- UtopiqueNiveau 5
Bonjour,
Je prépare actuellement le Capes de SES et suis en train de traiter le thème "travail-emploi-chômage"
Je me passionne par ailleurs pour l'imaginaire collectif lié au travail et à l'emploi, le revenu universel et bien sûr toutes les théories critiques qui bousculent les évidences.
C'est pourquoi je serais très curieux des avis sur ces questions, en effet pour ma préparation, je tombe souvent sur des expressions du style "La France a gagné tant de millions d'emplois", "enrichissement de la croissance en emplois" ou encore "bassins d'emplois" dans des docs de l'INSEE...
Ce genre d'expression sous-entend que l'emploi est une ressource en soi. Ce qui me paraît un non-sens, qu'en pensez-vous? L'économie n'est-elle pas destinée à libérer l'homme du travail? :blague:
Je prépare actuellement le Capes de SES et suis en train de traiter le thème "travail-emploi-chômage"
Je me passionne par ailleurs pour l'imaginaire collectif lié au travail et à l'emploi, le revenu universel et bien sûr toutes les théories critiques qui bousculent les évidences.
C'est pourquoi je serais très curieux des avis sur ces questions, en effet pour ma préparation, je tombe souvent sur des expressions du style "La France a gagné tant de millions d'emplois", "enrichissement de la croissance en emplois" ou encore "bassins d'emplois" dans des docs de l'INSEE...
Ce genre d'expression sous-entend que l'emploi est une ressource en soi. Ce qui me paraît un non-sens, qu'en pensez-vous? L'économie n'est-elle pas destinée à libérer l'homme du travail? :blague:
- Robin54Niveau 7
Je n'ai pas le savoir nécessaire pour répondre à cette intéressante question... mais le terme "Ressources humaines" me dérange beaucoup. Cela me laisse penser que les employés sont un moyen d'enrichissement pour l'entreprise, une ressource, on gomme par conséquent tout l'aspect humain. Le monde de l'entreprise est pétri de cette "novlangue" qui diffuse dans les médias.. A force de répéter cette rhétorique on fonde notre économie sur cette abstraction, c'est effrayant.
- DaphnéDemi-dieu
Et les emplois publics ? Les emplois dans le tertiaire ?
- MarximusNiveau 4
Dans l'optique du CAPES il y a un excellent Que sais-je, PUF, à ce sujet : "Le travail" de Dominique Méda.
D'ailleurs le plan est pas mal pour répondre à tes interrogations:
I-L'avènement du travail
II-Crise de l'emploi, transformation du travail
III-L'avenir du travail
Bonne préparation !
D'ailleurs le plan est pas mal pour répondre à tes interrogations:
I-L'avènement du travail
II-Crise de l'emploi, transformation du travail
III-L'avenir du travail
Bonne préparation !
- UtopiqueNiveau 5
Merci pour les réactions et la recommandation bibliographique Je suis critique aussi du concept de "ressources humaines" mais pour moi il n'est que l'aboutissement d'une logique de rationalisation néolibérale où tous les éléments sont les rouages d'un ceratin modèle économique.
Pour ma part j'avais lu un petit livre "Le travail, Histoire d'une idéologie" de Guillaume Borel (j'ai trouvé très pertinent) qui reprend des analyses de Jacques Ellul ainsi que "The second machine age" écrit par des chercheurs du MIT dans le cadre d'un projet de recherche.
Mais plus sérieusement, et sans forcément sur des appuis théoriques, cela m'intéresserait de savoir comment est appréhendé cette question par des enseignants (de sciences humaines ou pas).
"Créér de l'emploi" est-ce que ça peut être une finalité en soi?
Tous les emplois sont-ils utiles? Y-a-t-il plus de "travail" dans l'emploi qu'en dehors?
Plus d'emplois, qui contiennent du travail ou pas, utile ou nuisible selon perspective, son-ils nécessaire dans une économie avec théoriquement assez de ressources?
Sachant que le travail comme institution centrale ne se développe qu'à partir du siècle des lumières, peut-on imaginer une société où l'emploi-travail ne serait plus la norme? Une nouvelle institution génératrice de lien social pourrait-elle remplacer celle de l'emploi travail?
