Re: Livre "Pourquoi les enfants n'aiment pas l'école" de Daniel T.Willingham

"A quoi ça sert" signifie en général "peut-être puis-je vous mettre en défaut sur des questions puériles, afin de laisser s'épanouir ma superbe pilosité palmaire".

Parfois il s'agit aussi de saine curiosité, auquel cas il est facile de répondre.

Bien sûr qu'il s'agit de cela ! Mais je trouve que, même pour remettre un élève à sa place, lui dire qu'il ne sert à rien est très violent. Par ailleurs ma non-réponse en contient une quand même : ça sert à ne pas rester terre à terre et, par bonheur, nous ne passons pas notre vie à ne faire que des choses qui servent immédiatement à quelque chose.
Par ailleurs, dans ma matière, il est parfois inconcevable de répondre. À quoi ça sert, la poésie ? A rien*, et heureusement, parce qu'en cela elle est essentielle.

* À rien dans le sens où l'entendent généralement les élèves.

Je réponds souvent : "A enchanter le monde et nos vies !"

Dalva a écrit:

ben2510 a écrit:Personnellement ça m'a toujours soulé les questions du type "à quoi ça sert", et ce depuis que je suis élève.

J'ai maintenant une réponse standard : "comme toi, à rien".

J'ai une autre réponse qui (sauf exception pour un élève qui avait une très haute estime de lui-même) dit la même chose ou presque sans toutefois humilier l'élève : "À rien dans l'immédiat. Si voulez vraiment faire quelque chose d'utile, je vous donne un balai brosse et vous allez me récurer les toilettes. Ça, ça sert à quelque chose. C'est ce que vous avez envie de faire ?"

Mais ne pas servir est l'honneur des citoyens libres, ce n'est pas humiliant.
Ceux qui servent sont les esclaves.

C'est d'ailleurs étonnant de devoir l'expliquer aux élèves.

Oui, c'est ça... Je ne trouve pas étonnant de devoir le leur expliquer car la pire insulte qu'ils se lancent est justement celle-là : "Tu sers à rien !"
Je l'ai découvert en regardant le documentaire de France 2 sur le harcèlement. Dans le monde d'aujourd'hui, il semble que cette accusation soit l'équivalent d'une négation totale de l'autre. C'est pourquoi elle est très violente. Il faut servir, non pas tout court, mais servir à quelque chose, sous peine de n'être rien.
D'ailleurs l'oisif et l'intellectuel sont plutôt méprisés, non ?
Et donc je comprends leur étonnement d'avoir à faire et à apprendre des choses qui ne servent "à rien".
Pourquoi lire ce roman imposé qu'on n'étudiera même pas en classe ? Pourquoi étudier ce vieux texte en classe ?
Comme tu le dis, pour être libre, mais ça...

Pour revenir au sujet (ça a un lien quand même), vouloir à tout prix ancrer les choses dans la réalité des élèves est une bonne manière de les empêcher de s'élever au-delà de ce qu'ils sont déjà. Mais c'est une telle évidence qu'on se demande pourquoi il faut l'écrire dans un livre.

Eloge de l'oisiveté, Russell
Eloge de l'oisiveté, Sénèque
Contre le travail, Rensi

Razz

Cela dit, l'idée que la recherche et l'étude "ne servent à rien" est répandue bien plus largement que chez les seuls élèves.

Anaxagore a écrit:Eloge de l'oisiveté, Russell
Eloge de l'oisiveté, Sénèque
Contre le travail, Rensi

Désolée, je n'ai aucun Russell, Sénèque ou Rensi parmi mes élèves, leurs parents ou mes voisins ! Razz

:lol:

DesolationRow a écrit:Cela dit, l'idée que la recherche et l'étude "ne servent à rien" est répandue bien plus largement que chez les seuls élèves.

Ah bon ?! :shock:

Nous sommes dans une société qui glorifie essentiellement le fric, et accessoirement la connerie.
Regarde Macron ou Hanouna.

ben2510 a écrit:Nous sommes dans une société qui glorifie essentiellement le fric, et accessoirement la connerie.
Regarde Macron ou Hanouna.

Des minorités : Hanouna = 10% de la population (son audience).
Macron = 18% du corps électoral soit 12-13% de la population.

