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Écusette de Noireuil
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par Écusette de Noireuil Sam 2 Mai - 10:47
Bonjour à tous et toutes

Je me replonge dans les sonnets de Labé que je compte faire lire à mes seconde...si j'y arrive...
Bref, l'ai un souci particulier sur le dernier tercet.
En spolier le texte intégral:
Sonnet XVIII:

Ce qui me pose problème est dans le dernier tercet (je mets aussi le vers précédent le tercet qui est relié grammaticalement à la suite)

"Permets m’Amour penser quelque folie :

Toujours suis mal, vivant discrètement ,
Et ne me puis donner contentement ,
Si hors de moi ne fais quelque saillie "


Comment comprenez-vous le denier vers? Il me semble que cette "saillie" pourrait évoquer un trait d'esprit, suggéré par "folie" au dernier vers du 1er tercet...
Si un(e) spécialiste du XVIème passe par là, ou toute autre personne de bonne volonté... je serais heureuse d'avoir des précisions!

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par NLM76 Sam 2 Mai - 10:57
Il me paraît assez évident que la saillie, c'est la folie qu'elle vient de faire en disant de façon si crue son désir.

NB : Je pense aussi qu'on ne peut pas lire "m'Amour" autrement que "me, Amour", çàd :"Permets-moi, Amour, de penser quelque folie". Amour est Cupidon, et pourrait désigner éventuellement le bien-aimé par métonymie.

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par Leclochard Sam 2 Mai - 11:54
Pareil que NLM76. La saillie, c'est l'expression verbale de cette folie amoureuse, autrement dit, celle qui est exposée dans les trois strophes qui précèdent. Il y a de l'audace à dire aussi franchement son désir. Le mot suggère que cela lui a échappé.

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par Écusette de Noireuil Sam 2 Mai - 13:04
Merci à  vous deux,  c'est plus clair ! Le caractère "rétrospectif" m'avait échappé.
C'est intéressant  car finalement cela donne à  l'ensemble du poème un caractère plus ambigu que ne le laisse penser la série  d'impératifs  des quatrains.

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par NLM76 Sam 2 Mai - 13:21
Le côté néo-platonicien des deux premiers vers du sizain est aussi assez réjouissant (1+1 = 4) est aussi assez réjouissant — surtout que cela apparaît comme une volonté de réconcilier le corps et l'esprit...

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par ysabel Sam 2 Mai - 15:51
Leclochard a écrit:Pareil que NLM76. La saillie, c'est l'expression verbale de cette folie amoureuse, autrement dit, celle qui est exposée dans les trois strophes qui précèdent. Il y a de l'audace à dire aussi franchement son désir. Le mot suggère que cela lui a échappé.

Finir le poème par le nom "saillie" exprime bien un désir amoureux sexuel… Besoin d'aide sur le sonnet XVIII de Louise Labé 437980826

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par Écusette de Noireuil Sam 2 Mai - 15:54
Oui, j'ai pensé aussi à ce double sens, mais je ne sais pas si c'est vraiment le cas ici !

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par ysabel Sam 2 Mai - 15:59
Au regard du double-sens du verbe "baiser", on ne peut négliger cette interprétation, je pense.

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par NLM76 Sam 2 Mai - 16:06
En effet. Ce serait très intéressant, en plus, signé par une femme.
Mais est-ce que le terme a déjà ce sens au XVIe ? (Pour "baiser", c'est très clair; mais pour "saillie" ?)

[Le Robert Historique de la langue française parle de 1870 pour le sens équin]

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par ysabel Sam 2 Mai - 16:15
NLM76 a écrit:En effet. Ce serait très intéressant, en plus, signé par une femme.
Mais est-ce que le terme a déjà ce sens au XVIe ? (Pour "baiser", c'est très clair; mais pour "saillie" ?)

[Le Robert Historique de la langue française parle de 1870 pour le sens équin]

Le sens étymologique du verbe "saillir" est "couvrir une femelle", donc oui, il avait clairement ce sens au XVIe.

