- kantorJe viens de m'inscrire !
Bonjour,
je lis en ce moment L'Analytique du beau chez Kant, et j'ai un peu de mal avec l'idée de "satisfaction désintéressée" que provoquerait le beau.
Si j'ai bien compris, Kant dit qu'un objet peut être l'objet d'une satisfaction intéressée, s'il est agréable et plaît aux sens, ou bien s'il est bon (bon relativement s'il utile, bon absolument s'il s'agit d'une action morale). L'expression de satisfaction intéressée pour une action morale me paraissait étrange à première vue, mais cela s'éclaire si on considère que l'intérêt dont il s'agit ici est simplement l'existence de la chose en action. De fait, une action n'est morale que si elle existe. Mais déjà là je ne suis pas sûr de moi.
Pour Kant le beau, au contraire de l'agréable, du bon et de l'utile, est l'objet d'une satisfaction désintéressée, c'est-à-dire indépendante de l'existence de la chose. Et c'est là que je suis perdu. Qu'est-ce que cela veut dire, "quand il s'agit de savoir si une chose est belle, on ne cherche pas si soi-même ou si quelqu'un est ou peut être intéressé à l'existence de la chose, mais seulement comment on la juge dans une simple contemplation (intuition ou réflexion) ?" Il me semble que pour contempler un objet beau il faut que cet objet existe, en ce sens je suis bien intéressé à on existence ? Si demain la Joconde brûlait, je pourrai toujours dire que la représentation mentale que j'en ai est belle indépendamment de l'existence de l'objet, mais dans ce cas je peux aussi dire que la représentation mentale d'une belle pomme est appétissante indépendamment de son existence...
Merci à ceux qui pourront m'aider !
je lis en ce moment L'Analytique du beau chez Kant, et j'ai un peu de mal avec l'idée de "satisfaction désintéressée" que provoquerait le beau.
Si j'ai bien compris, Kant dit qu'un objet peut être l'objet d'une satisfaction intéressée, s'il est agréable et plaît aux sens, ou bien s'il est bon (bon relativement s'il utile, bon absolument s'il s'agit d'une action morale). L'expression de satisfaction intéressée pour une action morale me paraissait étrange à première vue, mais cela s'éclaire si on considère que l'intérêt dont il s'agit ici est simplement l'existence de la chose en action. De fait, une action n'est morale que si elle existe. Mais déjà là je ne suis pas sûr de moi.
Pour Kant le beau, au contraire de l'agréable, du bon et de l'utile, est l'objet d'une satisfaction désintéressée, c'est-à-dire indépendante de l'existence de la chose. Et c'est là que je suis perdu. Qu'est-ce que cela veut dire, "quand il s'agit de savoir si une chose est belle, on ne cherche pas si soi-même ou si quelqu'un est ou peut être intéressé à l'existence de la chose, mais seulement comment on la juge dans une simple contemplation (intuition ou réflexion) ?" Il me semble que pour contempler un objet beau il faut que cet objet existe, en ce sens je suis bien intéressé à on existence ? Si demain la Joconde brûlait, je pourrai toujours dire que la représentation mentale que j'en ai est belle indépendamment de l'existence de l'objet, mais dans ce cas je peux aussi dire que la représentation mentale d'une belle pomme est appétissante indépendamment de son existence...
Merci à ceux qui pourront m'aider !
- polie2046Niveau 6
Bonsoir Kantor,
Je ne suis pas douée en philosophie, mais un de mes professeurs avait fait sa thèse sur Kant et nous en profitions en cours, en revanche ce n'était pas à propos de "L'analytique du beau", que je n'ai pas lu. Je crois que l'antithèse entre juger et contempler met en avant le rôle capital de la raison critique, si chère à E.Kant. Comment juger de la beauté au cours de la contemplation ? En faisant abstraction de sa réalité pour la ramener à la perception subjective de son existence que procure la sensation du beau.
Malheureusement mon professeur, qui aurait pu t'aider lui, nous a quittés. Il était passionnant.
