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- ChamilNiveau 9
Moonchild a écrit:
Honnêtement, au risque de faire preuve d'un mauvais esprit défaitiste, je crois que le tutorat en premier cycle était de toute manière voué à l'échec quels que soient les personnels en ayant la charge et quelles qu'en soient les modalités : tous les dispositifs pédagogiques qu'on peut imaginer ne changeront rien au fait qu'une forte proportion d'étudiants qui arrivent à l'université n'y est tout simplement pas à sa place. Je crois que c'est une pure illusion que de penser qu'une forme quelconque de personnalisation/individualisation de l'enseignement résoudra le problème de la non prise en compte dans l'orientation des énormes lacunes cumulées par de nombreux élèves dans le secondaire (et parfois même dès le primaire).
Bien entendu, mais les universités ne peuvent pas en rester simplement à ce constat partagé: lutter contre l'échec en premier cycle fait partir de leurs missions depuis la LRU, même si les difficultés de certains étudiants remontent (très) en amont. D'autant qu'avec un objectif de 60% d'une classe d'âge diplômé du sup, on prépare mécaniquement l'arrivée dans le post-bac du dernier vivier "disponible", à savoir le bac pro.
Moonchild a écrit:
C'est le discours que j'entendais par la plupart des enseignants-chercheurs de mon UFR lorsque j'étais étudiant en mathématiques dans les années 90. C'était leur principal argument pour s'opposer au recrutement d'agrégés et pourtant, déjà à l'époque, ceux dont les travaux de recherche étaient les plus cotés désertaient très souvent les cours et TD de DEUG, laissant généralement cette basse besogne aux chercheurs de second rang, aux PRAG, aux ATER, aux thésards et aux divers vacataires...
Quant à la qualité de l'enseignement, tout ce que j'ai pu observer à ma petite échelle - mais l'observation était partagée par mes camarades d'amphi - c'est sa totale décorrélation d'avec la qualité des travaux de recherche. Bien que la tradition universitaire accole l'enseignement à la recherche, les aptitudes dans ces deux domaines sont loin d'être toujours liées ; exceller dans l'un des deux ne garantit absolument pas d'être ne serait-ce que convenable dans l'autre. De plus, vu que l'évolution des carrières ne prend en compte que les publications et pas du tout la qualité l'enseignement dispensé (point qui est certes très délicat à évaluer), cela n'incite pas spécialement les enseignants-chercheurs à faire des efforts de pédagogie si leur personnalité ne les y prédispose pas (et, pour certains, les 192UC statutaires sont perçues/vécues comme 192UC de trop dont il serait sans doute salutaire de les décharger). En ce qui concerne le contenu de l'enseignement des deux premières années, pour ce que je connais c'est-à-dire les mathématiques (mais c'est probablement vrai aussi dans d'autre disciplines), il n'y a a priori aucune raison de croire qu'un enseignant-chercheur apportera une réelle plus-value autre que symbolique par rapport à un agrégé qui théoriquement peut enseigner exactement les mêmes notions en classe prépa. En maths, la spécialisation des enseignants-chercheurs ne commence à prendre sens qu'au niveau de la troisième année.
Ce n'est pas une question de jugement de valeurs, mais de missions statutaires. Depuis la loi dite Faure de 1968 (créant les UER), l'université a deux missions liées: recherche et enseignement. On peut le contester, on peut le critiquer, mais légalement toute la législation depuis cette date, y compris la loi Fioraso, a conforté ce choix. Que certains enseignants-chercheurs soient de mauvais enseignants (et aussi parfois de mauvais chercheurs...) est tout à fait possible, comme partout de la maternelle au lycée. Que le modèle français du "chercheur pur" (favorisé par le CNRS et les grandes agences de recherche) soit une foutaise sans nom, qui conduit certains EC à fuir leurs obligations d'enseignement, c'est un vrai problème. Que de nombreux EC refusent l'enseignement dans le premier cycle est une réalité dans la plupart des cas où ils peuvent se faire remplacer.
Toujours est-il qu'embaucher des enseignants "purs" sans implication officielle dans la recherche tourne le dos à la nature même de l'université, et ce pour des raisons financières. Quelque soit la qualité (souvent réelle) des PRAG, PRCE, PEMF, PAST et autres. Ou alors, il faut refaire la réforme Devaquet de 1986 et créer des collèges universitaires détachés de toute mission de recherche pour clarifier les choses.
