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- epekeina.tes.ousiasModérateur
Je n'ai pas vu de fil consacré à cette question: des idées de lecture de livres récents (ou nettement moins récents). Mais étant un lecteur désordonné et assez compulsif, ayant toujours souci de ne pas manquer de ma ration quotidienne, j'espère que nombreux seront ceux qui m'aideront à ne pas manquer la perle et l'oiseau rare.
Je commence donc en signalant la traduction de la dernière version de l'histoire du scepticisme de Popkin:
Richard Popkin, Histoire du scepticisme. De la fin du Moyen Âge à l'aube du XIXe siècle, Marseille, Agone (coll. Banc d'Essais), 2019 (883p. 35€)
que je suis en train de terminer (après avoir lu l'ouvrage, à peine plus ancien, de Stéphane Marchand sur Le Scepticisme, Paris, Vrin, 2018 [240p. 23€]).
Je commence donc en signalant la traduction de la dernière version de l'histoire du scepticisme de Popkin:
Richard Popkin, Histoire du scepticisme. De la fin du Moyen Âge à l'aube du XIXe siècle, Marseille, Agone (coll. Banc d'Essais), 2019 (883p. 35€)
que je suis en train de terminer (après avoir lu l'ouvrage, à peine plus ancien, de Stéphane Marchand sur Le Scepticisme, Paris, Vrin, 2018 [240p. 23€]).
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Si tu vales valeo.
- Melyne5Fidèle du forum
Dans les fils défi lecture, pas mal de bonnes idées à piocher...
https://www.neoprofs.org/t126854-top-5-neo-defi-lecture-2019#4836778
https://www.neoprofs.org/t123950p675-le-neo-defi-lecture-2019-ici-on-papote#4836770
https://www.neoprofs.org/t126854-top-5-neo-defi-lecture-2019#4836778
https://www.neoprofs.org/t123950p675-le-neo-defi-lecture-2019-ici-on-papote#4836770
- epekeina.tes.ousiasModérateur
(je comptais plus sur des nouveautés en philo, éventuellement élargies vers les “sciences humaines”)
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- Melyne5Fidèle du forum
Ah désolée, je n'avais pas vu que tu avais posté dans la rubrique philo !
- DanskaProphète
D'où l'intérêt de préciser la discipline dans le titre, puisque la rubrique n'apparaît pas quand on passe par la page "nouveaux sujets"
- Volo'Neoprof expérimenté
L'essai de Frédéric Gros, Désobéir, est intéressant - je l'ai fini avant hier. Ce n'est pas de la philosophie en tant que telle. C'est un professeur de pensée politique à Sciences Po. Il fonde ses réflexions sur les philosophes antiques comme plus récents (Platon, Socrate, Nietzsche, Kant, Montaigne...).
- 4e et table:
- Politique de la catastrophe (Préface à la deuxième édition)
Nous avons accepté l'inacceptable
1. Le renversement des monstruosités
2. De la soumission à la rébellion
3. Surobéissance
4. De la subordination au droit de résistance
5. Fille d'Oedipe
6. Du conformisme à la transgression
7. L'année 1961
8. Du consentement à la désobéissance civile
9. La promenade de Thoreau
10.. Dissidence civique
11. L'obligation éthique
12. La responsabilité sans limites
13. Penser, désobéir. Sous forme d'envoi : la République
L'humanité nous décaleLe problème, c'est l'obéissance. Ce monde va de travers, à tel point que lui désobéir devrait être une urgence partagée et brûlante : d'où vient donc notre docilité ? Conformisme social, soumission économique, respect des autorités, consentement républicain ? Pour Frédéric Gros, c'est en repérant les styles d'obéissance qu'on se donne les moyens d'inventer de nouvelles formes de désobéissance. Sous sa plume, la pensée philosophique, en même temps qu'elle nous enjoint de ne jamais céder aux évidences, nous fait retrouver le sens de la responsabilité politique. À l'heure où les décisions des experts se présentent comme le résultat de statistiques glacées et de calculs anonymes, désobéir devient une affirmation d'humanité.
- epekeina.tes.ousiasModérateur
intéressant merci! ça doit être sorti chez Albin Michel si je me souviens bien: je vais essayer de le trouver d'occasion
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Si tu vales valeo.
