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- BalthamosDoyen
je ne sais pas si l'enquête a déjà été publiée ici, mais elle est très intéressante :
https://www.lhistoire.fr/enqu%C3%AAte-%C2%AB-l%E2%80%99histoire-%C2%BB/professeurs-d%E2%80%99histoire-g%C3%A9o-une-profession-mobilis%C3%A9e
Et sur les sujets sensibles :
https://www.lhistoire.fr/enqu%C3%AAte-%C2%AB-l%E2%80%99histoire-%C2%BB/professeurs-d%E2%80%99histoire-g%C3%A9o-une-profession-mobilis%C3%A9e
90% n’ont jamais renoncé à enseigner un sujet sensible
Sur les sujets sensibles, certains considèrent que l’idée de thèmes à éviter relève purement du mythe faisant l’objet d’une instrumentalisation politique. Mais beaucoup ne nient pas les difficultés : débats tendus en classe, réactions agressives des parents. Ce qui amène à prendre des précautions particulières, voire – mais pour 10% des réponses seulement –, à quelques renoncements. La liste des sujets qui peuvent poser problème est relativement courte : la guerre d’indépendance algérienne en premier (citée 47 fois sur 1 043 commentaires), le génocide des Arméniens (43), l’histoire de l’islam (35), la liberté d’expression et les caricatures du Prophète (31), Le conflit israélo-palestinien (28), la Shoah et l’antisémitisme (25), le fait religieux (20), la laïcité (20), la colonisation et la décolonisation (19). A quoi il faut ajouter le terrorisme, les droits des personnes LGBTQ et les questions de genre, l’esclavage, les migrations (en géographie), l’histoire du christianisme ou du judaïsme, l’IVG, le darwinisme (et la préhistoire). Même aborder la mort du roi en 1793 peut être délicat quand on enseigne à l’étranger, dans un royaume, signale un des professeurs.
Mais ce qui ressort c’est que, bien formés, avec de l’expérience, les professeurs arrivent à aborder tous les thèmes. C’est même un devoir pour eux. « Même si parfois je me sens en difficulté, il m’importe d’aborder tous les sujets en classe ne serait-ce pour développer le regard critique ou l’argumentation. Si j’en arrivais à renoncer à certains thèmes, je crois que c’est le moment où je démissionnerais. »
D’ailleurs, sans surprise, ce sont les 20-30 ans et ceux qui ont moins de cinq ans d’ancienneté qui disent plus souvent avoir déjà renoncé à enseigner certains thèmes. Ils sont également plus nombreux à enseigner dans un lycée professionnel et devant des élèves issus de milieux défavorisés et peu intéressés par l’histoire. Ce sont enfin ceux qui recourent le moins à l’autoformation pour enseigner l’éducation morale et civique (EMC).
Et sur les sujets sensibles :
Avez-vous déjà renoncé à enseigner des sujets parce qu’ils seraient trop sensibles ?
