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- Fires of PompeiiGuide spirituel
Un mien ami et ancien Néo me propose de remplacer "idée" par "affirmation". Je trouve que c'est une solution très intéressante pour éviter la polysémie du mot (et surtout le fait de contrevenir au sens du mot, notamment en philosophie) et l'espèce de flou qu'il entretient pour les élèves.
- LaverdureEmpereur
Fires of Pompeii a écrit:Un mien ami et ancien Néo me propose de remplacer "idée" par "affirmation". Je trouve que c'est une solution très intéressante pour éviter la polysémie du mot et l'espèce de flou qu'il entretient.
En effet et en plus, ça fonctionne toujours avec mon acronyme Il est bien inspiré ton ami
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- Fires of PompeiiGuide spirituel
Laverdure a écrit:Fires of Pompeii a écrit:Un mien ami et ancien Néo me propose de remplacer "idée" par "affirmation". Je trouve que c'est une solution très intéressante pour éviter la polysémie du mot et l'espèce de flou qu'il entretient.
En effet et en plus, ça fonctionne toujours avec mon acronyme Il est bien inspiré ton ami
Effectivement, il est génial
Je vais faire ça.
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Je ne dirai qu'une chose : stulo plyme.
- ZagaraGuide spirituel
Je pique le terme pour ma prochaine séance de méthodo, merci.
- Fires of PompeiiGuide spirituel
Il me dit qu'il préfère "assertion" qu'"affirmation" (bon, moi je sais qu'avec mes collégiens c'est impossible, parce que je vais finir par dire "assertion c'est comme affirmation" haha). Mea culpa, il avait bien proposé les deux, mais j'ai retenu "affirmation" sans vous donner tous les éléments.
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Je ne dirai qu'une chose : stulo plyme.
- LaverdureEmpereur
Voilà une précision qui t'honore. J'aurais fait comme toi, à ta place, pour éviter les "haaaaaan, j'ai pas (d'idées) d'assertions !"
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- SphinxProphète
Affirmation, ça me convient aussi.
Bien sûr que oui Mais au moins là on sait de quoi on parle, tandis que "idée", dans leur tête, c'est "j'ai pas d'idée d'argument, j'ai pas d'idée d'exemple, j'ai pas d'idée d'intro, j'ai pas d'idées pour le sujet d'invention non plus, pis j'ai pas idée où j'ai mis ma trousse, pis..."
Laverdure a écrit:Sphinx : Ils ne disent jamais "haaaaan, j'ai pas d'arguments !" ?
Bien sûr que oui Mais au moins là on sait de quoi on parle, tandis que "idée", dans leur tête, c'est "j'ai pas d'idée d'argument, j'ai pas d'idée d'exemple, j'ai pas d'idée d'intro, j'ai pas d'idées pour le sujet d'invention non plus, pis j'ai pas idée où j'ai mis ma trousse, pis..."
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An education was a bit like a communicable sexual disease. It made you unsuitable for a lot of jobs and then you had the urge to pass it on. - Terry Pratchett, Hogfather
"- Alors, Obélix, l'Helvétie c'est comment ? - Plat."
- HermionyGuide spirituel
Sphinx a écrit:Je dis à peu près comme Laverdure : argument (un brin développé et explicité) + exemple + explication (c'est-à-dire, montrer précisément en quoi l'exemple vient à l'appui de mon argument). J'ai des 3e. Je n'emploie jamais le mot "idée" qui me semble bien flou dans leur tête (comme dans : "haaaaan j'ai pas d'idée").
+1
Et tout cela rentre dans un paragraphe.
Je n'emploie pas non plus le mot idée.
Je leur dis qu'ils ont une thèse de départ (leur avis sur un sujet) et qu'ils doivent convaincre en utilisant plusieurs arguments qui défendent cette thèse. Un argument ne vaut que s'il est développé + illustré d'un exemple lui aussi développé.