- ChamilNiveau 9
Chocolat a écrit:[
Quelle connerie !
Il faut être vraiment désespéré pour accepter de passer l'AGREG après avoir fait une thèse...
Je crois humblement qu'il ne faut pas poser le débat en termes moraux ou de jugements vis à vis des docteurs agrégés (ou agrégés docteurs). Chacun est libre de son parcours de vie et il n'y a rien d'humiliant ou désespéré à détenir et le doctorat et l'agrégation. Dans les deux cas le titre sanctionne des efforts, des sacrifices et un travail de bénédictin.
Le problème est ailleurs : la création d'une voie à l'agrégation réservée aux docteurs est une stratégie à moyen terme, qui vise à créer les conditions statutaires et humaines du "bac-3/bac+3", d'une poussée de 15 points de diplômés du sup dans une classe d'âge, le tout à moindre coût et en continuant à déqualifier le doctorat déjà sous payé en France.
Exactement comme la mastérisation crée un vivier de diplômés MEEF non titulaires dont le Ministère, de la rue Grenelle aux chefs d'établissements en passant par les rectorats, utilise pour faire toujours plus pression sur les coûts, les statuts et les conditions de travail des enseignants fonctionnaires.
- MoonchildSage
Mais ce plus qu'un MC peut apporter demande une proximité avec les étudiants qui, même avec beaucoup de bonne volonté de la part des enseignants-chercheurs et avec plus de moyens, me paraît difficilement compatible avec le degré de massification qui est imposé à l'université et qui induit mécaniquement un certain anonymat. Ce que tu décris implique un aiguillage fin alors la massification ne permet qu'un triage grossier au niveau des premières années dont seule une poignée d'étudiants très au-dessus du lot surnage en se faisant d'autant plus remarquer par ses bons résultats aux partiels que son effectif est mince puisque les classes prépas captent l'essentiel des bons éléments du secondaire. Ajoutons à cela que, très souvent, la massification est concrètement synonyme de "gestion de masse de la difficulté scolaire" et l'incompatibilité avec le travail d'aiguillage des étudiants motivés apparaît alors encore plus flagrante.Sulfolobus a écrit:Je l'ai longtemps pensé et puis j'ai été à l'étranger. Disons que pour les cours théoriques classiques, pour la présentation de notions classiques, je ne vois en effet pas ce qu'un maitre de conférence peut apporter de plus qu'un PRAG au niveau licence. Et je suis intimement convaincue que l'existence des agrégés est un atout pour l'enseignement supérieur français. Néanmoins, ça ce n'est qu'une petite partie du boulot pour moi.Moonchild a écrit:En ce qui concerne le contenu de l'enseignement des deux premières années, pour ce que je connais c'est-à-dire les mathématiques (mais c'est probablement vrai aussi dans d'autre disciplines), il n'y a a priori aucune raison de croire qu'un enseignant-chercheur apportera une réelle plus-value autre que symbolique par rapport à un agrégé qui théoriquement peut enseigner exactement les mêmes notions en classe prépa. En maths, la spécialisation des enseignants-chercheurs ne commence à prendre sens qu'au niveau de la troisième année.
Ce qu'un maitre de conf peut apporter de plus : une connaissance du monde de la recherche, un encadrement avec du vrai matos de recherche pour les petits projets de recherche de niveau licence, une motivation à aller plus loin dans un domaine donné parce qu'il a lui même le bagage pour aider, faire entrer des étudiants motivés tôt dans les labos et les guider dans leur choix (il connait les gens et ce qu'ils font)...
Et je ne parle même pas de ce que peut apporter un système type "tutorials" comme il est pratiqué à Oxbridge.
Finalement, ça revient à poser la question suivante : qu'est-ce qu'un enseignement universitaire ? Est-ce s'assurer que l'étudiant aura le niveau de la barre d'admission préalablement défini pour l'obtention du diplôme ? Où est-ce faire en sorte que chaque étudiant soit poussé en fonction de ses envies, de ses capacités, de ses objectifs, la barre du diplôme étant finalement un strict minimum ?
