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Cava
Grand sage

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par Cava Mar 1 Nov 2011 - 11:03
Bonjour les néos,

Si par hasard vous ouvrez ce fil, n'hésitez pas y déposer vos coups de coeur!

Je me lance :

Racine, Bérénice, Acte IV, scène 4.

TITUS
N'accablez point, Madame, un prince malheureux.
Il ne faut point ici nous attendrir tous deux.
Un trouble assez cruel m'agite et me dévore,
Sans que des pleurs si chers me déchirent encore.
Rappelez bien plutôt ce cœur, qui tant de fois
M'a fait de mon devoir reconnaître la voix.
Il en est temps. Forcez votre amour à se taire ;
Et d'un œil que la gloire et la raison éclaire
Contemplez mon devoir dans toute sa rigueur.
Vous-même contre vous fortifiez mon cœur ;
Aidez-moi, s'il se peut, à vaincre sa faiblesse,
A retenir des pleurs qui m'échappent sans cesse ;
Ou, si nous ne pouvons commander à nos pleurs,
Que la gloire du moins soutienne nos douleurs ;
Et que tout l'univers reconnaisse sans peine
Les pleurs d'un empereur et les pleurs d'une reine.
Car enfin, ma Princesse, il faut nous séparer.

BERENICE
Ah ! Cruel, est-il temps de me le déclarer ?
Qu'avez-vous fait ? Hélas ! Je me suis crue aimée.
Au plaisir de vous voir mon âme accoutumée
Ne vit plus que pour vous. Ignoriez-vous vos lois,
Quand je vous l'avouai pour la première fois ?
A quel excès d'amour m'avez-vous amenée !
Que ne me disiez-vous : «Princesse infortunée,
Où vas-tu t'engager, et quel est ton espoir ?
Ne donne point un cœur qu'on ne peut recevoir».
Ne l'avez-vous reçu, cruel, que pour le rendre,
Quand de vos seules mains ce cœur voudrait dépendre ?
Tout l'empire a vingt fois conspiré contre nous.
Il était temps encor : que ne me quittiez-vous ?
Mille raisons alors consolaient ma misère :
Je pouvais, de ma mort, accuser votre père,
Le peuple, le sénat, tout l'empire romain,
Tout l'univers, plutôt qu'une si chère main.
Leur haine, dès longtemps contre moi déclarée,
M'avait à mon malheur dès longtemps préparée.
Je n'aurais pas, Seigneur, reçu ce coup cruel
Dans le temps que j'espère un bonheur immortel,
Quand votre heureux amour peut tout ce qu'il désire,
Lorsque Rome se tait, quand votre père expire,
Lorsque tout l'univers fléchit à vos genoux,
Enfin quand je n'ai plus à redouter que vous.


Je suis tour à tour Titus et Bérénice. Mon cœur saigne à l’idée de quitter ma Princesse. Ma raison s’égare lorsque Titus m’apprend qu’il est dorénavant celui qui m’inflige la séparation. Je ne peux m’y résoudre même si je sais que l’inéluctable est en marche.

Je n’arrive pas à quitter ces personnages tragiquement bouleversants.
sunny coeurs

A vous!
Wink


Dernière édition par cavalol le Mer 2 Nov 2011 - 9:01, édité 1 fois
Penny Lane
Penny Lane
Niveau 5

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par Penny Lane Mar 1 Nov 2011 - 11:19
Il y a beaucoup d'extraits qui me touchent mais un en particulier... Ce jeudi, cela fera 11 ans que ma mère nous a quittés. Albert Cohen a su mieux que moi mettre les mots sur cette douleur.

« Fils des mères encore vivantes, n’oubliez plus que vos mères sont mortelles. Je n’aurai pas écrit en vain, si l’un de vous, après avoir lu mon chant de mort est plus doux avec sa mère, un soir, à cause de moi et de ma mère. Soyez doux chaque jour avec votre mère. Aimez-la mieux que je n’ai su aimer ma mère. Que chaque jour vous lui apportiez une joie, c’est ce que je vous dis du droit de mon regret, gravement du haut de mon deuil. Ces paroles que je vous adresse, fils des mères encore vivantes, sont les seules condoléances qu’à moi-même je puisse m’offrir. Pendant qu’il est temps, fils, pendant qu’elle est encore là. Hâtez-vous, car bientôt l’immobilité sera sur sa face imperceptiblement souriante virginalement ».
Le Livre de ma mère, A. Cohen
MrBrightside
MrBrightside
Empereur

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par MrBrightside Mar 1 Nov 2011 - 11:21
On a le droit aux langues étrangères sans traduction? Embarassed
Ava
Ava
Expert spécialisé

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par Ava Mar 1 Nov 2011 - 11:25
"PHÈDRE

Ah! cruel, tu m'as trop entendue.
Je t'en ai dit assez pour te tirer d'erreur.
Eh bien ! connais donc Phèdre et toute sa fureur.
J'aime. Ne pense pas qu'au moment que je t'aime,
Innocente à mes yeux, je m'approuve moi-même,
Ni que du fol amour qui trouble ma raison
Ma lâche complaisance ait nourri le poison.
Objet infortuné des vengeances célestes,
Je m'abhorre encor plus que tu ne me détestes.
Les dieux m'en sont témoins, ces dieux qui dans mon flanc
Ont allumé le feu fatal à tout mon sang,
Ces dieux qui se sont fait une gloire cruelle
De séduire le coeur d'une faible mortelle.
Toi-même en ton esprit rappelle le passé.
C'est peu de t'avoir fui, cruel, je t'ai chassé.
J'ai voulu te paraître odieuse, inhumaine.
Pour mieux te résister, j'ai recherché ta haine.
De quoi m'ont profité mes inutiles soins ?
Tu me haïssais plus, je ne t'aimais pas moins.
Tes malheurs te prêtaient encor de nouveaux charmes.
J'ai langui, j'ai séché, dans les feux, dans les larmes.
Il suffit de tes yeux pour t'en persuader,
Si tes yeux un moment pouvaient me regarder.
Que dis-je ? Cet aveu que je viens de te faire,
Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ?
Tremblante pour un fils que je n'osais trahir,
Je te venais prier de ne le point haïr.
Faibles projets d'un coeur trop plein de ce qu'il aime !
Hélas ! je ne t'ai pu parler que de toi-même.
Venge-toi, punis-moi d'un odieux amour.
Digne fils du héros qui t'a donné le jour,
Délivre l'univers d'un monstre qui t'irrite.
La veuve de Thésée ose aimer Hippolyte !
Crois-moi, ce monstre affreux ne doit point t'échapper.
Voilà mon coeur. C'est là que ta main doit frapper.
Impatient déjà d'expier son offense,
Au-devant de ton bras je le sens qui s'avance.
Frappe. Ou si tu le crois indigne de tes coups,
Si ta haine m'envie un supplice si doux,
Ou si d'un sang trop vil ta main serait trempée,
Au défaut de ton bras prête-moi ton épée.
Donne."

