- SteredDoyen
Bonjour,
je suis à la recherche de beaux textes (positifs ou négatifs) sur l'école.
Auxquels penseriez-vous ?
Merci de votre aide
je suis à la recherche de beaux textes (positifs ou négatifs) sur l'école.
Auxquels penseriez-vous ?
Merci de votre aide
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"Il nous faut arracher la joie aux jours qui filent." Maïakovski
- CeladonDemi-dieu
Une poésie de Charpentreau ?
L’ÉCOLE
Dans notre ville, il y a
Des tours, des maisons par milliers,
Du béton, des blocs, des quartiers,
Et puis mon coeur, mon coeur qui bat
Tout bas.
Dans mon quartier, il y a
Des boulevards, des avenues,
Des places, des ronds-points, des rues
Et puis mon coeur, mon coeur qui bat
Tout bas.
Dans notre rue, il y a
Des autos, des gens qui s’affolent,
Un grand magasin, une école,
Et puis mon coeur, mon coeur qui bat
Tout bas.
Dans cette école, il y a
Des oiseaux chantant tout le jour
Dans les marronniers de la cour.
Mon coeur, mon coeur, mon coeur qui bat
Est là.
Jacques CHARPENTREAU (1928 – 1987)
Et dans un tout autre style un texte de Michéa, mais je ne sais pas ce que tu appelles "beau texte" dans ce domaine...
"On peut rappeler que l'élite autoproclamée du monde, réunie à San Francisco en 1995 sous l'égide de la fondation Gorbatchev, a déterminé que seulement deux dixièmes de la population active dans le siècle à venir suffiraient à maintenir l'activité de l'économie mondiale (Hans Peter Martin et Harald Schumann, Le Piège de la mondialisation, Solin-Actes Sud, 1997).
Son souci fut donc de trouver comment gouverner les 80 % d'êtres humains restants. La solution retenue fut fournie par Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller de Jimmy Carter et fondateur de la Trilatérale, club très fermé de l'internationale capitaliste, qui proposa sous le nom de tittytainment (de entertainment, divertissement et tits, seins en argot américain) d'occuper cette population surnuméraire qui n'a pas à être instruite mais devra acquérir des "compétences" dont la commission européenne estime qu'elles ont "une demi-vie de dix ans, le capital intellectuel se dépréciant de 7 % par an" (Rapport du 24 mai 1991).
C'est bien là un enseignement de l'ignorance (Jean-Claude Michéa, L'Enseignement de l'ignorance et ses conditions modernes, Climats, 2006)."
"Aujourd'hui, on célèbre partout le savoir. Qui sait si, un jour, on ne créera pas des Universités pour rétablir l'ancienne ignorance ?"
Lichtenberg (1742-1799)
L’ÉCOLE
Dans notre ville, il y a
Des tours, des maisons par milliers,
Du béton, des blocs, des quartiers,
Et puis mon coeur, mon coeur qui bat
Tout bas.
Dans mon quartier, il y a
Des boulevards, des avenues,
Des places, des ronds-points, des rues
Et puis mon coeur, mon coeur qui bat
Tout bas.
Dans notre rue, il y a
Des autos, des gens qui s’affolent,
Un grand magasin, une école,
Et puis mon coeur, mon coeur qui bat
Tout bas.
Dans cette école, il y a
Des oiseaux chantant tout le jour
Dans les marronniers de la cour.
Mon coeur, mon coeur, mon coeur qui bat
Est là.
Jacques CHARPENTREAU (1928 – 1987)
Et dans un tout autre style un texte de Michéa, mais je ne sais pas ce que tu appelles "beau texte" dans ce domaine...
"On peut rappeler que l'élite autoproclamée du monde, réunie à San Francisco en 1995 sous l'égide de la fondation Gorbatchev, a déterminé que seulement deux dixièmes de la population active dans le siècle à venir suffiraient à maintenir l'activité de l'économie mondiale (Hans Peter Martin et Harald Schumann, Le Piège de la mondialisation, Solin-Actes Sud, 1997).