Les économistes et les philosophes: Quand Keynes prédit de son temps que la durée de "travail" moyenne n'excédera pas 15h la semaine au début du 21ème siècle; Et que le monde a pris un tout autre chemin malgré les gains de productivité et la possibilité théorique d'augmenter la part de loisirs; Qu'en pensez-vous? Sommes nous des "victimes" d'une idéologie du travail? Est-ce un moyen de fuir notre existence?
Où est-ce simplement une conséquence de la mondialisation et de la déréglementation néolibérale?
Est-ce cette idéologie qui pose problème (soutenabilité, tensions sociales, désintéressement politique) cet acharnement à la tâche, que les grecs de l'antiquité verraient comme une folie? Au lieu de se confronter au réel?
Bon j'espère que vous vous sentirez interpellé par une de ces questions car c'est un thème qui me semble très important et qui est souvent source de malentendus et touche à des croyances que nous ne remettons plus en question.
Si je me retouve devant des élèves et que je suis sensé les aider à porter un "regard éclairé" sur le monde qui les entoure, je voudrais aussi rester suffisemment alerte pour ne pas être trop promoteur d'une quelquonque idéologie sans m'en apercevoir
Pour ma part j'avais lu un petit livre "Le travail, Histoire d'une idéologie" de Guillaume Borel (j'ai trouvé très pertinent) qui reprend des analyses de Jacques Ellul ainsi que "The second machine age" écrit par des chercheurs du MIT dans le cadre d'un projet de recherche.
Mais plus sérieusement, et sans forcément sur des appuis théoriques, cela m'intéresserait de savoir comment est appréhendé cette question par des enseignants (de sciences humaines ou pas).
"Créér de l'emploi" est-ce que ça peut être une finalité en soi?
Tous les emplois sont-ils utiles? Y-a-t-il plus de "travail" dans l'emploi qu'en dehors?
Plus d'emplois, qui contiennent du travail ou pas, utile ou nuisible selon perspective, son-ils nécessaire dans une économie avec théoriquement assez de ressources?
Sachant que le travail comme institution centrale ne se développe qu'à partir du siècle des lumières, peut-on imaginer une société où l'emploi-travail ne serait plus la norme? Une nouvelle institution génératrice de lien social pourrait-elle remplacer celle de l'emploi travail?
Les économistes et les philosophes: Quand Keynes prédit de son temps que la durée de "travail" moyenne n'excédera pas 15h la semaine au début du 21ème siècle; Et que le monde a pris un tout autre chemin malgré les gains de productivité et la possibilité théorique d'augmenter la part de loisirs; Qu'en pensez-vous? Sommes nous des "victimes" d'une idéologie du travail? Est-ce un moyen de fuir notre existence?
Où est-ce simplement une conséquence de la mondialisation et de la déréglementation néolibérale?
Est-ce cette idéologie qui pose problème (soutenabilité, tensions sociales, désintéressement politique) cet acharnement à la tâche, que les grecs de l'antiquité verraient comme une folie? Au lieu de se confronter au réel?
Bon j'espère que vous vous sentirez interpellé par une de ces questions car c'est un thème qui me semble très important et qui est souvent source de malentendus et touche à des croyances que nous ne remettons plus en question.
Si je me retouve devant des élèves et que je suis sensé les aider à porter un "regard éclairé" sur le monde qui les entoure, je voudrais aussi rester suffisemment alerte pour ne pas être trop promoteur d'une quelquonque idéologie sans m'en apercevoir
- ZagaraGuide spirituel
Topic intéressant que je suivrai en sous-marin n'ayant pas les capacités théoriques pour y participer, mais je rebondis juste pour préciser un élément :
On pourrait aussi parler de la centralité du travail dans le monachisme chrétien, encore antérieure, mais c'est un autre sujet.
En fait c'est bien plus ancien que ça. Le travail comme valeur méliorative nait chez les bourgeois médiévaux dans le sillage du premier capitalisme marchand (XIIème siècle et en avant). Dès le XIIème siècle, le travail est un élément central pour établir la réputation d'une personne non-noble, et il module sa personnalité juridique. Au même moment, ces bourgeois inventent les confréries de métier, ou guildes : le travail crée ses propres réseaux de sociabilité et ses régimes normatifs particuliers. A partir du XVème siècle, on voit nettement le modèle idéologique noble (fondé sur le non-travail) être concurrencé par un nouveau modèle idéologique bourgeois qui place le travail au centre.Nicolas Mathieu a écrit:Sachant que le travail comme institution centrale ne se développe qu'à partir du siècle des lumières, peut-on imaginer une société où l'emploi-travail ne serait plus la norme?