C'est vrai, la plus grosse partie des habitants de notre pays est composée de gens décents.
Mais qui a le pouvoir ? Pas le peuple !
Quels sont les modèles mis en avant par les media ?
Existe-t-il beaucoup de familles où les parents prennent le temps de démonter et d'expliciter ces discours ? L'école le fait-elle ? Les collègues qui font de l'EMI ont-ils le droit de dénoncer explicitement cette médiocrité ambiante ?
Que reste-t-il de la contre-culture, de la conscience de classe ?
Je vais me coucher, tiens. Bonne nuit Wink

Dalva a écrit:

Anaxagore a écrit:Eloge de l'oisiveté, Russell
Eloge de l'oisiveté, Sénèque
Contre le travail, Rensi

Désolée, je n'ai aucun Russell, Sénèque ou Rensi parmi mes élèves, leurs parents ou mes voisins ! :lol:

DesolationRow a écrit:Cela dit, l'idée que la recherche et l'étude "ne servent à rien" est répandue bien plus largement que chez les seuls élèves.

Ah bon ?! :shock:

C'est ironique ? Wink

Tu verrais les réactions que j'obtiens quand je raconte ce que je fabrique Razz

J'étais dernièrement à un mariage, et je vous jure que j'ai entendu une jeune femme qui travaille dans l'industrie du luxe me dire que la recherche en lettres ça ne servait à rien Wink

j'ai acquiescé vigoureusement et entrepris de tout apprendre sur la vente de chaussures de luxe Razz

DesolationRow a écrit:
J'étais dernièrement à un mariage, et je vous jure que j'ai entendu une jeune femme qui travaille dans l'industrie du luxe me dire que la recherche en lettres ça ne servait à rien j'ai acquiescé vigoureusement et entrepris de tout apprendre sur la vente de chaussures de luxe

Je l'ai entendu aussi de la part d'une prof de physique.

Carabas a écrit:

DesolationRow a écrit:
J'étais dernièrement à un mariage, et je vous jure que j'ai entendu une jeune femme qui travaille dans l'industrie du luxe me dire que la recherche en lettres ça ne servait à rien j'ai acquiescé vigoureusement et entrepris de tout apprendre sur la vente de chaussures de luxe

Je l'ai entendu aussi de la part d'une prof de physique.

et de nombreux profs de lettres, docteurs et vaccinés Livre "Pourquoi les enfants n'aiment pas l'école" de Daniel T.Willingham - Page 4 3284587592

Bon, :jesors:

DesolationRow a écrit:

Dalva a écrit:

Anaxagore a écrit:Eloge de l'oisiveté, Russell
Eloge de l'oisiveté, Sénèque
Contre le travail, Rensi

Désolée, je n'ai aucun Russell, Sénèque ou Rensi parmi mes élèves, leurs parents ou mes voisins ! :lol:

DesolationRow a écrit:Cela dit, l'idée que la recherche et l'étude "ne servent à rien" est répandue bien plus largement que chez les seuls élèves.

Ah bon ?! :shock:

C'est ironique ?
Tu verrais les réactions que j'obtiens quand je raconte ce que je fabrique
J'étais dernièrement à un mariage, et je vous jure que j'ai entendu une jeune femme qui travaille dans l'industrie du luxe me dire que la recherche en lettres ça ne servait à rien j'ai acquiescé vigoureusement et entrepris de tout apprendre sur la vente de chaussures de luxe

La conclusion fut-elle positive ? bounce

ben2510 a écrit:

DesolationRow a écrit:

Dalva a écrit:

Anaxagore a écrit:Eloge de l'oisiveté, Russell
Eloge de l'oisiveté, Sénèque
Contre le travail, Rensi

Désolée, je n'ai aucun Russell, Sénèque ou Rensi parmi mes élèves, leurs parents ou mes voisins ! :lol:

DesolationRow a écrit:Cela dit, l'idée que la recherche et l'étude "ne servent à rien" est répandue bien plus largement que chez les seuls élèves.