Pour certains : les sujets « sensibles » relèvent du mythe
« Cela peut arriver très épisodiquement de devoir couper court à certains débats, mais ce renoncement à l’étude de certains sujets est un mythe, récupéré et exploité par l’extrême droite. »
« Aucun problème à ce niveau, il ne faut pas écouter les élucubrations de politiciens et polémistes d’extrême droite. Pour mon cas, j’enseigne en REP et les élèves n’ont aucun problème à me faire confiance sur tous ces sujets. Ils sont touchés par les thématiques de l’esclavage et du génocide des Juifs et montrent de la sensibilité. Par contre, j’ai des élèves qui pleurent et trouvent insoutenables les récits de victimes de la Shoah ou de l’esclavage. »
« Il me semble que cela relève de la mythologie du métier. J’ai enseigné en REP plus de 15 ans. J’ai fait face aux propos parfois sexistes, racistes ou homophobes d’élèves (sans doute plus qu’ailleurs non pas parce que ces préjugés y seraient plus développés mais parce que les filtres à leur expression sont moindres). Il me semble que quand des élèves les expriment c’est qu’ils ouvrent la possibilité d’une discussion avec nous. A nous d’être intelligents et de savoir la mener – sans concession mais sans les braquer. »
Pour la grande majorité, aborder les sujets « sensibles » est un devoir absolu
« C’est le devoir du professeur d’histoire d’aborder chaque sujet, ainsi que le devoir de l’élève de se confronter à chaque sujet. »
« L’intérêt d’enseigner mes matières selon moi est justement d’aborder des sujets sensibles et d’y réfléchir collectivement, j’ai donc même tendance à m’attarder dessus. »
« Même si parfois je me sens en difficulté, il m’importe d’aborder tous les sujets en classe ne serait-ce pour développer le regard critique ou l’argumentation. Si j’en arrivais à renoncer à certains thèmes, je crois que c’est le moment où je démissionnerais. »
Une condition : faire preuve de pédagogie et d’ouverture d’esprit
« Tous les sujets peuvent être abordés. Pour ceux pris en exemple, selon le public, il faut avancer avec précaution et trouver l’approche pédagogique la plus pertinente (recherches, enquêtes, conférences…). Le choix des supports est important, les témoignages (filmés, audios, écrits, dessinés...) touchent pour enseigner la Shoah. Prendre le temps d’écouter les élèves, se préparer à entendre des paroles qui vont nous faire bondir peut-être mais toujours répondre, expliquer, s’appuyer sur la loi souvent, pour déconstruire ou dépasser l’émotion ou la réaction. »
« Un exemple: lorsque j’aborde le génocide des Arméniens, j’explique bien le rôle des musulmans qui ont aidé les victimes et avant de commencer le cours je parle du génocide des Rohingyas et des Ouigours. Il s’agit pour moi de montrer qu’un peuple, une croyance peut faire partie des victimes et des bourreaux. »
« L’utilisation d’exemples concrets permet les approches : à travers une biographie (Shoah), l’histoire de l’esclavage et de la colonisation se fait très bien à La Réunion. Lorsque les croyances sont respectées, l’enseignement de l’histoire des religions est très possible. Cela peut être parfois difficile, car on touche à l’intime des élèves. Une large part au dialogue, aux questions est laissée lors de l’approche de ces questions. »
« Dans mon lycée la question la plus sensible est l’enseignement du génocide des Arméniens, puisque nous avons une importante communauté turque sur place. Renoncer serait ridicule. En cas de remarques négationnistes, je leur demande d’expliquer, de me donner leurs sources et… je finis par leur expliquer l’histoire de leur pays d’origine, maîtrisant bien mieux le sujet qu’eux. Ils n’en sortent pas toujours convaincus, mais la situation a été mise sur la table, on a pu en parler et le message essentiel est passé. »
Quelques cas de renoncement
« J’ai renoncé à enseigner les mémoires de la guerre d’Algérie lors de mes deux premières années. Je suis dans un lycée avec une majorité d’élèves d’origine algérienne. A 25 ans face à des élèves de 20 ans (nombreux redoublements), je ne me sentais pas de le faire sereinement. Aujourd’hui, avec plus d’expérience, aucun souci. »
« La seule fois où j’ai renoncé, c’était pour montrer une caricature du prophète de l’islam suite à l’assassinat de Samuel Paty alors que je le faisais encore l’année précédente pour le cours d’EMC sur les libertés. J’ai des élèves très religieux et alors que j’osais habituellement, et que cela se passait bien, cet événement m’a profondément troublé. Le contexte a été déterminant. »