Je l'aime tellement que je la connais par coeur...


_________________
Those who helped me along the way, I smacked 'em as I thanked 'em
Yes, I know I'm going to Hell in a leather jacket
'Least I'll be in another world while you're pissing on my casket


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cannelle21
cannelle21
Grand Maître

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par cannelle21 Mar 1 Nov 2011 - 11:33
Merci Ava pour cet extrait. Quel frisson! Comment dire autrement la passion.
Celeborn
Celeborn
Esprit sacré

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par Celeborn Mar 1 Nov 2011 - 11:35
Je fais langue étrangère avec traduction (et je donne pas l'auteur, comme ça ça fait un jeu supplémentaire Razz) :

« Et en moi aussi, la marée monte. La vague se gonfle, elle se recourbe. Une fois de plus, je sens renaître en moi un nouveau désir ; sous moi quelque chose se redresse comme le cheval fier que son cavalier éperonne et retient tour à tour. Ô toi, ma monture, quel est l'ennemi que nous voyons s'avancer vers nous, en ce moment où tu frappes du sabot le pavé des rues ? C'est la Mort. La Mort est notre ennemi. C'est contre la Mort que je chevauche, l'épée au clair et les cheveux flottant au vent comme ceux d'un jeune homme, comme flottaient au vent les cheveux de Perceval galopant aux Indes. J'enfonce mes éperons dans les flancs de mon cheval. Invaincu, incapable de demander grâce, c'est contre toi que je m'élance, ô Mort. »

_________________
"On va bien lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu'on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça !" (Lewis Carroll)
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doublecasquette
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Enchanteur

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par doublecasquette Mar 1 Nov 2011 - 11:46
Ceci, que j'ai lu et relu et que je relirai encore, à chaque été caniculaire, tant c'est exact. Une fois que j'ai lu cette introduction, je ne m'arrête qu'à la dernière page.



Sur les talus brûlés jusqu'à l'os quelques chardons blancs cliquetaient au passage comme si la terre métallique frémissait à la ronde sous les sabots du cheval. Il n'y avait que ce petit bruit de vertèbre, très craquant malgré le bruit du pas assourdi par la poussière et un silence si total que la présence des grands arbres muets devenait presque irréelle. La selle était brûlante. Le mouvement des sangles faisait mousser de l'écume. La bête suçait son mors et, de temps en temps, se râclait le gosier en secouant la tête. La montée régulière de la chaleur bourdonnait comme d'une chaufferie impitoyablement bourrée de charbon. Le tronc des chênes craquait. Dans le sous-bois sec et nu comme un parquet d'église, inondé de cette lumière blanche sans éclat mais qui aveuglait par sa pulvérulence, la marche du cheval faisait tourner lentement de longs rayons noirs. La route qui serpentait à coups de reins de plus en plus raides pour se hisser à travers de vieux rochers couverts de lichens blancs frappait parfois de la tête du côté du soleil. Alors, dans le ciel de craie s'ouvrait une sorte de gouffre d'une phosphorescence inouïe d'où soufflait une haleine de four et de fièvre, visqueuse, dont on voyait trembler le gluant et le gras. Les arbres énormes disparaissaient dans cet éblouissement; de grands quartiers de forêt engloutis dans la lumière n'apparaissaient plus que comme de vagues feuillages de cendre, sans contours, vagues formes presque transparentes et que la chaleur recouvrait brusquement d'un lent remous de viscosités luisantes. Puis la route tournait vers l'ouest et, soudain rétrécie à la dimension du chemin muletier qu'elle était devenue, elle était pressée d'arbres violents et vifs aux troncs soutenus de piliers d'or, aux branches tordues par des tiges d'or crépitantes, aux feuilles immobiles toutes dorées comme de petits miroirs sertis de minces fils d'or qui en épousaient tous les contours.



On ne va pas jouer aux devinettes, je suppose ?
C'est un extrait du premier chapitre de Le hussard sur le toit de Jean Giono.
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Cava
Grand sage

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par Cava Mar 1 Nov 2011 - 12:08
Penny Lane a écrit:Il y a beaucoup d'extraits qui me touchent mais un en particulier... Ce jeudi, cela fera 11 ans que ma mère nous a quittés. Albert Cohen a su mieux que moi mettre les mots sur cette douleur.

« Fils des mères encore vivantes, n’oubliez plus que vos mères sont mortelles. Je n’aurai pas écrit en vain, si l’un de vous, après avoir lu mon chant de mort est plus doux avec sa mère, un soir, à cause de moi et de ma mère. Soyez doux chaque jour avec votre mère. Aimez-la mieux que je n’ai su aimer ma mère. Que chaque jour vous lui apportiez une joie, c’est ce que je vous dis du droit de mon regret, gravement du haut de mon deuil. Ces paroles que je vous adresse, fils des mères encore vivantes, sont les seules condoléances qu’à moi-même je puisse m’offrir. Pendant qu’il est temps, fils, pendant qu’elle est encore là. Hâtez-vous, car bientôt l’immobilité sera sur sa face imperceptiblement souriante virginalement ».
Le Livre de ma mère, A. Cohen

Penny Lane, tu ne peux pas savoir à quel point je suis sensible à ton témoignage.
J'adore ce livre et ce grand Monsieur.
Merci à toi pour ce cadeau.
bisous

par MrBrightside le Mar 1 Nov - 11:21

On a le droit aux langues étrangères sans traduction?


Mr B., j'adore toutes les langues ...

Spoiler:

Ne te gêne surtout pas. Razz Tu reviens quand tu veux. nutella

Merci pour vos extraits, je vibre avec vous les néos.
Wink
JPhMM
JPhMM
Demi-dieu

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par JPhMM Mar 1 Nov 2011 - 12:14
Celeborn a écrit:Je fais langue étrangère avec traduction (et je donne pas l'auteur, comme ça ça fait un jeu supplémentaire Razz) :

« Et en moi aussi, la marée monte. La vague se gonfle, elle se recourbe. Une fois de plus, je sens renaître en moi un nouveau désir ; sous moi quelque chose se redresse comme le cheval fier que son cavalier éperonne et retient tour à tour. Ô toi, ma monture, quel est l'ennemi que nous voyons s'avancer vers nous, en ce moment où tu frappes du sabot le pavé des rues ? C'est la Mort. La Mort est notre ennemi. C'est contre la Mort que je chevauche, l'épée au clair et les cheveux flottant au vent comme ceux d'un jeune homme, comme flottaient au vent les cheveux de Perceval galopant aux Indes. J'enfonce mes éperons dans les flancs de mon cheval. Invaincu, incapable de demander grâce, c'est contre toi que je m'élance, ô Mort. »

Spoiler:

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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke

Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
MrBrightside
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Empereur

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par MrBrightside Mar 1 Nov 2011 - 12:23
Alors j'y vais!

