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- Reine MargotDemi-dieu
En fac, j'avais des profs de littérature du XXe qui étaient fans.
- DesolationRowEmpereur
Cath a écrit:Tu parles de l'enseignement supérieur ou du secondaire ? (Je ne sais pas où tu enseignes). A quels auteurs penses-tu ?
Dans le supérieur ; j'ai déjà eu à faire cours d'agrégation sur des auteurs vraiment médiocres . Dans ces cas-là, je dois faire très attention à ne pas laisser paraître ce que j'en pense, ce serait très mauvais pour les candidats.
- CathEnchanteur
Ah oui c'est préférable, sûrement...
Je n'aime pas non plus Genet, j'ai lu ses pièces l'an dernier pour les cours d'agrégation, et ça me l'a confirmé.
Je n'aime pas non plus Genet, j'ai lu ses pièces l'an dernier pour les cours d'agrégation, et ça me l'a confirmé.
- TailleventFidèle du forum
C'est intéressant de lire ce qui se dit. Je constate qu'il y a vraiment des approches très différentes et personnelles.
Bien sûr que c'est de la littérature ! Qu'elle ne soit pas au goût de tous est une autre question, parfaitement légitime.Guinnevere a écrit:J'imagine que La Philosophie dans le boudoir en aurait autant...De là à considérer ça comme de la littérature...
- MiettesNiveau 8
Guinnevere a écrit:En tant qu'enseignante au collège, j'ai la chance d'avoir une certaine liberté pour choisir mes textes. Cependant, en préparant l'agreg cette année, je me suis souvent demandé ce que je ferais si j'étais au lycée avec Genet au programme. Tout est laid, chez lui.
- Spoiler:
- Le ciel peut s'éveiller, les étoiles fleurir,
Ni les fleurs soupirer, et des prés l'herbe noire
Accueillir la rosée où le matin va boire,
Le clocher peut sonner : moi seul je vais mourir.
Ô viens mon ciel de rose, ô ma corbeille blonde!
Visite dans sa nuit ton condamné à mort.
Arrache-toi la chair, tue, escalade, mords,
Mais viens! Pose ta joue contre ma tête ronde.
Nous n'avions pas fini de nous parler d'amour.
Nous n'avions pas fini de fumer nos gitanes.
On peut se demander pourquoi les Cours condamnent
Un assassin si beau qu'il fait pâlir le jour.
Amour viens sur ma bouche ! Amour ouvre tes portes !
Traverse les couloirs,descends, marche léger,
Vole dans l'escalier plus souple qu'un berger,
Plus soutenu par l'air qu'un vol de feuilles mortes.
Ô traverse les murs; s'il le faut marche au bord
Des toits, des océans, couvre-toi de lumière,
Use de la menace, use de la prière,
Mais viens, ô ma frégate, une heure avant ma mort.
- Spoiler:
C’est en moi qu’il me boucle et c’est jusqu’à perpète
Ce gâfe de vingt ans !
Un seul geste son oeil, ses cheveux dans les dents :
Mon coeur s’ouvre et le gâfe avec un cri de fête
M’emprisonne dedans.
A peine refermée avec trop de bonté
Cette porte méchante
Que déjà tu reviens. Ta perfection me hante
Et j’entends notre amour aujourd’hui raconté
Par ta bouche qui chante.
Ce tango poignardé que la cellule écoute,
Ce tango des adieux.
Est-ce toi monseigneur sur cet air radieux ?
Ton âme aura coupé par de secrètes routes
Pour échapper aux dieux.
III
Quand tu dors des chevaux déferlent dans la nuit
Sur ta poitrine plate et le galop des bêtes
Ecarte la ténèbre où le sommeil conduit
Sa puissante machine arrachée à ma tête
Et sans le moindre bruit
Le sommeil fait fleurir de tes pieds tant de branches
Que j’ai peur de mourir étouffé par leurs cris.
Que déchiffre au défaut de ta fragile hanche
Avant qu’il ne s’efface un pur visage écrit
En bleu sur ta peau blanche.
Mais qu’un gâfe t’éveille ô mon tendre voleur
Quand tu laves tes mains ces oiseaux qui voltigent
Autour de ton bosquet chargé de mes douleurs
Tu casses avec douceur des étoiles la tige
Sur ton visage en pleurs.