Son souci fut donc de trouver comment gouverner les 80 % d'êtres humains restants. La solution retenue fut fournie par Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller de Jimmy Carter et fondateur de la Trilatérale, club très fermé de l'internationale capitaliste, qui proposa sous le nom de tittytainment (de entertainment, divertissement et tits, seins en argot américain) d'occuper cette population surnuméraire qui n'a pas à être instruite mais devra acquérir des "compétences" dont la commission européenne estime qu'elles ont "une demi-vie de dix ans, le capital intellectuel se dépréciant de 7 % par an" (Rapport du 24 mai 1991).
C'est bien là un enseignement de l'ignorance (Jean-Claude Michéa, L'Enseignement de l'ignorance et ses conditions modernes, Climats, 2006)."
"Aujourd'hui, on célèbre partout le savoir. Qui sait si, un jour, on ne créera pas des Universités pour rétablir l'ancienne ignorance ?"
Lichtenberg (1742-1799)
- SteredDoyen
Merci !
J'avais pensé aussi au Cancre de Prévert. Et à des citations d'Hugo comme "Celui qui ouvre une porte d'école ferme une prison" ou "les maîtres d'école sont des jardiniers en intelligence humaine".
Je cherche aussi du côté de Neil Gaiman ou de Jules Vallès
J'avais pensé aussi au Cancre de Prévert. Et à des citations d'Hugo comme "Celui qui ouvre une porte d'école ferme une prison" ou "les maîtres d'école sont des jardiniers en intelligence humaine".
Je cherche aussi du côté de Neil Gaiman ou de Jules Vallès
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"Il nous faut arracher la joie aux jours qui filent." Maïakovski
- DeliaEsprit éclairé
Tout l'Enfant de Vallès, les pages de Louis Lambert sur la scolarité chez les Oratoriens de Vendôme, Les Deux nigauds, de la Comtesse de Ségur, le début du Grand Meaulnes, Claudine à l'école de Colette, les poèmes de Prèvert;
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Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.
Amadou Hampaté Ba
- SteredDoyen
Merci Je ne connaissais pas la lettre de Camus et je n'avais pas pensé à Colette, ni à la Comtesse !
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"Il nous faut arracher la joie aux jours qui filent." Maïakovski
- DeliaEsprit éclairé
J'ai oublié la Guerre des boutonsdont l'auteur était instituteur.
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Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.
Amadou Hampaté Ba
- Robin54Niveau 7
+1 pour Le Grand Meaulnes.
Le poème de Charpentreau est-il dans le recueil Poèmes d'aujourd'hui pour les enfants de maintenant ? (Que j'aime ce titre entre parenthèses !)
Le poème de Charpentreau est-il dans le recueil Poèmes d'aujourd'hui pour les enfants de maintenant ? (Que j'aime ce titre entre parenthèses !)
- InvitéInvité
J'adore ce passage de Charles Péguy sur son entrée en sixième et sur le latin (dans L'Argent):
"Le fils de bourgeoisie qui entre en sixième comme il a des bonnes et du même mouvement ne peut pas se représenter ce point de croisement que pouvait être pour moi d’entrer ou de ne pas entrer en sixième ; et ce point d’invention, d’y entrer. J’étais déjà parti, j’avais déjà dérapé sur l’autre voie, j’étais perdu quand M. Naudy, avec cet entêtement de fondateur, avec cette sorte de rude brutalité qui faisaient vraiment de lui un patron et un maître, réussit à me ressaisir et à me renvoyer en sixième. Après mon certificat d’études on m’avait naturellement placé, je veux dire qu'on m’avait mis à l'École primaire supérieure d’Orléans (que d’écoles, mais il faut bien étudier), (qui se nommait alors l’École professionnelle). M. Naudy me rattrapa si je puis dire par la peau du cou et avec une bourse municipale me fit entrer en sixième à Pâques, dans l’excellente sixième de M. Guerrier. « Il faut qu’il fasse du latin », avait-il dit : c’est la même forte parole qui aujourd’hui retentit victorieusement en France de nouveau depuis quelques années. Ce fut pour moi cette entrée dans cette sixième à Pâques, l’étonnement, la nouveauté devant rosa, rosae, l’ouverture de tout un monde, tout autre, de tout un nouveau monde, voilà ce qu’il faudrait dire, mais voilà ce qui m’entraînerait dans des tendresses. Le grammairien qui une fois la première ouvrit la grammaire latine sur la déclinaison de rosa, rosae n’a jamais su sur quels parterres de fleurs il ouvrait l’âme de l’enfant.