- RuthvenGuide spirituel
Relativement à ton pseudo, tu as le livre de M. Vlad sur Damascius et l'ineffable. Récit de l'impossible discours, Vrin, 2019, où il est question d'une forme de scepticisme et de son dépassement. Il n'y a pas d'interprétation très novatrice de Damascius, mais c'est une synthèse claire et précise d'une question complexe.
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Ruthven a écrit:Relativement à ton pseudo, tu as le livre de M. Vlad sur Damascius et l'ineffable. Récit de l'impossible discours, Vrin, 2019, où il est question d'une forme de scepticisme et de son dépassement. Il n'y a pas d'interprétation très novatrice de Damascius, mais c'est une synthèse claire et précise d'une question complexe.
Oui, celui-là, il est déjà dans ma pile, acheté en même temps que le volume de S.Marchand et le nouveau tome des oeuvres de Canguilhem (pour Gilson, en revanche, je vais attendre un peu), car je n'ai pas pu résister — l'un étant tellement ineffable que c'est encore trop dire de lui que de dire qu'il est ineffable, je sens que ça sera plaisant!
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- NLM76Grand Maître
Je viens de lire d'Alain Séguy-Duclot Platon, L'invention de la philosophie. J'ai l'impression d'avoir tout compris, de mieux comprendre les pré-socratiques, et les sophistes, en particulier parce que j'ai enfin l'impression de comprendre de quoi il retourne.
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Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Merci beaucoup car j'ignorais tout de ce livre — qui fait très envie!
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- epekeina.tes.ousiasModérateur
Bon, j'espère que je ne suis pas le seul à parfois acheter des livres que je ne pourrai sans doute jamais lire entièrement: je viens de m'offrir un reprint de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert… Dont je lis donc des articles depuis hier (armé de mes doubles foyers, car c'est imprimé petit, en attendant de m'offrir une loupe). Totalement inutile, je sais: mais totalement plaisant quand même.
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- epekeina.tes.ousiasModérateur
Je commence, de Wiktor Stoczkowski: La science sociale comme vision du monde (Gallimard/NRF Essais, sorti ce mois de décembre, et acheté, une fois n'est pas coutume, à sa sortie). Le sous-titre indique clairement la nature de l'opération critique: “Émile Durkheim et le mirage du salut” et, après quelques dizaines de pages, c'est à la fois très clair et très bien écrit. Peut-être un peu trop “à charge”, mais il me semble que Durkheim (et bien d'autres!) mérite bien cela.
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- epekeina.tes.ousiasModérateur
Pas mal le Stoczkowski — il ne passe aucune des erreurs et aucun des procédés rhétoriques de ce cher Durkheim. Mais un peu fatiguant, justement pas cette volonté de “réfutation systématique”, dont on finit par ne plus bien voir ce qui en procèderait positivement. Ce qui est aussi étonnant, c'est le peu de réflexion proposée sur le concept de “vision du monde”, qui est pourtant central: par ex. rien sur les relations entre ce concept et celui de gnose chez Voegelin, d'idéologie chez Boudon ou de “religion séculière” (chez Aron ou Gauchet). Ce alors qu'il y aurait sans doute un intérêt à proposer le même exercice sur des théories sociologiques plus contemporaines ou actuelles… Stimulant, mais avec un goût d'inachevé.
J'ai reçu le dernier petit livre de Johann Chapoutot: Libres d'obéir. Le management du nazisme à aujourd'hui, Paris, Gallimard/nrf, 2020 — petite lecture rapide à venir.
J'ai reçu le dernier petit livre de Johann Chapoutot: Libres d'obéir. Le management du nazisme à aujourd'hui, Paris, Gallimard/nrf, 2020 — petite lecture rapide à venir.
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- epekeina.tes.ousiasModérateur
Le livre Johann Chapoutot se lit facilement — et il reprend beaucoup des idées déjà avancées précédemment. Mais sur un sujet différent: celui, non pas d'une “origine nazi” du management (qu'il refuse), mais du devenir dans le nazisme et au-delà de théories de la “conduction” des hommes. Le cas abordé plus spécialement de Reinhard Höhn, “gestionnaire” sous le III° Reich, puis, après guerre, ouvrant une école de management donne lieu à deux chapitres à la fois passionnants et étonnants (cf. ch.5 & 6). Mais surtout, l'analyse de l'“injonction contradictoire” — l'exécutant n'a pas le choix des fins à réaliser, mais doit les réaliser en ayant à prendre des “initiatives” sur le choix des moyens — est tout à fait éclairante: elle éclaire la dimension “darwinienne” (ou “socio-darwinienne”) du management, dont la “version nazi” semble l'une des branches.