Ta dépouille funèbre a des poses de gloire
Ta main qui la jetait la semant de rayons.
Ton maillot, ta chemise et ta ceinture noire
Etonnent ma cellule et me laissent couillon
Devant ton bel ivoire.
IV
Belles nuits du plein jour
Ténèbres de Pilorge
C’est dans vos noirs détours
Mon couteau que l’on forge.
Mon Dieu me voici nu
Dans mon terrible Louvre.
A peine reconnu
Que ton poing fermé m’ouvre
Je ne suis plus qu’amour
Toutes mes branches brûlent
Si j’obscurcis le jour
En moi l’ombre recule.
Il se peut qu’à l’air pur
Mon corps sec tombe en poudre
Posé contre le mur
J’ai l’éclat de la foudre.
Le coeur de mon soleil
Le chant du coq le crève
Mais jamais le sommeil
N’ose y verser ses rêves.
Séchant selon mes voeux
Je fixe le silence
Quand des oiseaux de feu
De mon arbre s’élancent.
- Spoiler:
- Le vêtement des forçats est rayé rose et blanc. Si, commandé par mon coeur l'univers où je me complais, je l'élus, ai-je le pouvoir au moins d'y découvrir les nombreux sens que je veux: il existe donc un étroit rapport entre les fleurs et les bagnards. La fragilité, la délicatesse des premières sont de même nature que la brutale insensibilité des autres. Que j'aie à représenter un forçat - ou un criminel - je le parerai de tant de fleurs que lui-même disparaissant sous elles en deviendra une autre, géante, nouvelle. Vers ce qu'on nomme le mal, par amour j'ai poursuivi une aventure qui me conduisit en prison. S'ils ne sont pas toujours beaux, les hommes voués au mal possèdent les vertus viriles. D'eux-mêmes, ou par le choix fait pour eux d'un accident, ils s'enfoncent avec lucidité et sans plaintes dans un élément réprobateur, ignominieux, pareil à celui où, s'il est profond, l'amour précipite les êtres. Les jeux érotiques découvrent un monde innommable que révèle le langage nocturne des amants. Un tel langage ne s'écrit pas. On le chuchote la nuit à l'oreille, d'une voix rauque. A l'aube on l'oublie. Niant les vertus de votre monde, les criminels désespérément acceptent d'organiser un univers interdit. Ils acceptent d'y vivre. L'air y est nauséabond: ils savent le respirer. Mais - les criminels sont loin de vous - comme dans l'amour ils s'écartent et m'écartent du monde et de ses lois. Le leur sent la sueur, le sperme et le sang. Enfin, à mon âme assoiffée et à mon corps il propose le dévouement. C'est parce qu'il possède ces conditions d'érotisme que je m'acharnai dans le mal. Mon aventure, par la révolte ni la revendication jamais commandée, jusqu'à ce jour ne sera qu'une longue pariade, chargée, compliquée d'un lourd cérémonial érotique (cérémonies figuratives menant au bagne et l'annonçant). S'il est la sanction, à mes yeux aussi la justification, du crime le plus immonde, il sera le signe du plus extrême avilissement. Ce point définitif où conduit la réprobation des hommes me devait apparaître comme l'idéal endroit du plus pur accord amoureux, c'est-à-dire le plus trouble où sont célébrées d'illustres noces de cendres. Les désirant chanter j'utilise ce que m'offre la forme de la plus exquise sensibilité naturelle, que suscite déjà le costume des forçats.
_________________
2016-2017, lettres au collège : 6e, 5e, 4e + AP 3e
2017-2018, professeure des écoles stagiaire : CM2
2018- ? , doctorat de lettres
- zigmag17Guide spirituel
Miette je suis d'accord avec toi. Merci pour ces extraits. Genêt magnifie la douleur et l'abject. Son écriture est grandiose.Miettes a écrit:Guinnevere a écrit:En tant qu'enseignante au collège, j'ai la chance d'avoir une certaine liberté pour choisir mes textes. Cependant, en préparant l'agreg cette année, je me suis souvent demandé ce que je ferais si j'étais au lycée avec Genet au programme. Tout est laid, chez lui.
