- ThalieGrand sage
Je viens de tomber sur ce passage après avoir écouté une émission sur France Culture. Je ne suis pas LC donc je ne me prononcerai pas (dieu sait combien j'étais mauvaise ! ) mais j'aimerais bien savoir ce qu'en pensent nos collègues. Il s'agit d'une citation de Christine Castelain Meunier à propos de son essai de sociologie, Les Hommes aussi viennent de Vénus :
" On a oublié, soupire la sociologue Christine Castelain Meunier, que Vénus vient du latin vincire, qui signifie “lier”, “enchaîner”?; manière de dire, à lire l’écrivain romain Varron, qu’elle unissait le feu mâle à l’eau femelle, d’où résulte la vie. La virilité renvoie, elle aussi, à Vénus, personnification de venenor, verbe exprimant le désir ardent de vivre. Et le mot “viril” a pour racine vis comme virilis, d’ailleurs, qui a légué le mot “vertu” alors associé au courage et à la loyauté. Or, une vertu morale peut aussi bien être féminine que masculine."
" On a oublié, soupire la sociologue Christine Castelain Meunier, que Vénus vient du latin vincire, qui signifie “lier”, “enchaîner”?; manière de dire, à lire l’écrivain romain Varron, qu’elle unissait le feu mâle à l’eau femelle, d’où résulte la vie. La virilité renvoie, elle aussi, à Vénus, personnification de venenor, verbe exprimant le désir ardent de vivre. Et le mot “viril” a pour racine vis comme virilis, d’ailleurs, qui a légué le mot “vertu” alors associé au courage et à la loyauté. Or, une vertu morale peut aussi bien être féminine que masculine."
- pseudo-intelloSage
Wikipédia n'est pas forcément en désaccord ; le Littré, si :
ÉTYMOLOGIE Lat. Venus, Veneris ; comparez le sanscrit védique vanas, charme, van, désirer ; le danois ven, joli, agréable ; anglo-sax. van, brillant. a écrit:
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- IphigénieProphète
Ça me paraît un tantinet tiré par les cheveux (θρίξ, τριχός: d’où les triscotes, parce qu’elles se cassent facilement)
Varron et l’étymologie, ça doit manquer de précision, comme toujours chez les antiques .
En tout cas passer de vincio à Vénus , de Vénus à viril, et appuyer enfin la chose par le fait que vertu est passé du sens de courage au sens de préservation de la chasteté féminine me paraît mélanger beaucoup de choses différentes.
Mais attendons donc les spécialistes.
PS: delà les femmes et venus, les hommes et mars: oui bon c’est pas très scientifique non plus au départ hein....
Varron et l’étymologie, ça doit manquer de précision, comme toujours chez les antiques .
En tout cas passer de vincio à Vénus , de Vénus à viril, et appuyer enfin la chose par le fait que vertu est passé du sens de courage au sens de préservation de la chasteté féminine me paraît mélanger beaucoup de choses différentes.
Mais attendons donc les spécialistes.
PS: delà les femmes et venus, les hommes et mars: oui bon c’est pas très scientifique non plus au départ hein....
- ThalieGrand sage
Merci pour ces premières réponses, c'est bien ce qu'il me semblait de mes très rapides et lacunaires recherches.
- RuthvenGuide spirituel
L'étymologie est de toute façon une science fantastique où l'on projette dans la langue des liens qui n'existent que dans la pensée. Il y a une illusion étymologique qui fait penser que par l'origine du mot on va trouver son sens originel ... Platon a réglé son compte à la science des mots comme science des choses dans le Cratyle.
Ernout et Meillet, dans le Dictionnaire étymologique de la langue latine, ne soulignent pas de dérivation entre uenus et uis.
Ernout et Meillet, dans le Dictionnaire étymologique de la langue latine, ne soulignent pas de dérivation entre uenus et uis.
- trompettemarineMonarque
Oui dans mes souvenirs, l'origine indo-européenne diffère.