Je ne suis pas douée en philosophie, mais un de mes professeurs avait fait sa thèse sur Kant et nous en profitions en cours, en revanche ce n'était pas à propos de "L'analytique du beau", que je n'ai pas lu. Je crois que l'antithèse entre juger et contempler met en avant le rôle capital de la raison critique, si chère à E.Kant. Comment juger de la beauté au cours de la contemplation ? En faisant abstraction de sa réalité pour la ramener à la perception subjective de son existence que procure la sensation du beau.
Malheureusement mon professeur, qui aurait pu t'aider lui, nous a quittés. Il était passionnant.
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POLIE
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
kantor a écrit:Pour Kant le beau, au contraire de l'agréable, du bon et de l'utile, est l'objet d'une satisfaction désintéressée, c'est-à-dire indépendante de l'existence de la chose. Et c'est là que je suis perdu. Qu'est-ce que cela veut dire, "quand il s'agit de savoir si une chose est belle, on ne cherche pas si soi-même ou si quelqu'un est ou peut être intéressé à l'existence de la chose, mais seulement comment on la juge dans une simple contemplation (intuition ou réflexion) ?" Il me semble que pour contempler un objet beau il faut que cet objet existe, en ce sens je suis bien intéressé à on existence ? Si demain la Joconde brûlait, je pourrai toujours dire que la représentation mentale que j'en ai est belle indépendamment de l'existence de l'objet, mais dans ce cas je peux aussi dire que la représentation mentale d'une belle pomme est appétissante indépendamment de son existence...
Je m'essaye, sans certitude :
Indépendante de l'existence de la chose : parce que juger la chose belle n'est pas connaître la chose,juger de son existence, dans le sens où ce jugement ne désigne rien de la cause, de l'effet ou des caractéristiques de la chose. Ce jugement ne désigne rien de l'objet, mais quelque chose du sujet qui le contemple (un sentiment, une affection, une modification de l'esprit). Ainsi, si je me demande si une chose est belle, je ne peux pas chercher la réponse en me demandant en quoi elle peut-être utile ou bonne pour moi ou quelqu'un d'autre. L'existence de l'objet est bien sûr une condition si l'on contemple un objet, mais le jugement ne porte pas sur son existence elle-même.
Par exemple, un palais (je crois me souvenir que Kant prend cet exemple) : si je le juge beau, je le juge indépendamment de ses caractéristiques (corinthien, lieu de pouvoir, a coûté cher etc.). Si je me demande s'il est beau ou non, je ne regarde pas le fait qu'il représente un régime auquel je n'adhère peut-être pas, que sa construction a coûté monstrueusement cher (le bon) et qu'on pourrait très bien s'en passer (l'utile).
- ZagaraGuide spirituel
C'est le seul développement de Kant que j'ai étudié un peu sérieusement. Du peu que je m'en souvienne :
"quand il s'agit de savoir si une chose est belle, on ne cherche pas si soi-même ou si quelqu'un est ou peut être intéressé à l'existence de la chose, mais seulement comment on la juge dans une simple contemplation (intuition ou réflexion)."
La notion de désintéressement se construit en miroir de celle d'intérêt inhérent au bon, à l'utile ou à l'agréable. Le désintérêt, c'est l'absence d'intérêt tel qu'il est défini par Kant (et non selon la polysémie du terme dans le langage courant). L'intérêt se définit comme une servitude de la volonté : l'action intéressée l'est pour assouvir une inclination, un penchant, un profit. Celui-ci peut être matériel, immatériel, moral... ou simplement agréable.
On dit, dans le langage courant et selon Kant, du cheval qu'il est "beau" non pas par jugement esthétique mais comme synonyme de sa valeur physique, marchande, musculaire. Donc ici le jugement de la qualité de l'objet est tendu vers une fin externe et n'est pas un but en soi. Idem lorsqu'on fait une bonne action et qu'on croit avoir fait un "beau geste" ; il s'agit en fait d'un "bon geste" qui se fait en vue d'une motivation externe au geste lui-même : rechercher son salut, recherche un remerciement, rechercher l'approbation de ses pairs ou la gloire, recherche l'auto-satisfaction d'être convaincu d'avoir bien fait. Cet intérêt moral est à distinguer du devoir moral, qui lui s'impose à l'individu par la raison, y compris s'il n'y trouve aucune satisfaction.