- Spoiler:
Le ciel peut s'éveiller, les étoiles fleurir,
Ni les fleurs soupirer, et des prés l'herbe noire
Accueillir la rosée où le matin va boire,
Le clocher peut sonner : moi seul je vais mourir.
Ô viens mon ciel de rose, ô ma corbeille blonde!
Visite dans sa nuit ton condamné à mort.
Arrache-toi la chair, tue, escalade, mords,
Mais viens! Pose ta joue contre ma tête ronde.
Nous n'avions pas fini de nous parler d'amour.
Nous n'avions pas fini de fumer nos gitanes.
On peut se demander pourquoi les Cours condamnent
Un assassin si beau qu'il fait pâlir le jour.
Amour viens sur ma bouche ! Amour ouvre tes portes !
Traverse les couloirs,descends, marche léger,
Vole dans l'escalier plus souple qu'un berger,
Plus soutenu par l'air qu'un vol de feuilles mortes.
Ô traverse les murs; s'il le faut marche au bord
Des toits, des océans, couvre-toi de lumière,
Use de la menace, use de la prière,
Mais viens, ô ma frégate, une heure avant ma mort.
- Spoiler:
C’est en moi qu’il me boucle et c’est jusqu’à perpète
Ce gâfe de vingt ans !
Un seul geste son oeil, ses cheveux dans les dents :
Mon coeur s’ouvre et le gâfe avec un cri de fête
M’emprisonne dedans.
A peine refermée avec trop de bonté
Cette porte méchante
Que déjà tu reviens. Ta perfection me hante
Et j’entends notre amour aujourd’hui raconté
Par ta bouche qui chante.
Ce tango poignardé que la cellule écoute,
Ce tango des adieux.
Est-ce toi monseigneur sur cet air radieux ?
Ton âme aura coupé par de secrètes routes
Pour échapper aux dieux.
III
Quand tu dors des chevaux déferlent dans la nuit
Sur ta poitrine plate et le galop des bêtes
Ecarte la ténèbre où le sommeil conduit
Sa puissante machine arrachée à ma tête
Et sans le moindre bruit
Le sommeil fait fleurir de tes pieds tant de branches
Que j’ai peur de mourir étouffé par leurs cris.
Que déchiffre au défaut de ta fragile hanche
Avant qu’il ne s’efface un pur visage écrit
En bleu sur ta peau blanche.
Mais qu’un gâfe t’éveille ô mon tendre voleur
Quand tu laves tes mains ces oiseaux qui voltigent
Autour de ton bosquet chargé de mes douleurs
Tu casses avec douceur des étoiles la tige
Sur ton visage en pleurs.
Ta dépouille funèbre a des poses de gloire
Ta main qui la jetait la semant de rayons.
Ton maillot, ta chemise et ta ceinture noire
Etonnent ma cellule et me laissent couillon
Devant ton bel ivoire.
IV
Belles nuits du plein jour
Ténèbres de Pilorge
C’est dans vos noirs détours
Mon couteau que l’on forge.
Mon Dieu me voici nu
Dans mon terrible Louvre.
A peine reconnu
Que ton poing fermé m’ouvre
Je ne suis plus qu’amour
Toutes mes branches brûlent
Si j’obscurcis le jour
En moi l’ombre recule.
Il se peut qu’à l’air pur
Mon corps sec tombe en poudre
Posé contre le mur
J’ai l’éclat de la foudre.
Le coeur de mon soleil
Le chant du coq le crève
Mais jamais le sommeil
N’ose y verser ses rêves.
Séchant selon mes voeux
Je fixe le silence
Quand des oiseaux de feu
De mon arbre s’élancent.