- OudemiaBon génie
Iphigénie a écrit:Ça me paraît un tantinet tiré par les cheveux (θρίξ, τριχός: d’où les triscotes, parce qu’elles se cassent facilement)
Varron et l’étymologie, ça doit manquer de précision, comme toujours chez les antiques .
En tout cas passer de vincio à Vénus , de Vénus à viril, et appuyer enfin la chose par le fait que vertu est passé du sens de courage au sens de préservation de la chasteté féminine me paraît mélanger beaucoup de choses différentes.
Mais attendons donc les spécialistes.
PS: delà les femmes et venus, les hommes et mars: oui bon c’est pas très scientifique non plus au départ hein....
Je crois qu'il y a une spécialiste ici
Iphigénie, ton étymologie de triscotes
- IphigénieProphète
Faut bien chercher au matin des raisons de bonne humeur!
- SphinxProphète
Je ne suis pas spécialiste, mais :
Voici le passage exact dans Varron (De lingua latina, livre 5). (Désolée, je copie la traduction fournie par Remacle, je n'en ai pas de plus récente sous la main, mais on peut aussi y consulter le texte latin : http://remacle.org/bloodwolf/erudits/varron/lingua5.htm)
Vir, virilitas sont éoqués plus loin dans le même livre :
Il lie bien Vénus à uincire, mais pas à uir. Je veux bien que les Anciens aient eu parfois (souvent) des idées farfelues concernant l'étymologie, mais il ne faut pas en plus leur faire dire ce qu'ils ne disent pas.
Le feu et l'eau sont donc les deux causes de la naissance : c'est pourquoi on les dépose au seuil des nouveaux mariés comme symbole de l'union. Le feu représente la nature mâle, parce qu'en elle est la semence; et l'eau représente la nature féminine, parce qu'en elle est l'humidité qui développe le fruit de la conception.
Vénus est le lien qui unit ces deux éléments : de là ce mot d'un poète comique : huic victrix Venus, videsne haec? ce qu'il ne faut pas entendre dans le sens de vincere (vaincre), mais dans le sens de vincire (lier) ; car victoire est un mot qui vient lui-même de vincire, parce que ceux qui ont le dessous sont, en quelque sorte, liés. La poésie, qui donna le Ciel pour père à la Victoire et à Vénus, atteste la commune origine de leurs noms. Εn effet, de l'antique mariage qui unit (vinxit) le Ciel et la Terre, naquit la Victoire. On la représente avec une couronne et une palme, parce que la couronne est le lien de la tête, et parce que la palme déploie de chaque côté des feuilles d'égale grandeur, unies entre elles avec symétrie : d'où est venu le mot vieri, qui a la même signification que vinciri (être lié), et qu'on trouve dans le Sota d'Ennius : Ils allaient voluptueusement tresser une couronne, symbole d'amour.
Suivant les poètes, Vénus naquit de l'écume de la mer, mêlée à une semence de feu tombée du ciel : ce qui donne à entendre que la puissance de Vénus consiste dans l'union du feu et de l'eau. Du mot vis (puissance, force) est issu le mot vita (vie), comme le dit Lucilius : La vie, c'est la force (vis), qui nous fait faire tout.
Voici le passage exact dans Varron (De lingua latina, livre 5). (Désolée, je copie la traduction fournie par Remacle, je n'en ai pas de plus récente sous la main, mais on peut aussi y consulter le texte latin : http://remacle.org/bloodwolf/erudits/varron/lingua5.htm)
Vir, virilitas sont éoqués plus loin dans le même livre :
virtus (vertu), [vient] de virilitas, virilité
Il lie bien Vénus à uincire, mais pas à uir. Je veux bien que les Anciens aient eu parfois (souvent) des idées farfelues concernant l'étymologie, mais il ne faut pas en plus leur faire dire ce qu'ils ne disent pas.
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An education was a bit like a communicable sexual disease. It made you unsuitable for a lot of jobs and then you had the urge to pass it on. - Terry Pratchett, Hogfather
"- Alors, Obélix, l'Helvétie c'est comment ? - Plat."
- trompettemarineMonarque
Selon Ernout-Meillet :
Venus vient de la racine indo-européenne *wen- : désirer.