Il se pose aussi la question du niveau de connaissances à partir duquel le lien avec la recherche prend sens et je dirais qu'en mathématiques ce n'est guère avant le mastère, mais peut-être est-ce différent dans les domaines des sciences expérimentales et des sciences humaines et j'imagine que chaque discipline a, sur ce plan, ses caractéristiques propres.
En mathématiques, les deux premières années du supérieur sont consacrées à l'acquisition des connaissances de base qui forment le bagage élémentaire de tout mathématicien quel que soit son domaine de travail ; ce socle de connaissances constitue un corpus bien établi qui n'est pas susceptible d'être bouleversé par les découvertes récentes, tout au plus décidera-t-on d'y consacrer une plus grande part à l'algorithmique et aux fondements théoriques de l'informatique (alors que par exemple les modélisations de l'atome qui sont enseignées aujourd'hui au lycée ne sont pas les mêmes que celles qu'on m'a enseignées ; je suppose qu'en biologie, l'actualité de la recherche a parfois un impact sur l'enseignement de notions élémentaires). De plus, ces connaissances de base sont en général très insuffisantes pour permettre de comprendre les travaux de recherche qui sont hyper-spécialisés et font appel à des concepts qui ne sont tout simplement pas accessibles à ce niveau de formation (et qui parfois ne sont pas plus immédiatement accessibles à un chercheur de même niveau mais travaillant dans un tout autre domaine). La spécialisation commence à se faire timidement en troisième année de licence mais elle ne s'affirme qu'avec le mastère et ce n'est que dans sa deuxième année que les étudiants peuvent commencer à entrer véritablement dans le monde de la recherche autrement qu'en faisant de la figuration à côté de la machine à café.
Bref, en mathématiques, la dynamique d'échange entre l'enseignement et la recherche est inexistante dans les deux - voire trois - premières années du supérieur et c'est pourquoi je suis convaincu que, structurellement, cela ne fait aucune différence que les enseignements des deux premières années (l'ancien DEUG) soient donnés par des PRAG ou des MC ; pour la troisième année, le début de spécialisation fait qu'un agrégé dont la formation est plus généraliste n'aura pas forcément toujours le recul nécessaire, mais c'est moins une question de lien avec la recherche que de maîtrise et d'approfondissement des concepts concernés.
Je ne suis pas du tout convaincu que ce modèle du "chercheur pur" soit une foutaise sans nom car certains chercheurs très brillants se révèlent parfois incapables de transmettre leurs connaissances en dehors du cercle restreint de leurs pairs ; comme je le disais plus haut, découvrir et transmettre sont deux activités différentes et exceller dans l'une n'offre aucune garantie quant à l'autre.Chamil a écrit:Ce n'est pas une question de jugement de valeurs, mais de missions statutaires. Depuis la loi dite Faure de 1968 (créant les UER), l'université a deux missions liées: recherche et enseignement. On peut le contester, on peut le critiquer, mais légalement toute la législation depuis cette date, y compris la loi Fioraso, a conforté ce choix. Que certains enseignants-chercheurs soient de mauvais enseignants (et aussi parfois de mauvais chercheurs...) est tout à fait possible, comme partout de la maternelle au lycée. Que le modèle français du "chercheur pur" (favorisé par le CNRS et les grandes agences de recherche) soit une foutaise sans nom, qui conduit certains EC à fuir leurs obligations d'enseignement, c'est un vrai problème. Que de nombreux EC refusent l'enseignement dans le premier cycle est une réalité dans la plupart des cas où ils peuvent se faire remplacer.
Toujours est-il qu'embaucher des enseignants "purs" sans implication officielle dans la recherche tourne le dos à la nature même de l'université, et ce pour des raisons financières. Quelque soit la qualité (souvent réelle) des PRAG, PRCE, PEMF, PAST et autres. Ou alors, il faut refaire la réforme Devaquet de 1986 et créer des collèges universitaires détachés de toute mission de recherche pour clarifier les choses.
L'un des problèmes de l'université est à mon avis justement de considérer que cette double mission doit statutairement être imposée à tous car, en réalité, on y trouve un certain nombre d'individus qui en réalité ont une vocation de "chercheurs purs" mais doivent se résigner à être des enseignants-chercheurs (d'où les phénomènes de fuite du premier cycle qui, bien qu'ils s'aggravent, ne sont pas récents), souffrant de la situation et faisant souffrir leurs étudiants ; c'était encore tenable dans un système sélectif où les étudiants avaient de fait les capacités de suivre - ou de subir - les cours dispensés par ces Sheldon Cooper avant l'heure, mais cela n'a plus beaucoup de sens dans un système massifié.