- Spoiler:
Le vêtement des forçats est rayé rose et blanc. Si, commandé par mon coeur l'univers où je me complais, je l'élus, ai-je le pouvoir au moins d'y découvrir les nombreux sens que je veux: il existe donc un étroit rapport entre les fleurs et les bagnards. La fragilité, la délicatesse des premières sont de même nature que la brutale insensibilité des autres. Que j'aie à représenter un forçat - ou un criminel - je le parerai de tant de fleurs que lui-même disparaissant sous elles en deviendra une autre, géante, nouvelle. Vers ce qu'on nomme le mal, par amour j'ai poursuivi une aventure qui me conduisit en prison. S'ils ne sont pas toujours beaux, les hommes voués au mal possèdent les vertus viriles. D'eux-mêmes, ou par le choix fait pour eux d'un accident, ils s'enfoncent avec lucidité et sans plaintes dans un élément réprobateur, ignominieux, pareil à celui où, s'il est profond, l'amour précipite les êtres. Les jeux érotiques découvrent un monde innommable que révèle le langage nocturne des amants. Un tel langage ne s'écrit pas. On le chuchote la nuit à l'oreille, d'une voix rauque. A l'aube on l'oublie. Niant les vertus de votre monde, les criminels désespérément acceptent d'organiser un univers interdit. Ils acceptent d'y vivre. L'air y est nauséabond: ils savent le respirer. Mais - les criminels sont loin de vous - comme dans l'amour ils s'écartent et m'écartent du monde et de ses lois. Le leur sent la sueur, le sperme et le sang. Enfin, à mon âme assoiffée et à mon corps il propose le dévouement. C'est parce qu'il possède ces conditions d'érotisme que je m'acharnai dans le mal. Mon aventure, par la révolte ni la revendication jamais commandée, jusqu'à ce jour ne sera qu'une longue pariade, chargée, compliquée d'un lourd cérémonial érotique (cérémonies figuratives menant au bagne et l'annonçant). S'il est la sanction, à mes yeux aussi la justification, du crime le plus immonde, il sera le signe du plus extrême avilissement. Ce point définitif où conduit la réprobation des hommes me devait apparaître comme l'idéal endroit du plus pur accord amoureux, c'est-à-dire le plus trouble où sont célébrées d'illustres noces de cendres. Les désirant chanter j'utilise ce que m'offre la forme de la plus exquise sensibilité naturelle, que suscite déjà le costume des forçats.
Pour l'apprécier on peut aussi passer par des chansons (l'adaptation du "Condamné à mort" par Daho par exemple).
Je l'ai découvert à la fac avec "Notre-Dame-des-Fleurs", puis ai poursuivi avec son théâtre (là c'est aux "Bonnes" et à la "Cérémonie" de Chabrol que je pense). Je devrais le relire.
La laideur est intrinsèque à la littérature, la littérature ayant pour fonction de sublimer cette laideur (c'est la même chose pour tous les arts je pense).
- OudemiaBon génie
J'avoue que je ne connaissais que le théâtre de Genet, je n'aurais jamais pensé à lui comme auteur de ces textes, surtout du premier.
C'est une découverte.
C'est une découverte.
- IphigénieProphète
Genet, je le trouve surtout très difficile à commenter correctement ! C’est cela qui me gênerait, pas le fait d’aimer ou pas….
- zigmag17Guide spirituel
Iphigénie a écrit:Genet, je le trouve surtout très difficile à commenter correctement ! C’est cela qui me gênerait, pas le fait d’aimer ou pas….
Le sujet du fil est arriver à enseigner une oeuvre que l'on n'aime pas, indépendamment de la difficulté qu'il peut y avoir à la commenter!
(même si j'admets volontiers qu'il est plus facile d'aborder en classe "Les Bonnes" que "Notre-Dame-des-Fleurs" par exemple).
- InvitéInvité
J'essaye, en ce qui me concerne. Vraiment. En ce moment, je me débats avec La Ferme des animaux mais il n'y a rien à faire, ça m'ennuie prodigieusement. Les heures sont longues et, pour moi, peu enthousiasmantes.
- Lord StevenExpert
Ah Animal Farm... le roman est au programme de première. Je m'y colle sans enthousiasme (heureusement qu'il y a Mollie qui m'amuse un peu). Par chance en première les élèves accrochent à l'aspect politique. Mais c'est le problème des programmes limitatif en littérature. Qui que soient les individus qui en sont les auteurs, leurs choix sont peu en adéquation avec les réalités du terrain, et pour le bien être des enseignants et de leurs ouailles, il serait en effet préférable de nous laisser libres de nos choix.
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If you play with a cat, you should mind his scratch
- HarcamoneNiveau 1
Guinnevere a écrit:En tant qu'enseignante au collège, j'ai la chance d'avoir une certaine liberté pour choisir mes textes. Cependant, en préparant l'agreg cette année, je me suis souvent demandé ce que je ferais si j'étais au lycée avec Genet au programme. Tout est laid, chez lui.