*wiro- désigne l'homme mâle, le guerrier. Selon Schulze, il serait un dérivé de vis.
Venus vient de la racine indo-européenne *wen- : désirer.
*wiro- désigne l'homme mâle, le guerrier. Selon Schulze, il serait un dérivé de vis.
- SphinxProphète
À la limite on pourrait argumenter que l'étymologie réelle n'est pas importante si ce qu'on essaie de démontrer c'est comment fonctionne la construction d'une représentation (j'extrapole, je ne sais pas ce que cette dame cherche à démontrer). Les Romains ne connaissaient pas l'étymologie indo-européenne, et même si Varron avait sous la main des textes anciens qu'on n'a plus, ou accès à des dialectes italiques disparus, et qui pouvaient aider à faire des recoupements, les étymologies qu'on trouve dans les textes antiques procèdent plus du symbolique que de la comparaison systématique comme on le fait aujourd'hui ; ce qui n'empêche que tout Romain un peu instruit de la fin de la République avait lu Varron, et qu'il y avait des choses qui s'en inspiraient. Mais là, la question ne se pose même pas puisque ce qu'elle dit est faux.
Je subodore qu'elle mélange des analyses qui ont pu être faites de la figure de la Venus Victrix chez les imperatores à la fin de la République (pourquoi est-ce que des militaires comme Sylla ou Pompée prennent Vénus comme figure tutélaire plutôt que Mars ou Jupiter, ça semble contre-intuitif à première vue). On trouve par exemple dans cet article de Coarelli https://www.persee.fr/doc/dha_0755-7256_1997_num_23_2_2353 une analyse intéressante de l'iconographie du portique du théâtre de Pompée (d'après descriptions textuelles puisqu'il n'en reste rien). Mais vraiment le lien avec uir, c'est de la mauvaise digestion.
Edit : peut-être même pas en fait... je viens de la googler, elle est sociologue, pas tellement antiquisante.
Je subodore qu'elle mélange des analyses qui ont pu être faites de la figure de la Venus Victrix chez les imperatores à la fin de la République (pourquoi est-ce que des militaires comme Sylla ou Pompée prennent Vénus comme figure tutélaire plutôt que Mars ou Jupiter, ça semble contre-intuitif à première vue). On trouve par exemple dans cet article de Coarelli https://www.persee.fr/doc/dha_0755-7256_1997_num_23_2_2353 une analyse intéressante de l'iconographie du portique du théâtre de Pompée (d'après descriptions textuelles puisqu'il n'en reste rien). Mais vraiment le lien avec uir, c'est de la mauvaise digestion.
Edit : peut-être même pas en fait... je viens de la googler, elle est sociologue, pas tellement antiquisante.
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An education was a bit like a communicable sexual disease. It made you unsuitable for a lot of jobs and then you had the urge to pass it on. - Terry Pratchett, Hogfather
"- Alors, Obélix, l'Helvétie c'est comment ? - Plat."
- trompettemarineMonarque
Merci Sphinx.
C'est étonnant qu'une scientifique universitaire oublie de passer au crible ses propres représentations. Est-ce un signe du déclin de la lecture philologique en France ?
C'est étonnant qu'une scientifique universitaire oublie de passer au crible ses propres représentations. Est-ce un signe du déclin de la lecture philologique en France ?
- HocamSage
Ruthven a écrit:L'étymologie est de toute façon une science fantastique où l'on projette dans la langue des liens qui n'existent que dans la pensée. Il y a une illusion étymologique qui fait penser que par l'origine du mot on va trouver son sens originel ...
Disons que c'est une certaine utilisation (dans certains pans de la sociologie/de la philosophie/des médias) de l'étymologie qui est en cause, pas l'étymologie en elle-même. Cette discipline a ses limites et ne prétend pas dire le Vrai. Un minimum de rigueur permet en général d'éviter les abus comme celui qui occupe ce fil, mais on ne va pas jeter le bébé avec l'eau du bain dès qu'un sociologue en manque d'inspiration sort de son chapeau un lapin étymologique qui boite des quatre pattes.