En équitation, on utilise encore plein d'expressions dans le sens étymologique. On dit par exemple, d'un cheval qu'il a du cœur pour dire qu'il a du courage.


Dernière édition par ysabel le Sam 2 Mai - 16:37, édité 1 fois

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par MUTIS Sam 2 Mai - 16:18
NLM76 a écrit:Le côté néo-platonicien des deux premiers vers du sizain est aussi assez réjouissant (1+1 = 4) est aussi assez réjouissant — surtout que cela apparaît comme une volonté de réconcilier le corps et l'esprit...
Et si on voulait poursuivre dans ce sens, on pourrait ajouter que pour Saint-Augustin le corps est symbolisé par le chiffre 4 (les 4 éléments, les 4 orientations du monde physique etc...) alors que l'esprit par le chiffre 3 (la pyramide, la Trinité...).
Les quatrains ici : le plaisir physique avec une association binaire 1+1 répétée.
Les tercets : la dimension ex-tatique qui conduit à la folie certes, mais aussi à l'écriture. Pour moi la saillie est l'extériorisation de la passion dans le texte qui est indiscrétion (v. 12), joie (v. 13) et pulsion comparable au désir sexuel (avec son éjaculation d'encre Razz ) : d'où la référence à la saillie... Ou si on veut rester plus scolaire : sentiment qui éveille l'esprit (la saillie comme trait d'esprit) , le désir de poésie, de langage.
Quatrain + Tercet = 7 = la perfection X par 2 dans le sonnet ! abi

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"Ce n'est pas l'excès d'autorité qui est dangereux, c'est l'excès d'obéissance" (Primo Levi)
"La littérature, quelque passion que nous mettions à le nier, permet de sauver de l'oubli tout ce sur quoi le regard contemporain, de plus en plus immoral, prétend glisser dans l'indifférence absolue" (Enrique Vila-Matas)
" Que les dissemblables soient réunis et de leurs différences jaillira la plus belle harmonie ; rien ne se fait sans lutte." (Héraclite)
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par Écusette de Noireuil Sam 2 Mai - 16:20
Ysabel a écrit:Le sens étymologique du verbe "saillir" est "couvrir une femelle", donc oui, il avait clairement ce sens au XVIe.

Bon, cela renforce donc le sens érotique! Toutefois avec mes secondes pas sûr que je vais insister sur ce point Wink .
Merci encore pour toutes ces interventions!


Dernière édition par Écusette de Noireuil le Sam 2 Mai - 16:24, édité 1 fois

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par MUTIS Sam 2 Mai - 16:21
Écusette de Noireuil a écrit:Bon, cela renforce donc le sens érotique! Toutefois avec mes secondes pas sûr que je vais insister sur ce point Wink .
Merci encore !

Au contraire... Succès assuré !

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par Écusette de Noireuil Sam 2 Mai - 16:25
En présentiel je pense que je n'hésiterais pas tant, mais là...

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par Astolphe33 Sam 2 Mai - 17:47
ysabel a écrit:
NLM76 a écrit:En effet. Ce serait très intéressant, en plus, signé par une femme.
Mais est-ce que le terme a déjà ce sens au XVIe ? (Pour "baiser", c'est très clair; mais pour "saillie" ?)

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Le sens étymologique du verbe "saillir" est "couvrir une femelle", donc oui, il avait clairement ce sens au XVIe.

Bonjour à tous. (Je venais sur le forum d'abord au sujet de la crise sanitaire etc, mais j'ai vu ce topic et je me permets un avis.)