On pourrait aussi parler de la centralité du travail dans le monachisme chrétien, encore antérieure, mais c'est un autre sujet.
- SunnNiveau 5
La première fois que tu abordes la question du travail, c'est en 2nde / 1ère et tu dis généralement que c'est un facteur de production, un élément qui permet la création d'un bien ou d'un service.
Tu as les chapitres sur la socialisation et les groupes sociaux également où tu vois le travail comme source de socialisation 2ndaire et comme un groupe social 2ndaire qui permet d'obtenir des liens faibles et un meilleur capital social.
Tu abordes aussi rapidement la question du travail quand tu parles de la désaffiliation et la disqualification, pour montrer à quel point le statut de "travailleur" ou de "chômeur" est source de stigmatisation. Je l'ai utilisé aussi dans le chapitre sur la déviance, on a abordé la stigmatisation du bénéficiaire des allocations sociales dans un reportage qui suit une famille monoparentale avec une mère au chômage et 3 enfants.
Ensuite vient la terminale où tu abordes les questions de croissance économique, de solidarité, de lien social, et des politiques de l'emploi.
Dans le chapitre sur les sources de la croissance, j'aborde une approche très classique : pour avoir de la croissance économique (qui elle-même est censée apporter un meilleur bien-être), il faut une accumulation des facteurs de production, parmi lesquels le travail. Je ne parle pas ici de la nature de ce travail, car ce n'est pas le but. Le travail n'est ici qu'une brique qui permet de comprendre le schéma global.
Dans celui sur le lien social, tu abordes le travail comme facteur d'intégration dans la société. Et avec le passage à une solidarité de plus en plus organique, le rôle de cette instance est de plus en plus compliqué (chômage, entreprises moins "patriarcales", groupes 2ndaires de plus en plus friables).
Ces deux réflexions aboutissent dans les chapitres sur le travail et le marché de l'emploi. Dans une logique où le travail est facteur d'intégration, il faut mener des politiques de réduction du chômage, à la fois pour booster la croissance, mais aussi pour renouer le lien social. Problème : la flexibilisation, la précarisation, etc... tout ça ne permet pas de conserver l'aspect intégrateur.
Je pense cette année passer un petit moment à concevoir une revue de presse qui parle justement de l'articulation que tu abordes sur le sens qu'on donne au travail dans nos sociétés :
- Un article de Slate sur les "bullshit jobs" (je trouverai le lien plus tard, je dois partir)
- Un autre sur la robotisation des emplois d'ici 60 ans
- Une interview de Bernard Friot sur la déconnexion entre le salaire et le travail
- Un passage des "métamorphoses de la question sociale" de Robert Castel sur l'extension du salariat et les problématiques actuelles, auxquelles Castel répond par une réduction généralisée du temps de travail.
Mais tout ça, c'est de l'approfondissement, le programme ne laisse pas trop de marge pour insérer ces problématiques. Je dirais que ça dépend de la sensibilité du professeur et de sa liberté pédagogique. Je l'aborderai forcément, ne serait-ce que parce ce qu'on a devant nous des élèves qui d'ici quelques années travailleront eux mêmes.
Tu as les chapitres sur la socialisation et les groupes sociaux également où tu vois le travail comme source de socialisation 2ndaire et comme un groupe social 2ndaire qui permet d'obtenir des liens faibles et un meilleur capital social.
Tu abordes aussi rapidement la question du travail quand tu parles de la désaffiliation et la disqualification, pour montrer à quel point le statut de "travailleur" ou de "chômeur" est source de stigmatisation. Je l'ai utilisé aussi dans le chapitre sur la déviance, on a abordé la stigmatisation du bénéficiaire des allocations sociales dans un reportage qui suit une famille monoparentale avec une mère au chômage et 3 enfants.
Ensuite vient la terminale où tu abordes les questions de croissance économique, de solidarité, de lien social, et des politiques de l'emploi.
Dans le chapitre sur les sources de la croissance, j'aborde une approche très classique : pour avoir de la croissance économique (qui elle-même est censée apporter un meilleur bien-être), il faut une accumulation des facteurs de production, parmi lesquels le travail. Je ne parle pas ici de la nature de ce travail, car ce n'est pas le but. Le travail n'est ici qu'une brique qui permet de comprendre le schéma global.