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"Soyons subversifs. Révoltons-nous contre l'ignorance, l'indifférence, la cruauté, qui d'ailleurs ne s'exerce si souvent contre l'homme que parce qu'elles se sont fait la main sur les animaux. Il y aurait moins d'enfants martyrs s'il y avait moins d'animaux torturés".
Marguerite Yourcenar
« La vraie bonté de l’homme ne peut se manifester en toute pureté et en toute liberté qu’à l’égard de ceux qui ne représentent aucune force. » «Le véritable test moral de l’humanité, ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux. » Kundera, L’Insoutenable Légèreté de l’être
- 0massilia0Niveau 6
J'enseigne aussi la philo et du coup je pense qu'il est très important de maintenir cette structure dans le paragraphe argumentatif : en terminale on insiste justement sur le fait qu'il faut d'abord avoir une thèse (ce que vous appelez "idée" mais qui est en fait une affirmation comme dit Fires of Pompeii), puis des arguments qui sont la démonstration permettant de justifier cette thèse. Par exemple dans un syllogisme le moyen terme est l'argument qui vient relier le sujet au prédicat (présents dans la thèse).
Du coup c'est une démarche logique : j'affirme, puis je démontre.
Du coup c'est une démarche logique : j'affirme, puis je démontre.
- NLM76Grand Maître
Bon. Les différents points de vue que ce n'est pas si évident que cela. En particulier, parce qu'il n'y a pas d'exemples pour illustrer le propos...
@Poupoutch. Je suis comme toi ; je ne sais pas trop comment "il faut" faire. Ce que je vois actuellement, c'est la catastrophe qui me paraît engendrée par l'application de méthodes pour penser. Et s'il ne s'agit pas de penser, alors comment dire... autant faire autre chose.
Ce que j'entrevois, mais dont je ne suis pas certain, c'est, pour la dissertation littéraire, ou l'essai littéraire, ou chose approchante, c'est un peu comme Ruthven. On pose un problème un introduction, chaque partie est une partie de la réponse au problème, chaque sous-partie un argument en faveur de cette réponse partielle, qui s'appuie sur un ou plusieurs exemples qui viennent étayer ces arguments.
Dans le domaine littéraire, il s'agit de dire "le roman peut se définir comme plutôt ceci ou cela", ou "cette œuvre est plutôt ceci ou cela". La réponse disant "on peut dire que le roman a, de façon assez essentielle, quelque chose de ceci et de cela, et voici comment cela s'articule", ou "cette œuvre a, de façon assez essentielle, quelque chose de ceci et de cela, et voici comment cela s'articule".
De sorte que l'exemple analysé n'est pas loin de valoir, généralement, preuve. Il ne s'agit en effet que de montrer qu'il y a bien ceci ou cela dans l'œuvre... et qu'il est assez intéressant et important de considérer ce ceci et ce cela. Le correcteur doit pouvoir se dire "oui, il y a bien montré qu'il y avait de ceci et de cela dans le roman, dans l'œuvre", ce qui ne peut se faire qu'à travers des références précises au texte.
Cependant j'aurais tendance à dire aussi que chaque paragraphe du devoir doit constituer un élément de réponse à la question que pose le sujet, sans quoi ce paragraphe serait hors-sujet.
On voit bien dès lors comment cela s'applique au commentaire ou à l'explication de texte. En revanche, je ne vois pas du tout comment cela peut s'appliquer à ce qu'on appelle la "discussion", qui me paraît relever de la discussion de comptoir, en plus pompeux et en plus vain.
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Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- ditaNeoprof expérimenté
Oui, j'aime bien "affirmation", je vais l'utiliser. Il faut, à mon sens, que les élèves fassent la différence entre une affirmation et une opinion.
- DeliaEsprit éclairé
A mes élèves, je citais la boutade de Mallarmé à Degas : un poème, cela ne se fait pas avec des idées mais avec des mots. D'où la méthode de la liste : quels sont les mots qui me viennent en tête quand on me dit roman, par exemple ? Narration, personnages, description, Balzac... Chaque mot en appelle d'autres, puis on trie et on organise.
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Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.
