevoir de quelque quarante lycées à travers le pays, le grec et le latin disparaissant des programmes du secondaire comme neige au soleil.
Suis-je aigri ? Un peu, oui ! Mais peut-être est-ce le prix à payer pour rester convaincu que l'enseignement de littératures archaïques garde une place dans le monde tel qu'il est devenu ? L'un de mes anciens confrères, germaniste distingué, a renoncé à sa carrière universitaire et travaille désormais dans une grande surface de la banlieue de Cleveland, où il s'occupe du très étriqué rayon librairie. Dix dollars de l'heure, qu'il est heureux d'empocher car c'était ça ou la rue. Quelqu'un qui détient un doctorat de Stanford…
« Et Ulysse s'éloigna du port par un âpre sentier, à travers les bois et les hauteurs… » Je regarde mes étudiants. Et je prends ma respiration, tentant de cesser un instant de penser à mon avenir, ou plutôt à son inexistence.
« Eh bien… En quoi cette phrase nous intéresse-t-elle ? »
Un long silence, à peine troublé par des bâillements sous cape. J'attends que quelqu'un dise quelque chose, n'importe quoi. Mais je n'entends que ce même silence dont Ulysse devait être environné dans ses fameux bois. Du moins savait-il qu'il allait rentrer à la maison, lui…
La maison. C'est un lieu, mais aussi une idée. Sauf que dans un univers où les idées doivent rapporter un profit, la traversée des bois ne vous reconduit plus à la maison. Elle ne fait que vous égarer un peu plus. Et quand on est perdu, le seul son que l'on perçoit est l'absence de son.
Le silence, et rien d'autre.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Bernard Cohen
C'est allé très vite : il y a dix ans j'enseignais le latin à tous les niveaux, et le grec après avoir appâté avec de l'ECLA. Et nos étions deux, il y avait parfois deux classes par niveu (en REP, hein). Le grec a disparu suite à une compression de DHG, puis nous sommes passés à 5 -6 heures chaque année remises en question, et un "projet" permet de garder la minorité d'élèves de CSP + , qui donc n'ont "plus besoin de prendre latin". La mort du latin est même sans doute attendue avec impatience par les fans de "projets". Je laisse tomber, je prépare une retraite anticipée, et j'enseigne un peu le grec pour garder la main , à des adultes... Vivement la sortie de cette crétinocratie, au pas de gymnastique, et sans me retourner.
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- NicétasNiveau 9
Caspar a écrit:Petit HS ou aparté mais en lien quand même. De nombreux départements universitaires sont en perdition aux USA: anglais, littérature comparée, histoire, sociologie...au profit de matières jugées plus utiles. D'après l'article que j'ai lu c'est la catastrophe (les "classics", à savoir latin et grec ne doivent pas être en reste malheureusement).
Caspar, tu pourrais donner les références de l'article s'il te plaît ? ça m'intéresse beaucoup.
Lefteris : tes propos me terrifient, mais c'est aussi ce que je vois se dessiner. J'ai passé l'agrégation de LC contre vents et marées et il m'arrive de plus en plus souvent de me dire que c'était une forme de suicide professionnel tant le latin et le grec sont méprisés. Je vais avoir 27 ans : il me reste longtemps à faire dans ce marasme. Je n'ose imaginer quelle sera notre situation lorsque j'en aurai dix de plus.
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« Quand un discours naturel peint une passion ou un effet, on trouve dans soi-même la vérité de ce qu'on entend, laquelle on ne savait pas qu'elle y fût, en sorte qu'on est porté à aimer celui qui nous le fait sentir ; car il ne nous a pas fait montre de son bien, mais du nôtre ; et ainsi ce bienfait nous le rend aimable, outre que cette communauté d'intelligence que nous avons avec lui incline nécessairement le cœur à l'aimer. »
Pascal, Pensées
- A reboursEsprit éclairé
Lora a écrit:Et donc, A Rebours, tu partiras en mesure de carte scolaire ou tu occuperas un poste de Lettres Modernes (je risque de me retrouver dans la même situation prochainement, donc ça m’inquiète) ?
Dans mon collège, ce sont tout d’abord les élèves qui ne sont pas intéressés par le latin (seulement quatre 5e pendant les deux années de Covid, onze pour l’année prochaine !). Certes, les horaires sont toujours en début ou fin de journée, mais ils ont été réduits à une heure par semaine. Mais c’est déjà trop pour eux.