Je ne crois pas du tout qu'on puisse ici détacher le mot "saillie" et lui donner un sens sexuel.
D'abord parce que le sens de "saillie" dépend du contexte syntaxique : faire saillie hors de moi, cad saillir hors de moi, cad sauter/jaillir hors de moi.  
Je me permets de renvoyer au site Lexilogos qui donne accès en un clin d'œil aux définitions des dictionnaires anciens (XVIe, XVIIe, etc.) :
lexilogos.com/francais_renaissance.htm
Pour Louis Labé, le Nicot est une bonne base, je pense, en plus du Rey (Dictionnaire historique de la langue française).
Le dernier vers synthétise de façon très concrète, dynamique, l'idée de folie (furor, être hors de soi) opposée à la prudence ("discrètement" = avec prudence, avec discernement, seul sens possible pour cet adverbe à l'époque). Comme toujours dans le sonnet, le propos est fermement clos, surtout dans ce schéma de rimes embrassées, où saillie rime avec folie. Que la folie consiste précisément à s'abandonner au plaisir sexuel, c'est une chose, mais affirmer que le dernier mot du sonnet exhibe (si j'ose dire) un sens sexuel par analogie avec le verbe saillir, c'est à mon avis discutable.

Mais admettons. Le problème aussi, c'est que l'action de saillir est forcément sexuée (couvrir une femelle, ou l'assaillir). Or, nous le savons tous, une des beautés de ce sonnet, c'est qu'il n'est pas défini sexuellement, je et tu sont indéfinis faute de marque de personne. D'ailleurs, il n'y a aucune raison de considérer que l'apostrophe au dieu Amour s'étend par métonymie à l'amant : c'est une interprétation hasardeuse que rien n'étaye linguistiquement ou en contexte.

Pardon d'être long et peut-être de finasser. Mais j'entends si souvent des candidats expliquer un texte en commentant les mots un à un isolément du contexte de la phrase et du propos, jusqu'à des délires dommageables, que l'idée que "saillie" a forcément en soi-même dans ce vers un sens sexuel m'a fait sursauter. De mon point de vue, il faut avant tout garder à ce mot son caractère dynamique, thermodynamique peut-être : le tercet manifeste un enjeu qui n'est pas seulement de l'ordre de la psychologie ou de la psycho-pathologie, mais aussi et d'abord de l'ordre du mouvement. Cet élan transgressif des limites compense la clôture forcément stable et verrouillée de la forme sonnet.
Iphigénie
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par Iphigénie Sam 2 Mai - 17:52
Merci Astolphe d’expliciter ce que je pensais aussi mais sans avoir le courage de dépasser mon impression pour argumenter de façon convaincante. Le simple Littré montre au XVI e un usage très fréquent du mot hors de tout contexte sexuel en effet.
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par Écusette de Noireuil Sam 2 Mai - 18:01
Bravo, brillante  démonstration !  veneration
Ah je suis ravie  d'avoir  posé ma question
Merci,  sincèrement.

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par NLM76 Sam 2 Mai - 18:37
Astolphe33 a écrit:
ysabel a écrit:
NLM76 a écrit:En effet. Ce serait très intéressant, en plus, signé par une femme.
Mais est-ce que le terme a déjà ce sens au XVIe ? (Pour "baiser", c'est très clair; mais pour "saillie" ?)

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Le sens étymologique du verbe "saillir" est "couvrir une femelle", donc oui, il avait clairement ce sens au XVIe.
 D'ailleurs, il n'y a aucune raison de considérer que l'apostrophe au dieu Amour s'étend par métonymie à l'amant : c'est une interprétation hasardeuse que rien n'étaye linguistiquement ou en contexte.
Tout à fait d'accord avec Astolphe. Ysabel, je ne vois pas d'où tu tiens ton idée de sens étymologique de saillir. Et si je parlais de métonymie de l'amant, c'était seulement pour faire une concession à une interprétation très répandue y compris dans les manuels. Mais ce n'est pas du tout ainsi que je lis le poème. Il s'agit pour moi, comme pour vous, presque uniquement du dieu Amour.

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par e-Wanderer Dim 3 Mai - 7:30
Discrètement peut effectivement vouloir dire "avec discernement, avec prudence", mais il me semble qu'à l'époque, on doit encore sentir l'autre sens de discrimen, de séparation. Ce double sens me semble intéressant, car il redouble celui de saillie : première antithèse du côté du mouvement et de l'élan amoureux (vs isolement et statisme), deuxième antithèse du côté de la raison et de la retenue vs la perte de contrôle, voire la "folie".