Amadou Hampaté Ba
- PoupoutchModérateur
C'est bien pour cela que je demandais si tu voyais comment procéder autrement. J'ai tendance à parler de problematisation plutôt que de problématique et d'argumentation plutôt que d'argument parce que dans les deux cas, nous avons affaire à un processus de pensée plus qu'à un truc figé, et que problématique comme argument tendent à conduire les élèves à formaliser une question ou une phrase sans vraiment expliciter leur pensée.NLM76 a écrit:Bon. Les différents points de vue que ce n'est pas si évident que cela. En particulier, parce qu'il n'y a pas d'exemples pour illustrer le propos...@Poupoutch. Je suis comme toi ; je ne sais pas trop comment "il faut" faire. Ce que je vois actuellement, c'est la catastrophe qui me paraît engendrée par l'application de méthodes pour penser. Et s'il ne s'agit pas de penser, alors comment dire... autant faire autre chose.Ce que j'entrevois, mais dont je ne suis pas certain, c'est, pour la dissertation littéraire, ou l'essai littéraire, ou chose approchante, c'est un peu comme Ruthven. On pose un problème un introduction, chaque partie est une partie de la réponse au problème, chaque sous-partie un argument en faveur de cette réponse partielle, qui s'appuie sur un ou plusieurs exemples qui viennent étayer ces arguments.Dans le domaine littéraire, il s'agit de dire "le roman peut se définir comme plutôt ceci ou cela", ou "cette œuvre est plutôt ceci ou cela". La réponse disant "on peut dire que le roman a, de façon assez essentielle, quelque chose de ceci et de cela, et voici comment cela s'articule", ou "cette œuvre a, de façon assez essentielle, quelque chose de ceci et de cela, et voici comment cela s'articule".De sorte que l'exemple analysé n'est pas loin de valoir, généralement, preuve. Il ne s'agit en effet que de montrer qu'il y a bien ceci ou cela dans l'œuvre... et qu'il est assez intéressant et important de considérer ce ceci et ce cela. Le correcteur doit pouvoir se dire "oui, il y a bien montré qu'il y avait de ceci et de cela dans le roman, dans l'œuvre", ce qui ne peut se faire qu'à travers des références précises au texte.Cependant j'aurais tendance à dire aussi que chaque paragraphe du devoir doit constituer un élément de réponse à la question que pose le sujet, sans quoi ce paragraphe serait hors-sujet.On voit bien dès lors comment cela s'applique au commentaire ou à l'explication de texte. En revanche, je ne vois pas du tout comment cela peut s'appliquer à ce qu'on appelle la "discussion", qui me paraît relever de la discussion de comptoir, en plus pompeux et en plus vain.
Le vrai problème, à mon sens, c'est que l'on s'accroche au fantasme d'une méthodologie qui fonctionnerait à tous les coups, alors que le principe de base de la méthode, c'est qu'il faut comprendre les attentes et parvenir à sa propre manière de procéder. On tend donc plus à calquer un système de pensée sur un exercice qu'à vraiment apprendre aux élèves à formuler une pensée. Cependant, comme le soulignent FOP et Sphinx, nous avons face à nous des élèves qui ont de grandes difficultés à exprimer leurs idées et nous avons donc besoin de ces cadres méthodologiques. Malheureusement, ce sont aussi les difficultés langagières de nos élèves (et plus encore lors du passage à l'écrit) qui nous bloque : formuler une question, même vide, ou un argument, même bancal ou sans rapport, leur laisse à penser qu'ils ont fait le job alors qu'ils n'ont pas construit une pensée.
J'ai changé radicalement de public cette année et, alors que je trouvais mes élèves très faibles, je me trouve face à des élèves dont la lecture est parfois plus fine, mais le niveau écrit tellement bas que les devoirs sont catastrophiques.
Les questions que tu poses sont tout à fait judicieuses et je partage ton constat, mais je ne vois pas comment procéder autrement et ça me frustre.