Je devais retrouver presque tout au long de l’enseignement secondaire cette grande bonté affectueuse et paternelle, cette idée du patron et du maître que nous avions trouvée chez tous nos maîtres de l’enseignement primaire. Guerrier, Simore, Doret en sixième, en cinquième, en quatrième. Et en troisième ce tout à fait excellent homme qui arrivait des Indes occidentales et dont il faudra que je retrouve le nom. Il arrivait proprement des îles. Cette grande bonté, cette grande piété descendante de tuteur et de père, cette sorte d’avertissement constant, cette longue et patiente et douce fidélité paternelle, un des tout à fait plus beaux sentiments de l'homme qu’il y ait dans le monde, je l’avais trouvée tout au long de cette petite école primaire annexée à l’École normale d’instituteurs d’Orléans. Je la retrouvai presque tout au long du lycée d’Orléans. Je la retrouvai à Lakanal, éminemment chez le père Édet, et alors poussée pour ainsi dire en lui à son point de perfection. Je la retrouvai à Sainte-Barbe. Je la retrouvai à Louis-le-Grand, notamment chez Bompard. Je la retrouvai à l’École, notamment chez un homme comme Bédier, et chez un homme comme Georges Lyon."
"Le fils de bourgeoisie qui entre en sixième comme il a des bonnes et du même mouvement ne peut pas se représenter ce point de croisement que pouvait être pour moi d’entrer ou de ne pas entrer en sixième ; et ce point d’invention, d’y entrer. J’étais déjà parti, j’avais déjà dérapé sur l’autre voie, j’étais perdu quand M. Naudy, avec cet entêtement de fondateur, avec cette sorte de rude brutalité qui faisaient vraiment de lui un patron et un maître, réussit à me ressaisir et à me renvoyer en sixième. Après mon certificat d’études on m’avait naturellement placé, je veux dire qu'on m’avait mis à l'École primaire supérieure d’Orléans (que d’écoles, mais il faut bien étudier), (qui se nommait alors l’École professionnelle). M. Naudy me rattrapa si je puis dire par la peau du cou et avec une bourse municipale me fit entrer en sixième à Pâques, dans l’excellente sixième de M. Guerrier. « Il faut qu’il fasse du latin », avait-il dit : c’est la même forte parole qui aujourd’hui retentit victorieusement en France de nouveau depuis quelques années. Ce fut pour moi cette entrée dans cette sixième à Pâques, l’étonnement, la nouveauté devant rosa, rosae, l’ouverture de tout un monde, tout autre, de tout un nouveau monde, voilà ce qu’il faudrait dire, mais voilà ce qui m’entraînerait dans des tendresses. Le grammairien qui une fois la première ouvrit la grammaire latine sur la déclinaison de rosa, rosae n’a jamais su sur quels parterres de fleurs il ouvrait l’âme de l’enfant.