De même, ne serait-il pas dommage dans les premières années du supérieur de se priver d'enseignants très compétents et parfaitement aptes à transmettre les connaissances requises pour le seul motif qu'ils ne sont pas impliqués dans le monde de la recherche, surtout si c'est pour imposer ce travail à des enseignants-chercheurs qui renâclent ?
C'est effectivement la nature même de l'université qui est remise en question car en la faisant reposer d'un côté sur la dualité enseignement-recherche systématique et sur le principe du libre accès à tout titulaire d'un Baccalauréat, on arrive à une évidente contradiction dès lors que ce diplôme ne fait plus le tri en amont. Entre les deux, il faut trancher.
- SulfolobusÉrudit
Oui bien sûr. Mais devons-nous acter que l'université ne puisse délivrer un enseignement de très bonne qualité ?Moonchild a écrit:
Mais ce plus qu'un MC peut apporter demande une proximité avec les étudiants qui, même avec beaucoup de bonne volonté de la part des enseignants-chercheurs et avec plus de moyens, me paraît difficilement compatible avec le degré de massification qui est imposé à l'université et qui induit mécaniquement un certain anonymat.
Ça dépend de ce que tu appelles lien avec la recherche.Il se pose aussi la question du niveau de connaissances à partir duquel le lien avec la recherche prend sens et je dirais qu'en mathématiques ce n'est guère avant le mastère, mais peut-être est-ce différent dans les domaines des sciences expérimentales et des sciences humaines et j'imagine que chaque discipline a, sur ce plan, ses caractéristiques propres.
Parce qu'on peut considérer que faire faire des projets de recherche à des étudiants en licence qui visent à les faire redémontrer seuls et par eux même des choses déjà connues est une formation à la recherche. On peut considérer que demander à un étudiant de faire pendant un semestre un état de l'art d'un nano-truc est déjà une formation à la recherche. On peut considérer que donner à un étudiant un vrai jeu de données publiées et lui demander de l'analyse seul est déjà une formation à la recherche.
...
Et toutes ces choses sont faisables en licence, et très difficilement enseignables par des PRAG (non docteurs).
Un chercheur très brillant devrait quand même avoir la capacité d'enseigner correctement pour peu qu'il soit formé à l'enseignement. Pire : que penser d'un chercheur très brillant qui est incapable d'enseigner ? Tu as envie de lui confier des thésards toi ? Des post-docs ?
Je ne suis pas du tout convaincu que ce modèle du "chercheur pur" soit une foutaise sans nom car certains chercheurs très brillants se révèlent parfois incapables de transmettre leurs connaissances en dehors du cercle restreint de leurs pairs ; comme je le disais plus haut, découvrir et transmettre sont deux activités différentes et exceller dans l'une n'offre aucune garantie quant à l'autre.
L'un des problèmes est de considérer qu'enseigner (et encadrer) est naturel. On forme à la recherche (ça s'appelle un master recherche et un doctorat) mais on considère que l'on peut balancer n'importe qui devant les élèves et avoir des enseignants. Bien sûr dans ce cas là, certains sont doués naturellement et s'en sortent alors que d'autres en sont incapables. Mais on peut aussi apprendre à enseigner. Et ça on refuse de le faire.
Quant à la vocation c'est pour moi une mauvaise raison. Certains ont une vocation de chercheurs mais la réalité les force à divulguer leurs résultats en publiant ou en participant à des colloques. Certains ont une vocation de chercheur mais la réalité les poussent à devoir chercher des financements. Certains ont une vocation de chercheurs mais la réalité les poussent à former des docteurs... Maintenant soyons clair le jour où l'université considèrera l'enseignement comme une activité aussi noble que la recherche, beaucoup de choses iront mieux, et pas qu'au niveau licence/master. Après, soyons aussi honnête, un MdC a pour moi un service d'enseignement trop lourd pour être à la fois capable de délivrer un enseignement de qualité et de faire une recherche de premier plan, ce qui ne doit pas aider les MdC à se motiver pour enseigner correctement puisque chaque investissement sur l'enseignement se fait au détriment direct de la recherche (et donc de sa propre carrière). Mais là aussi, on peut rêver d'une université qui permettrait à ses MdC à la fois de consacrer du temps à l'enseignement sans pour autant altérer la qualité de leur recherche.