And now, when I see her searching the garbage-for what? The thing we assassinated? I talk about how I did not plant the seeds too deeply, how it was the fault of the earth, the land, of our town. I even think now that the land of the entire country was hostile to marigolds that year. This soil is bad for certain kind of flowers. Certain seeds it will not nurture, certain fruit it will not bear, and when the land kills of its own volition, we acquiese and say the victim had no right to live. We are wrong of course, but it does not matter. It's too late. At least on the edge of my town, among the garbage and the sunflowers of my town, it is much, much, much too late.

C'est du Toni Morrison, mais comme ce sont les dernières lignes du roman, je ne donne pas le titre Wink
C'est beau, triste, et à vous dégouter d'être humain.
Celeborn
Celeborn
Esprit sacré

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par Celeborn Mar 1 Nov 2011 - 12:29
C'est ça, JPhMM Wink


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Rikki
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par Rikki Mar 1 Nov 2011 - 12:34
Quatre petites lignes qui m'ont toujours sciée :


Nous nous sommes dit vous
Nous nous sommes dit tu
Nous nous sommes dit tout
Puis, nous nous sommes tus.

_________________
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Le grincheux
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par Le grincheux Mar 1 Nov 2011 - 12:37
Toujours quand aux matins obscènes
Entre les jambes de la Seine
Comme une noyée aux yeux fous
De la brume de vos poèmes
L'Île Saint-Louis se lève blême
Baudelaire Je pense à vous

Lorsque j'appris à voir les choses
Ô lenteur des métamorphoses
C'est votre Paris que je vis
Il fallait pour que Paris change
Comme bleuissent les oranges
Toute la longueur de ma vie

Mais pour courir ses aventures
La ville a jeté sa ceinture
De murs d'herbe verte et de vent
Elle a fardé son paysage
Comme une fille son visage
Pour séduire un nouvel amant

Rien n'est plus à la même place
Et l'eau des fontaines Wallace
Pleure après le marchand d'oublies
Qui criait le plaisir mesdames
Quand les pianos faisaient des gammes
Dans les salons à panoplies

Où sont les grandes tapissières
Les mirlitons dans la poussière
Où sont les noces en chansons
Où sont les mules de Réjane
On ne s'en va plus à dos d'âne
Dîner dans l'herbe à Robinson

Devant la foule des fortifs
Il a fui le ballon captif
Le ciel était comme un grand trou
Toutes les rengaines sont mortes
Le caf'con a fermé ses portes
Luna-Park et la Grande -Roue

La belle Lanthelme où est-elle
Qu'on enterra dans ses dentelles
Et couverte de ses bijoux
Les yeux ouverts sous la voilette
Comme un bouquet de violettes
Un lait pâle peignant ses joues

Il en trembla comme un feuille
Le voleur brisant le cercueil
Qui vit tout cela devant lui
Parfums profonds qui s'exhalèrent
Ah comme encore elle a dû plaire
À ce visiteur de minuit

Il faut pardonner à cet homme
N'était-il pas ce que nous sommes
Pensant à nos jeunes années
Nous remuons nos propres cendres
Et c'est toujours un peu descendre
Dans une tombe profanée

Qu'est-ce que cela peut te faire
On ne choisit pas son enfer
En arrière à quoi bon chercher
Qu'autrefois sans toi se consume
C'est ici que ton sort s'allume
On ne choisit pas son bûcher

Ôte à la nuit ses longs gants noirs
Mets la pierre sur ta mémoire
Ton pieds sur la blancheur des os
Détourne-toi de ce sommeil
Lève haut te lampe et réveille
Les arbres d'encre et leurs oiseaux

À tes pas les nuages bougent
Va-t'en dans la rue à l'œil rouge
Le monde saigne devant toi
Tu marches dans un jour barbare
Le temps présent brûle au snack-bar
Son aube pourpre est sur les toits

Les grands boulevards s'illuminent
De corail et d'aigue-marine
Par un miracle d'harmonie
Qui jette une torche aux fenêtres
Et fait des lèvres de salpêtre
Aux morts-vivants de l'insomnie

Cette nuit n'est plus qu'un strip-tease
Un linge sombre une chemise
Qui s'envole sur un corps nu
Et les maisons montrent leur hanche
Dans la réclame jaune et blanche
Incendiant les avenues

Les femmes de bronze et de pierre
Que déshabille la lumière
D'un pont à l'autre de Paris
Se penchant sur les bateaux-mouche
Dont les projecteurs effarouchent
À terre les couples surpris

Au diable la beauté lunaire
Et les ténèbres millénaires
Plein feu dans les Champs-Élysées
Voici le nouveau carnaval
Où l'électricité ravale
Les édifices embrasés

Pleins feux sur l'homme et sur la femme
Sur le Louvre et sur Notre-Dame
Du Sacré-Cœur au Panthéon
Plein de la Concorde aux Ternes
Pleins feux sur l'univers moderne
Pleins feux sur notre âme au néon

Pleins feux sur la noirceur des songes
Pleins feux sur les arts du mensonge
Flambe perpétuel été
Flambe de notre flamme humaine
Et que partout nos mains ramènent
Le soleil de la vérité

Il n'y a pas à dire, c'est largement mieux que du Totor. Je ne garantis l'exactitude du texte, c'est de mémoire. Et si vous êtes bien sages, je vous en mettrai un autre Very Happy

_________________
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Cava
Grand sage

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par Cava Mar 1 Nov 2011 - 12:40
Merci Celeborn de cet extrait "virginien" Rolling Eyes et merci à toi JPhMM pour tes indices redoutables! bisous
Mr B. , c'est effectivement magnifique mais désespemment noir! Wink

XXI

C’est alors qu’apparut le renard :

« Bonjour, dit le renard.

— Bonjour, répondit poliment le petit prince, qui se tourna mais ne vit rien.

— Je suis là, dit la voix, sous le pommier...

— Qui es-tu ? dit le petit prince. Tu es bien joli…

— Je suis un renard, dit le renard.

— Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince. Je suis tellement triste…

— Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne suis pas apprivoisé.

— Ah ! pardon », fit le petit prince.

Mais après réflexion, il ajouta :

« Qu’est-ce que signifie « apprivoiser » ?

— Tu n’es pas d’ici, dit le renard, que cherches-tu ?

— Je cherche les hommes, dit le petit prince. Qu’est-ce que signifie « apprivoiser » ?