Mieux vaut lire ça que d'être aveugle. Probablement. Je vous conseille quelque chose comme "je trouve que tout est laid chez lui", des fois que vous vous tromperiez.
Edit: Ce n'est pas très constructif, veuillez m'excuser. D'autant que je ne vais pas le supprimer pour autant, veuillez m'excuser à nouveau! Je sors.
- TailleventFidèle du forum
C'est en bonne partie ce qui avait motivé ma question initiale. J'ai la chance d'enseigner dans un système où je n'ai pas de programme concret en littérature. Notre plan d'études parle uniquement de lire des œuvres de genres et d'époques variées et ça laisse une liberté merveilleuse.Lord Steven a écrit:Mais c'est le problème des programmes limitatif en littérature. Qui que soient les individus qui en sont les auteurs, leurs choix sont peu en adéquation avec les réalités du terrain, et pour le bien être des enseignants et de leurs ouailles, il serait en effet préférable de nous laisser libres de nos choix.
(D'ailleurs, pour répondre à une question formulée plus haut : j'enseigne dans un niveau équivalent au lycée. Néanmoins, ma question s'adresse à n'importe quel enseignant il me semble.)
- Charles-MauriceNiveau 10
Bien souvent, ce n'est encore qu'une question de maîtrise, les agregatifs peuvent en témoigner. À la découverte du programme, on peut avoir des réactions subjectives, qui cèdent bien souvent après une étude approfondie. Une année en 1ère, Malraux... Nous avons préparé en groupe, bien ri de notre ignorance, un des meilleurs souvenirs de carrière.
- HelisisNiveau 1
Il arrive parfois qu'on puisse apprécier une œuvre avec le temps. Cela a été le cas pour de nombreux auteurs. La maturité y est pour beaucoup
- Reine MargotDemi-dieu
Quand j'enseignais (mais aussi étudiante) je réussissais mieux avec les oeuvres que j'aimais moins (ou pas du tout). Avec une oeuvre que j'aimais j'avais moins de recul et je supportais moins que les élèves s'ennuient royalement. Avec une oeuvre moins appréciée, j'étais obligée de m'attacher uniquement à l'aspect technique et finalement même en cours ça passait mieux.
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Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
La famille Bélier
- IphigénieProphète
Je crois que ce qui ne va pas avec les oeuvres imposées, c'est qu'il y en a beaucoup trop et que le programme est beaucoup trop exclusivement centré sur les oeuvres intégrales: l'EAF est déraisonnable. En plus l'illusion laissée d'un choix en donnant trois oeuvres imposées est délétère pour l'oral des professeurs (les élèves, eux, ont trouvé comment détourner le problème des lectures imposées: mais je reconnais que trop c'est trop, quand on n'a pas que le français à travailler dans l'année).
L'équilibre qu'on a eu un bref moment ( une ou deux oeuvres imposées, raisonnablement choisies en fonction de la littérature et non des idéologies à la mode, et des thèmes larges laissant un libre-arbitre aux professeurs) était bien préférable, mais il n'a pas duré comme tout ce qui est raisonnable dans l'EN.
Bref où est le plaisir de la découverte quand on se noie? (et c'est vrai pour les professeurs et les élèves d'ailleurs)
L'équilibre qu'on a eu un bref moment ( une ou deux oeuvres imposées, raisonnablement choisies en fonction de la littérature et non des idéologies à la mode, et des thèmes larges laissant un libre-arbitre aux professeurs) était bien préférable, mais il n'a pas duré comme tout ce qui est raisonnable dans l'EN.
Bref où est le plaisir de la découverte quand on se noie? (et c'est vrai pour les professeurs et les élèves d'ailleurs)
- TailleventFidèle du forum
Je ne le nie pas une seconde ! Toutefois, ça n'arrive pas toujours et les contraintes font souvent qu'on ne peut laisser le temps au temps.Helisis a écrit:Il arrive parfois qu'on puisse apprécier une œuvre avec le temps. Cela a été le cas pour de nombreux auteurs. La maturité y est pour beaucoup
Je ne sais pas si j'irai jusque là mais j'ai effectivement remarqué que si je fais lire des œuvres que j'adore absolument, je peine parfois à ne pas "en vouloir" aux élèves qui ne crochent pas. De plus, il m'est parfois difficile de bien travailler des textes avec lesquels j'ai ce type de rapport, parce qu'au fond pour moi le texte se suffit à lui-même.Reine Margot a écrit:Quand j'enseignais (mais aussi étudiante) je réussissais mieux avec les oeuvres que j'aimais moins (ou pas du tout). Avec une oeuvre que j'aimais j'avais moins de recul et je supportais moins que les élèves s'ennuient royalement. Avec une oeuvre moins appréciée, j'étais obligée de m'attacher uniquement à l'aspect technique et finalement même en cours ça passait mieux.