- ChamilNiveau 9
Moonchild a écrit:
Je ne suis pas du tout convaincu que ce modèle du "chercheur pur" soit une foutaise sans nom car certains chercheurs très brillants se révèlent parfois incapables de transmettre leurs connaissances en dehors du cercle restreint de leurs pairs ; comme je le disais plus haut, découvrir et transmettre sont deux activités différentes et exceller dans l'une n'offre aucune garantie quant à l'autre.
La France est isolée sur ce choix: partout ailleurs, les chercheurs les plus brillants- à commencer les prix Nobel- se trouvent... dans les universités, et sont tenus d'enseigner.
Le statut de l'EC français est gênant sur ce point: rien n'est fait pour valoriser dans le métier la partie enseignement/pédagogie. Il est d'abord évalué sur la recherche, ce qui tend à faire de l'enseignement une "charge" qui bloque les publications, l'insertion dans les programmes de recherche ou le dépôt de brevets. La LRU a même aggravé cela en poussant les EC qui ne faisaient pas assez de recherche à enseigner plus, ce qui a été perçu par le monde universitaire comme une forme de sanction.
Une solution serait de valoriser beaucoup plus dans les progressions de carrière, les demandes spécifiques (PEDR, CRCT par exemple) ou même dans les dispositifs d'évaluation HCERES la partie enseignement. Voire supprimer à terme le recrutement de chargé de recherche/Directeur de recherche au profit d'EC ou de délégations provisoires dans les organismes nationaux de recherche. Mais c'est un point de vue: je ne prétends pas avoir la vérité vraie!
- MoonchildSage
Non, mais l'université ne pourra pas dans le même temps régler le problème de l'échec massif en premier cycle car ce n'est pas la qualité de l'enseignement qui est la cause, mais le profil des étudiants. Si on refuse la sélection, il faudra même renoncer à la qualité de l'enseignement pour dissimuler cet échec et répondre aux injonctions politiques.Sulfolobus a écrit:Oui bien sûr. Mais devons-nous acter que l'université ne puisse délivrer un enseignement de très bonne qualité ?Moonchild a écrit:Mais ce plus qu'un MC peut apporter demande une proximité avec les étudiants qui, même avec beaucoup de bonne volonté de la part des enseignants-chercheurs et avec plus de moyens, me paraît difficilement compatible avec le degré de massification qui est imposé à l'université et qui induit mécaniquement un certain anonymat.
Oui, mais alors dans ce cas là, en maths, on peut considérer qu'on fait de la recherche dès le lycée et parfois même avant (certes de moins en moins, mais il subsiste encore quelques démonstrations en terminale S) et n'importe quel agrégé de maths dans le supérieur, université ou CPGE indifféremment, forme ses étudiants à la recherche car il passe son temps à redémontrer et faire redémontrer des résultats déjà parfaitement connus depuis plus d'un siècle dans la plupart des cas (à ceci près qu'on utilise maintenant beaucoup le formalisme introduit par Bourbaki qui n'existait pas au moment de la découverte de ces résultats, mais là non plus ce n'est pas une franche nouveauté..).Sulfolobus a écrit:Ça dépend de ce que tu appelles lien avec la recherche.
Parce qu'on peut considérer que faire faire des projets de recherche à des étudiants en licence qui visent à les faire redémontrer seuls et par eux même des choses déjà connues est une formation à la recherche. On peut considérer que demander à un étudiant de faire pendant un semestre un état de l'art d'un nano-truc est déjà une formation à la recherche. On peut considérer que donner à un étudiant un vrai jeu de données publiées et lui demander de l'analyse seul est déjà une formation à la recherche.
...
Et toutes ces choses sont faisables en licence, et très difficilement enseignables par des PRAG (non docteurs).
En revanche, s'il faut maintenir un lien avec l'actualité relativement récente de la recherche, ce qui est envisageable en biologie et dans les sciences expérimentales se transpose à mon avis très mal en mathématiques car, comme je le disais dans mon message précédent, les découvertes contemporaines sont pour la plupart d'un niveau inaccessible avant la deuxième année de mastère.