— Les hommes, dit le renard, ils ont des fusils et ils chassent. C’est bien gênant ! Ils élèvent aussi des poules. C’est leur seul intérêt. Tu cherches des poules ?

— Non, dit le petit prince. Je cherche des amis. Qu’est-ce que signifie « apprivoiser » ?

— C’est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie « Créer des liens… »

— Créer des liens ?

— Bien sûr, dit le renard. Tu n’es encore pour moi qu’un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n’ai pas besoin de toi. Et tu n’a pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu’un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde…

— Je commence à comprendre, dit le petit prince. Il y a une fleur… je crois qu’elle m’a apprivoisé…

— C’est possible, dit le renard. On voit sur la Terre toutes sortes de choses…

— Oh ! ce n’est pas sur la Terre », dit le petit prince.

Le renard parut très intrigué :

« Sur une autre planète ?

— Oui.

— Il y a des chasseurs sur cette planète-là ?

— Non.

— Ça, c’est intéressant ! Et des poules ?

— Non.

— Rien n’est parfait », soupira le renard.

Mais le renard revint à son idée :

« Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent, et tous les hommes se ressemblent. Je m’ennuie donc un peu. Mais si tu m’apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m’appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis regarde ! Tu vois, là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c’est triste ! Mais tu a des cheveux couleur d’or. Alors ce sera merveilleux quand tu m’auras apprivoisé ! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j’aimerai le bruit du vent dans le blé… »

Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince :

« S’il te plaît… apprivoise-moi ! dit-il.

— Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n’ai pas beaucoup de temps. J’ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître.

— On ne connaît que les choses que l’on apprivoise, dit le renard. Les hommes n’ont plus le temps de rien connaître. Il achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n’existe point de marchands d’amis, les hommes n’ont plus d’amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi !

— Que faut-il faire ? dit le petit prince.

— Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t’assoiras d’abord un peu loin de moi, comme ça, dans l’herbe. Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t’asseoir un peu plus près… »

Le lendemain revint le petit prince.

« Il eût mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens, par exemple, à quatre heures de l’après-midi, dès trois heures je commencerai d’être heureux. Plus l’heure avancera, plus je me sentirai heureux. À quatre heures, déjà, je m’agiterai et m’inquiéterai ; je découvrira le prix du bonheur ! Mais si tu viens n’importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m’habiller le cœur… il faut des rites.

— Qu’est-ce qu’un rite ? dit le petit prince.

— C’est aussi quelque chose de trop oublié, dit le renard. C’est ce qui fait qu’un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures. Il y a un rite, par exemple, chez mes chasseurs. Ils dansent le jeudi avec les filles du village. Alors le jeudi est jour merveilleux ! Je vais me promener jusqu’à la vigne. Si les chasseurs dansaient n’importe quand, les jours se ressembleraient tous, et je n’aurais point de vacances. »

Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l’heure du départ fut proche :

« Ah ! dit le renard… je pleurerai.

— C’est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t’apprivoise…

— Bien sûr, dit le renard.

— Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.

— Bien sûr, dit le renard.

— Alors tu n’y gagnes rien !

— J’y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé. »

Puis il ajouta :

« Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d’un secret. »

Le petit prince s’en fut revoir les roses.

« Vous n’êtes pas du tout semblables à ma rose, vous n’êtes rien encore, leur dit-il. Personne ne vous a apprivoisées et vous n’avez apprivoisé personne. Vous êtes comme était mon renard. Ce n’était qu’un renard semblable à cent mille autres. Mais j’en ai fait mon ami, et il est maintenant unique au monde. »

Et les roses étaient bien gênées.

« Vous êtes belles mais vous êtes vides, leur dit-il encore. On ne peut pas mourir pour vous. Bien sûr, ma rose à moi, un passant ordinaire croirait qu’elle vous ressemble. Mais à elle seule elle est plus importante que vous toutes, puisque c’est elle que j’ai arrosée. Puisque c’est elle que j’ai mise sous globe, Puisque c’est elle que j’ai abritée par le paravent. Puisque c’est elle dont j’ai tué les chenilles (sauf les deux ou trois pour les papillons). Puisque c’est elle que j’ai écoutée se plaindre, ou se vanter, ou même quelquefois se taire. Puisque c’est ma rose. »

Et il revint vers le renard :

« Adieu, dit-il…

— Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.

— L’essentiel est invisible pour les yeux, répéta le petit prince, afin de se souvenir.

— C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.

— C’est le temps que j’ai perdu pour ma rose… fit le petit prince, afin de se souvenir.

— Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard. Mais tu ne dois pas l’oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose…

— Je suis responsable de ma rose… » répéta le petit prince, afin de se souvenir.

Un extrait plus léger pour vous tenir chaud au coeur!
A chaque nouvelle relecture, je me dis :" Ah oui, comment ai-je pu oublier la beauté de ces mots!"

coeurs
Le grincheux
Le grincheux
Sage

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par Le grincheux Mar 1 Nov 2011 - 12:56
Un autre pour la route...

Coucher avec elle
Pour le sommeil côte à côte
Pour les rêves parallèles
Pour la double respiration

Coucher avec elle
Pour l’ombre unique et surprenante
Pour la même chaleur
Pour la même solitude

Coucher avec elle
Pour l’aurore partagée
Pour le minuit identique
Pour les mêmes fantômes

Coucher coucher avec elle
Pour l’amour absolu
Pour le vice pour le vice
Pour les baisers de toute espèce

Coucher avec elle
Pour un naufrage ineffable
Pour se prouver et prouver vraiment
Que jamais n’a pesé sur l’âme et le corps des amants
Le mensonge d’une tache originelle

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par Palombella Rossa Mar 1 Nov 2011 - 13:04
Claudel, Tête d'or, 3eme journée

LA PRINCESSE : (…) Je suis là depuis longtemps.
Pourquoi je meurs, je ne sais.
Mais vous, je vous ai appelé
Pour vous dire que vous mourez justement.
Parce que c'est moi qui devrais être Reine et non pas vous le Roi.
Et aujourd'hui nous mourons tous les deux en un même lieu.
(…)
O Tête d'Or !
Je suis contente que tu aies tué mon père !
O heureuse que je suis ! C'est toi
Qui m'as pris mon siège royal, et c'est par toi
Que j'ai usé mes pieds sur tous les chemins, dans la confusione tla pauvreté, méprisée, contredite, outragée, et que je suis arrivée jusqu'ici et que je meurs !
Et j'aurais voulu que ce fût toi aussi qui m'eusses clouée à cet arbre, et j'aurais fermé les yeux pour mieux sentir.
Et en t'aimant jeserais morte en silence.
Mon très cher ! mon bien très précieux !
Vois-tu, cette peine que tu me fis ne fut pas inutile. Je meurs vraiment comme toi !
Le grincheux
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par Le grincheux Mar 1 Nov 2011 - 13:06
Chose promise, chose due... Je ne mets pas l'auteur, c'est facile.