Donc il y aurait bien un équilibre à trouver.
- SolovieïNiveau 10
J'ai laissé passer 2 semaines, après avoir lu que tout était laid chez Genet.
Je peux enseigner une œuvre qui ne me plait pas, mais je n'y prends aucun plaisir. Bien sûr, dans nos études, il est heureux qu'on nous ait parfois forcé la main au sujet de certains auteurs ou œuvres, vers qui nous ne serions probablement jamais allés seuls. Personnellement, pas sûr que j'aurais lu L'Astrée par curiosité personnelle...
Pourquoi infliger cela à nos élèves dans le secondaire ?
Même si ce n'est pas toujours possible (je pense au programme d'œuvres en 1ère), je crois que le professeur devrait enseigner ce qu'il aime et apprécie. Sans quoi, où est le plaisir ?
Je peux enseigner une œuvre qui ne me plait pas, mais je n'y prends aucun plaisir. Bien sûr, dans nos études, il est heureux qu'on nous ait parfois forcé la main au sujet de certains auteurs ou œuvres, vers qui nous ne serions probablement jamais allés seuls. Personnellement, pas sûr que j'aurais lu L'Astrée par curiosité personnelle...
Pourquoi infliger cela à nos élèves dans le secondaire ?
Même si ce n'est pas toujours possible (je pense au programme d'œuvres en 1ère), je crois que le professeur devrait enseigner ce qu'il aime et apprécie. Sans quoi, où est le plaisir ?
- TangledingGrand Maître
Je peux davantage enseigner une œuvre que je n'aime pas (une œuvre littéraire, s'entend) que l'étudier pour moi-même. Par exemple je n'ai pas pu me résoudre à lire entièrement ni Mauprat de Sand, ni La nouvelle Héloïse de Rousseau - et je vais laisser tomber la préparation de l'agrégation interne cette année car devoir à nouveau tenter de m'infliger Saint-Preux et sa Julie c'est au-dessus de mes forces morales.
Néanmoins sous la contrainte pour les élèves je pense que je parviendrais mieux à faire abstraction de mon dégoût car :
_ c'est pour autrui
_ il y a toujours moyen de se moquer affectueusement de l'œuvre étudiée
Mais je préfère dans la mesure du possible étudier des œuvres que j'aime. Cela ne me dérange pas si je ne parviens pas à partager mon amour de l'œuvre. Cela m'arrive rarement à vrai dire (c'est à peu près le seul domaine de ma pratique d'enseignant dans lequel je m'estime plutôt "performant").
Et à vrai dire même quand je finis par lasser c'est d'y passer trop de temps, cela ne remet pas en cause l'intérêt que j'ai su susciter pour l'œuvre.
Et même si cela devait arriver, je pense que je ne m'en rendrais sans dire pas compte. Et si je m'en rendais compte, cela n'aurait aucun pouvoir de remettre en cause mon amour pour l'œuvre, cela ne m'affecterait pas, ou plutôt cela serait un aiguillon pour tenter d'aborder l'œuvre avec une classe en rendant justice à son génie.
Néanmoins sous la contrainte pour les élèves je pense que je parviendrais mieux à faire abstraction de mon dégoût car :
_ c'est pour autrui
_ il y a toujours moyen de se moquer affectueusement de l'œuvre étudiée
Mais je préfère dans la mesure du possible étudier des œuvres que j'aime. Cela ne me dérange pas si je ne parviens pas à partager mon amour de l'œuvre. Cela m'arrive rarement à vrai dire (c'est à peu près le seul domaine de ma pratique d'enseignant dans lequel je m'estime plutôt "performant").
Et à vrai dire même quand je finis par lasser c'est d'y passer trop de temps, cela ne remet pas en cause l'intérêt que j'ai su susciter pour l'œuvre.
