Assassinat de notre collègue Samuel Paty

freche a écrit:Chez nous, la minute de silence aura lieu mardi, après que les 6e auront eu un cours dispensé par leur professeur d'HG. On a reçu le message hier matin.

Et hop ! C'est encore les professeurs d'HG qui doivent faire le boulot.

Merci beaucoup !

Chez nous le chef a lu un texte au micro à 10h, puis 1 minute de silence (chacun en classe). Restaient 10 minutes pour ceux qui voulaient.
Je n'avais pas cours. J'ai affiché le portrait de Samuel Paty et porté un brassard, mais je n'ai rien fait avec les élèves, pas eu le courage. J'ai pleuré en réexpliquant à mes enfants le matin même, je ne me voyais pas le refaire en classe, j'étais donc bien contente de ne pas avoir cours à ce moment-là.
L'an dernier, toute l'organisation du truc sur la laïcité est retombé sur l'équipe d'HG. Nous avions décidé de refuser si on nous le demandait cette année, mais ça n'a pas été le cas.
L'an dernier certains collègues ont tenu des propos inadmissibles, montrant une méconnaissance totale de la liberté d'expression, de la laïcité scolaire et de la posture de professeur (qu'ils ne distinguent pas de leur opinion personnelle).

Je crois que c’est de ma faute. Désolée.

Guermantes729 a écrit:

Isis39 a écrit:Intervention d'une enseignante de l'APHG ce matin sur Inter à propos de l'hommage.
https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-du-week-end/l-invite-du-week-end-du-samedi-16-octobre-2021

Je l'ai écoutée et grandement appréciée ce matin.
Mon mari a même dit "qui parle? c'est bien ce qu'elle dit. Les journalistes semblent tout déçus, parce qu'elle est intelligente, nuancée, tout en étant déterminée. Pas de hurlement, pas de gesticulations, ils sont déçus, mais pas nous!"

Merci  

Oui, très bonne intervention... Ca nous change des focales médiatiques et de certains experts à gages parlant au nom des enseignants des problèmes en classe à cause des élèves et/ou parents sur ce sujet.

Guermantes729 a écrit:

Isis39 a écrit:Intervention d'une enseignante de l'APHG ce matin sur Inter à propos de l'hommage.
https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-du-week-end/l-invite-du-week-end-du-samedi-16-octobre-2021

Je l'ai écoutée et grandement appréciée ce matin.
Mon mari a même dit "qui parle? c'est bien ce qu'elle dit. Les journalistes semblent tout déçus, parce qu'elle est intelligente, nuancée, tout en étant déterminée. Pas de hurlement, pas de gesticulations, ils sont déçus, mais pas nous!"

Merci  

C'était très bien et elle a tout de même bien pointé du doigt le non ruissellement des belles paroles ministérielles sur les échelons intermédiaires concernant notre protection et notre soutien.

*Fifi* a écrit:

Isis39 a écrit:

*Fifi* a écrit:Ici regroupement dans la cour, discours de la chef puis minute de silence.

Puis on a pris nos classes, réponses aux questions… moi j’avais une classe de 6e sympa, très agréable.
Mais voilà, j’ai eu droit à un « il aurait pas dû » d’un élève, à une remise en cause pendant 40 minutes de tout ce que je disais, à devoir rétablir la vérité sur des choses fausses (du genre il a forcé les élèves à sortir de cours etc). Je me suis demandé à un moment jusqu’où il allait aller. Il était calme mais reprenait dès qu’un élève ne disait plus rien. Ce fut très éprouvant pour moi.

J’ai mis un mot à la chef mais qui n’était pas disponible de suite. Entre temps j’ai revu l’élève et je lui ai parlé seule à seul pour remettre les choses au clair, tant sur la liberté d’expression que sur le fait que je me demandais si en disant « il n’aurait pas dû » il pensait «bien fait pour lui ». Je n’avais pas osé aller jusque là dans la discussion devant les autres 6e. Je suis donc allée jusqu’au bout ensuite, pour rappeler la loi et la gravité des faits. Heureusement que j’ai pu lui en reparler car la première heure a été très éprouvante pour moi.

Là chef est venue ensuite me parler. Elle hésitait à revoir le gamin pour ne pas lui donner l’impression d’être la « victime ». J’ai pour ma part absolument tenu à ce qu’elle le voit, au moins pour soutien.

Un sixième ? Ouille. Tu as eu raison de demander à ce que la cheffe le voit.
On n'a pas eu de souci ici. Même de la part de 3e plutôt compliqués. Juste un qui m'a demandé si j'avais peur de mes élèves. Un exclu du collège REP+ voisin.