« J’évite certaines thématiques ou certains exemples développés comme la décolonisation de l’Algérie car la discussion avec les élèves ne seraient pas objectives (enfin issus du Maghreb par exemple avec qui il est difficile de mettre fin aux préjugés issus d’une tradition familiale). Donc je travaille sur l’Indochine. »
« En juin 2021, j’ai été confrontée au refus de mon chef d’établissement pour que je mène un projet sur les traces de la Shoah dans ma région d’exercice. Il craignait des réactions de la communauté musulmane du lycée, un débordement sur des questions de négationnisme. Et ce d’autant plus que deux élèves avaient prononcé des propos d’apologie du terrorisme après l’assassinat de Samuel Paty (l’une a été condamnée par la justice) et que de fréquentes atteintes à la laïcité sont signalées par les professeurs. Lors du CA, la représentante des parents d’élèves a elle aussi émis des craintes sur les conséquences d’un tel projet. Avec plusieurs collègues, nous observons une attitude de la direction qui veut absolument éviter de se confronter à des questions sensibles et préfère ne pas “faire de vagues”. On joue le politiquement correct en faisant croire que tout va bien. L’institution ne fait pas confiance à ses professeurs et craint d’affirmer les valeurs de la République, alors que nous observons une radicalisation des opinions chez les élèves. Ainsi, aborder des questions sensibles demande beaucoup d’énergie, de courage. Au vu de l’absence de reconnaissance dont bénéficient les professeurs (qu’elle soit salariale, ou tout simplement humaine), on peut être tenté de baisser les bras. »
- TangledingGrand Maître
Tu proposes quoi @ponocrates face au risque terroriste pour les enseignants ?
Nous nous adressons bien à des élèves ?
Tu te figures que je ne suis pas confronté à ces difficultés quand j'enseigne en 6e dans ma discipline ? Tu penses qu'un collègue pourrait être livré à l'abandon de l'administration dans un collège où je suis S1 ?
Alors merci de cesser les procès d'intention.
La souffrance ne tient pas lieu d'argumentation.
J'ai vécu une fin d'année très difficile l'an dernier suite à une rumeur sur mon compte.
Je ne permets à aucun d'entre vous de me juger comme vous le faites.
Nous nous adressons bien à des élèves ?
Tu te figures que je ne suis pas confronté à ces difficultés quand j'enseigne en 6e dans ma discipline ? Tu penses qu'un collègue pourrait être livré à l'abandon de l'administration dans un collège où je suis S1 ?
Alors merci de cesser les procès d'intention.
La souffrance ne tient pas lieu d'argumentation.
J'ai vécu une fin d'année très difficile l'an dernier suite à une rumeur sur mon compte.
Je ne permets à aucun d'entre vous de me juger comme vous le faites.
_________________
"Never complain, just fight."
- Plutôt que de se battre pour des miettes et des contraintes:
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- zigmag17Guide spirituel
Il me semble que la capacité de nuisance rhétorique et physique d'un élève de 6e n'égale pas celle d'un ado de 17 ou 18 ans, mais bon...
- TangledingGrand Maître
Tu penses qu'une rumeur propagée par des 6e est moins dangereuse qu'une rumeur propagée par des lycéens ?
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- MalagaModérateur
Topic créé à partir d'une discussion amorcée sur un autre topic. Merci de rester dans un échange constructif en évitant les noms d'oiseau qui ne font pas avancer le débat.
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J'utilise des satellites coûtant plusieurs millions de dollars pour chercher des boîtes Tupperware dans la forêt ; et toi, c'est quoi ton hobby ?
- ElyasEsprit sacré
Une remarque, qui est corollaire à tout cela, est que j'ai l'impression maintenant dans les médias qu'il y a une injonction à montrer les caricatures de Charlie pour être un bon enseignant d'EMC. Je ne les ai jamais utilisées parce que je n'en ai pas besoin dans les choix de cheminement d'apprentissage que je crée pour mes élèves. Pourtant, j'enseigne les mêmes thèmes. Cette injonction à utiliser les caricatures de Charlie et, si on ne le fait pas, à être vu comme un professeur qui se censure m'exaspère.
- AnankéNiveau 9
J'ai peut-être une lecture excessivement matérialiste et économiciste du phénomène mais qu'espère-t-on, après des années de destruction de l'enseignement public, de la ghettoisation de certains quartiers, de la relégation de certaines filières ; et, en parallèle, de l'injonction qu'on nous fait d'aller prêcher une forme de bonne parole à des élèves qui se prennent violemment l'exclusion sociale ?!