Le problème principal étant, selon moi, davantage celui de l'organisation des idées, je ne suis pas certaine, malgré l'intérêt de l'exercice, que cela constituerait une solution (pour le cas particulier de mes élèves du moins).Delia a écrit:A mes élèves, je citais la boutade de Mallarmé à Degas : un poème, cela ne se fait pas avec des idées mais avec des mots. D'où la méthode de la liste : quels sont les mots qui me viennent en tête quand on me dit roman, par exemple ? Narration, personnages, description, Balzac... Chaque mot en appelle d'autres, puis on trie et on organise.
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Lapin Émérite, celle qui Nage en Lisant ou Inversement, Dompteuse du fauve affamé et matutinal.
"L'intelligence est une maladie qui peut se transmettre très facilement mais dont on peut guérir très rapidement et sans aucune séquelle"
- DesolationRowEmpereur
Delia a écrit:A mes élèves, je citais la boutade de Mallarmé à Degas : un poème, cela ne se fait pas avec des idées mais avec des mots. D'où la méthode de la liste : quels sont les mots qui me viennent en tête quand on me dit roman, par exemple ? Narration, personnages, description, Balzac... Chaque mot en appelle d'autres, puis on trie et on organise.
Je déconseillerais toutefois franchement à mes étudiants d'écrire des dissertations comme Mallarmé écrivait des poèmes
- NLM76Grand Maître
Tout à fait d'accord avec Poupoutch.
"Avant donc que d'écrire, apprenez à penser."
Or penser, c'est penser. Il n'y a pas de méthode pour penser.
Ou si, il y a des éléments de méthode pour apprendre à penser. La première méthode, c'est de refuser les détours, et d'aller droit au but : penser. Et aller droit au but, c'est aller dans la pensée. Par exemple dans le dialogue avec d'autres, et en particulier avec d'autres plus intelligents que nous. Ecouter en cours et lire des livres.
Se poser des questions. Se demander si les choses ne sont pas plus compliquées qu'elles en ont l'air. Ou plus simples. Se demander si ce n'est pas l'autre qui a raison. Ou peut-être que moi et l'autre et tort en même temps. Tenir compte de la réalité. S'en abstraire.
"Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, / Et les mots pour le dire arrivent aisément."
Dès lors qu'on se demande comment dire ce qu'on a pas encore pensé, on ne peut que pédaler dans la semoule. Et encore, si on pédalait dans la semoule... Non; c'est pire que ça : on se contente de brasser du vent. Ou comme dit le Qoheleth (l'Ecclésiaste) "de l'haleine". De la mauvaise haleine ? Non. C'est pire que ça. Du rien.
Au moins il y a un avantage à ces fadaises. C'est que le problème de Parménide est résolu. Le néant existe : je l'ai rencontré.
"Avant donc que d'écrire, apprenez à penser."
Or penser, c'est penser. Il n'y a pas de méthode pour penser.
Ou si, il y a des éléments de méthode pour apprendre à penser. La première méthode, c'est de refuser les détours, et d'aller droit au but : penser. Et aller droit au but, c'est aller dans la pensée. Par exemple dans le dialogue avec d'autres, et en particulier avec d'autres plus intelligents que nous. Ecouter en cours et lire des livres.
Se poser des questions. Se demander si les choses ne sont pas plus compliquées qu'elles en ont l'air. Ou plus simples. Se demander si ce n'est pas l'autre qui a raison. Ou peut-être que moi et l'autre et tort en même temps. Tenir compte de la réalité. S'en abstraire.
"Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, / Et les mots pour le dire arrivent aisément."
Dès lors qu'on se demande comment dire ce qu'on a pas encore pensé, on ne peut que pédaler dans la semoule. Et encore, si on pédalait dans la semoule... Non; c'est pire que ça : on se contente de brasser du vent. Ou comme dit le Qoheleth (l'Ecclésiaste) "de l'haleine". De la mauvaise haleine ? Non. C'est pire que ça. Du rien.
Au moins il y a un avantage à ces fadaises. C'est que le problème de Parménide est résolu. Le néant existe : je l'ai rencontré.