Oui… un gamin mature et intelligent mais qui visiblement entend des choses terribles à la maison ou dans son entourage. Je ne m’y attendais pas. Ce fut très dur, juste après le discours et la minute de silence. J’ai trouvé ça très éprouvant.

C'est certes très éprouvant, mais c'est une saine fatigue de mon point de vue : entre les établissements où l'on prêche des convaincus, et ceux où (comme celui que subit Lisak40) la liberté d'expression n'a pour signification que d'empêcher l'enseignant d'enseigner et qui que ce soit de penser, tu as eu la chance de tomber sur un élève à qui tu es indispensable au moment de sa trajectoire intellectuelle, qui t'oblige à tenir un discours de clarification en profondeur que seule tu es apte à tenir. Bref tu as fait un excellent travail, et c'est épuisant comme un vrai travail au sens médical ou étymologique!
Et tu as raison de vouloir que la cheffe accepte de le recevoir : si c'est un élève sincère dans sa démarche, il doit non pas se victimiser, mais au contraire considérer que sa parole est prise au sérieux et qu'il doit apprendre à entendre une réponse solide validée par l'institution. S'il n'est pas sincère dans ses convictions, de toutes façons c'est un travail bien plus complexe et durable qu'une journée d'hommage ne l'autorise.

@Fif : bravo à toi. Comme le dit @Pontorson, c'est notre job de parler, discuter, échanger, rappeler certaines choses aux élèves qui entendent autre chose chez eux.

Au sujet de l’intervention   d'une enseignante de l'APHG ce matin sur Inter à propos de l'hommage.
https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-du-week-end/l-invite-du-week-end-du-samedi-16-octobre-20 :
Très juste intervention en effet ; je souscris à tout ce qui a été dit par elle, notamment que l’annulation des 2h de concertation lors de la rentrée de Toussaint par le ministre à été un outrage pour la profession et constitue une réelle blessure entre l’administration et les enseignants. J’ai été outrée, choquée par ce manque de considération du fait de cette annulation et rien ne pourra réparer cela.

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Isis39 a écrit:

freche a écrit:Chez nous, la minute de silence aura lieu mardi, après que les 6e auront eu un cours dispensé par leur professeur d'HG. On a reçu le message hier matin.

Et hop ! C'est encore les professeurs d'HG qui doivent faire le boulot.

Je préfère. Quelques collègues d'autres disciplines ont dit de telles conneries sur ces sujets l'année dernière, que j'aime autant que ce soit nous qui nous en chargions. Plutôt que de relayer les propos d'élus ou de journalistes qui n'y connaissent rien.


Dans mon bahut, on a d'abord reçu le mail du recteur, demandant d'organiser quelque chose et de « faire remonter » ce qu'on organisait. Fureur de l'équipe, qui a décidé de ne rien répondre : hors de question que l'hommage à NOTRE collègue serve aux pontes à se faire mousser. Et l'injonction à organiser « une séquence sur le métier de professeur, son rôle et sa légitimité », comment dire...  
Personne n'a oublié la façon dont NOTRE collègue a été honteusement lâché par l'institution, et pointé du doigt.

Le chef a donc pris sur lui d'organiser une minute de silence collective dans la cour vendredi à 10h, après avoir dit quelques mots. C'était sobre et digne, c'est tout ce qu'on demandait. Nous (= l'équipe d'histoire) avons pris le temps, la veille, de rappeler les faits à nos classes respectives, et les principes de laïcité et de liberté d'expression, afin que cette minute de silence ait un sens.

J'ai reçu un petit message d'une ancienne élève, pour me dire sa tristesse en pensant à cet assassinat, et son soutien à l'ensemble des professeurs d'histoire-géographie (ma pomme en particulier ) ; ça m'a profondément touché.

En ce moment sur France Culture :

https://www.franceculture.fr/emissions/signes-des-temps/samuel-paty-un-an-apres-ou-en-sont-les-enseignants

Un lancement qui me semble lucide.

Oui, je suis en train de l'écouter: très bonne émission me semble-t-il.

"Réarmer les enseignants"... Ok au revoir.

Ils ont dit bien d'autres choses — https://www.franceculture.fr/emissions/signes-des-temps/samuel-paty-un-an-apres-ou-en-sont-les-enseignants

Oui mais ma patience est très limitée sur ce sujet. Je la réserve aux élèves que je m'efforce de former, je n'en ai aucune pour les adultes.