Je n'excuse en rien et je sais que dans certains cas il y a des forces islamistes qui s'imposent. Mais quelle en est la raison ? Personnellement, je m'auto-censure si l'on peut dire car pour le chapitre sur la religion avec mes classes techniques (et j'insiste, dans le lycée où je suis j'ai des élèves musulmans dans toutes mes classes mais les frictions que je rencontre quand il est question d'interroger le fait religieux je ne les rencontre qu'avec mes classes technologiques, celles qui sont composées des élèves des foyers les plus modestes du coin) j'attends bien plus longtemps dans l'année pour le faire pour avoir le temps d'établir une relation de confiance, ce qui arrive certaines années, d'autres fois non. Mais où est la responsabilité du manque de recul critique, de compréhension d'un texte, etc ? L'école n'est pas censée enseigner ça ? Avec ma classe de folie à 36 élèves complètement inadaptés (fouteurs de merde pris dans les embrouilles de quartiers (je suis dans un coin qui fait pas mal la une en ce moment ...), les élèves en très grande difficulté (PAP et autres), ceux qui ont le niveau standard mais que dire du niveau standard puisque cela ne signifie même par écrire une phrase correctement), bref, comment à ce non-niveau de réflexion de terminale on peut avoir une réflexion apaisée et approfondie sur des sujets complexes et sensibles ?!! Rien que l'effet de groupe fait des ravages : 36 (36!!!!) en classe entière et 18 en demi-groupes ... depuis le début de l'année seulement qq séances ont ressemblé à des cours. Sur des thématiques autres que la religion ... !
Je me sens en danger face à la menace islamiste oui, mais parce que l'Etat faillit dans ses missions les plus fondamentales qui sont une cohésion sociale réelle (et pas les beaux discours tout le monde il est beau tout le monde il est gentil mais une redistribution des richesses produites pour qu'il n'y ait pas de quartiers excessivement riches et des quartiers excessivement pauvres) et une éducation pour tous de qualité. On est dans cercle vicieux où les conséquences deviennent elles-mêmes causes et on ne sait plus par où prendre le bout du pb. Je ne me sentirai jamais personnellement faillir quand je n'ai pas les moyens institutionnels d'exercer mon métier comme il se doit : je me censurerai si je considère que face à des classes laissées à l'abandon c'est moi qu'on envoie à moindre frais pour faire le SAV claqué de la start up nation en dérive qu'est devenue le France. C'est catastrophique, à l'image de l'EN : si on pouvait enseigner depuis le CP, peut-être qu'on en serait pas là puisque les élèves comprendraient le double sens, l'ironie, les tons etc ...
[edit : mais enseigner, correctement, suppose de l'investissement, financier. Donc bon ...]
Je n'excuse en rien et je sais que dans certains cas il y a des forces islamistes qui s'imposent. Mais quelle en est la raison ? Personnellement, je m'auto-censure si l'on peut dire car pour le chapitre sur la religion avec mes classes techniques (et j'insiste, dans le lycée où je suis j'ai des élèves musulmans dans toutes mes classes mais les frictions que je rencontre quand il est question d'interroger le fait religieux je ne les rencontre qu'avec mes classes technologiques, celles qui sont composées des élèves des foyers les plus modestes du coin) j'attends bien plus longtemps dans l'année pour le faire pour avoir le temps d'établir une relation de confiance, ce qui arrive certaines années, d'autres fois non. Mais où est la responsabilité du manque de recul critique, de compréhension d'un texte, etc ? L'école n'est pas censée enseigner ça ? Avec ma classe de folie à 36 élèves complètement inadaptés (fouteurs de merde pris dans les embrouilles de quartiers (je suis dans un coin qui fait pas mal la une en ce moment ...), les élèves en très grande difficulté (PAP et autres), ceux qui ont le niveau standard mais que dire du niveau standard puisque cela ne signifie même par écrire une phrase correctement), bref, comment à ce non-niveau de réflexion de terminale on peut avoir une réflexion apaisée et approfondie sur des sujets complexes et sensibles ?!! Rien que l'effet de groupe fait des ravages : 36 (36!!!!) en classe entière et 18 en demi-groupes ... depuis le début de l'année seulement qq séances ont ressemblé à des cours. Sur des thématiques autres que la religion ... !