Je ne me prononcerai pas pour les autres disciplines, mais la spécificité des mathématiques me paraît rendre totalement caduque ce discours valorisant, sur les deux années premières années universitaires, le rôle de l'enseignant-chercheur par rapport à l'agrégé.
Le terme vocation n'est sans doute pas le meilleur, peut-être faudrait-il plutôt parler d'aptitude ou de capacité.Sulfolobus a écrit:Un chercheur très brillant devrait quand même avoir la capacité d'enseigner correctement pour peu qu'il soit formé à l'enseignement. Pire : que penser d'un chercheur très brillant qui est incapable d'enseigner ? Tu as envie de lui confier des thésards toi ? Des post-docs ?
L'un des problèmes est de considérer qu'enseigner (et encadrer) est naturel. On forme à la recherche (ça s'appelle un master recherche et un doctorat) mais on considère que l'on peut balancer n'importe qui devant les élèves et avoir des enseignants. Bien sûr dans ce cas là, certains sont doués naturellement et s'en sortent alors que d'autres en sont incapables. Mais on peut aussi apprendre à enseigner. Et ça on refuse de le faire.
Quant à la vocation c'est pour moi une mauvaise raison. Certains ont une vocation de chercheurs mais la réalité les force à divulguer leurs résultats en publiant ou en participant à des colloques. Certains ont une vocation de chercheur mais la réalité les poussent à devoir chercher des financements. Certains ont une vocation de chercheurs mais la réalité les poussent à former des docteurs... Maintenant soyons clair le jour où l'université considèrera l'enseignement comme une activité aussi noble que la recherche, beaucoup de choses iront mieux, et pas qu'au niveau licence/master. Après, soyons aussi honnête, un MdC a pour moi un service d'enseignement trop lourd pour être à la fois capable de délivrer un enseignement de qualité et de faire une recherche de premier plan, ce qui ne doit pas aider les MdC à se motiver pour enseigner correctement puisque chaque investissement sur l'enseignement se fait au détriment direct de la recherche (et donc de sa propre carrière). Mais là aussi, on peut rêver d'une université qui permettent à ses MdC à la fois de consacrer du temps à l'enseignement sans pour autant altérer la qualité de leur recherche.
Des chercheurs brillants incapables d'enseigner clairement une notion, j'en ai eu devant moi, dont le cours était excessivement brouillon ou en permanence ponctué de "c'est évident" (ou plutôt "c'est trivial") pour des résultats intermédiaires qui auraient demandé une bonne couche d'explications pour leur public (et là je ne parle pas des erreurs d'orientation de première année, mais du second cycle). Certes leur statut ne les incitaient pas à faire des efforts de clarté, mais je crois que certains ont une disposition d'esprit qui est plus ou moins encouragée par la pratique intensive de la recherche et qui fait qu'ils n'arrivent plus à se mettre à la place de quelqu'un qui a un niveau significativement inférieur au leur, et je doute qu'une formation à l'enseignement aurait réellement suffi dans tous les cas à corriger ce travers. Mais peut-être que le "génie définitivement perché" est là aussi une spécificité des mathématiques.
A l'étranger, les chercheurs les plus brillants se trouvent dans les universités et sont tenus d'enseigner, mais leurs cours sont-ils pour autant de bonne qualité, échappent-ils forcément au syndrome du "génie perché" que je décris plus haut ? Et, surtout, enseignent-ils les notions de base de leur discipline à un public non trié et, si oui, arrivent-ils à le faire plus efficacement que par chez nous ?Chamil a écrit:Moonchild a écrit:
Je ne suis pas du tout convaincu que ce modèle du "chercheur pur" soit une foutaise sans nom car certains chercheurs très brillants se révèlent parfois incapables de transmettre leurs connaissances en dehors du cercle restreint de leurs pairs ; comme je le disais plus haut, découvrir et transmettre sont deux activités différentes et exceller dans l'une n'offre aucune garantie quant à l'autre.
La France est isolée sur ce choix: partout ailleurs, les chercheurs les plus brillants- à commencer les prix Nobel- se trouvent... dans les universités, et sont tenus d'enseigner.