Et même si cela devait arriver, je pense que je ne m'en rendrais sans dire pas compte. Et si je m'en rendais compte, cela n'aurait aucun pouvoir de remettre en cause mon amour pour l'œuvre, cela ne m'affecterait pas, ou plutôt cela serait un aiguillon pour tenter d'aborder l'œuvre avec une classe en rendant justice à son génie.
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"Never complain, just fight."
- Plutôt que de se battre pour des miettes et des contraintes:
Point et grille.
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- IshkarNiveau 6
Pour ma part, je dirais que j'évite autant que possible les oeuvres que je n'aime pas. Il est compliqué d'enseigner quelque-chose pour lequel on n'a pas de sensibilité, car l'enseignement devient à mes yeux assez facile justement quand on arrive à transmettre cette sensibilité face à ce que l'on observe.
Par exemple, j'apprécie beaucoup l'étranger et je trouve ça assez aisé de partir autour des titres envisagés (la pudeur) et de "lancer" les élèves sur leur lecture du personnage : il provoque forcément des réactions.
A l'inverse, je pense que certaines oeuvres ne vont créer des réactions que parce qu'on a le recul d'adulte. En seconde, on m'avait proposé Le père Goriot. J'ai commencé et abandonné, les descriptions de base étant inintéressantes pour mes petits yeux d'ado de 15 ans. Plus tard, j'ai fait de la science politique, me suis intéressé à la socio et j'ai vu chez Balzac quasiment un sociologue, décrivant, à la manière de ceux-ci (ou même plutôt d'un ethnologue) les lieux et ce qu'ils représentent. Cette expérience me laisse penser que si je fais ce livre, je dois le faire à partir d'un cours, à partir de ce qu'on fera en classe notamment, sinon les élèves vont lâcher.
Pour en revenir à la question, je dirais aussi que ça dépend de la portée de ce que l'on fait. Si c'est un extrait, aucun problème à ne pas apprécier l'oeuvre dans la globalité. Si c'est une OI avec mettons une classe pas forcément très scolaire, je peux me porter sur un livre auquel je ne trouve pas de réel intérêt personnel (mettons Eldorado) mais qui va bien fonctionner et remplir quand même l'objectif : avoir des élèves qui lisent le livre, à qui ça parle, et qui finissent par en parler avec leur regard de lecteur et pas seulement à travers ce que moi, j'apprécie.
Pour finir, paradoxalement, parfois je peux aussi choisir une oeuvre que je n'ai pas forcément appréciée plus que ça, mais qui devient une sorte de défi pour moi. J'ai ainsi fait Andromaque dans un lycée avec public anciennement REP +, et ça passait assez bien car justement, j'avais un peu abordé la séquence façon défi. Vous ne comprenez pas ? On va découvrir le début ensemble, sur une heure, et on va prouver qu'on peut tous y arriver. Et par la suite, alors que la langue fait que je n'arrive pas du tout à dire que j'apprécie vraiment l'oeuvre, on surmonte un peu ça pour des questionnements plus généraux qui deviennent extrêmement intéressants à mener en cours.
En conclusion, je dirais qu'on peut faire des oeuvres qu'on apprécie beaucoup comme assez moyennement, du moment qu'on arrive à susciter un intérêt. Et par contre, en lecture cursive, on ne propose que des oeuvres où l'on peut se dire "Tel élève de tel âge, sans être un très grand lecteur, il va pouvoir apprécier, seul, sans être guidé. 1984 j'y crois parfaitement (s'il a la motivation malgré la longueur), et Andromaque pas du tout.
Dernier truc me venant à l'esprit à la lecture de ce que vous dites sur La ferme des animaux par exemple : toujours en revenir à se demander "Qu'est-ce qui peut intéresser les élèves". Je n'apprécie pas plus que ça l'oeuvre que je trouve assez enfantine quand on a le recul qui est le nôtre sur le communisme à l'époque, et je le lis plutôt comme un roman pour ado presque. Dans le cadre de remplacements, j'ai dû la faire, plusieurs fois même car comme Antigone, 1 collègue sur 2 me semble le faire en troisième. Concrètement, les parallèles avec le programme d'histoire de troisième sont très faciles, et ça donne des cours où je n'ai jamais vu une classe ne pas accrocher un minimum. Même si je n'accroche aucunement à la dimension réellement littéraire du bouquin, en l'abordant comme une redite d'un cours d'histoire, sur l'analyse d'affiche de propagande ou autre, ça donne même un cours assez plaisant. Qui le serait probablement bien plus que si je tentais le Voyage au bout de la nuit, que je trouve sublime, mais qui ne le sera pas autant pour de très nombreux élèves.