Enfin, le sens sexuel, ici de l'ordre de la connotation, me semble évident (avec tout l'intérêt que ce soit ici une femme qui parle). Surtout comme trait d'esprit (saillie, aussi) à la toute fin du poème, comme effet pointu, si je puis dire.
Voir Montaigne et ses conseils fort concrets aux jeunes mariés (Les Essais, I, XXI, "De la force de l'imagination", éd. Villey p. 101-102) :
"Les mariez, le temps estant tout leur, ne doivent ny presser, ny taster leur entreprinse, s’ils ne sont prests ; et vaut mieux faillir indecemment à estreiner la couche nuptiale, pleine d’agitation et de fievre, attandant une et une autre commodité plus privée et moins allarmée, que de tomber en une perpetuelle misere, pour s’estre estonné et desesperé du premier refus. Avant la possession prinse, le patient se doit à saillies et divers temps legerement essayer et offrir, sans se piquer et opiniastrer à se convaincre définitivement soy-mesme. Ceux qui sçavent leurs membres de nature dociles, qu’ils se soignent seulement de contre-pipper leur fantasie."


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par NLM76 Dim 3 Mai - 7:45
Ah ! merci e-Wanderer.
Nous avons l'esprit plus clair maintenant.
Ou plutôt encomplexifié comme il convient !

Au fait, avez-vous remarqué qu'aucune grammaire n'évoque la possibilité du pronom atone de 1re personne postposé au verbe à l'impératif, comme dans "Permets m'Amour" ?
Elles limitent cette possibilité à la 3e personne. Alors que LLL écrit : "Baise m'encor", "Et t’interroge si quelqu’un d’entre eux s’est pu échapper de mes mains." (dans le Débat). Aussi bien Gougenheim que Marchello-Nizia ou Lardon & Thomine...

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par Iphigénie Dim 3 Mai - 7:56
Si on revient au poème de Catille il me semble que Louise Labé reprend à sa manière le double mouvement du poème qui commence en latin  par l’audace et le refus de la morale traditionnelle dans l’ »exposition » de l’extase des baisers amoureux à la vue des vieillards sévères et se termine par le repli sur soi dans une morale plus épicurienne du «  vivons caché »: double provocation aux bonnes mœurs par le mépris du mos maiorum d’un côté et de la vie sociale de l’autre par l’individualisme. Il me semble que le poème de Louise Labé reprend cela par ce refus de la vie discrète .
Mais je ne la connais pas assez bien pour ne pas risquer l’erreur!
Pour la saillie je ne suis pas totalement convaincue du sens sexuel: le mot peut être pris dans ce sens mais on trouverait tout autant de références où il ne l’a manifestement pas. Et dans le contexte il m’a semblé que la crudité de l’équivoque de sens serait peu intéressante poétiquement parlant dans la pointe finale: mais là encore ce n’est qu’une impression peut être renforcée par une prévention du fait que dans les années 70, libération oblige, on s’est mis à voir des allusions sexuelles à peu près partout et que c’était, à l’observer avec recul,  un peu caricatural ...ne risque-y-on pas de faire comme les élèves qui ricanent dès qu’ils rencontrent le verbe branler fût-ce en parlant d’un vieux fauteuil? Wink


Dernière édition par Iphigénie le Dim 3 Mai - 16:25, édité 2 fois
Ruthven
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par Ruthven Dim 3 Mai - 8:07
Un petit texte complémentaire accessible sans doute en Seconde pour leur expliquer la double vie :

