Quel est votre vers préféré ?

Y a-t-il un vers qui vous fascine, qui vous obsède, qui vous accompagne?

Pour moi, c'est ce vers de Verlaine, qui n'est pourtant pas très connu ("Sagesse")

"L'espoir luit comme un brin de paille dans l'étable"

Il est toujours plus ou moins présent à ma conscience, à cause de son sens, que je ressens comme plutôt désespéré, et de son image simple et évocatrice.

eh bien c'est Verlaine aussi, et c'est aussi Sagesse, le dernier vers du sublime poème Beauté des femmes , qui dit tout simplement l'essentiel dans cette question finale proposée à notre réflexion (désolée de ne pas avoir choisi plus gai pour un dimanche!)
"Et vraiment, quand la mort viendra, que reste-t-il ?"

Dans mon adolescence, c'était "Le Soleil s'est noyé dans son sang qui se fige." de Baudelaire.

Je n'ai plus de vers obsédant ces temps-ci.

"Il pleut dans mon coeur comme il pleut sur la ville" de Verlaine (puis ça fait 2 vers et tout le quatrain en vérité). Mais à chaque fois qu'il pleut, il revient, air obsédant...

Moi, c'est le début de L'Ennemi, de Baudelaire...

"Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils"

Bon, ça fait deux... C'est plus un vers obsédant que mon vers préféré, en fait.

"C'est la mer allée avec le soleil." (avec la gueule de Bébel peinte en bleue, un bâton de dynamite entre les dents).

"Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire"
et toute la "Nuit rhénane" dont il est extrait, Alcools, Apollinaire

À dire vrai, j'aime aussi:

"Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues"
"Adieu! Vive clarté de nos étés trop courts!"

"Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant"

et
"Ouvre ta robe, Déjanire, que je monte sur mon bûcher".

Baudelaire, pas un seul vers, une strophe entière en vérité :

"Un éclair... Puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?"

"je demeurai longtemps errant dans Césarée...."
ok,je triche !

sinon:"Le temps s'en va,le temps s'en va, Madame!
Las,le temps non,mais nous nous en allons.

ou Voie lactée ô soeur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons-nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nébuleuses
etc

Si on peut tricher, "semper eadem":
"Laissez, laissez mon coeur s'enivrer d'un mensonge,
Plonger dans vos beaux yeux comme dans un beau songe
Et sommeiller longtemps à l'ombre de vos cils!"
Baudelaire

ben y'en a plein (et pas de vers unique)

- je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue (phèdre)
- ce toit tranquille où marchent des colombes
entre les pins palpite, entre les tombes
midi le juste y compose de feux
la mer, la mer, toujours recommencée! (valéry)
- et l'oeil était dans la tombe et regardait Cain (Hugo)
- Homme libre, toujours tu chériras la mer! (Baudelaire)

Nell a écrit:"Il pleut dans mon coeur comme il pleut sur la ville" de Verlaine (puis ça fait 2 vers et tout le quatrain en vérité). Mais à chaque fois qu'il pleut, il revient, air obsédant...

Il me semble que c'est "Il pleure dans mon coeur" et non "il pleut"... c'est encore meilleur comme ça!

Moi, mes vers chamboule tout, les voici:
"Cette cage des mots il faudra que j'en sorte
Et j'ai le cœur en sang d'en chercher la sortie
Ce monde blanc et noir où donc en est la porte
Je brûle à ses barreaux mes doigts comme aux orties
Je bats avec mes poings ces murs qui m'ont menti
Des mots des mots autour de ma jeunesse morte"

C'est d'Aragon, dans "Je traîne après moi..." tiré du Roman inachevé..

Un vers de Valéry : "…Je compose en esprit, sous les myrtes, Orphée / L’Admirable!"
Et puis tant d'autres !

jehanne a écrit:
"Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant"

C'est aussi un vers qui m'obsède, tout comme : "La vie est variable aussi bien que l'Euripe"

ou encore : "Ne pourrons-nous sur l'océan des âges / Jeter l'ancre un seul jour ?"

"Et les Muses de moi, comme étranges s'enfuient."

"Et moi j'aurai vidé la coupe d'amertume / Sans que ma lèvre même en garde un souvenir."

"Là où retombe la flèche qui fut lancée au hasard."

"Et la beauté du monde s'y penchait / Dans le bruissement du ciel nocturne"

"Et mon coeur est un grand cimetière d'étoiles!"

...

sans oublier ,oeuf corse:
le geai gélatineux geignait dans le jasmin
et
le désir s'accroît quand l'effet se recule

mon mari (toujours lui):ton vers préféré?
"un verre de wisky"
désespérant je vous dis

"Aboli bibelot d'inanité sonore"
"Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle"
"J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre
et frapper à mon coeur c'est frapper au tombeau"

L'Adieu d'Apollinaire m'a longtemps marquée, notamment ce vers :
"Nous ne nous verrons plus sur terre".
Maintenant c'est un vers d'Aragon :
"Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vigne et son champ".

"J'ai cueilli ce brin de bruyère / L'automne est morte souviens-t'en"

Il semble que beaucoup de vers d'Apollinaire nous obsèdent!
Celui-là revient souvent à moi : "Lune mellifluente aux lèvres des déments" (arrière-goût exquis de fin-de-siècle à mon sens )

La musique, baudelaire :

[...]. D'autres fois, calme plat, grand miroir / De mon désespoir."

iphigénie a écrit:mon mari (toujours lui):ton vers préféré?
"un verre de wisky"
désespérant je vous dis

Il a un humour que j'aime beaucoup !

Une strophe :

Frôlée par les ombres des morts
Sur l'herbe où le jour s'exténue
L'arlequine s'est mise nue
Et dans l'étang mire son corps
(Crepuscule, Apollinaire)

Et un vers :

Le vent se lève !... Il faut tenter de vivre !
(Le cimetière marin, Valéry)

Un poème ? — Merci, mais j’ai lavé ma lyre. (Corbière)

LNSAG a dit:

Il a un humour que j'aime beaucoup ! veneration

moi je dis après Doctor WHO:

[...]. D'autres fois, calme plat, grand miroir / De mon désespoir."