Dans celui sur le lien social, tu abordes le travail comme facteur d'intégration dans la société. Et avec le passage à une solidarité de plus en plus organique, le rôle de cette instance est de plus en plus compliqué (chômage, entreprises moins "patriarcales", groupes 2ndaires de plus en plus friables).
Ces deux réflexions aboutissent dans les chapitres sur le travail et le marché de l'emploi. Dans une logique où le travail est facteur d'intégration, il faut mener des politiques de réduction du chômage, à la fois pour booster la croissance, mais aussi pour renouer le lien social. Problème : la flexibilisation, la précarisation, etc... tout ça ne permet pas de conserver l'aspect intégrateur.
Je pense cette année passer un petit moment à concevoir une revue de presse qui parle justement de l'articulation que tu abordes sur le sens qu'on donne au travail dans nos sociétés :
- Un article de Slate sur les "bullshit jobs" (je trouverai le lien plus tard, je dois partir)
- Un autre sur la robotisation des emplois d'ici 60 ans
- Une interview de Bernard Friot sur la déconnexion entre le salaire et le travail
- Un passage des "métamorphoses de la question sociale" de Robert Castel sur l'extension du salariat et les problématiques actuelles, auxquelles Castel répond par une réduction généralisée du temps de travail.
Mais tout ça, c'est de l'approfondissement, le programme ne laisse pas trop de marge pour insérer ces problématiques. Je dirais que ça dépend de la sensibilité du professeur et de sa liberté pédagogique. Je l'aborderai forcément, ne serait-ce que parce ce qu'on a devant nous des élèves qui d'ici quelques années travailleront eux mêmes.
- Thalia de GMédiateur
Topic déplacé et retitré.
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Le printemps a le parfum poignant de la nostalgie, et l'été un goût de cendres.
Soleil noir de mes mélancolies.
- GrypheMédiateur
+1.Zagara a écrit:Topic intéressant que je suivrai en sous-marin n'ayant pas les capacités théoriques pour y participer
Dans la mesure où, confrontés aux défis de la conversion écologique, nous sommes plus ou moins forcés d'imaginer de nouveaux modèles d'organisation économiques et sociaux, je trouve également cette question fondamentale. Vu que je défriche à peine le sujet et n'ayant strictement aucun prérequis en économie, je vais suivre en sous-marin aussi.
_________________
Τί ἐστιν ἀλήθεια ;
- LilypimsGrand sage
Ben moi aussi.Gryphe a écrit:+1.Zagara a écrit:Topic intéressant que je suivrai en sous-marin n'ayant pas les capacités théoriques pour y participer
Dans la mesure où, confrontés aux défis de la conversion écologique, nous sommes plus ou moins forcés d'imaginer de nouveaux modèles d'organisation économiques et sociaux, je trouve également cette question fondamentale. Vu que je défriche à peine le sujet et n'ayant strictement aucun prérequis en économie, je vais suivre en sous-marin aussi.
_________________
...il faut continuer, je ne peux pas continuer, il faut continuer, je vais donc continuer...
- SunnNiveau 5
J'en profite pour donner deux liens de videos très intéressants sur le sujet. Elles ont été réalisées par Usul, un youtuber aux idées politiques très marquées, mais qui garde quand même une certaine rigueur dans l'argumentation, et a le mérite de parler de sujets rarement abordés.
Une première video sur Frédéric Lordon, un économiste aux idées très hétérodoxes :
La deuxième video traite de la question du salaire à vie, au travers du sociologue et économiste Bernard Friot.
De quoi donner du grain à moudre dans la conversation
Une première video sur Frédéric Lordon, un économiste aux idées très hétérodoxes :
La deuxième video traite de la question du salaire à vie, au travers du sociologue et économiste Bernard Friot.
De quoi donner du grain à moudre dans la conversation
- keroGrand sage
Utopique a écrit:L'économie n'est-elle pas destinée à libérer l'homme du travail?
Je dirais plutôt que l'économie est destinée à produire les biens et services dont l'homme a besoin pour vivre.
- SunnNiveau 5
kero a écrit:L'économie n'est-elle pas destinée à libérer l'homme du travail?
J'aime beaucoup cette définition là : "L'économie est la science qui étudie la satisfaction de besoins illimités, dans un monde de rareté"
Il y a un intérêt à étudier l'économie, parce qu'il y a rareté de tout. Rareté des ressources naturelles, de l'espace, rareté du temps à allouer à nos activités, mais aussi, rareté des hommes (même si nous sommes 7 milliards, il s'agit d'un nombre fini). La seule chose qui ne semble pas avoir de fin, ce sont nos besoins.