Ensuite: Eva Cantarella, Les plus belles histoire d'amour de l'Antiquité. Du ciel à la terre, de Zeus à César, Paris, Fayard, 2018.
Ensuite: Eva Cantarella, Les plus belles histoire d'amour de l'Antiquité. Du ciel à la terre, de Zeus à César, Paris, Fayard, 2018.
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- epekeina.tes.ousiasModérateur
Le livre d'Eva Cantarella est un livre “grand public” — qui se lit aisément et veut illustrer la thèse suivant laquelle l'amour, loin d'être une “donnée factuelle” immuable et éternelle, fait l'objet d'élaborations culturelles historiquement situées et changeantes. Nommément ici, c'est de la culture grecque antique, puis romaine antique (les deux étant soigneusement distinguées) qu'il est question, de l'opposition entre éros et philia dans la première partie, puis du statut des différentes formes d'amour (de la maritale à celle des jeunes gens), dans la seconde.
Nouvelle biographie de Marx: Michael Heinrich, Karl Marx et la naissance de la société moderne. Biographie Intellectuelle, tome 1, 1818-1841, Paris, Éditions Sociales, 2019.
Nouvelle biographie de Marx: Michael Heinrich, Karl Marx et la naissance de la société moderne. Biographie Intellectuelle, tome 1, 1818-1841, Paris, Éditions Sociales, 2019.
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- Spaceman SpiffNiveau 3
Merci pour ces conseils.
La biographie intellectuelle de Marx me tente beaucoup. L'avez vous lue ?
La biographie intellectuelle de Marx me tente beaucoup. L'avez vous lue ?
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Spaceman Spiff a écrit:Merci pour ces conseils.
La biographie intellectuelle de Marx me tente beaucoup. L'avez vous lue ?
Je ne l'ai pas encore finie — j'en suis à la moitié. Pour l'instant j'ai noté le refus de romancer l'enfance de Marx (dont on ne sait quasiment rien), la démonstration de l'influence des Lumières (un spiritualisme déiste) sur sa formation, le soulignement de sa vocation littéraire, un portrait de Hegel et des considérations sur son libéralisme, et quelques autres points qui sortent de l'ordinaire. La description des universités et de la situation intellectuelle des années 1835-1840 est passionnante. Je n'ai pas encore lu les appendices, spécialement celui, méthodologique, sur la biographie, mais le projet est de produire une bio non romancée, critique, qui établit ses sources, qui distingue le certain de l'hypothétique, du faux, du possible etc.
Mais ça n'est que le tome 1 — et il faudra sans doute attendre pour la traduction des autres volumes sorte.
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Si tu vales valeo.
- epekeina.tes.ousiasModérateur
J'ai fini la bio de Marx — les chapitres consacrés à la découverte de Hegel par Marx et les hypothèses sur la manière dont celui-ci s'est défait de l'idée romantique d'améliorer le monde par l'art sont tout à fait intéressants et convaincants (ce, même si je ne suis en rien qualifié pour juger de la pertinence historique de ce livre).
J'hésite maintenant entre:
Nikolaus Wachsmann, KL. Une histoire des camps de concentration nazis, Paris, Gallimard-nrf, 2017 (acheté à la sortie et qui traîne dans les piles de tout ce que j'ai en retard) et
Yasutake Miyashiro, Démocratie libérale ou républicaine?, Paris, PUPS, 2015 (dont j'ignorais l'existence jusqu'à son achat, en chinant la semaine passée à Paris).
Ou alors démarrer les deux en même temps.
J'hésite maintenant entre:
Nikolaus Wachsmann, KL. Une histoire des camps de concentration nazis, Paris, Gallimard-nrf, 2017 (acheté à la sortie et qui traîne dans les piles de tout ce que j'ai en retard) et
Yasutake Miyashiro, Démocratie libérale ou républicaine?, Paris, PUPS, 2015 (dont j'ignorais l'existence jusqu'à son achat, en chinant la semaine passée à Paris).