- Non, rien.:
- Bon, d'accord, ça ne fait pas être le non-être : cela ne fait que faire être le fait que le non-être n'est pas...
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- ZagaraGuide spirituel
Un peu confus tout ça.
Il me paraît assez certain que les processus d'écriture et de pensée dialectique vont de pair : à mesure qu'on travaille au brouillon, les idées et arguments s'ajoutent et s'organisent, les distinctions et tensions apparaissent, etc.
On ne demande pas aux élèves d'apprendre à "penser" au sens général, mais d'apprendre à produire une pensée logique et dialectique, ce qui est différent. Ce type particulier de cheminement intellectuel a des règles et, oui, s'apprend.
Il me paraît assez certain que les processus d'écriture et de pensée dialectique vont de pair : à mesure qu'on travaille au brouillon, les idées et arguments s'ajoutent et s'organisent, les distinctions et tensions apparaissent, etc.
On ne demande pas aux élèves d'apprendre à "penser" au sens général, mais d'apprendre à produire une pensée logique et dialectique, ce qui est différent. Ce type particulier de cheminement intellectuel a des règles et, oui, s'apprend.
- DeliaEsprit éclairé
@DesolationRow : La-gé-mwen !
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Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.
Amadou Hampaté Ba
- DesolationRowEmpereur
Soit dit entre toi et moi, nihil obstat.
- PoupoutchModérateur
Je dirais que penser, c'est essayer de comprendre, de voir ce qu'il y a derrière, de ne pas se contenter de l'évidence et que le gros de notre travail est là.
Cas concret : je viens de finir la correction d'un paquet de comptes rendus de spectacle en terminale. L'exercice est assez difficile, car il ne s'agit pas de faire une critique mais bien de rendre compte d' une expérience de spectateur tout en se demandant à quoi correspondent les choix du metteur en scène.Le tout reposant évidemment sur une question qu'a soulevée le spectacle.
Premier problème, tous les profs de théâtre ne pensent pas indispensable de problematiser le compte-rendu. Pourtant, si on ne part pas d'une question, je ne vois pas comment on construit une réflexion (et non une description ou un catalogue de "y'avait ceci" et "y'a ait cela").
Deuxième problème, certains collègues (notamment celle dont j'ai repris les classes) avaient pour habitude de donner une problématique pour tout le groupe, ce à quoi je me refuse, parce que le propre d'un problème, surtout quand il part d'une expérience de spectateur (mais c'est à mon sens la même chose pour un projet de lecture) est que nous ne nous poserons pas tous le même.
Troisième problème, donc, la réflexion devra forcément s'articuler à une expérience sensible, et cela va conduire nombre d'élèves à s'enfermer dans le "j'aime" /"je n'aime pas".
Comment leur expliquer alors la construction d'une réflexion à la fois personnelle (qui relève d'une lecture) et technique (qui interroge les procédés de mise en scène et d'écriture du spectacle)?
Ce que je constate dans les copies :
- la notion de problématique n'est pas maîtrisée : pour beaucoup, se poser une question suffit (ex : est-ce la mort de la mère qui conduit aux retrouvailles ? Élément posé dès la note d'intention et donc ne portant pas à discussion)
- même en présence d'une problématique, beaucouo n'y répondent pas. Elle n'est qu'un prétexte où une case à cocher.
- une fois un procédé de mise en scène décelé (ex : le décor est blanc cassé et il y a des draps sur les meubles), on n'en interroge pas le sens. Même chose pour les interprétations.
- un élément de réception devient une vérité (elle retire sa culotte, c'est gênant) et non l'occasion de s'interroger sur les intentions du metteur en scène ou sur l'universalité de cette réception.
Or, tous ces problèmes ne sont pas tant liés à la particularité de l'exercice qu'à l'empechement de la pensée, et on en retrouve la plupart dans les copies de français (qui, en commentaire surtout, relèvent elles aussi d'une lecture, d'une réception qui met en jeu une expérience personnelle et unique).