Par exemple, j'apprécie beaucoup l'étranger et je trouve ça assez aisé de partir autour des titres envisagés (la pudeur) et de "lancer" les élèves sur leur lecture du personnage : il provoque forcément des réactions.
A l'inverse, je pense que certaines oeuvres ne vont créer des réactions que parce qu'on a le recul d'adulte. En seconde, on m'avait proposé Le père Goriot. J'ai commencé et abandonné, les descriptions de base étant inintéressantes pour mes petits yeux d'ado de 15 ans. Plus tard, j'ai fait de la science politique, me suis intéressé à la socio et j'ai vu chez Balzac quasiment un sociologue, décrivant, à la manière de ceux-ci (ou même plutôt d'un ethnologue) les lieux et ce qu'ils représentent. Cette expérience me laisse penser que si je fais ce livre, je dois le faire à partir d'un cours, à partir de ce qu'on fera en classe notamment, sinon les élèves vont lâcher.
Pour en revenir à la question, je dirais aussi que ça dépend de la portée de ce que l'on fait. Si c'est un extrait, aucun problème à ne pas apprécier l'oeuvre dans la globalité. Si c'est une OI avec mettons une classe pas forcément très scolaire, je peux me porter sur un livre auquel je ne trouve pas de réel intérêt personnel (mettons Eldorado) mais qui va bien fonctionner et remplir quand même l'objectif : avoir des élèves qui lisent le livre, à qui ça parle, et qui finissent par en parler avec leur regard de lecteur et pas seulement à travers ce que moi, j'apprécie.
Pour finir, paradoxalement, parfois je peux aussi choisir une oeuvre que je n'ai pas forcément appréciée plus que ça, mais qui devient une sorte de défi pour moi. J'ai ainsi fait Andromaque dans un lycée avec public anciennement REP +, et ça passait assez bien car justement, j'avais un peu abordé la séquence façon défi. Vous ne comprenez pas ? On va découvrir le début ensemble, sur une heure, et on va prouver qu'on peut tous y arriver. Et par la suite, alors que la langue fait que je n'arrive pas du tout à dire que j'apprécie vraiment l'oeuvre, on surmonte un peu ça pour des questionnements plus généraux qui deviennent extrêmement intéressants à mener en cours.
En conclusion, je dirais qu'on peut faire des oeuvres qu'on apprécie beaucoup comme assez moyennement, du moment qu'on arrive à susciter un intérêt. Et par contre, en lecture cursive, on ne propose que des oeuvres où l'on peut se dire "Tel élève de tel âge, sans être un très grand lecteur, il va pouvoir apprécier, seul, sans être guidé. 1984 j'y crois parfaitement (s'il a la motivation malgré la longueur), et Andromaque pas du tout.
Dernier truc me venant à l'esprit à la lecture de ce que vous dites sur La ferme des animaux par exemple : toujours en revenir à se demander "Qu'est-ce qui peut intéresser les élèves". Je n'apprécie pas plus que ça l'oeuvre que je trouve assez enfantine quand on a le recul qui est le nôtre sur le communisme à l'époque, et je le lis plutôt comme un roman pour ado presque. Dans le cadre de remplacements, j'ai dû la faire, plusieurs fois même car comme Antigone, 1 collègue sur 2 me semble le faire en troisième. Concrètement, les parallèles avec le programme d'histoire de troisième sont très faciles, et ça donne des cours où je n'ai jamais vu une classe ne pas accrocher un minimum. Même si je n'accroche aucunement à la dimension réellement littéraire du bouquin, en l'abordant comme une redite d'un cours d'histoire, sur l'analyse d'affiche de propagande ou autre, ça donne même un cours assez plaisant. Qui le serait probablement bien plus que si je tentais le Voyage au bout de la nuit, que je trouve sublime, mais qui ne le sera pas autant pour de très nombreux élèves.
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