Je me sens en danger face à la menace islamiste oui, mais parce que l'Etat faillit dans ses missions les plus fondamentales qui sont une cohésion sociale réelle (et pas les beaux discours tout le monde il est beau tout le monde il est gentil mais une redistribution des richesses produites pour qu'il n'y ait pas de quartiers excessivement riches et des quartiers excessivement pauvres) et une éducation pour tous de qualité. On est dans cercle vicieux où les conséquences deviennent elles-mêmes causes et on ne sait plus par où prendre le bout du pb. Je ne me sentirai jamais personnellement faillir quand je n'ai pas les moyens institutionnels d'exercer mon métier comme il se doit : je me censurerai si je considère que face à des classes laissées à l'abandon c'est moi qu'on envoie à moindre frais pour faire le SAV claqué de la start up nation en dérive qu'est devenue le France. C'est catastrophique, à l'image de l'EN : si on pouvait enseigner depuis le CP, peut-être qu'on en serait pas là puisque les élèves comprendraient le double sens, l'ironie, les tons etc ...
[edit : mais enseigner, correctement, suppose de l'investissement, financier. Donc bon ...]
- Isis39Enchanteur
Elyas a écrit:Une remarque, qui est corollaire à tout cela, est que j'ai l'impression maintenant dans les médias qu'il y a une injonction à montrer les caricatures de Charlie pour être un bon enseignant d'EMC. Je ne les ai jamais utilisées parce que je n'en ai pas besoin dans les choix de cheminement d'apprentissage que je crée pour mes élèves. Pourtant, j'enseigne les mêmes thèmes. Cette injonction à utiliser les caricatures de Charlie et, si on ne le fait pas, à être vu comme un professeur qui se censure m'exaspère.
Je suis totalement d'accord avec toi. Quand on nous demande si on utilise les caricatures de Charlie, maintenant il faut presque se justifier de ne pas les utiliser. Sinon on est coupable d'autocensure.
- TangledingGrand Maître
On en a déjà parlé ici, sur néo, et je rejoins ton avis, mais notre observation suscitait déjà des oppositions outrées.Elyas a écrit:Une remarque, qui est corollaire à tout cela, est que j'ai l'impression maintenant dans les médias qu'il y a une injonction à montrer les caricatures de Charlie pour être un bon enseignant d'EMC. Je ne les ai jamais utilisées parce que je n'en ai pas besoin dans les choix de cheminement d'apprentissage que je crée pour mes élèves. Pourtant, j'enseigne les mêmes thèmes. Cette injonction à utiliser les caricatures de Charlie et, si on ne le fait pas, à être vu comme un professeur qui se censure m'exaspère.
De mon point de vue ces caricatures et CH en général font l'objet d'une sacralisation que je trouve ridicule. Si le rédac chef de "Minutes" ou "Rivarol" était assassiné, il faudrait qu'on s'abonne toutes et tous ?
Ça participe de la non compréhension des choses, on pousse les élèves les moins au fait des enjeux scolaires à croire qu'il s'est agi de "montrer" des caricatures alors qu'il s'agissait d'un cours construit sur la liberté d'expression.
@moderation : c'est entendu.
@ananke : tu pointes un problème de fond antérieur au drame. Mais il faut aussi comprendre que la difficulté et le risque ne sont pas l'apanage des cités ghettos et des établissements à l'abandon.
Le jour où des élèves voudront même simplement régler un compte avec un enseignant, ils auront le mode d'emploi. C'est une situation banale qui peut se produire très simplement et fréquemment dans n'importe quel bahut.