"Chaque fois que deux êtres s’entourent d’une mutuelle affection, l’un vit en l’autre et l’autre vit en l’un. De tels êtres s’échangent tour à tour et chacun se donne à l’autre pour recevoir l’autre à son tour. Comment ils se donnent en s’oubliant eux-mêmes, je le vois. Mais comment ils reçoivent l’autre, c’est ce que je ne comprends pas. Car qui ne se possède pas soi-même, encore moins en possédera-t-il un autre. Or tout au contraire chacun d’eux se possède lui-même et possède l’autre. Celui-ci se possède, mais en l’autre ; l’autre aussi se possède, mais en celui-ci. Évidemment, puisque je t’aime, toi qui m’aimes, je me retrouve en toi qui penses à moi et je recouvre en toi, qui le conserves, le moi perdu par moi du fait de ma propre négligence. Et toi tu fais la même chose en moi.
Ceci encore paraît une chose merveilleuse. Si, après m’être perdu, je me retrouve en toi, je me possède par toi mais si je me possède par toi, je te possède avant et plus que moi-même et je suis plus proche de toi que de moi, puisque je n’adhère à moi-même que par ton intermédiaire. C’est en cela précisément que la puissance de Cupidon diffère de la violence de Mars. Car la conquête et l’amour s’opposent en ce que le conquérant s’empare des autres par lui-même, tandis que l’amoureux prend possession de lui-même grâce à un autre, chacun des deux amants s’éloignant de lui-même et se rapprochant de l’autre, mourant à lui-même et en l’autre ressuscitant. Toutefois il y a dans l’amour réciproque une seule mort et une double résurrection. De fait, celui qui aime meurt une seule fois en lui, parce qu’il s’oublie. Mais il revit aussitôt en l’aimé quand celui-ci s’empare de lui dans une pensée ardente. Et il ressuscite une deuxième fois quand il se reconnaît en l’aimé et ne doute pas qu’il soit aimé." (Ficin, De l'amour, II, 8).
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par Iphigénie Dim 3 Mai - 8:13
Texte très éclairant!
MUTIS
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par MUTIS Dim 3 Mai - 8:14
e-Wanderer a écrit:Discrètement peut effectivement vouloir dire "avec discernement, avec prudence", mais il me semble qu'à l'époque, on doit encore sentir l'autre sens de discrimen, de séparation. Ce double sens me semble intéressant, car il redouble celui de saillie : première antithèse du côté du mouvement et de l'élan amoureux (vs isolement et statisme), deuxième antithèse du côté de la raison et de la retenue vs la perte de contrôle, voire la "folie".

Enfin, le sens sexuel, ici de l'ordre de la connotation, me semble évident (avec tout l'intérêt que ce soit ici une femme qui parle). Surtout comme trait d'esprit (saillie, aussi) à la toute fin du poème, comme effet pointu, si je puis dire.
Voir Montaigne et ses conseils fort concrets aux jeunes mariés (Les Essais, I, XXI, "De la force de l'imagination", éd. Villey p. 101-102) :
"Les mariez, le temps estant tout leur, ne doivent ny presser, ny taster leur entreprinse, s’ils ne sont prests ; et vaut mieux faillir indecemment à estreiner la couche nuptiale, pleine d’agitation et de fievre, attandant une et une autre commodité plus privée et moins allarmée, que de tomber en une perpetuelle misere, pour s’estre estonné et desesperé du premier refus. Avant la possession prinse, le patient se doit à saillies et divers temps legerement essayer et offrir, sans se piquer et opiniastrer à se convaincre définitivement soy-mesme. Ceux qui sçavent leurs membres de nature dociles, qu’ils se soignent seulement de contre-pipper leur fantasie."


Très juste. il me semble avoir lu aussi, dans Rabelais (mais où ? je n'ai pas retrouvé ) une utilisation du mot saillie avec une connotation sexuelle évidente. À vérifier.
En tout cas, je pense que Louis Labbé n'était pas pudibonde et que les interprétations type Lagarde et Michard, édulcorant toute connotation charnelle trop crue et rejetant le sexuel dans l'indicible ou le mal, lui étaient étrangères comme d'ailleurs pour beaucoup d'écrivains du 16ème siècle. Les mot "baise, rebaise et jouissons" confirment plutôt la dimension charnelle pour moi.
Je garderais personnellement la polysémie du mot pour en jouer. Le mot n'a pas forcément une connotation sexuelle, mais on ne peut l'exclure et cela participe à la richesse du texte. Mais j'insisterais sur la saillie comme métaphore de l'écriture et de la passion ("folie" pour certains). La passion amoureuse suscite un désir particulier mis en évidence dans le dernier tercet : celui de l'écrire, de la mettre en mots, de l'extérioriser physiquement ("hors de moi") pour la partager aussi avec le lecteur et sortir de la clôture passionnelle à deux.