Ah bon ?! :shock:

C'est ironique ?
Tu verrais les réactions que j'obtiens quand je raconte ce que je fabrique
J'étais dernièrement à un mariage, et je vous jure que j'ai entendu une jeune femme qui travaille dans l'industrie du luxe me dire que la recherche en lettres ça ne servait à rien j'ai acquiescé vigoureusement et entrepris de tout apprendre sur la vente de chaussures de luxe

La conclusion fut-elle positive ?

ouais, c'est le pied. Razz

Iphigénie a écrit:

ben2510 a écrit:

DesolationRow a écrit:

Dalva a écrit:
Désolée, je n'ai aucun Russell, Sénèque ou Rensi parmi mes élèves, leurs parents ou mes voisins ! :lol:

Ah bon ?! :shock:

C'est ironique ?
Tu verrais les réactions que j'obtiens quand je raconte ce que je fabrique
J'étais dernièrement à un mariage, et je vous jure que j'ai entendu une jeune femme qui travaille dans l'industrie du luxe me dire que la recherche en lettres ça ne servait à rien j'ai acquiescé vigoureusement et entrepris de tout apprendre sur la vente de chaussures de luxe

La conclusion fut-elle positive ?

ouais, c'est le pied.

J'avais déjà chaussure au mien Wink

Aliceinwonderland a écrit:Disons que là où ce n'est pas stupide c'est que je dirais que souvent les enfants qui réussissent bien à l'école sont des enfants qui ont eu accès au jeu, et qui ont eu une autre ouverture sur le savoir, plus ludique, plus libre (par des lectures, des sorties, qu'elles soient plutôt sportives ou culturelles, mais ce sont des enfants qui ont observé la nature, les insectes, expérimenté en jouant au sable, avec un bâton etc).

Souvent j'observe que les enfants en échec que je reçois sont des enfants qui ne manipulent pas et ne jouent pas (on ne parle même pas de savoir tapisser ou gâcher du plâtre comme le disait quelqu'un plus haut) mais qui simplement ne savent pas ce qu'est un jeu de construction, un puzzle, une panoplie de docteur, qui ne sortent jamais au parc du coin et à qui on n'a jamais raconté une histoire.

Parfois on voit que les parents sont véritablement incapables de leur offrir cela donc ce serait bien qu'ils bénéficient d'un cadre pour cela le plus tôt possible (même si d'une certaine façon c'est ce que font déjà les centres de loisirs). Mais les centres de loisirs arrivent assez tard finalement pour certains, il faudrait des structures dès deux ans.

Comme on a de plus en plus d'enfants dont les parents ne s'occupent pas, des enfants hypnotisés par les écrans qui attendent qu'on les "anime" (c'est l'impression que j'ai) on veut injecter du ludique dans l'école pour les récupérer mais c'est trop tard et on se contente de faire de la garderie, y compris pour ceux qui eux ont les prérequis nécessaires à un véritable apprentissage.

Je suis chaque année surpris par la proportion de mes secondes qui ne connaissent pas, même de loin, la composition d'un jeu de 52 cartes.

Voila.
Le fait de vouloir s'appuyer sur la connaissance du monde nécessiterait que les élèves connaissent le monde (un minimum).

ben2510 a écrit:Voila.
Le fait de vouloir s'appuyer sur la connaissance du monde nécessiterait que les élèves connaissent le monde (un minimum).

Je ne souscris absolument pas à cette idée. L'école est justement là pour donner aux enfants ce qu'ils n'ont pas. Avec ce type d'idée, il faudrait que l'école n'accueille en son sein que ceux qui ont le moins besoin de l'école publique pour réussir.

Je ne comprends pas la remarque de Ben comme toi, Elyas. Je comprends qu'il n'encourage pas cette vision de l'éducation s'appuyant sur l'expérience des élèves parce que justement leur expérience est trop limitée et on tombe du coup dans le travers que tu dénonces. L'école a donc pour mission d'apporter autre chose.

J'avais compris plutôt que Ben préconisait d'instruire les élèves sur le monde qui les entoure avant de leur demander d'élaborer une réflexion dessus, mais je puis me tromper.

Tu fais un contresens sur ce que je dis, Elyas.
"nécessiterait", au conditionnel.

Je pense (comme toi) que l'école doit apporter des connaissances, sans quoi ce sont les déterminismes sociaux extérieurs à l'école qui l'emportent.

Je dis justement qu'il n'est pas possible de s'appuyer sur des connaissances pré-existantes qui me semblent au mieux fragiles et mal distribuées (avec en plus un début d'hypothèse concernant l'évolution négative de cet aspect, il me semble que les élèves sont trop protégés du réel par leurs parents, déconnectés serait peut-être le mot juste).

Carabas et Babarette ont fort bien répondu avant moi !