Cas concret : je viens de finir la correction d'un paquet de comptes rendus de spectacle en terminale. L'exercice est assez difficile, car il ne s'agit pas de faire une critique mais bien de rendre compte d' une expérience de spectateur tout en se demandant à quoi correspondent les choix du metteur en scène.Le tout reposant évidemment sur une question qu'a soulevée le spectacle.
Premier problème, tous les profs de théâtre ne pensent pas indispensable de problematiser le compte-rendu. Pourtant, si on ne part pas d'une question, je ne vois pas comment on construit une réflexion (et non une description ou un catalogue de "y'avait ceci" et "y'a ait cela").
Deuxième problème, certains collègues (notamment celle dont j'ai repris les classes) avaient pour habitude de donner une problématique pour tout le groupe, ce à quoi je me refuse, parce que le propre d'un problème, surtout quand il part d'une expérience de spectateur (mais c'est à mon sens la même chose pour un projet de lecture) est que nous ne nous poserons pas tous le même.
Troisième problème, donc, la réflexion devra forcément s'articuler à une expérience sensible, et cela va conduire nombre d'élèves à s'enfermer dans le "j'aime" /"je n'aime pas".
Comment leur expliquer alors la construction d'une réflexion à la fois personnelle (qui relève d'une lecture) et technique (qui interroge les procédés de mise en scène et d'écriture du spectacle)?
Ce que je constate dans les copies :
- la notion de problématique n'est pas maîtrisée : pour beaucoup, se poser une question suffit (ex : est-ce la mort de la mère qui conduit aux retrouvailles ? Élément posé dès la note d'intention et donc ne portant pas à discussion)
- même en présence d'une problématique, beaucouo n'y répondent pas. Elle n'est qu'un prétexte où une case à cocher.
- une fois un procédé de mise en scène décelé (ex : le décor est blanc cassé et il y a des draps sur les meubles), on n'en interroge pas le sens. Même chose pour les interprétations.
- un élément de réception devient une vérité (elle retire sa culotte, c'est gênant) et non l'occasion de s'interroger sur les intentions du metteur en scène ou sur l'universalité de cette réception.
Or, tous ces problèmes ne sont pas tant liés à la particularité de l'exercice qu'à l'empechement de la pensée, et on en retrouve la plupart dans les copies de français (qui, en commentaire surtout, relèvent elles aussi d'une lecture, d'une réception qui met en jeu une expérience personnelle et unique).
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"L'intelligence est une maladie qui peut se transmettre très facilement mais dont on peut guérir très rapidement et sans aucune séquelle"
- trompettemarineMonarque
Tous ces posts sont très intéressants. Je pense effectivement qu'il faut faire comprendre aux élèves la réalité du mouvement de l'argumentation et leur apprendre à penser. Ils ont tendance pour se rassurer à réciter du cours ou copier ce qu'ils ont trouvé et à singer une méthode, plutôt que de l'appliquer.
J'avoue que la lecture du Dictionnaire de l'argumentation de Christian Plantin m'a donné quelques idées.
Par exemple, on peut proposer aux élèves la définition suivante (Je reprends la page 83 de l'ouvrage que je viens de citer) :
1. L'argumentation comme composition d'énoncés
"Soit une suite d'énoncés {E1, E2}. Cette suite est argumentative si l'on peut la paraphraser par un ou plusieurs des énoncés suivants :
E1 appuie, étaye, motive justifie... E2
E1, donc, d'où... E2.
E2, puisque, étant donné que ... E1
La théorie de l'argumentation dans la langue formule la même relation sous un mode qui s'est avéré extrêmement fertile : la conclusion, c'est ce qu'on a en vue, ce à quoi on veut en venir quand on énonce l'argument :
Si le locuteur énonce E1, c'est dans la perspective de E2.
La raison pour laquelle il énonce E1, c'est E2.
Le sens de E1, c'est E2.
D'autres modèles sont présentés, mais me semblent trop difficiles pour des élèves.
Quand les élèves parviennent à repérer puis à construire un raisonnement, on peut ensuite leur apprendre à enrichir chacun des arguments par des reformulations, des précisions, des explications, et enfin on ajoute les exemples.