Cette année, je suis passée dans chaque 6e deux fois. À chaque fois, un tiers de la classe est intéressé à la fin de l’intervention… mais ils ne s’inscrivent finalement pas.
Ici, j'ai toujours eu de très bons effectifs (si le rectorat l'avait accepté nous aurions ouvert des groupes supplémentaires...). Mais après le confinement, le latin n'a pas eu le droit de reprendre en présentiel, et je n'ai pas pu présenter le latin aux élèves de Sixième, d'où une chute de 50%. Puis j'ai passé une année en distanciel, mes collègues de français en Sixième n'ont pas vraiment joué le jeu. Une cata. Cette année j'ai été remplacée par intermittence.
Bref, mon cde cherchant depuis plusieurs années à me mettre dehors, voilà. C'est très tendu dans l'équipe de lettres, et même pire encore. Mon absence prolongée les a confortés dans l'idée de se débarrasser de "la prof de latin" et mon cde m'a dit et redit que son choix, contrairement aux usages, serait de me faire partir.
J'aime L'EN.
- LefterisEsprit sacré
Je suis autodidacte en grec (j'avais tâté de la philo et ça m'avait paru indispensable, puis je me suis pris au jeu) je ne pensais pas enseigner, lire les textes était un loisir, fréquent de surcroît, puisque je ne regarde pas la téloche. Le latin, j'en avais fait (beacoup par rapport à maintenant, je m'en suis rendu compte après), je m'y suis remis avec plaisir, je n'avais pas autant oublié que je le croyais. Un jour, un grosse bouse que je ne détaillerai pas ici m'a fait penser à changer de boulot en urgence. Le plus simple était de faire ce que je savais faire, là , tout de suite, d'aller au plus simple, même si ce n'était pas vraiment un rêve (j'avais déjà renoncé dans le passé à un Capes). Ce qui me consolait de dégringoler statutairement et financièrement -j"étais dans la plebs infima au départ- , c'était justement d'être dans un environnement qui me convenait, car même à un petit niveau , finalement, on est plongé dedans. 2/3 de mon EDT était en LA, et ça me faisait accepter les horaires pourris. Mais la succession des quatre derniers ministres a été une catastrophe pour la discipline . On se tortille encore, on se débat, mais comme les vers coupés en morceaux. On ne recollera pas les bouts. Et comme le montre le message d'A Rebours, nous sommes entourés d'ennemis, au sein de l'EN, au sein des établissements parfois.Nicétas a écrit:
Lefteris : tes propos me terrifient, mais c'est aussi ce que je vois se dessiner. J'ai passé l'agrégation de LC contre vents et marées et il m'arrive de plus en plus souvent de me dire que c'était une forme de suicide professionnel tant le latin et le grec sont méprisés. Je vais avoir 27 ans : il me reste longtemps à faire dans ce marasme. Je n'ose imaginer quelle sera notre situation lorsque j'en aurai dix de plus.
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- CasparProphète
Je vais essayer de retrouver l'article, que j'ai vu passer sur mon fil d'actualité. C'était dans Courrier International il me semble.
EDIT: @Nicetas C'est bien un article repris par Courrier International et qui date de 2018, donc ça n'a pas dû s'améliorer depuis. Je suis sur son téléphone donc ce n'est pas pratique mais il est facile à retrouver dans un moteur de recherches "baisse des humanités dans les universités américaines".
EDIT: @Nicetas C'est bien un article repris par Courrier International et qui date de 2018, donc ça n'a pas dû s'améliorer depuis. Je suis sur son téléphone donc ce n'est pas pratique mais il est facile à retrouver dans un moteur de recherches "baisse des humanités dans les universités américaines".
- BOU74Niveau 9
A rebours a écrit:Lora a écrit:Et donc, A Rebours, tu partiras en mesure de carte scolaire ou tu occuperas un poste de Lettres Modernes (je risque de me retrouver dans la même situation prochainement, donc ça m’inquiète) ?
Dans mon collège, ce sont tout d’abord les élèves qui ne sont pas intéressés par le latin (seulement quatre 5e pendant les deux années de Covid, onze pour l’année prochaine !). Certes, les horaires sont toujours en début ou fin de journée, mais ils ont été réduits à une heure par semaine. Mais c’est déjà trop pour eux.