Parce qu'elle s'intéresse à l'usage des ressources, l'économie a pour objet d'étude des questions variées comme la production (comment fabriquer ces ressources...), la productivité (... le mieux possible), la consommation (quel usage fait-on de ces produits qui satisfont les besoins ?), le marché (comment se rencontrent ceux qui disposent des produits et ceux qui en ont besoin), la monnaie (comment faciliter ces échanges), etc...
Le travail en économie, c'est l'usage d'une ressource, le facteur travail, dont la quantité varie avec la taille de la population active, le nombre d'heures qu'elle travaille, et l'efficacité de son travail. Pour produire, on utilise deux facteurs que l'on combine, travail, et capital (machines, usines, etc...).
Dans une société comme la notre où le capital est de plus en plus productif, et où il peut de plus en plus se substituer au travail, le facteur travail se retrouve de moins en moins rare, mais c'est là qu'arrive le paradoxe, puisque nos modèles économiques et sociaux ont toujours eu tendance à placer le travail au centre de la production et même de la vie sociale.
Est en train de venir le moment où l'on doit repenser le rôle du travail dans la société, soit pour le partager plus (une société où l'homme travaillerait 2 à 3 heures par jour, personnellement je suis pour ), soit pour s'en libérer totalement.
Il y a souvent un aspect que les élèves ont du mal à cerner, et même les adultes, quand ils étudient l'économie. Un économiste est quelqu'un, qui à sa manière, cherche à améliorer le bien-être des citoyens. On le fait d'une manière très différente des médecins, des physiciens, des politiques, mais les premiers économistes ont bien souvent été des philosophes et dans bon nombre de leurs oeuvres, on retrouve cette idée que la recherche des solutions à des problèmes économiques apporte du bonheur social. Je pense qu'à terme, la quête de ce bien-être passera par l'avènement d'un nouveau modèle économique et social où le travail productif n'aura plus une place centrale, et où l'homme, libéré de cet aspect, pourra travailler à d'autres manières de satisfaire ses besoins.
- GrypheMédiateur
Merci @Sunn pour tes explications.
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Τί ἐστιν ἀλήθεια ;
- UtopiqueNiveau 5
Zagara En fait c'est bien plus ancien que ça. Le travail comme valeur méliorative nait chez les bourgeois médiévaux dans le sillage du premier capitalisme marchand (XIIème siècle et en avant). Dès le XIIème siècle, le travail est un élément central pour établir la réputation d'une personne non-noble, et il module sa personnalité juridique. Au même moment, ces bourgeois inventent les confréries de métier, ou guildes : le travail crée ses propres réseaux de sociabilité et ses régimes normatifs particuliers. A partir du XVème siècle, on voit nettement le modèle idéologique noble (fondé sur le non-travail) être concurrencé par un nouveau modèle idéologique bourgeois qui place le travail au centre. On pourrait aussi parler de la centralité du travail dans le monachisme chrétien, encore antérieure, mais c'est un autre sujet. a écrit:
De ce que j'ai lu, (de l'histoire économique et sur le thème du travail) on ne parle pas encore de "bourgeois" ou de "classe bourgeoise" au XII ème siècle. Après on peut imaginer que parmi les personnes "non-nobles" le travail ait pu être une source de différenciation, de statut. Néanmoins le corporatisme assure davantage une protection et un statut à ses membres sur des critères de droits héréditaires qu'il ne promeut le travail, puisque dans le même temps il empêche la concurrence et la recherche de l'efficacité par la sélection des talents. Selon toi on pourrait déjà parler de « valeur travail » à cette époque ?
Je suis bien d'accord quand tu dis qu'il y a là la création d'une identité sociale mais pour moi c'est plutôt autour d'un statut et d'un savoir-faire protégé. Le travail étant alors une nécessité plus qu'une fin en soi, un phénomène qui est apparu plus tard. On ne peut pas encore, à mon sens, parler "d'idéologie du travail" au moyen-âge. Et puis au niveau religieux c'est surtout une façon de faire pénitence.
Je ne sais pas si tu es d'accord avec mon analyse, tu pourrais peut-être me préciser des faits qui l'infirment? Plus généralement, peut-on être d'accord pour situer l'origine de l'idéologie du travail dans le haut moyen-âge? Une synthèse entre les idées des lumières et la réforme en quelque sorte?