Ou alors démarrer les deux en même temps.
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- epekeina.tes.ousiasModérateur
Finalement, j'ai passé ces derniers mois à ne (re)lire que Pascal et Montaigne (et Pol Ernst, Starobinski, Manent, bref, diverses choses sur ces deux auteurs) — et à des fins de travail. Ainsi qu'à relire, corriger, mettre en forme, beaucoup d'articles et un livre (pas les miens, bien heusement!), pour les collègues avec qui je travaille.
Mais, les affaires reprenant, je viens de lire, de Chloé Korman (dont j'aime bien les romans) son: Tu ressembles à une juive. Ça n'est ni un roman, ni un essai, ni un traité, mais bien mieux, une méditation, une réflexion, une pensée — sur le racisme et l'antisémitisme — autant qu'un récit autobiographique ou familiale, sur ses origines, sur les siens, et un témoignage, sur ses élèves, la Seine-Saint-Denis, où elle enseigne. Cent pages qui se lisent d'une traite — et dont je vais conseiller la lecture à mes étudiants — dès que j'aurais la chance de les retrouver.
Le prochain à sortir de la pile, sera le Mythe de l'État de Cassirer — lecture induite par celle du livre de F.Rastier, Heidegger, messie antisémite. Ce que révèlent les cahiers noirs, sorti il y a un an et demi au Bord de l'Eau, et qui se termine sur cet ouvrage (j'imagine bien qu'un Heideggerien strict n'apprécierait guère, mais ce livre, comme ceux d'E.Faye et de quelques autres, m'intéresse beaucoup).
Mais, les affaires reprenant, je viens de lire, de Chloé Korman (dont j'aime bien les romans) son: Tu ressembles à une juive. Ça n'est ni un roman, ni un essai, ni un traité, mais bien mieux, une méditation, une réflexion, une pensée — sur le racisme et l'antisémitisme — autant qu'un récit autobiographique ou familiale, sur ses origines, sur les siens, et un témoignage, sur ses élèves, la Seine-Saint-Denis, où elle enseigne. Cent pages qui se lisent d'une traite — et dont je vais conseiller la lecture à mes étudiants — dès que j'aurais la chance de les retrouver.
Le prochain à sortir de la pile, sera le Mythe de l'État de Cassirer — lecture induite par celle du livre de F.Rastier, Heidegger, messie antisémite. Ce que révèlent les cahiers noirs, sorti il y a un an et demi au Bord de l'Eau, et qui se termine sur cet ouvrage (j'imagine bien qu'un Heideggerien strict n'apprécierait guère, mais ce livre, comme ceux d'E.Faye et de quelques autres, m'intéresse beaucoup).
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- CòchoNiveau 5
Que penses-tu de la lecture (croisée, d'ailleurs) de Manent ? Je me suis laissé séduire : plus pertinent, précis, profond, que Starobinski... mais c'est sans doute parce que Manent tout entier m'a séduit. Les mauvaises langues diront que c'est du Leo Strauss, mais en français.epekeina.tes.ousias a écrit:Finalement, j'ai passé ces derniers mois à ne (re)lire que Pascal et Montaigne (et Pol Ernst, Starobinski, Manent, bref, diverses choses sur ces deux auteurs)
Histoire de garnir un peu ce fil bien abandonné :
J'ai à peine commencé la lecture de Paul Jorion, Comment la vérité et la réalité furent inventées. Quelqu'un connaît ?
Publié en 2009, à la NRF pourtant !, il semble avoir été à peu près parfaitement ignoré. Étrange : les titres en "L'invention de..." sont à la mode, culturalisme oblige. Mais attention au contre-sens, l'auteur ne semble pas venir grossir les rangs de nos légions postphilosophiques, c'est même peut-être le contraire : pour reprendre ses termes, au carrefour de la "métaphysique" et de l'"anthropologie des modes de pensées", il défend tranquillement... un "retour à Aristote", contre la philosophie des sciences contemporaines - si je résume à gros traits, et à ce stade de ma lecture. Jouer (texto) la syllogistique et la scolastique contre les physiques classique et quantique, il fallait oser !