Je devais retrouver presque tout au long de l’enseignement secondaire cette grande bonté affectueuse et paternelle, cette idée du patron et du maître que nous avions trouvée chez tous nos maîtres de l’enseignement primaire. Guerrier, Simore, Doret en sixième, en cinquième, en quatrième. Et en troisième ce tout à fait excellent homme qui arrivait des Indes occidentales et dont il faudra que je retrouve le nom. Il arrivait proprement des îles. Cette grande bonté, cette grande piété descendante de tuteur et de père, cette sorte d’avertissement constant, cette longue et patiente et douce fidélité paternelle, un des tout à fait plus beaux sentiments de l'homme qu’il y ait dans le monde, je l’avais trouvée tout au long de cette petite école primaire annexée à l’École normale d’instituteurs d’Orléans. Je la retrouvai presque tout au long du lycée d’Orléans. Je la retrouvai à Lakanal, éminemment chez le père Édet, et alors poussée pour ainsi dire en lui à son point de perfection. Je la retrouvai à Sainte-Barbe. Je la retrouvai à Louis-le-Grand, notamment chez Bompard. Je la retrouvai à l’École, notamment chez un homme comme Bédier, et chez un homme comme Georges Lyon."
- DeliaEsprit éclairé
Dans le Chiffre de nos jours, André Chamson, relate le mouvement inverse : fils de bourgeois ruinés, au lieu d'entrer en sixième au lycée d'Alès et y faire du latin, il se retrouve à l'école du village, « l'école de tout le monde ».
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Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.
Amadou Hampaté Ba
- CeladonDemi-dieu
Chez Pagnol il doit bien y avoir aussi quelques bonnes pages ?
@Robin54 Le poème fait partie du recueil La ville enchantée. Mais je ne saurais te dire s'il est dans le tome 1 ou dans le 2...
@Robin54 Le poème fait partie du recueil La ville enchantée. Mais je ne saurais te dire s'il est dans le tome 1 ou dans le 2...
- SteredDoyen
Merci à tous pour votre aide !
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"Il nous faut arracher la joie aux jours qui filent." Maïakovski
- PointàlaligneExpert
Sans oublier Le Livre de mon ami...
- Spoiler:
- Le doux Anatole France a écrit:
Je vais vous dire ce que me rappellent, tous les ans, le ciel agité de l’automne, les premiers dîners à la lampe et les feuilles qui jaunissent dans les arbres qui frissonnent ; je vais vous dire ce que je vois quand je traverse le Luxembourg dans les premiers jours d’octobre, alors qu’il est un peu triste et plus beau que jamais ; car c’est le temps où les feuilles tombent une à une sur les blanches épaules des statues. Ce que je vois alors dans ce jardin, c’est un petit bonhomme qui, les mains dans les poches et sa gibecière au dos, s’en va au collège en sautillant comme un moineau. Ma pensée seule le voit ; car ce petit bonhomme est une ombre ; c’est l’ombre du moi que j’étais il y a vingt-cinq ans. Vraiment, il m’intéresse, ce petit : quand il existait, je ne me souciais guère de lui ; mais, maintenant qu’il n’est plus, je l’aime bien. Il valait mieux, en somme, que les autres moi que j’ai eus après avoir perdu celui-là. Il était bien étourdi ; mais il n’était pas méchant et je dois lui rendre cette justice qu’il ne m’a pas laissé un seul mauvais souvenir ; c’est un innocent que j’ai perdu : il est bien naturel que je le regrette ; il est bien naturel que je le voie en pensée et que mon esprit s’amuse à ranimer son souvenir.
Il y a vingt-cinq ans, à pareille époque, il traversait, avant huit heures, ce beau jardin pour aller en classe. Il avait le cœur un peu serré : c’était la rentrée.
Pourtant, il trottait, ses livres sur son dos, et sa toupie dans sa poche. L’idée de revoir ses camarades lui remettait de la joie au cœur. Il avait tant de choses à dire et à entendre ! Ne lui fallait-il pas savoir si Laboriette avait chassé pour de bon dans la forêt de l’Aigle ? Ne lui fallait-il pas répondre qu’il avait, lui, monté à cheval dans les montagnes d’Auvergne ? Quand on fait une pareille chose, ce n’est pas pour la tenir cachée. Et puis c’est si bon de retrouver des camarades ! Combien il lui tardait de revoir Fontanet, son ami, qui se moquait si gentiment de lui, Fontanet qui, pas plus gros qu’un rat et plus ingénieux qu’Ulysse, prenait partout la première place avec une grâce naturelle !