- ZagaraGuide spirituel
Bourgeois était employé ici au sens médiéval, évidemment. C'est-à-dire personne possédant une maison depuis au moins 1 an et 1 jour dans la délimitation juridique du bourg, ce qui lui offre des privilèges et une personnalité juridique particulière.
Donc bien sûr que les bourgeois existent au XIIème siècle, c'est même le grand moment de leur apparition juridique. Ce n'est simplement pas le même concept que le bourgeois du XIXème/XXème siècle.
Pour l'idéologie du travail, la lecture des journaux tenus par les marchands italiens de la fin du XVème siècle et début du XVIème suffit à prouver qu'il en existe une forme (évidemment pas équivalente à l'actuelle) à la fin du Moyen Âge. Du moins une idéologie bourgeoise indépendante et bien formée des anciennes idéologies sociales (notamment de celle de la noblesse), fondée sur l'accumulation d'argent, la prévention des risques, les buts du travail, de l'argent et de l'investissement, etc. Un des plus connus est le journal de Giovanni di Pagolo Morelli, par exemple. A la même époque, on commence aussi à voir un retournement de la figure du pauvre. Déifié, sacralisé depuis l'émergence des mouvements mendiants, de plus en plus de voix l'accusent, au XVème siècle, d'être grosso modo une feignasse dangereuse. L'oisif est de plus en plus associé dans les ordonnances avec la dangerosité, les tavernes, la prostitution, les pipeurs de dés. Ce retournement est un effet miroir de l'affirmation de la première idéologie bourgeoise où le travail commence à devenir une valeur. Tu ne trouveras évidemment pas dans les textes le terme "valeur travail" tel quel, puisque c'est une invention récente (post 2ème GM ?). Mais cela ne signifie pas qu'il n'en existait aucune forme.
Donc bien sûr que les bourgeois existent au XIIème siècle, c'est même le grand moment de leur apparition juridique. Ce n'est simplement pas le même concept que le bourgeois du XIXème/XXème siècle.
Pour l'idéologie du travail, la lecture des journaux tenus par les marchands italiens de la fin du XVème siècle et début du XVIème suffit à prouver qu'il en existe une forme (évidemment pas équivalente à l'actuelle) à la fin du Moyen Âge. Du moins une idéologie bourgeoise indépendante et bien formée des anciennes idéologies sociales (notamment de celle de la noblesse), fondée sur l'accumulation d'argent, la prévention des risques, les buts du travail, de l'argent et de l'investissement, etc. Un des plus connus est le journal de Giovanni di Pagolo Morelli, par exemple. A la même époque, on commence aussi à voir un retournement de la figure du pauvre. Déifié, sacralisé depuis l'émergence des mouvements mendiants, de plus en plus de voix l'accusent, au XVème siècle, d'être grosso modo une feignasse dangereuse. L'oisif est de plus en plus associé dans les ordonnances avec la dangerosité, les tavernes, la prostitution, les pipeurs de dés. Ce retournement est un effet miroir de l'affirmation de la première idéologie bourgeoise où le travail commence à devenir une valeur. Tu ne trouveras évidemment pas dans les textes le terme "valeur travail" tel quel, puisque c'est une invention récente (post 2ème GM ?). Mais cela ne signifie pas qu'il n'en existait aucune forme.
- UtopiqueNiveau 5
J'avais déjà vu ces vidéos, je les recommande également. J'aime bien les vidéos d'Usul également même si c'est très orienté et qu'une distance critique est toujours une bonne chose.
Pour ceux qui n'ont pas de problèmes avec l'anglais, je recommande ce Ted d'un psychologue social américain renommé, Barry Schwartz:
https://www.ted.com/talks/barry_schwartz_the_way_we_think_about_work_is_broken/transcript
Sinon il a écrit des livres sur le thème dont "pourquoi travaillons-nous" qui m'a beaucoup inspiré pour la rédaction d'un projet de recherche l'année dernière.
Pour les intéressés il y aussi une étude Gallup qui compare l'engagement au travail dans tous les pays du monde: http://www.gallup.com/services/178517/state-global-workplace.aspx
Pour ceux qui n'ont pas de problèmes avec l'anglais, je recommande ce Ted d'un psychologue social américain renommé, Barry Schwartz:
https://www.ted.com/talks/barry_schwartz_the_way_we_think_about_work_is_broken/transcript
Sinon il a écrit des livres sur le thème dont "pourquoi travaillons-nous" qui m'a beaucoup inspiré pour la rédaction d'un projet de recherche l'année dernière.