Ce que j'ai entendu, par ex. la critique sans concession du rapport des IG et de “l'accompagnement” culpabilisant infligé à notre collègue, l'impossibilité criminelle dans laquelle notre collègue a été placé du fait d'un procès d'intention par des extrémistes fanatiques, par ex., cela m'a paru de bon sens et intéressant (en même temps que cela renforce et mon indignation et mon scepticisme, qui ne décroît pas depuis un an, vis-à-vis des autorités en place).

J'ai acheté le livre de David di Notta, ce que j'en ai entendu correspond bien à ce que je pense et présume et je voudrais en savoir plus. L'enquête a l'air sérieuse même si je m'attends au pire. Mais Samuel Patty mérite la vérité. Et au lycée, beaucoup de collègues avaient une bonne raison de ne pas faire quelque chose.

Le monument inauguré samedi à Conflans-sainte-Honorine est intéressant :



J'étais à la cérémonie. Il est dans une matière qui lutte efficacement contre les graffitis et il est un appel à la liberté d'expression. Avec le buste de Samuel qui sera installé dans son dernier collège, il y a tout un chemin de mémoire. Je ne sais pas ce qu'ils ont fait à Eragny où il vivait et où il a été assassiné.

La cérémonie au collège a été considérée par mes amis qui ont eu la force d'y aller comme très digne. Je n'ai su être présent qu'à la cérémonie sur la place Liberté où a été inauguré le monument. C'était court et un enfant du conseil municipal des enfants y a fait un malaise.

Dans mon collège, on a fait une minute de silence. Je pensais y échapper (non par censure mais parce que je savais que l'émotion m'envahirait sauvagement lorsque cela arriverait et que je ne voulais pas imposer ma souffrance aux élèves) mais je n'avais pas compris l'horaire. Cela a eu lieu sur la fin de ma dernière heure de la journée et ce dont je me doutais s'est produit, j'ai été submergé par l'émotion mais mes élèves ont été d'une grande dignité et d'une grande sympathie pour ma détresse (alors qu'ils me voient toujours souriant). En revanche, j'aurais préféré que ce soit la direction qui se charge de réunir tous les élèves dans la cour avec un temps plus cérémoniel et de ne pas compter sur les professeurs alors que mon collège a une forte proximité à la fois humaine et géographique avec les lieux et les victimes de l'assassinat de Samuel Paty.

Elyas a écrit:Le monument inauguré samedi à Conflans-sainte-Honorine est intéressant :



J'étais à la cérémonie. Il est dans une matière qui lutte efficacement contre les graffitis et il est un appel à la liberté d'expression. Avec le buste de Samuel qui sera installé dans son dernier collège, il y a tout un chemin de mémoire. Je ne sais pas ce qu'ils ont fait à Eragny où il vivait et où il a été assassiné.

La cérémonie au collège a été considérée par mes amis qui ont eu la force d'y aller comme très digne. Je n'ai su être présent qu'à la cérémonie sur la place Liberté où a été inauguré le monument. C'était court et un enfant du conseil municipal des enfants y a fait un malaise.

Dans mon collège, on a fait une minute de silence. Je pensais y échapper (non par censure mais parce que je savais que l'émotion m'envahirait sauvagement lorsque cela arriverait et que je ne voulais pas imposer ma souffrance aux élèves) mais je n'avais pas compris l'horaire. Cela a eu lieu sur la fin de ma dernière heure de la journée et ce dont je me doutais s'est produit, j'ai été submergé par l'émotion mais mes élèves ont été d'une grande dignité et d'une grande sympathie pour ma détresse (alors qu'ils me voient toujours souriant). En revanche, j'aurais préféré que ce soit la direction qui se charge de réunir tous les élèves dans la cour avec un temps plus cérémoniel et de ne pas compter sur les professeurs alors que mon collège a une forte proximité à la fois humaine et géographique avec les lieux et les victimes de l'assassinat de Samuel Paty.

C'est ce qui aurait dû se passer partout. Renvoyer cette minute de silence dans les salles de classe, c'est refuser d'en faire un moment solennel, et c'est laisser les professeurs seuls. Ce sont les arguments que j'ai utilisés pour mon chef qui a accepté un hommage dans la cour.