Je me tiens sur le seuil de la vie et de la mort les yeux baissés les mains vides
Et la mer dont j'entends le bruit est une mer qui ne rend jamais ses noyés
Et l'on va disperser mon âme après moi vendre à l'encan mes rêves broyés
Voilà déjà que mes paroles sèchent comme une feuille à ma lèvre humide

J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon cœur quatre fois y battre
Quitte à en en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre

J'ai choisi de donner à mes vers cette envergure de crucifixion
Et qu'en tombe au hasard la chance n'importe où sur moi le couteau des césures
Il me faut bien à la fin des fins atteindre une mesure à ma démesure
Pour à la taille de la réalité faire un manteau de mes fictions

Cette vie aura passé comme un grand château triste que tous les vents traversent
Les courants d'air claquent les portes et pourtant aucune chambre n'est fermée
Il s'y assied des inconnus pauvres et las qui sait pourquoi certains armés
Les herbes ont poussé dans les fossés si bien qu'on ne peut plus baisser la herse

Dans cette demeure en tout cas anciens ou nouveaux nous ne sommes pas chez nous
Personne à coup sûr ne sait ce qui le mène ici tout peut-être n'est qu'un songe
Certains ont froid d'autres ont faim la plupart des gens ont un secret qui les ronge
De temps en temps passent des rois sans visage On se met devant eux à genoux

Quand j'étais jeune on me racontait que bientôt viendrait la victoire des anges
Ah comme j'y ai cru comme j'y ai cru puis voilà que je suis devenu vieux
Le temps des jeunes gens leur est une mèche toujours retombant dans les yeux
Et ce qui l'en reste aux vieillards est trop lourd et trop court que pour eux le vent change

Ils s'interrogent sur l'essentiel sur ce qui vaut encore qu'on s'y voue
Ils voient le peu qu'ils ont fait parcourant ce chantier monstrueux qu'ils abandonnent
L'ombre préférée à la proie ô pauvre gens l'avenir qui n'est à personne
Petits qui jouez dans la rue enfants quelle pitié sans borne j'ai de vous

Je vois tout ce que vous avez devant vous de malheur de sang de lassitude
Vous n'aurez rien appris de nos illusions rien de nos faux pas compris
Nous ne vous aurons à rien servi vous devrez à votre tour payer le prix
Je vois se plier votre épaule À votre front je vois le plis des habitudes

Bien sûr vous me direz que c'est toujours comme cela mais justement
Songez à tous ceux qui mirent leurs doigts vivants leurs mains de chair dans l'engrenage
Pour que cela change et songez à ceux qui ne discutaient même pas leur cage
Est-ce qu'on peut avoir le droit au désespoir le droit de s'arrêter un moment

Et vienne un jour quand vous aurez sur vous le soleil insensé de la victoire
Rappelez-vous que nous avons aussi connu cela que d'autres sont montés
Arracher le drapeau de servitude à l'Acropole et qu'on les a jetés
Eux et leur gloire encore haletants dans la fosse commune de l'histoire

Songez qu'on arrête jamais de se battre et qu'avoir vaincu n'est trois fois rien
Et que tout est remis en cause du moment que l'homme de l'homme est comptable
Nous avons vu faire de grandes choses mais il y en eut d'épouvantables
Car il n'est pas toujours facile de savoir où est le mal où est le bien

Vous passerez par où nous passâmes naguère en vous je lis à livre ouvert
J'entends ce cœur qui bat en vous comme un cœur me semble-t-il en moi battait
Vous l'userez je sais comment et comment cette chose en vous s'éteint se tait
Comment l'automne se défarde et le silence autour d'une rose d'hiver

Je ne dis pas cela pour démoraliser Il faut regarder le néant
En face pour savoir triompher Le chant n'est pas moins beau quand il décline
Il faut savoir ailleurs l'entendre qui renaît comme l'écho dans les collines
Nous ne sommes pas seuls au monde à chanter et le drame est l'ensemble des chants

Le drame il faut savoir y tenir sa partie et même qu'une voix se taise
Sachez-le toujours le chœur profond reprend la phrase interrompue
Du moment que jusqu'au bout de lui-même le chanteur a fait ce qu'il a pu
Qu'importe si chemin faisant vous allez m'abandonner comme une hypothèse

Je vous laisse à mon tour comme le danseur qui se lève une dernière fois
Ne lui reprochez pas dans ses yeux s'il trahit déjà ce qu'il porte en lui d'ombre
Je ne peux plus vous faire d'autres cadeaux que ceux de cette lumière sombre
Hommes de demain soufflez sur les charbons

À vous de dire ce que je vois


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par Nell Mar 1 Nov 2011 - 13:18
Il y avait, à côté du puits, une ruine de vieux mur de pierre. Lorsque je revins de mon travail, le lendemain soir, j'aperçus de loin mon petit prince assis là-haut, les jambes pendantes. Et je l'entendis qui parlait:
-Tu ne t'en souviens donc pas? disait-il. Ce n'est pas tout à fait ici!
Une autre voix lui répondit sans doute, puisqu'il répliqua:
-Si! Si! c'est bien le jour, mais ce n'est pas ici l'endroit…
Je poursuivis ma marche vers le mur. Je ne voyais ni entendais toujours personne. Pourtant le petit prince répliqua de nouveau:
-… Bien sûr. Tu verras oû commence ma trace dans le sable. Tu n'as qu'a m'y attendre. J'y serai cette nuit…
J'étais à vingt mètres du mur et je ne voyais toujours rien.
Le petit prince dit encore, après un silence:
-Tu as du bon venin? Tu es sûr de ne pas me faire souffrir longtemps?
Je fis halte, le coeur serré, mais je ne comprennais toujours pas.
-Maintenent va-t'en, dit-il… je veux redescendre!





Alors j'abaissai moi-même les yeux vers le pied du mur, et je fis un bond! Il était là, dressé vers le petit prince, un de ces serpents jaunes qui vous exécutent en trente secondes. Tout en fouillant ma poche pour en tirer mon révolver, je pris le pas de course, mais, au bruit que je fis, le serpent se laissa doucement couler dans le sable, comme un jet d'eau qui meurt, et, sans trop se presser, se faufilla entre les pierres avec un léger bruit de métal.