Pour les intéressés il y aussi une étude Gallup qui compare l'engagement au travail dans tous les pays du monde: http://www.gallup.com/services/178517/state-global-workplace.aspx
- UtopiqueNiveau 5
En réponse à Sunn
J'en profite pour donner deux liens de videos très intéressants sur le sujet. Elles ont été réalisées par Usul, un youtuber aux idées politiques très marquées, mais qui garde quand même une certaine rigueur dans l'argumentation, et a le mérite de parler de sujets rarement abordés. a écrit:
- UtopiqueNiveau 5
Merci pour les précisions, ça complète ce que j'ai apprisZagara: Bourgeois était employé ici au sens médiéval, évidemment. C'est-à-dire personne possédant une maison depuis au moins 1 an et 1 jour dans la délimitation juridique du bourg, ce qui lui offre des privilèges et une personnalité juridique particulière. Donc bien sûr que les bourgeois existent au XIIème siècle, c'est même le grand moment de leur apparition juridique. Ce n'est simplement pas le même concept que le bourgeois du XIXème/XXème siècle. Pour l'idéologie du travail, la lecture des journaux tenus par les marchands italiens de la fin du XVème siècle et début du XVIème suffisent à prouver qu'il en existe une forme (évidemment pas équivalente à l'actuelle) à la fin du Moyen Âge. Du moins une idéologie bourgeoise indépendante et bien formée des anciennes idéologies sociales (notamment de celle de la noblesse), fondée sur l'accumulation d'argent, la prévention des risques, les buts du travail, de l'argent et de l'investissement, etc. Un des plus connus est le journal de Giovanni di Pagolo Morelli, par exemple. A la même époque, on commence aussi à voir un retournement de la figure du pauvre. Déifié, sacralisé depuis l'émergence des mouvements mendiants, de plus en plus de voix l'accusent, au XVème siècle, d'être grosso modo une feignasse dangereuse. Ce retournement est un effet miroir de l'affirmation de la première idéologie bourgeoise où le travail commence à devenir une valeur. Tu ne trouveras évidemment pas dans les textes le terme "valeur travail" tel quel, puisque c'est une invention récente (post 2ème GM ?). Mais cela ne signifie pas qu'il n'en existait aucune forme. a écrit:
- ZagaraGuide spirituel
Utopique a écrit:Néanmoins le corporatisme assure davantage une protection et un statut à ses membres sur des critères de droits héréditaires qu'il ne promeut le travail, puisque dans le même temps il empêche la concurrence et la recherche de l'efficacité par la sélection des talents.
Par ailleurs les premières guildes médiévales ne sont pas héréditaires mais fondées sur les compétences et le talent. Ce n'est qu'au cours du Moyen Âge (assez rapidement) que s'installe une certaine hérédité (c'est beaucoup plus facile d'apprendre le métier, d'obtenir une recommandation d'un Maître et de payer le droit d'entrée de compagnonnage... quand on a un Maître dans la famille ! Et s'installe la tradition de "réserver" des places pour sa famille). Ces structures sont d'abord des moyens de régulation du métier organisées par les travailleurs eux-mêmes, ou par leur seigneur, ou leur commune (dépend des cas), afin de garantir la qualité des produits et éviter l'étranger-charlatan, figure terrible du Moyen Âge (l'infâme et bossu Amienois venant vendre des oeufs couvés à Paris, et inversement). L'enjeu principal est de s'assurer que les bouchers ne vendront pas de viande daubée, que le beurre ne donnera pas la peste, etc, et la commune/le seigneur ont des prévôts spécialisés pour travailler avec les Maîtres sur ces sujets. Les guildes sont des structures sanitaires autant que de sociabilité, de protection des membres ou d'organisation. Il est par ailleurs orienté de dire qu'elles "empêchent l'efficacité et l'innovation" : ça c'est le discours des anti-corporations du XVIIIème siècle, c'est un discours très marqué et anachronique pour le Moyen Âge.