Fatiha Boudjahlat sur la commémoration de l’assassinat de Samuel Paty, LCP 14 octobre 2021 émission Ça vous regarde : prendre la vidéo à partir de 49 minutes https://lcp.fr/programmes/ca-vous-regarde/comment-doper-le-pouvoir-d-achat-81243

« Demain ce sera une journée de recueillement pour tous les enseignants et les élèves de France, mais ce soir je n’ai pas envie de me recueillir, j’ai envie de désigner les mains sales qui sont, selon moi, coresponsables de la mort de mon collègue. Il y a eu bien sûr celui qui assassina Samuel Paty au nom de l’islam. Il y a eu l’élève qui a menti et qui a persisté dans ses mensonges pour couvrir les vraies causes de son exclusion. Il y a eu ces élèves qui firent le guet avec le tueur et lui désignèrent la cible en échange de l’argent. Il y a eu la mère de l’élève menteuse qui a accusé Samuel Paty de racisme, il y a eu le père de l’élève menteuse qui sonna la charge contre Samuel Paty sur les réseaux sociaux, accompagné d’un imam pyromane fiché S. Mais il y a aussi eu cette principale qui demanda à Samuel Paty de s’excuser, qui ne vérifia pas si l’élève était présente ou non le jour de ce fameux cours – elle n’était pas présente – qui aussi convoqua la hiérarchie pour corriger Samuel Paty et qui, lorsque le père lui reprocha de l’avoir fait attendre dehors « comme un chien » et lui dit qu’elle ne se serait pas comportée comme ça s’il avait été juif, ne le mit pas à la porte à coups de pieds dans le derrière, elle le laissa dire parce que les parents les plus véhéments sont ceux qu’on ménage le plus. Il y a eu aussi ce référent laïcité venu corriger Samuel Paty dont il faudra toujours se souvenir des mots qu’il employa : il venait expliquer les règles de la laïcité, de la neutralité que « ne semble pas maîtriser Samuel Paty ». Il y a eu la FCPE, cette association de parents d’élèves qui prétendit jouer les modérateurs avec les parents mais qui ne modéra rien du tout et qui conseilla aux parents de porter plainte contre Samuel Paty, ce qu’ils firent, pour « projection d’images pornographiques ». Il y eut un policier qui accepta de prendre cette plainte, convoqua Samuel Paty, et qui mena une enquête difficile, ardue, parmi les PowerPoint de Samuel Paty. Il y eut aussi cette enquête de l’inspection générale de l’Éducation nationale dépêchée en urgence, qui ne consacra qu’une vingtaine de pages à l’assassinat de Samuel Paty et qui utilisa comme titre cet euphémisme puant : « Enquête sur les événements survenus au collège du Bois d’Aulne » – « les événements », c’est comme ça qu’on parlait de la guerre d’Algérie. Il y eut aussi le syndicat Sud qui refusa à Toulouse et ailleurs de s’associer aux rassemblements en hommage à Samuel Paty – ils ne l’auraient pas soutenu de son vivant, ils ne voulurent pas le soutenir après sa mort. Il y a eu le ministère qui nous refusa deux misérables heures de concertation à la rentrée des vacances de la Toussaint, nous voulions évoquer ce drame, et nous voulions aussi arrêter une façon de faire, une stratégie vis-à-vis des élèves. Il y eut aussi François Héran, professeur au Collège de France, qui publie cette année une Lettre ouverte aux professeurs sur la liberté d’expression, qui rend Samuel Paty responsable de sa mort, qui dit qu’il a eu tort d’utiliser la caricature…
Thomas Piketty – Non vous ne pouvez pas dire ça..
Fatiha Boudjahlat – C’est exactement ce qu’il a dit sur France-Culture
Thomas Piketty – Ne lancez pas des accusations comme ça, il n’est pas là pour se défendre
Fatiha Boudjahlat – Je le dis et je le répète.
Thomas Piketty – C’est trop facile…
Myriam Encaoua – Laissez-la terminer, vous pourrez réagir.
Fatiha Boudjahlat – … et qui aussi déclara – cela vous direz peut-être qu’il ne l’a pas dit non plus – que la liberté d’expression est un masque pour déguiser les discours de haine, voilà ce qu’a dit François Héran. Il y a eu aussi, et j’en finirai par là, ces quelques élèves qui refusèrent de faire la minute de silence parce que des professeurs leur avaient dit qu’ils en avaient parfaitement le droit. Mais la seule chose positive est que la majorité accepta de faire cette minute de silence. Il n’y a eu que deux mains pour assassiner Samuel Paty… et demain on va se recueillir, mais ce soir j’ai envie de demander pardon parce qu’en fait il y a eu un continuum de lâchetés et de trahisons qui ont rendu cette mort possible. »

Merci Reine Margot. Ces paroles sont puissantes.

Oui, c'est juste et fort.