Je parvins au mur juste à temps pour y recevoir dans les bras mon petit bonhomme de prince, pâle comme la neige.
-Quelle est cette histoire-là! Tu parles maintenent avec les serpents!
J'avais défait son éternel cache-nez d'or. Je lui avait mouillé les tempes et l'avais fait boire. Et maintenant je n'osais plus rien lui demander. Il me regarda gravement et m'entoura le cou de ses bras. Je sentais battre son coeur comme celui d'un oiseau qui meurt, quand on l'a tiré à la carabine. Il me dit:
-Je suis content que tu aies trouvé ce qui manquait à ta machine. Tu vas pouvoir rentrer chez toi…
-Comment sais-tu?
Je venais justement lui annoncer que, contre toute espérence, j'avais réussi mon travail!
Il ne répondit rien à ma question, mais il ajouta:
-Moi aussi, aujourd'hui, je rentre chez moi…
Puis, mélancolique:
-C'est bien plus loin… c'est bien plus difficile…
Je sentais bien qu'il se passait quelque chose d'extraordinaire. Je le serrais dans mes bras comme un petit enfant, et cependant il me semblait qu'il coulait verticalement dans un abîme sans que je pusse rien pour le retenir…
Il avait le regard sérieux, perdu très loin:
-J'ai ton mouton. Et j'ai la caisse pour le mouton. Et j'ai la muselière…
Et il sourit avec mélancolie.
J'attendis longtemps. Je sentais qu'il se réchauffait peu à peu:
-Petit bonhomme, tu as peur…
Il avait eu peur, bien sûr! Mais il rit doucement:
-J'aurai bien plus peur ce soir…
De nouveau je me sentis glacé par le sentiment de l'irréparable. Et je compris que je ne supportais pas l'idée de ne plus jamais entendre ce rire. C'était pour moi comme une fontaine dans le désert.
-Petit bonhomme, je veux encore t'entendre rire…
Mais il me dit:
-Cette nuit, ça fera un an. Mon étoile se trouvera juste au-dessus de l'endroit oû je suis tombé l'année dernière…
-Petit bonhomme, n'est-ce pas que c'est un mauvais rêve cette histoire de serpent et de rendez-vous et d'étoile…
Mais il ne répondit pas à ma question. Il me dit:
-Ce qui est important, ça ne se voit pas…
-Bien sûr…
-C'est comme pour la fleur. Si tu aimes une fleur qui se trouve dans une étoile, c'est doux, la nuit, de regarder le ciel. Toutes les étoiles sont fleuries.
-Bien sûr…
-Tu regarderas, la nuit, les étoiles. C'est trop petit chez moi pour que je te montres oû se trouve la mienne. C'est mieux comme ça. Mon étoile, ça sera pour toi une des étoiles. Alors, toutes les étoiles, tu aimeras les regarder… Elles seront toutes tes amies. Et puis je vais te faire un cadeau…
Il rit encore.
-Ah! petit bonhomme, petit bonhomme j'aime entendre ce rire!
-Justement ce sera mon cadeau… ce sera comme pour l'eau…
-Que veux-tu dire?
-Les gens ont des étoiles qui ne sont pas les mêmes. Pour les uns, qui voyagent, les étoiles sont des guides. Pour d'autres elles ne sont rien que de petites lumières. Pour d'autres qui sont savants elles sont des problèmes. Pour mon businessman elles étaient de l'or. Mais toutes ces étoiles-là elles se taisent. Toi, tu auras des étoiles comme personne n'en a…
-Que veux-tu dire?
-Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j'habiterai dans l'une d'elles, puisque je rirai dans l'une d'elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire!
Et il rit encore.
-Et quand tu seras consolé (on se console toujours) tu seras content de m'avoir connu. Tu seras toujours mon ami. Tu auras envie de rire avec moi. Et tu ouvriras parfois ta fenêtre, comme ça, pour le plaisir… Et tes amis seront bien étonnés de te voir rire en regardant le ciel. Alors tu leur diras: "Oui, les étoiles, ça me fait toujours rire!" Et ils te croiront fou. Je t'aurai joué un bien vilain tour…
Et il rit encore.
-Ce sera comme si je t'avais donné, au lieu d'étoiles, des tas de petits grelots qui savent rire…
Et il rit encore. Puis il redevint sérieux:
-Cette nuit… tu sais… ne viens pas.
-Je ne te quitterai pas.
-J'aurai l'air d'avoir mal… j'aurai un peu l'air de mourir. C'est comme ça. Ne viens pas voir ça, ce n'est pas la peine…
-Je ne te quitterai pas.
Mais il était soucieux.
-Je te dis ça… c'est à cause aussi du serpent. Il ne faut pas qu'il te morde… Les serpents, c'est méchant. Ca peut mordre pour le plaisir…
-Je ne te quitterai pas.
Mais quelque chose le rassura:
-C'est vrai qu'ils n'ont pas le venin pour la seconde morsure…
Cette nuit-là je ne le vis pas se mettre en route. Il s'était évadé sans bruit. Quand je réussis à le joindre il marchait décidé, d'un pas rapide. Il me dit seulement:
-Ah! tu es là…
Et il me prit par la main. Mais il se tourmenta encore:
-Tu as eu tort. Tu auras de la peine. J'aurai l'air d'être mort et ce ne sera pas vrai…
Moi je me taisais.
-Tu comprends. C'est trop loin. Je ne peux pas emportes ce corps-là. C'est trop lourd.
Moi je me taisais.
-Mais ce sera comme une vieille écorce abandonnée. Ce n'est pas triste les vieilles écorces…
Moi je me taisais.
Il se découragea un peu. Mais il fit encore un effort:
-Ce sera gentil, tu sais. Moi aussi je regarderai les étoiles. Toutes les étoiles seront des puits avec une poulie rouillée. Toutes les étoiles me verseront à boire…
Moi je me taisais.
-Ce sera tellement amusant! Tu auras cinq cents millions de grelots, j'aurai cinq cent millions de fontaines…
Et il se tut aussi, parce qu'il pleurait…
-C'est là. Laisse moi faire un pas tout seul.

Et il s'assit parce qu'il avait peur.

Il dit encore:
-Tu sais… ma fleur… j'en suis responsable! Et elle est tellement faible! ET elle est tellement naive. Elle a quatre épines de rien du tout pour la protéger contre le monde…
Moi je m'assis parce que je ne pouvais plus me tenir debout. Il dit:
-Voilà… C'est tout…
Il hésita encore un peu, puis se releva. Il fit un pas. Moi je ne pouvais pas bouger.
Il n'y eut rien qu'un éclair jaune près de sa cheville. Il demeura un instant immobile. Il ne cria pas. Il tomba doucement comme tombe un arbre. Ca ne fit même pas de bruit, à cause du sable.



ça fait long comme extrait... Mais la fin du petit Prince me chamboule.

Certains passages de Vipère au poing et le bal du Grand Meaulnes.

faut que j'aille chercher une référence.