Je connaissais vaguement Paul Jorion le matheux et économiste (d'après Michéa, il fut consulté par les maîtres de la City, en lendemain de "crise", heureux d'être éclairés par le génie de Marx-Jorion !), mais pas "métaphysicien". Ce côté multicarte peut inquiéter. Mais d'après ce que j'ai lu jusqu'ici (les premiers chapitres : éloge de Lévy-Bruhl, puis de Platon et Aristote), il maîtrise bien son sujet. A voir la suite - hélas j'ai peu de temps à consacrer à la lecture...
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Verdure a écrit:Que penses-tu de la lecture (croisée, d'ailleurs) de Manent ? Je me suis laissé séduire : plus pertinent, précis, profond, que Starobinski... mais c'est sans doute parce que Manent tout entier m'a séduit. Les mauvaises langues diront que c'est du Leo Strauss, mais en français.epekeina.tes.ousias a écrit:Finalement, j'ai passé ces derniers mois à ne (re)lire que Pascal et Montaigne (et Pol Ernst, Starobinski, Manent, bref, diverses choses sur ces deux auteurs)
Mon opinion là-dessus est contrastée. Je lis Manent régulièrement (depuis l'Histoire intellectuelle du libéralisme) — et quand bien même/parce que ses thèses s'opposent à certaines de mes opinions, et pour les mêmes raisons que j'ai lu du Leo Strauss (la comparaison est honorable), et que je lis, plus récemment, du Voegelin…
Mais j'avoue ne pas comprendre, dans le fond, la nécessité d'écrire un livre sur Montaigne (en titre!) pour donner raison… à Pascal (en page). C'est certes vite dit, mais tout de même. J'avoue avoir souri à la lecture de certaines pages, et m'être dit que, décidément, le jansénisme continue à avoir plus de succès en France que telle ou telle forme de fidéisme sceptique, et que les livres de Popkin ne peuvent décidément venir que de chez nos cousins anglo-saxons. Je ne peux évidemment pas reprocher à Manent de proposer une lecture “engagée” ou engageant une position (chrétienne, et même, catholique) — mais il semble tout de même méconnaître le sens de certaines des positions qu'il critique.
Et de fait, je trouve en réalité Starobinski plus intéressant dans son Montaigne en mouvement — du moins saisit-il, ce me semble, un aspect de sa pensée, par ex. (p.96 sv.) en expliquant que Montaigne, à propos de la mort, est entraîner à réfuter sa propre démonstration de façon à détourner la pensée de l'au-delà, de la transcendance, pour la reporter vers le présent, au bénéfice de l'existence (ce qui est à la fois compatible avec un fidéisme chrétien, et difficile à admettre du point de vue d'une mystique plus sévère).
Histoire de garnir un peu ce fil bien abandonné :
J'ai à peine commencé la lecture de Paul Jorion, Comment la vérité et la réalité furent inventées. Quelqu'un connaît ?
Publié en 2009, à la NRF pourtant !, il semble avoir été à peu près parfaitement ignoré. Étrange : les titres en "L'invention de..." sont à la mode, culturalisme oblige. Mais attention au contre-sens, l'auteur ne semble pas venir grossir les rangs de nos légions postphilosophiques, c'est même peut-être le contraire : pour reprendre ses termes, au carrefour de la "métaphysique" et de l'"anthropologie des modes de pensées", il défend tranquillement... un "retour à Aristote", contre la philosophie des sciences contemporaines - si je résume à gros traits, et à ce stade de ma lecture. Jouer (texto) la syllogistique et la scolastique contre les physiques classique et quantique, il fallait oser !
Je connaissais vaguement Paul Jorion le matheux et économiste (d'après Michéa, il fut consulté par les maîtres de la City, en lendemain de "crise", heureux d'être éclairés par le génie de Marx-Jorion !), mais pas "métaphysicien". Ce côté multicarte peut inquiéter. Mais d'après ce que j'ai lu jusqu'ici (les premiers chapitres : éloge de Lévy-Bruhl, puis de Platon et Aristote), il maîtrise bien son sujet. A voir la suite - hélas j'ai peu de temps à consacrer à la lecture...
Je ne connais de lui que quelques articles — par ex. dans Le Débat et, effectivement, autour de la crise économique (précédente). Il faudra qu'un de ces jours j'aille regarder ce texte-là: je te remercie pour la référence.