Cette année, je suis passée dans chaque 6e deux fois. À chaque fois, un tiers de la classe est intéressé à la fin de l’intervention… mais ils ne s’inscrivent finalement pas.
Ici, j'ai toujours eu de très bons effectifs (si le rectorat l'avait accepté nous aurions ouvert des groupes supplémentaires...). Mais après le confinement, le latin n'a pas eu le droit de reprendre en présentiel, et je n'ai pas pu présenter le latin aux élèves de Sixième, d'où une chute de 50%. Puis j'ai passé une année en distanciel, mes collègues de français en Sixième n'ont pas vraiment joué le jeu. Une cata. Cette année j'ai été remplacée par intermittence.
Bref, mon cde cherchant depuis plusieurs années à me mettre dehors, voilà. C'est très tendu dans l'équipe de lettres, et même pire encore. Mon absence prolongée les a confortés dans l'idée de se débarrasser de "la prof de latin" et mon cde m'a dit et redit que son choix, contrairement aux usages, serait de me faire partir.
J'aime L'EN.
Je n'ai pas de mot assez fort pour manifester mon écœurement face au traitement que l'on te fait subir ... N'y a-t-il aucun recours à avoir pour maintenir ton poste ?
- A reboursEsprit éclairé
Je verrai avec mon syndicat, mais hélas c'est certainement une cause perdue, il y a trop de gens qui vont dans le même sens dans cette histoire. Et honnêtement, je n'ai pas envie d'y laisser toute mon énergie, c'est déjà bien difficile par ailleurs.
Je pense à tous ces collègues dont les postes vont sauter sans qu'on leur laisse la possibilité de muter sur un LC (s'il en reste) ou de rester mais pour enseigner seulement le français. Et puis, tous les LC finiront par devenir des LM. Une partie de nos études gâchée.
Je pense à tous ces collègues dont les postes vont sauter sans qu'on leur laisse la possibilité de muter sur un LC (s'il en reste) ou de rester mais pour enseigner seulement le français. Et puis, tous les LC finiront par devenir des LM. Une partie de nos études gâchée.
- User9525Niveau 8
JeanB. a écrit:Lora a écrit:Et donc, A Rebours, tu partiras en mesure de carte scolaire ou tu occuperas un poste de Lettres Modernes (je risque de me retrouver dans la même situation prochainement, donc ça m’inquiète) ?
Dans mon collège, ce sont tout d’abord les élèves qui ne sont pas intéressés par le latin (seulement quatre 5e pendant les deux années de Covid, onze pour l’année prochaine !). Certes, les horaires sont toujours en début ou fin de journée, mais ils ont été réduits à une heure par semaine. Mais c’est déjà trop pour eux.
Cette année, je suis passée dans chaque 6e deux fois. À chaque fois, un tiers de la classe est intéressé à la fin de l’intervention… mais ils ne s’inscrivent finalement pas.
Les élèves se montent la tête entre eux. Un premier dans la bande dira "c'est nul, ma sœur en fait!", puis le deuxième ajoutera son anecdote aussi, avant que cela ne se répande à toute la classe : c'est comme cela qu'on arrive à un nombre quasiment nul d'inscription(s). Le mécanisme est le même en spé (au lycée).
Exactement, la même chanson avec les spé, avec cette idée de faire de la réclame (voire un mot plus vulgaire) pour attirer le chaland et que des postes, des métiers...dépendent de cette médiocre petite logique commerciale et comptable qui plus est renforcée par la paresse accablante de bien des élèves (" c'est en fin de journée, je peux pas, j'ai Tik-Tok.. c'est à 8h, ben, non, je peux pas me lever, et pourquoi faire, ça sert à rien"), c'est triste, triste.
- AudreyOracle
Pour la première fois cette année, je n'ai pas eu assez d'inscrits pour envisager l'ouverture d'un groupe de latin en 5e en septembre. Mon principal m'a dit qu'à 6-7 élèves il pouvait ouvrir le groupe, et que nous n'en avions que 2, il y a de ça 15 jours. J'ai passé deux demi-journées au téléphone, à appeler des familles, et j'ai fait venir des élèves de 6e hésitants dans mon cours de latin 4e... J'ai finalement récupéré l'effectif nécessaire, mais tout juste je pense (je sais que le groupe va ouvrir, mais mon CDE ne m'a pas dit avec combien d'élèves...). Ça m'a désespérée. Vraiment. J'en ai pleuré dans le bureau du principal. Il m'a assurée que je n'y étais pour rien, mais je le savais déjà...