Il se sentait tout léger, à la pensée de revoir Fontanet. C’est ainsi qu’il traversait le Luxembourg dans l’air frais du matin. Tout ce qu’il voyait alors, je le vois aujourd’hui. C’est le même ciel et la même terre ; les choses ont leur âme d’autrefois, leur âme qui m’égaye et m’attriste, et me trouble ; lui seul n’est plus.
C’est pourquoi, à mesure que je vieillis, je m’intéresse de plus en plus à la rentrée des classes.
Si j’avais été pensionnaire dans un lycée, le souvenir de mes études me serait cruel et je le chasserais. Mais mes parents ne me mirent point à ce bagne. J’étais externe dans un vieux collège un peu monacal et caché ; je voyais chaque jour la rue et la maison et n’étais point retranché, comme les pensionnaires, de la vie publique et de la vie privée. Aussi, mes sentiments n’étaient point d’un esclave ; ils se développaient avec cette douceur et cette force que la liberté donne à tout ce qui croît en elle. Il ne s’y mêlait pas de haine. La curiosité y était bonne et c’est pour aimer que je voulais connaître. Tout ce que je voyais en chemin dans la rue, les hommes, les bêtes, les choses, contribuait, plus qu’on ne saurait croire, à me faire sentir la vie dans ce qu’elle a de simple et de fort.
Rien ne vaut la rue pour faire comprendre à un enfant la machine sociale. Il faut qu’il ait vu, au matin, les laitières, les porteurs d’eau, les charbonniers ; il faut qu’il ait examiné les boutiques de l’épicier, du charcutier et du marchand de vin ; il faut qu’il ait vu passer les régiments, musique en tête ; il faut enfin qu’il ait humé l’air de la rue, pour sentir que la loi du travail est divine et qu’il faut que chacun fasse sa tâche en ce monde. J’ai conservé de ces courses du matin et du soir, de la maison au collège et du collège à la maison, une curiosité affectueuse pour les métiers et les gens de métier.
- OudemiaBon génie
Delia a écrit:Dans le Chiffre de nos jours, André Chamson, relate le mouvement inverse : fils de bourgeois ruinés, au lieu d'entrer en sixième au lycée d'Alès et y faire du latin, il se retrouve à l'école du village, « l'école de tout le monde ».
Pointàlaligne a écrit:Sans oublier Le Livre de mon ami...
- Spoiler:
Le doux Anatole France a écrit:
Je vais vous dire ce que me rappellent, tous les ans, le ciel agité de l’automne, les premiers dîners à la lampe et les feuilles qui jaunissent dans les arbres qui frissonnent ; je vais vous dire ce que je vois quand je traverse le Luxembourg dans les premiers jours d’octobre, alors qu’il est un peu triste et plus beau que jamais ; car c’est le temps où les feuilles tombent une à une sur les blanches épaules des statues. Ce que je vois alors dans ce jardin, c’est un petit bonhomme qui, les mains dans les poches et sa gibecière au dos, s’en va au collège en sautillant comme un moineau. Ma pensée seule le voit ; car ce petit bonhomme est une ombre ; c’est l’ombre du moi que j’étais il y a vingt-cinq ans. Vraiment, il m’intéresse, ce petit : quand il existait, je ne me souciais guère de lui ; mais, maintenant qu’il n’est plus, je l’aime bien. Il valait mieux, en somme, que les autres moi que j’ai eus après avoir perdu celui-là. Il était bien étourdi ; mais il n’était pas méchant et je dois lui rendre cette justice qu’il ne m’a pas laissé un seul mauvais souvenir ; c’est un innocent que j’ai perdu : il est bien naturel que je le regrette ; il est bien naturel que je le voie en pensée et que mon esprit s’amuse à ranimer son souvenir.
Il y a vingt-cinq ans, à pareille époque, il traversait, avant huit heures, ce beau jardin pour aller en classe. Il avait le cœur un peu serré : c’était la rentrée.