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par Nell Mar 1 Nov 2011 - 13:28
Et celui-ci, l'aveu final de Clytemnestre dans l'Electre de Giraudoux (II,8):

CLYTEMNESTRE. Oui, je le haïssais. Oui, tu vas savoir enfin ce qu'il était, ce père admirable ! Oui, après vingt ans, je vais m'offrir la joie que s'est offerte Agathe !... Une femme est à tout le monde. Il y a tout juste au monde un homme auquel elle ne soit pas. Le seul homme auquel je n'étais pas, c'était le roi des rois, le père des pères, c'était lui ! Du jour où il est venu m'arracher à ma maison, avec sa barbe bouclée, de cette main dont il relevait toujours le petit doigt, je l'ai haï. Il le relevait pour boire, il le relevait pour conduire, le cheval s'emballât-il, et quand il tenait son sceptre, et quand il me tenait moi-même, je ne sentais sur mon dos que la pression de quatre doigts : j'en étais folle, et quand dans l'aube il livra à la mort ta sœur Iphigénie, horreur, je voyais aux deux mains le petit doigt se détacher sur le soleil ! Le roi des rois, quelle dérision ! Il était pompeux, indécis, niais. C'était le fat des fats, le crédule des crédules. Le roi des rois n'a jamais été que ce petit doigt et cette barbe que rien ne rendait lisse. Inutile, l'eau du bain, sous laquelle je plongeais sa tête, inutile la nuit de faux amour, où je la tirais et l'emmêlais, inutile cet orage de Delphes sous lequel les cheveux des danseuses n'étaient plus que des crins ; de l'eau, du lit, de l'averse, du temps, elle ressortait en or, avec ses annelages. Et il me faisait signe d'approcher, de cette main à petit doigt, et je venais en souriant. Pourquoi ?... Et il me disait de baiser cette bouche au milieu de cette toison, et j'accourais pour la baiser. Et je la baisais. Pourquoi ?... Et quand au réveil, je le trompais, comme Agathe, avec le bois de mon lit, un bois plus relevé, évidemment, plus royal, de l'amboine, et qu'il me disait de lui parler, et que je le savais vaniteux, vide aussi, banal, je lui disais qu'il était la modestie, l'étrangeté, aussi, la splendeur. Pourquoi ?... Et s'il insistait tant soit peu, bégayant, lamentable, je lui jurais qu'il était un dieu. Roi des rois, la seule excuse de ce surnom est qu'il justifie la haine de la haine. Sais-tu ce que j'ai fait, le jour de son départ, électre, son navire encore en vue ? J'ai fait immoler le bélier le plus bouclé, le plus indéfrisable, et je me suis glissée vers minuit, dans la salle du trône, toute seule, pour prendre le sceptre à pleines mains ! Maintenant tu sais tout. Tu voulais un hymne à la vérité : voilà le plus beau !



Et enfin, last but not least:

"Medea nunc sum ; creuit ingenium malis :
iuuat, iuuat rapuisse fraternum caput,
artus iuuat secuisse et arcano patrem
spoliasse sacro, iuuat in exitium senis
armasse natas. Quaere materiam, dolor :
ad omne facinus non rudem dextram afferes.
Quo te igitur, ira, mittis, aut quae perfido
intendis hosti tela ? Nescio quid ferox
decreuit animus intus et nondum sibi
audet fateri. Stulta properaui nimis :
ex paelice utinam liberos hostis meus
aliquos haberet ! — quidquid ex illo tuum est,
Creusa peperit. Placuit hoc poenae genus,
meritoque placuit : ultimum, agnosco, scelus
animo parandum est : liberi quondam mei,
uos pro paternis sceleribus poenas date.
Cor pepulit horror, membra torpescunt gelu
pectusque tremuit. Ira discessit loco
materque tota coniuge expulsa redit.
Egone ut meorum liberum ac prolis meae
fundam cruorem ? Melius, a, demens furor !
incognitum istud facinus ac dirum nefas
a me quoque absit ; quod scelus miseri luent ?
Scelus est Iason genitor et maius scelus
Medea mater : — occidant, non sunt mei ;
pereant, mei sunt. Crimine et culpa carent,
sunt innocentes, fateor. Et frater fuit."

Sénèque.

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par Ava Mar 1 Nov 2011 - 14:55
"Alors, je ne sais pas pourquoi, il y a quelque chose qui a crevé en moi. Je me suis mis à crier à plein gosier et je l'ai insulté et je lui ai dit de ne pas prier. Je l'avais pris par le collet de sa soutane. Je déversais sur lui tout le fond de mon cœur avec des bondissements mêlés de joie et de colère. Il avait l'air si certain, n'est-ce pas ? Pourtant, aucune de ses certitudes ne valait un cheveu de femme. Il n'était même pas sûr d'être en vie puisqu'il vivait comme un mort. Moi, j'avais l'air d'avoir les mains vides. Mais j'étais sûr de moi, sûr de tout, plus sûr que lui, sur de ma vie et de cette mort qui allait venir. Oui, je n'avais que cela. Mais du moins, je tenais cette vérité autant qu'elle me tenait. J'avais eu raison, j'avais encore raison, j'avais toujours raison. J'avais vécu de telle façon et j'aurais pu vivre de telle autre. J'avais fait ceci et je n'avais pas fait cela. Je n'avais pas fait telle chose alors que j'avais fait cette autre. Et après ? C'était comme si j'avais attendu pendant tout le temps cette minute et cette petite aube où je serais justifié. Rien, rien n'avait d'importance et je savais bien pourquoi. Lui aussi savait pourquoi. Du fond de mon avenir, pendant toute cette vie absurde que j'avais menée, un souffle obscur remontait vers moi à travers des années qui n'étaient pas encore venues et ce souffle égalisait sur son passage tout ce qu'on me proposait alors dans les années pas plus réelles que je vivais. Que m'importaient la mort des autres, l'amour d'une mère, que m'importaient son Dieu, les vies qu'on choisit, les destins qu'on élit, puisqu'un seul destin devait m'élire moi-même et avec moi des milliards de privilégiés qui, comme lui, se disaient mes frères. Comprenait-il, comprenait-il donc ? Tout le monde était privilégié. Il n'y avait que des privilégiés. Les autres aussi, on les condamnerait un jour. Lui aussi, on le condamnerait. Qu'importait si, accusé de meurtre, il était exécuté pour n'avoir pas pleuré à l'enterrement de sa mère ? Le chien de Salamano valait autant que sa femme. La petite femme automatique était aussi coupable que la Parisienne que Masson avait épousée ou que Marie qui avait envie que je l'épouse. Qu'importait que Raymond fût mon copain autant que Céleste qui valait mieux que lui ? Qu'importait que Marie donnât aujourd'hui sa bouche à un nouveau Meursault ? Comprenait-il donc, ce condamné, et que du fond de mon avenir... J'étouffais en criant tout ceci. Mais, déjà, on m'arrachait l'aumônier des mains et les gardiens me menaçaient. Lui, cependant, les a calmés et m'a regardé un moment en silence. Il avait les yeux pleins de larmes. Il s'est détourné et il a disparu.
Lui parti, j'ai retrouvé le calme. J'étais épuisé et je me suis jeté sur ma couchette. Je crois que j'ai dormi parce que je me suis réveillé avec des étoiles sur le visage. Des bruits de campagne montaient jusqu'à moi. Des odeurs de nuit, de terre et de sel rafraîchissaient mes tempes. La merveilleuse paix de cet été endormi entrait en moi comme une marée. À ce moment, et à la limite de la nuit, des sirènes ont hurlé. Elles annonçaient des départs pour un monde qui maintenant m'était à jamais indifférent. Pour la première fois depuis bien longtemps, j'ai pensé à maman. Il m'a semblé que je comprenais pourquoi à la fin d'une vie elle avait pris un « fiancé », pourquoi elle avait joué à recommencer. Là-bas, là-bas aussi, autour de cet asile où des vies s'éteignaient, le soir était comme une trêve mélancolique. Si près de la mort, maman devait s'y sentir libérée et prête à tout revivre. Personne, personne n'avait le droit de pleurer sur elle. Et moi aussi, je me suis senti prêt à tout revivre. Comme si cette grande colère m'avait purgé du mal, vidé d'espoir, devant cette nuit chargée de signes et d'étoiles, je m'ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde. De l'éprouver si pareil à moi, si fraternel enfin, j'ai senti que j'avais été heureux, et que je l'étais encore. Pour que tout soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu'il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu'ils m'accueillent avec des cris de haine."