Toutes ces satisfactions sont liées à la constatation de l'existence de la chose jugée et non à sa nature propre. L'action est "bonne" par son évaluation (par soi-même ou par autrui) comme existante et méritante ; son jugement est subordonné à une qualité corollaire et non pas à la qualité intrinsèque de l'action/objet.
Au contraire, le jugement esthétique est désintéressé parce qu'il est à lui-même sa propre fin et s'exerce indépendamment de toute inclination ou motivation externe. La contemplation de l'objet déclenche une adhésion qui s'impose à l'individu et qui n'est pas soluble dans l'agréable (un objet peut être beau y compris en étant désagréable aux sens), comme si elle était immanente. L'acteur n'a pas besoin d'aller chercher confirmation auprès d'autrui (Kant dédie d'ailleurs un développement à la fonction ambivalente des critiques d'art et faiseurs d'opinion), ni confirmation auprès de lui-même, c'est-à-dire que le jugement esthétique s'impose et paraît évident, délié des inclinations de l'individu, donc sans profit quelconque. Ainsi, même si on était le seul au monde à pouvoir voir cet objet, et même si on était naturellement porté à détester ce qu'il représentait (par ex. : mes "goûts" me portent à être dégoûtée par la forme des pommes et voici un tableau représentant des pommes), il nous serait pareillement beau. Faut-il en conclure que Kant considérait le beau comme une qualité essentielle, indépendante des observateurs, immanente ? Certains kantiens l'ont proposé mais c'est une simplification.
Kant dit quand même plus loin que le jugement esthétique est vecteur d'idées esthétiques : il est une des voies de la connaissance, différente mais pas inférieure à la raison.
"quand il s'agit de savoir si une chose est belle, on ne cherche pas si soi-même ou si quelqu'un est ou peut être intéressé à l'existence de la chose, mais seulement comment on la juge dans une simple contemplation (intuition ou réflexion)."
La notion de désintéressement se construit en miroir de celle d'intérêt inhérent au bon, à l'utile ou à l'agréable. Le désintérêt, c'est l'absence d'intérêt tel qu'il est défini par Kant (et non selon la polysémie du terme dans le langage courant). L'intérêt se définit comme une servitude de la volonté : l'action intéressée l'est pour assouvir une inclination, un penchant, un profit. Celui-ci peut être matériel, immatériel, moral... ou simplement agréable.
On dit, dans le langage courant et selon Kant, du cheval qu'il est "beau" non pas par jugement esthétique mais comme synonyme de sa valeur physique, marchande, musculaire. Donc ici le jugement de la qualité de l'objet est tendu vers une fin externe et n'est pas un but en soi. Idem lorsqu'on fait une bonne action et qu'on croit avoir fait un "beau geste" ; il s'agit en fait d'un "bon geste" qui se fait en vue d'une motivation externe au geste lui-même : rechercher son salut, recherche un remerciement, rechercher l'approbation de ses pairs ou la gloire, recherche l'auto-satisfaction d'être convaincu d'avoir bien fait. Cet intérêt moral est à distinguer du devoir moral, qui lui s'impose à l'individu par la raison, y compris s'il n'y trouve aucune satisfaction.
Toutes ces satisfactions sont liées à la constatation de l'existence de la chose jugée et non à sa nature propre. L'action est "bonne" par son évaluation (par soi-même ou par autrui) comme existante et méritante ; son jugement est subordonné à une qualité corollaire et non pas à la qualité intrinsèque de l'action/objet.