Pourtant, il trottait, ses livres sur son dos, et sa toupie dans sa poche. L’idée de revoir ses camarades lui remettait de la joie au cœur. Il avait tant de choses à dire et à entendre ! Ne lui fallait-il pas savoir si Laboriette avait chassé pour de bon dans la forêt de l’Aigle ? Ne lui fallait-il pas répondre qu’il avait, lui, monté à cheval dans les montagnes d’Auvergne ? Quand on fait une pareille chose, ce n’est pas pour la tenir cachée. Et puis c’est si bon de retrouver des camarades ! Combien il lui tardait de revoir Fontanet, son ami, qui se moquait si gentiment de lui, Fontanet qui, pas plus gros qu’un rat et plus ingénieux qu’Ulysse, prenait partout la première place avec une grâce naturelle !
Il se sentait tout léger, à la pensée de revoir Fontanet. C’est ainsi qu’il traversait le Luxembourg dans l’air frais du matin. Tout ce qu’il voyait alors, je le vois aujourd’hui. C’est le même ciel et la même terre ; les choses ont leur âme d’autrefois, leur âme qui m’égaye et m’attriste, et me trouble ; lui seul n’est plus.
C’est pourquoi, à mesure que je vieillis, je m’intéresse de plus en plus à la rentrée des classes.
Si j’avais été pensionnaire dans un lycée, le souvenir de mes études me serait cruel et je le chasserais. Mais mes parents ne me mirent point à ce bagne. J’étais externe dans un vieux collège un peu monacal et caché ; je voyais chaque jour la rue et la maison et n’étais point retranché, comme les pensionnaires, de la vie publique et de la vie privée. Aussi, mes sentiments n’étaient point d’un esclave ; ils se développaient avec cette douceur et cette force que la liberté donne à tout ce qui croît en elle. Il ne s’y mêlait pas de haine. La curiosité y était bonne et c’est pour aimer que je voulais connaître. Tout ce que je voyais en chemin dans la rue, les hommes, les bêtes, les choses, contribuait, plus qu’on ne saurait croire, à me faire sentir la vie dans ce qu’elle a de simple et de fort.
Rien ne vaut la rue pour faire comprendre à un enfant la machine sociale. Il faut qu’il ait vu, au matin, les laitières, les porteurs d’eau, les charbonniers ; il faut qu’il ait examiné les boutiques de l’épicier, du charcutier et du marchand de vin ; il faut qu’il ait vu passer les régiments, musique en tête ; il faut enfin qu’il ait humé l’air de la rue, pour sentir que la loi du travail est divine et qu’il faut que chacun fasse sa tâche en ce monde. J’ai conservé de ces courses du matin et du soir, de la maison au collège et du collège à la maison, une curiosité affectueuse pour les métiers et les gens de métier.
J'allais citer ces deux auteurs que j'aime beaucoup !
Chamson avait été, jusqu'en 7e, dans les classes enfantines du lycée d'Alès, comme cela existait à l'époque, et pour lui, aller à l'école de tout le monde c'était déchoir, mais il dit de très belles choses sur le maître qu'il a eu là, et sur ses camarades.
- HS - Autre histoire:
Je connais un nonagénaire, excellent élève d'une classe enfantine dans un lycée parisien, qui, en 1939, s'est retrouvé dans une école de village où il en savait plus que les grands gaillards du certif ! L'instituteur était très bien, mais le vieux monsieur actuel n'a pas encore surmonté le traumatisme de cette année-là (sans compter le fait que pendant un an il avait réussi sans travail, et a eu du mal à perdre cette habitude ensuite !).
Il doit y avoir d'autres pages d' A.France qui conviendraient, dans Le petit Pierre, ou dans Pierre Nozière, je n'ai pas le temps de chercher maintenant, mais je vous invite à découvrir.
- ElaïnaDevin
Sortie d'école au XIXe siècle...