Dans tous les cas, c'est un exercice long et difficile.
J'avoue que la lecture du Dictionnaire de l'argumentation de Christian Plantin m'a donné quelques idées.
Par exemple, on peut proposer aux élèves la définition suivante (Je reprends la page 83 de l'ouvrage que je viens de citer) :
1. L'argumentation comme composition d'énoncés
"Soit une suite d'énoncés {E1, E2}. Cette suite est argumentative si l'on peut la paraphraser par un ou plusieurs des énoncés suivants :
E1 appuie, étaye, motive justifie... E2
E1, donc, d'où... E2.
E2, puisque, étant donné que ... E1
La théorie de l'argumentation dans la langue formule la même relation sous un mode qui s'est avéré extrêmement fertile : la conclusion, c'est ce qu'on a en vue, ce à quoi on veut en venir quand on énonce l'argument :
Si le locuteur énonce E1, c'est dans la perspective de E2.
La raison pour laquelle il énonce E1, c'est E2.
Le sens de E1, c'est E2.
D'autres modèles sont présentés, mais me semblent trop difficiles pour des élèves.
Quand les élèves parviennent à repérer puis à construire un raisonnement, on peut ensuite leur apprendre à enrichir chacun des arguments par des reformulations, des précisions, des explications, et enfin on ajoute les exemples.
Dans tous les cas, c'est un exercice long et difficile.
- NLM76Grand Maître
J'ai pensé, justement, tout à l'heure à la tautologie que je posais — "penser, c'est penser". Je crois qu'elle n'est pas tout à fait vaine dans le sens où elle dit que l'humain est fait pour penser, par nature, et qu'il est pratiquement inutile de tenter de lui enseigner à le faire. Cependant, outre le fait que la faculté de penser n'est en fait pas exclusivement innée, il peut être intéressant de définir un peu plus ce qu'elle est. Or pour ce faire regarder du côté de l'étymologie n'est pas forcément idiot. Penser, c'est peser; c'est donc juger.
Or il me semble qu'il y a là une des lignes de crête à tenir. D'une part, si on s'interdit, sur tel ou tel sujet, de juger — si le sujet s'interdit de porter un jugement, de vouloir le dire le vrai et le juste, et le bon et le beau, et donc, d'une certaine façon, de s'engager dans une posture morale —, on ne pourra pas penser. D'autre part, si on s'en tient à une posture morale, il n'y a rien de mieux pour se laisser bouffer par la moraline, par le refus de penser.
Qu'est-ce à dire pour l'enseignement des lettres ? Cela me semble évident : d'une part, éviter le froid technicisme — "ce texte rentre-t-il dans telle ou telle case ? " — ; d'autre part, éviter le vague et fade énoncé de sentiments subjectifs plus ou moins enthousiastes, plus ou moins révoltés.
@Zagara : Je ne comprends pas du tout ce que vous dites... Mais sans doute est-ce lié au fait que nous ne parlons pas de la même discipline.
Or il me semble qu'il y a là une des lignes de crête à tenir. D'une part, si on s'interdit, sur tel ou tel sujet, de juger — si le sujet s'interdit de porter un jugement, de vouloir le dire le vrai et le juste, et le bon et le beau, et donc, d'une certaine façon, de s'engager dans une posture morale —, on ne pourra pas penser. D'autre part, si on s'en tient à une posture morale, il n'y a rien de mieux pour se laisser bouffer par la moraline, par le refus de penser.
Qu'est-ce à dire pour l'enseignement des lettres ? Cela me semble évident : d'une part, éviter le froid technicisme — "ce texte rentre-t-il dans telle ou telle case ? " — ; d'autre part, éviter le vague et fade énoncé de sentiments subjectifs plus ou moins enthousiastes, plus ou moins révoltés.
@Zagara : Je ne comprends pas du tout ce que vous dites... Mais sans doute est-ce lié au fait que nous ne parlons pas de la même discipline.
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