Par ailleurs sans l'horrible dénouement de la cabale à laquelle Samuel Paty a été confronté, la situation était dangereuse pour lui, j'ai l'impression qu'on oublie cette réalité.
D'autres affaires de rumeurs sans lien avec l'islamisme se sont soldées par la mort de l'enseignant. Même sans intervention de terroristes (qui ne ciblent pas que les enseignants, d'ailleurs).
La difficulté (réelle) à enseigner les questions vives n'est que la partie émergée de la difficulté à enseigner tout court. Je te rejoins tout à fait. Et si le dire est suspect aux yeux d'enseignants sur un forum de professeur, on est vraiment mal barrés, encore plus mal barrés qu'on ne le pense.
D'ailleurs dans l'intervention de zigmag (que je prenais pour un collègue à cause de son avatar), il y a pêle-mêle des difficultés liées à une emprise de l'islam rigoriste (avant même la radicalisation violente) et d'autres liées à la délinquance de droit commun (qui peut prendre divers masques de circonstances).
Et s'agissant des difficultés liées à cette emprise de plus en plus précoce dans notre public (et c'est une difficulté spécifique car il faut trouver un chemin vers le complexe avec des élèves de plus en plus jeunes), c'est une difficulté qui dépasse largement les établissements ghettos. Je rencontre déjà des blocages chez des élèves de 6e, en un mois d'enseignement, et ça affecte de fait des élèves éloignés des attendus scolaires ou susceptibles de le devenir si on ne trouve pas de solution.
Lever des obstacles pédagogiques est le cœur de notre métier, et parler d autocensure ouvre la porte à la criminalisation de la difficulté de l'acte d'enseigner, en individualisant des difficultés tout à fait systémiques.
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- LaepixiaNiveau 8
Oh mais je m'autocensure souvent et je le revendique : je ne dis pas à certains de mes élèves ce que je pense réellement d'eux...
- CasparProphète
Laepixia a écrit:Oh mais je m'autocensure souvent et je le revendique : je ne dis pas à certains de mes élèves ce que je pense réellement d'eux...
Moi non plus, et j'attends la même chose de leur part (sauf si c'est pour me faire de compliments ), la vie en société nécessite quelques filtres tout de même.
- BalthamosDoyen
Cette autocensure est la base de notre enseignement et notre pédagogie.
Des choix.
Des choix.
- PrezboGrand Maître
Balthamos a écrit:Cette autocensure est la base de notre enseignement et notre pédagogie.
Des choix.
Lorsqu’un choix est imposé par la situation, ce n'est plus un choix.
- zigmag17Guide spirituel
Ananké a écrit:J'ai peut-être une lecture excessivement matérialiste et économiciste du phénomène mais qu'espère-t-on, après des années de destruction de l'enseignement public, de la ghettoisation de certains quartiers, de la relégation de certaines filières ; et, en parallèle, de l'injonction qu'on nous fait d'aller prêcher une forme de bonne parole à des élèves qui se prennent violemment l'exclusion sociale ?!
Je n'excuse en rien et je sais que dans certains cas il y a des forces islamistes qui s'imposent. Mais quelle en est la raison ? Personnellement, je m'auto-censure si l'on peut dire car pour le chapitre sur la religion avec mes classes techniques (et j'insiste, dans le lycée où je suis j'ai des élèves musulmans dans toutes mes classes mais les frictions que je rencontre quand il est question d'interroger le fait religieux je ne les rencontre qu'avec mes classes technologiques, celles qui sont composées des élèves des foyers les plus modestes du coin) j'attends bien plus longtemps dans l'année pour le faire pour avoir le temps d'établir une relation de confiance, ce qui arrive certaines années, d'autres fois non. Mais où est la responsabilité du manque de recul critique, de compréhension d'un texte, etc ? L'école n'est pas censée enseigner ça ? Avec ma classe de folie à 36 élèves complètement inadaptés (fouteurs de merde pris dans les embrouilles de quartiers (je suis dans un coin qui fait pas mal la une en ce moment ...), les élèves en très grande difficulté (PAP et autres), ceux qui ont le niveau standard mais que dire du niveau standard puisque cela ne signifie même par écrire une phrase correctement), bref, comment à ce non-niveau de réflexion de terminale on peut avoir une réflexion apaisée et approfondie sur des sujets complexes et sensibles ?!! Rien que l'effet de groupe fait des ravages : 36 (36!!!!) en classe entière et 18 en demi-groupes ... depuis le début de l'année seulement qq séances ont ressemblé à des cours. Sur des thématiques autres que la religion ... !