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par Iphigénie Dim 3 Mai - 8:41
MUTIS a écrit:
e-Wanderer a écrit:Discrètement peut effectivement vouloir dire "avec discernement, avec prudence", mais il me semble qu'à l'époque, on doit encore sentir l'autre sens de discrimen, de séparation. Ce double sens me semble intéressant, car il redouble celui de saillie : première antithèse du côté du mouvement et de l'élan amoureux (vs isolement et statisme), deuxième antithèse du côté de la raison et de la retenue vs la perte de contrôle, voire la "folie".

Enfin, le sens sexuel, ici de l'ordre de la connotation, me semble évident (avec tout l'intérêt que ce soit ici une femme qui parle). Surtout comme trait d'esprit (saillie, aussi) à la toute fin du poème, comme effet pointu, si je puis dire.
Voir Montaigne et ses conseils fort concrets aux jeunes mariés (Les Essais, I, XXI, "De la force de l'imagination", éd. Villey p. 101-102) :
"Les mariez, le temps estant tout leur, ne doivent ny presser, ny taster leur entreprinse, s’ils ne sont prests ; et vaut mieux faillir indecemment à estreiner la couche nuptiale, pleine d’agitation et de fievre, attandant une et une autre commodité plus privée et moins allarmée, que de tomber en une perpetuelle misere, pour s’estre estonné et desesperé du premier refus. Avant la possession prinse, le patient se doit à saillies et divers temps legerement essayer et offrir, sans se piquer et opiniastrer à se convaincre définitivement soy-mesme. Ceux qui sçavent leurs membres de nature dociles, qu’ils se soignent seulement de contre-pipper leur fantasie."


Très juste. il me semble avoir lu aussi, dans Rabelais (mais où ? je n'ai pas retrouvé ) une utilisation du mot saillie avec une connotation sexuelle évidente. À vérifier.
En tout cas, je pense que Louis Labbé n'était pas pudibonde et que les interprétations type Lagarde et Michard, édulcorant toute connotation charnelle trop crue et rejetant le sexuel dans l'indicible ou le mal, lui étaient étrangères comme d'ailleurs pour beaucoup d'écrivains du 16ème siècle. Les mot "baise, rebaise et jouissons" confirment plutôt la dimension charnelle pour moi.
Je garderais personnellement la polysémie du mot pour en jouer. Le mot n'a pas forcément une connotation sexuelle, mais on ne peut l'exclure et cela participe à la richesse du texte. Mais j'insisterais sur la saillie comme métaphore de l'écriture et de la passion ("folie" pour certains). La passion amoureuse suscite un désir particulier mis en évidence dans le dernier tercet : celui de l'écrire, de la mettre en mots, de l'extérioriser physiquement ("hors de moi") pour la partager aussi avec le lecteur et sortir de la clôture passionnelle à deux.
Ah le contre Lagarde et Michard!: c'est pas un peu daté cette histoire? Wink

dans tous les cas le sens sexuel est ici beaucoup moins intéressant, à mon avis ( qui ne vaut que ce qu'il vaut), que l'éclairage de Marsile Ficin... justement parce que la lanvue du XVIe est facilement crue: tout l'intérêt me semble au contraire  de réussir  ne pas l'être  dans un poème qui commence par :baise moi.
Enfin il me semble que ce serait un bon challenge pour un poète Wink
Par contre d'accord avec ton interpretztion finale au dernier paragraphe qui serait donc bien aussi une facon de répondre à son point de depart, le poème de Catulle


Dernière édition par Iphigénie le Dim 3 Mai - 8:44, édité 1 fois
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