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Si tu vales valeo.
- EdithWGrand sage
Résonance d'Harmut Rosa... conseillé par mon inspecteur (EVS... mais féru de spiritualité et de philo). Je le lis par tout petits morceaux, ça demande une digestion très lente, en phase avec le sujet. Passionnant.
- epekeina.tes.ousiasModérateur
On peut en entendre parler — et l'entendre ici: https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/profession-philosophe-hartmut-rosa
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- CòchoNiveau 5
epekeina.tes.ousias a écrit:Verdure a écrit:Que penses-tu de la lecture (croisée, d'ailleurs) de Manent ? Je me suis laissé séduire : plus pertinent, précis, profond, que Starobinski... mais c'est sans doute parce que Manent tout entier m'a séduit. Les mauvaises langues diront que c'est du Leo Strauss, mais en français.epekeina.tes.ousias a écrit:Finalement, j'ai passé ces derniers mois à ne (re)lire que Pascal et Montaigne (et Pol Ernst, Starobinski, Manent, bref, diverses choses sur ces deux auteurs)
Mon opinion là-dessus est contrastée. Je lis Manent régulièrement (depuis l'Histoire intellectuelle du libéralisme) — et quand bien même/parce que ses thèses s'opposent à certaines de mes opinions, et pour les mêmes raisons que j'ai lu du Leo Strauss (la comparaison est honorable), et que je lis, plus récemment, du Voegelin…
Mais j'avoue ne pas comprendre, dans le fond, la nécessité d'écrire un livre sur Montaigne (en titre!) pour donner raison… à Pascal (en page). C'est certes vite dit, mais tout de même. J'avoue avoir souri à la lecture de certaines pages, et m'être dit que, décidément, le jansénisme continue à avoir plus de succès en France que telle ou telle forme de fidéisme sceptique, et que les livres de Popkin ne peuvent décidément venir que de chez nos cousins anglo-saxons. Je ne peux évidemment pas reprocher à Manent de proposer une lecture “engagée” ou engageant une position (chrétienne, et même, catholique) — mais il semble tout de même méconnaître le sens de certaines des positions qu'il critique.
Voilà qui donne envie de relire sérieusement ces passages ! Mais je ne crois pas que Manent donne raison à Pascal contre Montaigne ; et plus encore je ne vois pas bien en quoi il serait ici janséniste : et d'ailleurs Pascal l'est-il ?
Dans mes souvenirs les deux auteurs sont pris comme des révélateurs de la modernité, chacun à leurs façons. Plus précisément, Pascal est convoqué, à la fin, pour éclairer Montaigne. La thèse est que la modernité refuse la "loi" pensée par les Anciens, et que veut en quelque sorte réhabiliter Manent - voir son dernier bouquin, défense de la "loi naturelle". De ce point de vue Manent serait plutôt scolastique ! en réalité, surtout aristotélicien.
Il me semble que, pour Manent, Montaigne fut le révélateur de sa propre pensée : il a dit quelque part d'ailleurs avoir lu les Essais toute sa vie. On retrouve dans ce portrait de Montaigne toute son histoire critique de la philosophie, amorcée avec les Naissances de la politique moderne : celle-ci commence avec Machiavel, mais, finalement, il faudra remonter à Montaigne. (On pourrait d'ailleurs être tenté de remonter plus loin encore, chez les nominalistes, etc. mais il est vrai que Manent ne s'intéresse pas beaucoup au Moyen-âge.) Il applique ici la méthode défendue et illustrée par Strauss dans La persécution et l'art d'écrire : Montaigne serait le premier vrai philosophe athée-et-antinaturaliste, se jouant du lecteur par nécessité. Cette excursion, presque ce décodage, est si séduisant !
Ceci dit sans la lecture, plus tôt, de La cité de l'homme et des Métamorphoses de la cité, j'aurais peut-être trouvé ce bouquin aventureux ou hasardeux : c'est clairement une nouvelle expression de "son système".
Sans doute il y a là un débat aristotélisme / scepticisme. Mais c'est peut-être mon côté platement naturaliste, la dimension théologique, évidemment très présente chez Manent (thomiste séculier en quelque), me semble pouvoir être mise de côté dans ce débat.
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