C'est, toutes proportions gardées, un peu comme les tests ADN. Il faut savoir lire la filiation des mots comme des êtres et des peuples avec finesse sans griller d'étapes, sans fantasmer sur des liens directs entre les deux bouts de la chaîne.
- Fires of PompeiiGuide spirituel
Je tombe sur ce fil, et je viens apporter mes maigres connaissances.
En fait ce qu'il faut comprendre c'est que Varron essaie, dans tous ses ouvrages, de montrer le lien entre le monde et les choses, et de montrer comment on peut concevoir le langage, les liens entre les mots, comme miroirs des liens entre les choses qu'ils évoquent.
Il met donc au point, notamment dans le De Lingua Latina, tout un appareil conceptuel dans le but de retrouver ces liens enfouis par le temps (selon lui), et cette ressemblance avec le réel même quand l'usage a fait disparaître les traces visibles des liens en questions. La pratique de l'étymologie s'inscrit en fait dans cette finalité. Mais justement, il me paraît important de prendre cela comme ce que c'est : une tentative de créer les appareils conceptuels pour classer, analyser le langage. Il adopte une démarche d'enquêteur, pour étudier la langue elle-même, et ça le conduit à mener son investigation dans des directions qui, du point de vue de l'usage réel, effectif de la langue, sont parfois fantaisistes (comme ici).
Les analyses elles-mêmes sont parfois très convaincantes, et parfois complètement folles.
C'est un fait mis en relief notamment par Quintilien qui se moque clairement de Varron (Inst. I, 6, 36) et de l'usage excessif de l'étymologie (ça ne veut pas dire qu'il ne lui voit aucun intérêt, au contraire). Varron se situe au début de cette période de "conscience linguistique" de la part des Romains, et donc on est à la période où on met au point les outils pour penser la langue et le langage usuel, avec le concours des concepts grecs mais en s'en différenciant aussi. Évidemment à l'époque de Quintilien, on change de période, et la théorisation de la langue a déjà bien avancé, notamment grâce à Varron (et à ses errances ).
Je ne sais pas si tout ça est bien clair...
En fait ce qu'il faut comprendre c'est que Varron essaie, dans tous ses ouvrages, de montrer le lien entre le monde et les choses, et de montrer comment on peut concevoir le langage, les liens entre les mots, comme miroirs des liens entre les choses qu'ils évoquent.
Il met donc au point, notamment dans le De Lingua Latina, tout un appareil conceptuel dans le but de retrouver ces liens enfouis par le temps (selon lui), et cette ressemblance avec le réel même quand l'usage a fait disparaître les traces visibles des liens en questions. La pratique de l'étymologie s'inscrit en fait dans cette finalité. Mais justement, il me paraît important de prendre cela comme ce que c'est : une tentative de créer les appareils conceptuels pour classer, analyser le langage. Il adopte une démarche d'enquêteur, pour étudier la langue elle-même, et ça le conduit à mener son investigation dans des directions qui, du point de vue de l'usage réel, effectif de la langue, sont parfois fantaisistes (comme ici).
Les analyses elles-mêmes sont parfois très convaincantes, et parfois complètement folles.
C'est un fait mis en relief notamment par Quintilien qui se moque clairement de Varron (Inst. I, 6, 36) et de l'usage excessif de l'étymologie (ça ne veut pas dire qu'il ne lui voit aucun intérêt, au contraire). Varron se situe au début de cette période de "conscience linguistique" de la part des Romains, et donc on est à la période où on met au point les outils pour penser la langue et le langage usuel, avec le concours des concepts grecs mais en s'en différenciant aussi. Évidemment à l'époque de Quintilien, on change de période, et la théorisation de la langue a déjà bien avancé, notamment grâce à Varron (et à ses errances ).
Je ne sais pas si tout ça est bien clair...
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- NLM76Grand Maître
Quelle édition de Varron conseilles-tu ?
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Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- Fires of PompeiiGuide spirituel
Teubner, comme référence principale.
Mais j'utilise aussi celle de la CUF et celle de chez Loeb.
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