Je ne mets pas non plus l'auteur, trop facile! Very Happy


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Yes, I know I'm going to Hell in a leather jacket
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par cannelle21 Mar 1 Nov 2011 - 17:26
J'aime ce poème de Desnos

J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant
Et de baiser sur cette bouche la naissance
De la voix qui m'est chère?

J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués
En étreignant ton ombre
A se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
Au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante
Et me gouverne depuis des jours et des années,
Je deviendrais une ombre sans doute.
O balances sentimentales.

J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps
Sans doute que je m'éveille.
Je dors debout, le corps exposé
A toutes les apparences de la vie
Et de l'amour et toi, la seule
qui compte aujourd'hui pour moi,
Je pourrais moins toucher ton front
Et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.

J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé,
Couché avec ton fantôme
Qu'il ne me reste plus peut-être,
Et pourtant, qu'a être fantôme
Parmi les fantômes et plus ombre
Cent fois que l'ombre qui se promène
Et se promènera allègrement
Sur le cadran solaire de ta vie.


Robert Desnos, "Corps et biens".
cannelle21
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par cannelle21 Mar 1 Nov 2011 - 17:27
Et celui-là que je me suis longtemps récité

Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Noires comme un puits où l’on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient,
Pour mon âme invincible et fière,

Dans de cruelles circonstances,
Je n’ai ni gémi ni pleuré,
Meurtri par cette existence,
Je suis debout bien que blessé,

En ce lieu de colère et de pleurs,
Se profile l’ombre de la mort,
Et je ne sais ce que me réserve le sort,
Mais je suis et je resterai sans peur,

Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme.
miss sophie
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Expert spécialisé

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par miss sophie Mar 1 Nov 2011 - 18:22
Je ne connaissais pas, cannelle21, c'est un texte très poignant. Merci !
Condorcet
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par Condorcet Mar 1 Nov 2011 - 18:23
Joseph Brodsky, Acqua alta : "L'hiver dans cette ville, le dimanche surtout, vous vous réveillez au carillon de cloches innombrables comme si, derrière le rideau de gaze, un gigantesque service en porcelaine vibrait sur un plateau d'argent gris perle. Vous ouvrez grand la fenêtre et la chambre s'emplit en un instant de cette brume extérieure chargée de sons de cloche, faite d'oxygène moite, de café et de prières. Peu importe quel genre de pilules il va vous falloir avaler ce matin et combien: vous sentez que tout n'est pas fini pour vous. Peu importe aussi le degré de votre autonomie, à quel point vous avez été trahi, la profondeur de votre lucidité à l'égard de vous-même et le découragement qu'elle entraîne: vous admettez qu'il y a encore de l'espoir, ou du moins un avenir. (L'espoir, disait Francis Bacon, fait un excellent petit déjeuner mais un souper exécrable.) Cet optimisme naît de la brume, de la prière dont elle est faite, surtout à l'heure des petit déjeuner. Les jours comme ceux-là, la ville prend vraiment des allures de porcelaine, avec toutes ses coupoles recouvertes de zinc comme des théières ou des tasses retournées et le profil penché des campaniles qui luisent comme des cuillères abandonnées et se fondent dans le ciel. Sans parler des mouettes et des pigeons qui tantôt se précisent, tantôt se fondent dans l'air. je dois dire que, si propice que soit l'endroit pour les lunes de miel, j'ai souvent pensé qu'on devrait en faire aussi l'essai pour les divorces, qu'ils soient en cours ou déjà accomplis. Il n'y a pas de meilleure toile de fond pour dissoudre l'extase; qu'il ait raison ou tort, pas un égoïste ne peut briller longtemps dans cette porcelaine entourée d'une eau de cristal, car elle lui vole la vedette. Je me rends bien compte des conséquences désastreuses de telles suggestions sur le tarif des hôtels, même en hiver. Mais les gens préfèrent encore leur propre mélodrame à l'architecture, et je ne me sens pas menacé. Il est surprenant qu'on accorde moins de prix à la beauté qu'à la psychologie, mais tant qu'il en sera ainsi, je pourrai me permettre de venir dans cette ville — ce qui veut dire jusqu'à la fin de mes jours, et ce qui mène à la notion généreuse de futur".


Dernière édition par condorcet le Mar 1 Nov 2011 - 21:15, édité 1 fois
leyade
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par leyade Mar 1 Nov 2011 - 18:34
cannelle21 a écrit:J'aime ce poème de Desnos

J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.

(...)

Robert Desnos, "Corps et biens".

Rien que ce premier vers m'a longtemps marquée. coeurs

J'édite pour rajouter quelque chose de moins drôle : je viens de me rendre compte aussi qu'il explique des années d'erreur sentimentale... Sad

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Maggi is my way, Melfor is my church and Picon is my soutien. Oui bon je sais pas dire soutien en anglais.
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