- UtopiqueNiveau 5
Super idée! Je me suis aussi intéressé au thème des "bullshit jobs" pour mon projet de rechercheSunn: e pense cette année passer un petit moment à concevoir une revue de presse qui parle justement de l'articulation que tu abordes sur le sens qu'on donne au travail dans nos sociétés : - Un article de Slate sur les "bullshit jobs" (je trouverai le lien plus tard, je dois partir) - Un autre sur la robotisation des emplois d'ici 60 ans - Une interview de Bernard Friot sur la déconnexion entre le salaire et le travail - Un passage des "métamorphoses de la question sociale" de Robert Castel sur l'extension du salariat et les problématiques actuelles, auxquelles Castel répond par une réduction généralisée du temps de travail. a écrit:
J'ai retrouvé quelques liens si ça t'intéresse:
http://www.lemonde.fr/m-perso/article/2016/04/22/dans-l-enfer-des-jobs-a-la-con_4907069_4497916.html#kSy6GTdsvDbRccAR.99
http://www.politis.fr/article7846.html
- UtopiqueNiveau 5
Merci pour cette perspective que je n'avais pas appronfondie, je suis sûrement influencé par la théorie économique standard :blague:Par ailleurs les premières guildes médiévales ne sont pas héréditaires mais fondées sur les compétences et le talent. Ce n'est qu'au cours du Moyen Âge (assez rapidement) que s'installe une certaine hérédité (c'est beaucoup plus facile d'apprendre le métier, d'obtenir une recommandation d'un Maître et de payer le droit d'entrée de compagnonnage... quand on a un Maître dans la famille ! Et s'installe la tradition de "réserver" des places pour sa famille). Ces structures sont d'abord des moyens de régulation du métier organisées par les travailleurs eux-mêmes, ou par leur seigneur, ou leur commune (dépend des cas), afin de garantir la qualité des produits et éviter l'étranger-charlatan, figure terrible du Moyen Âge (l'infâme et bossu Amienois venant vendre des oeufs couvés à Paris, et inversement). L'enjeu principal est de s'assurer que les bouchers ne vendront pas de viande daubée, que le beurre ne donnera pas la peste, etc, et la commune/le seigneur ont des prévôts spécialisés pour travailler avec les Maîtres sur ces sujets. Les guildes sont des structures sanitaires autant que de sociabilité, de protection des membres ou d'organisation. Il est par ailleurs orienté de dire qu'elles "empêchent l'efficacité et l'innovation" : ça c'est le discours des anti-corporations du XVIIIème siècle, c'est un discours très marqué et anachronique pour le Moyen Âge. a écrit:
- SunnNiveau 5
Pour rebondir sur le sujet, France Culture va accorder 4 émissions sur la question du travail à partir du 28 août avec Dominique Meda et Jean Marc Daniel, économistes qui ont travaillé beaucoup sur la question.
Le lien : https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/les-penseurs-du-travail-14-lextension-du-concept-de-travail
Le lien : https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/les-penseurs-du-travail-14-lextension-du-concept-de-travail
- UtopiqueNiveau 5
Merci beaucoup pour le lien Sunn!Pour rebondir sur le sujet, France Culture va accorder 4 émissions sur la question du travail à partir du 28 août avec Dominique Meda et Jean Marc Daniel, économistes qui ont travaillé beaucoup sur la question. a écrit:
J'en profite pour partager le lien vers l'émission en 4 parties "avoir raison" sur Emile Durkheim. Une partie est consacrée au rôle socio du travail et, pour revenir à mon échange avec Zagara, il est aussi question des corporations.
https://www.franceculture.fr/emissions/avoir-raison-avec-emile-durkheim
- LaMaisonQuiRendFouFidèle du forum
L'expression "ressources humaines" provient d'un point de vue gestionnaire de l'économie et des organisations, et plus précisément de l'école des relations humaines en théorie des organisations. Cette expression a progressivement quitté le champ théorique pour s'insérer dans les organisations elles-mêmes (passage d'un service "gestion du personnel" à "gestion des ressources humaines"). On utilise cette expression de GRH pour qualifier un portefeuille de compétences détenues dans l'organisation.
Voilà ce que je peux en dire, j'aborderai justement bientôt l'école des relations humaines dans un de mes cours, d'où cette précision...
Je n'ai pas lu tout le fil, donc peut-être que qqun avait déjà apporté des éléments de réponse.
Voilà ce que je peux en dire, j'aborderai justement bientôt l'école des relations humaines dans un de mes cours, d'où cette précision...
Je n'ai pas lu tout le fil, donc peut-être que qqun avait déjà apporté des éléments de réponse.
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