Au contraire, le jugement esthétique est désintéressé parce qu'il est à lui-même sa propre fin et s'exerce indépendamment de toute inclination ou motivation externe. La contemplation de l'objet déclenche une adhésion qui s'impose à l'individu et qui n'est pas soluble dans l'agréable (un objet peut être beau y compris en étant désagréable aux sens), comme si elle était immanente. L'acteur n'a pas besoin d'aller chercher confirmation auprès d'autrui (Kant dédie d'ailleurs un développement à la fonction ambivalente des critiques d'art et faiseurs d'opinion), ni confirmation auprès de lui-même, c'est-à-dire que le jugement esthétique s'impose et paraît évident, délié des inclinations de l'individu, donc sans profit quelconque. Ainsi, même si on était le seul au monde à pouvoir voir cet objet, et même si on était naturellement porté à détester ce qu'il représentait (par ex. : mes "goûts" me portent à être dégoûtée par la forme des pommes et voici un tableau représentant des pommes), il nous serait pareillement beau. Faut-il en conclure que Kant considérait le beau comme une qualité essentielle, indépendante des observateurs, immanente ? Certains kantiens l'ont proposé mais c'est une simplification.
Kant dit quand même plus loin que le jugement esthétique est vecteur d'idées esthétiques : il est une des voies de la connaissance, différente mais pas inférieure à la raison.
- kantorJe viens de m'inscrire !
Merci pour vos réponse !
Mais comment puis-je avoir un jugement de goût sur ce palais indépendamment de ces caractéristiques sensibles ? N'est-ce pas justement l'harmonie des différentes parties (des chapiteaux corinthiens avec le fronton, etc...) qui fait la beauté, même si celle-ci n'est pas réductible à des règles ?
Merci pour ces explications sur l'intérêt/ non intéressé. Mais si l'on définit l'intérêt par la motivation externe, comment expliquer que Kant parle d'intérêt à propos du bon moral (et pas seulement à propos de l'utile) ? Ne devrait-on pas dire que le bon moral, répondant à un impératif catégorique, est tout aussi désintéressé que le jugement de goût, en ce qu'il a sa fin en lui-même ?
J'ai par ailleurs une autre question qui me tarabuste. En disant que le beau plaît universellement sans concept, Kant veut-il dire que le goût n'a pas besoin d'être éduqué pour sentir le beau ? Autant cela me semble vrai pour des oeuvres immédiatement accessibles, comme certains thèmes de Mozart ou Beethoven, autant l'éducation du goût par la pratique et l'expérience me semble nécessaire pour apprécier les oeuvres plus complexes (Schönberg, Mallarmé, Wagner...). Kant critique la position humienne qui fait de l'affinement des sens le critère du bon goût, mais est-ce que sa thèse implique pour autant l'immédiateté de l'accès au beau ?
Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:Par exemple, un palais (je crois me souvenir que Kant prend cet exemple) : si je le juge beau, je le juge indépendamment de ses caractéristiques (corinthien, lieu de pouvoir, a coûté cher etc.).
Mais comment puis-je avoir un jugement de goût sur ce palais indépendamment de ces caractéristiques sensibles ? N'est-ce pas justement l'harmonie des différentes parties (des chapiteaux corinthiens avec le fronton, etc...) qui fait la beauté, même si celle-ci n'est pas réductible à des règles ?
Zagara a écrit:Au contraire, le jugement esthétique est désintéressé parce qu'il est à lui-même sa propre fin et s'exerce indépendamment de toute inclination ou motivation externe.
Merci pour ces explications sur l'intérêt/ non intéressé. Mais si l'on définit l'intérêt par la motivation externe, comment expliquer que Kant parle d'intérêt à propos du bon moral (et pas seulement à propos de l'utile) ? Ne devrait-on pas dire que le bon moral, répondant à un impératif catégorique, est tout aussi désintéressé que le jugement de goût, en ce qu'il a sa fin en lui-même ?
J'ai par ailleurs une autre question qui me tarabuste. En disant que le beau plaît universellement sans concept, Kant veut-il dire que le goût n'a pas besoin d'être éduqué pour sentir le beau ? Autant cela me semble vrai pour des oeuvres immédiatement accessibles, comme certains thèmes de Mozart ou Beethoven, autant l'éducation du goût par la pratique et l'expérience me semble nécessaire pour apprécier les oeuvres plus complexes (Schönberg, Mallarmé, Wagner...). Kant critique la position humienne qui fait de l'affinement des sens le critère du bon goût, mais est-ce que sa thèse implique pour autant l'immédiateté de l'accès au beau ?
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