Je me sens en danger face à la menace islamiste oui, mais parce que l'Etat faillit dans ses missions les plus fondamentales qui sont une cohésion sociale réelle (et pas les beaux discours tout le monde il est beau tout le monde il est gentil mais une redistribution des richesses produites pour qu'il n'y ait pas de quartiers excessivement riches et des quartiers excessivement pauvres) et une éducation pour tous de qualité. On est dans cercle vicieux où les conséquences deviennent elles-mêmes causes et on ne sait plus par où prendre le bout du pb. Je ne me sentirai jamais personnellement faillir quand je n'ai pas les moyens institutionnels d'exercer mon métier comme il se doit : je me censurerai si je considère que face à des classes laissées à l'abandon c'est moi qu'on envoie à moindre frais pour faire le SAV claqué de la start up nation en dérive qu'est devenue le France. C'est catastrophique, à l'image de l'EN : si on pouvait enseigner depuis le CP, peut-être qu'on en serait pas là puisque les élèves comprendraient le double sens, l'ironie, les tons etc ...
[edit : mais enseigner, correctement, suppose de l'investissement, financier. Donc bon ...]
D'accord à 10000%
Faillite de l'éducatif, faillite sociale aussi évidemment. Et économique.
Je dresse les mêmes constats que toi.
- BalthamosDoyen
Prezbo a écrit:Balthamos a écrit:Cette autocensure est la base de notre enseignement et notre pédagogie.
Des choix.
Lorsqu’un choix est imposé par la situation, ce n'est plus un choix.
Tu as raison, si c'est un choix imposé, ce n'est plus un choix...
C'est pour ça que je parle de choix, et non de choix imposé
D'où d'ailleurs la difficulté et la polémique avec cette expression d'auto censure.
Comment la quantifier, quand la faire commencer ?
Au début de ma carrière, je n'étais pas à l'aise avec la guerre d'Algérie. Je trouvais des stratégies pour éviter de la développer en cours. L'étude de cas portait sur une autre guerre de décolonisation et j'évoquais l'Algérie furtivement, notamment dans les bilans. Je craignais des réactions que je ne pourrai pas maitriser, de me faire déborder soit par les sentiments soit par mon ignorance.
Pourtant mes objectifs pédagogiques étaient remplis, le programme était respecté et j'étais totalement irréprochable. C'est peut être de l'autocensure, mais c'est surtout un choix raisonné. L'objectif n'était pas d'aborder ce point précis mais d'évoquer un exemple au choix dans le cadre du chapitre "Des colonies aux États nouvellement indépendants". L'autocensure inquiétante, grave pour le système aurait été de refuser de faire ce chapitre, y compris en prenant l'exemple de l'Inde, du Mali, du Sénégal.
Maintenant je me sens plus légitime sur ce sujet, formé et expérimenté, je n'ai plus ces stratégies d'évitement et je n'hésite pas à développer l'exemple algérien pour ce chapitre.
Je pense que ces choix, stratégies pour aborder les points sensibles des programmes doivent être nombreuses et dépendre de l'expérience des enseignants (comme pour moi ici), de la formation, du soutien hiérarchique, du public, de l'établissement, etc.
Et que c'est extrêmement rare les collègues refusant d'aborder ces points, préférant ne plus parler d'Islam, de Shoah, de génocide arménien, de liberté d'expression, d'attentats récents, de laïcité, etc.
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