"Le caractère léger de l’enfance, si difficilement contenu pendant les heures ennuyeuses de l’étude, éclate alors, pour ainsi dire, en cris, chansons et espiègleries, à mesure que ces petits démons se rassemblent par groupes sur le terrain consacré à leurs amusements, et arrangent leurs parties de plaisir pour la soirée. Mais il est un individu qui jouit aussi de l’intervalle de relâche que procure le renvoi de l’école, et dont les sensations ne sont pas aussi évidentes à l’œil du spectateur, ni aussi propres à exciter la sympathie : je veux parler du magister lui-même, qui, la tête étourdie par le bourdonnement des enfants, et la poitrine suffoquée par l’air renfermé de l’école, a passé tout le jour, seul contre une armée, à réprimer la pétulance, à exciter l’insouciance, à tâcher d’éclairer la stupidité et de vaincre l’obstination, et dont l’intelligence même, quelque forte qu’elle puisse être, a été confondue en entendant la même leçon fastidieuse répétée cent fois, sans autre variation que celle des diverses bévues des écoliers. Les fleurs même du génie classique, qui font le plus grand charme de son imagination dans les moments de solitude, ont perdu tout leur éclat et leur parfum en se mêlant aux pleurs, aux fautes et aux punitions ; en sorte que les églogues de Virgile et les odes d’Horace se trouvent inséparablement liées avec la figure boudeuse et le ton monotone d’un écolier bredouilleur. Si à ces peines de l’esprit on ajoute celles d’un corps faible et délicat, et une âme qui aspire à une distinction plus élevée que celle d’être le tyran de l’enfance, on pourra se faire quelque idée du soulagement qu’une promenade solitaire, faite dans une belle et fraîche soirée d’été, procure à une tête qui a souffert et à des nerfs ébranlés pendant tant d’heures de la journée dans la pénible tâche de l’enseignement public".
Walter Scott, Le vieillard des tombeaux.
"Le caractère léger de l’enfance, si difficilement contenu pendant les heures ennuyeuses de l’étude, éclate alors, pour ainsi dire, en cris, chansons et espiègleries, à mesure que ces petits démons se rassemblent par groupes sur le terrain consacré à leurs amusements, et arrangent leurs parties de plaisir pour la soirée. Mais il est un individu qui jouit aussi de l’intervalle de relâche que procure le renvoi de l’école, et dont les sensations ne sont pas aussi évidentes à l’œil du spectateur, ni aussi propres à exciter la sympathie : je veux parler du magister lui-même, qui, la tête étourdie par le bourdonnement des enfants, et la poitrine suffoquée par l’air renfermé de l’école, a passé tout le jour, seul contre une armée, à réprimer la pétulance, à exciter l’insouciance, à tâcher d’éclairer la stupidité et de vaincre l’obstination, et dont l’intelligence même, quelque forte qu’elle puisse être, a été confondue en entendant la même leçon fastidieuse répétée cent fois, sans autre variation que celle des diverses bévues des écoliers. Les fleurs même du génie classique, qui font le plus grand charme de son imagination dans les moments de solitude, ont perdu tout leur éclat et leur parfum en se mêlant aux pleurs, aux fautes et aux punitions ; en sorte que les églogues de Virgile et les odes d’Horace se trouvent inséparablement liées avec la figure boudeuse et le ton monotone d’un écolier bredouilleur. Si à ces peines de l’esprit on ajoute celles d’un corps faible et délicat, et une âme qui aspire à une distinction plus élevée que celle d’être le tyran de l’enfance, on pourra se faire quelque idée du soulagement qu’une promenade solitaire, faite dans une belle et fraîche soirée d’été, procure à une tête qui a souffert et à des nerfs ébranlés pendant tant d’heures de la journée dans la pénible tâche de l’enseignement public".
Walter Scott, Le vieillard des tombeaux.
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It took me forty years to realize this. But for guys like us... our lives aren't really our own. There's always someone new to help. Someone we need to protect. These past few years, I fought that fate with all I had. But I'm done fighting. It's time I accept the hand I was dealt. Too many people depend on us. Their dreams depend on us.
Kiryu Kazuma inYakuza 4 Remastered
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