J'en peux plus... faire chaque année du racolage (j'appelle ça mon "péripatétiput'tour") pour le latin et le grec, ça m'épuise. Vraiment. D'un autre côté, vu le niveau de mes élèves en français, peut-on encore vraiment dire que j'enseigne le latin et le grec?
Bon, pour l'an prochain, je me remotive: j'aurai un petit (8 élèves...) mais excellent groupe d'hellénistes en 3e, et je crois que je vais pouvoir enfin faire vraiment de la langue! Et j'ai réussi à doubler l'effectif de mon groupe de 5e montant en 4e, en faisant du battage toute l'année auprès des 5e que j'avais en français, et en récupérant aussi des élèves qui jusqu'à la 5e suivaient des options avec lesquelles le latin est incompatible.
Mais bon sang... c'est dur de garder le moral quand on voit sa matière disparaître et les élèves s'enfoncer de plus en plus dans la perte de leur propre langue...
J'en peux plus... faire chaque année du racolage (j'appelle ça mon "péripatétiput'tour") pour le latin et le grec, ça m'épuise. Vraiment. D'un autre côté, vu le niveau de mes élèves en français, peut-on encore vraiment dire que j'enseigne le latin et le grec?
Bon, pour l'an prochain, je me remotive: j'aurai un petit (8 élèves...) mais excellent groupe d'hellénistes en 3e, et je crois que je vais pouvoir enfin faire vraiment de la langue! Et j'ai réussi à doubler l'effectif de mon groupe de 5e montant en 4e, en faisant du battage toute l'année auprès des 5e que j'avais en français, et en récupérant aussi des élèves qui jusqu'à la 5e suivaient des options avec lesquelles le latin est incompatible.
Mais bon sang... c'est dur de garder le moral quand on voit sa matière disparaître et les élèves s'enfoncer de plus en plus dans la perte de leur propre langue...
- e-WandererGrand sage
Pourquoi cette généralisation ? J'ai une formation de LM, mais j'ai passé une épreuve très exigeante de traduction/commentaire d'un texte latin inconnu à l'oral d'Ulm, à laquelle je me suis préparé avec un grand sérieux, et je traduis toujours beaucoup de latin. Ce n'est pas parce qu'on ne pratique qu'une seule langue ancienne qu'on la pratique forcément mal.Shakti a écrit:Bien que lettres modernes (et latiniste médiocre, c'est un peu la même chose...), je trouve ce bilan affligeant mais pas étonnant. L'utilitarisme dominant veut qu'on oublie que la valeur de la culture et des savoirs, c'est une richesse autrement plus jubilatoire que d'apprendre à apprendre...quoi au fait ?
Résultat d'une politique voulue par des collègues mêmes mais je ne les citerai pas
Au risque de choquer, je trouve précisément que la nécessité de pratiquer obligatoirement deux langues anciennes à haut niveau est l'une des causes des difficultés de la filière LC : en prépa, j'aurais rêvé d'une filière LM avec latin ou grec renforcé (version + thème), sans être obligé d'abandonner pour la 2e langue ancienne (j'étais grand débutant) le commentaire de littérature française de l'option LM (avec du coup un programme à travailler de près), le commentaire de texte en LV1 (épreuve tellement exigeante qu'elle a ensuite été remplacée par une version, avec pour conséquence une baisse rapide du niveau moyen des étudiants de LM en LV1), la LV2, et plus tard la littérature comparée ou la stylistique. Version latine + thème latin + version grec + thème grec, ça impose beaucoup de sacrifices et une forme de spécialisation précoce, alors que même mes collègues de LC à la fac ne pratiquent plus que l'une des deux langues. La formation LC est excellente, je ne le discute évidemment pas, mais elle implique des renoncements très lourds assez tôt dans les études. Il devrait y avoir une filière intermédiaire pour LM philologues, et sur le même modèle une filière histoire et une filière philosophie avec une langue ancienne renforcée (version + thème).
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« Profitons du temps qui nous reste avant la définitive invasion de la grande muflerie du Nouveau Monde » (Huysmans)
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