Le statut de l'EC français est gênant sur ce point: rien n'est fait pour valoriser dans le métier la partie enseignement/pédagogie. Il est d'abord évalué sur la recherche, ce qui tend à faire de l'enseignement une "charge" qui bloque les publications, l'insertion dans les programmes de recherche ou le dépôt de brevets. La LRU a même aggravé cela en poussant les EC qui ne faisaient pas assez de recherche à enseigner plus, ce qui a été perçu par le monde universitaire comme une forme de sanction.
Une solution serait de valoriser beaucoup plus dans les progressions de carrière, les demandes spécifiques (PEDR, CRCT par exemple) ou même dans les dispositifs d'évaluation HCERES la partie enseignement. Voire supprimer à terme le recrutement de chargé de recherche/Directeur de recherche au profit d'EC ou de délégations provisoires dans les organismes nationaux de recherche. Mais c'est un point de vue: je ne prétends pas avoir la vérité vraie!
D'ailleurs le professeur agrégé n'est-il pas aussi une singularité française par son haut degré de formation qui, bien que la plupart exercent dans le secondaire, lui donne les compétences pour enseigner aussi dans le supérieur ?
Cela dit, effectivement le statut de l'enseignant-chercheur français pose un réel problème depuis longtemps : on lui confère une double mission sans se soucier de l'articulation concrète entre les deux activités, tout en le soumettant à une évaluation hémiplégique. C'est certainement un problème auquel il serait grand temps de s'atteler (encore que ça fait tellement longtemps qu'on fait avec que l'urgence est toute relative), mais je persiste à dire que cela ne répondrait pas à l'échec massif en premier cycle dont la cause est d'une toute autre nature.
- SulfolobusÉrudit
Je suis bien d'accord avec toi. Au détail que si tu commences à avoir un corps d'enseignants composés en grande partie de PRAG, tu feras quoi si un jour la situation se débloque ?Moonchild a écrit:Non, mais l'université ne pourra pas dans le même temps régler le problème de l'échec massif en premier cycle car ce n'est pas la qualité de l'enseignement qui est la cause, mais le profil des étudiants. Si on refuse la sélection, il faudra même renoncer à la qualité de l'enseignement pour dissimuler cet échec et répondre aux injonctions politiques.
Non, je te parle de choses qui n'auraient pas été vues du tout en cours. J'ai un exemple en maths dans mon ordi au boulot (niveau L3) : je peux te retrouver ça si tu veux.
Oui, mais alors dans ce cas là, en maths, on peut considérer qu'on fait de la recherche dès le lycée et parfois même avant (certes de moins en moins, mais il subsiste encore quelques démonstrations en terminale S) et n'importe quel agrégé de maths dans le supérieur, université ou CPGE indifféremment, forme ses étudiants à la recherche car il passe son temps à redémontrer et faire redémontrer des résultats déjà parfaitement connus depuis plus d'un siècle dans la plupart des cas (à ceci près qu'on utilise maintenant beaucoup le formalisme introduit par Bourbaki qui n'existait pas au moment de la découverte de ces résultats, mais là non plus ce n'est pas une franche nouveauté..).
Je ne vois pas ce qu'il y a d'exceptionnellement difficile à se poser la question de qui est l'auditoire, que sait-il (et ne sait pas) au moment de la conception du cours. Bien sûr, ça demande d'y consacrer du temps et d'y réfléchir. Mais je peux te rassurer : il m'a fallu quatre heures pour écrire le premier paragraphe (7 lignes) de mon cours de métabolisme : parce que c'est compliqué d'expliquer la thermo à des gens qui n'en ont jamais fait. Et bah j'ai pris le temps de passer les 4h, j'ai pris le temps d'aller faire des tests sur des gens qui n'y connaissent rien. J'ai aussi pris le temps de faire un bilan : qu'est-ce qui a bloqué avec les étudiants ? Pourquoi ? Qu'est-ce qui ne leur a semblé pas clair ? Comment je peux améliorer ? Que cela soit complexe au début, bien sûr. Que ça soit insurmontable pour quelqu'un de soutenu et de formé, je n'y crois pas une seule seconde. D'autant que c'est pas comme si cette incapacité n'était existante qu'en mathématiques : c'est je trouve un peu trop facile d'arguer sur une spécificité des mathématiques.
Le terme vocation n'est sans doute pas le meilleur, peut-être faudrait-il plutôt parler d'aptitude ou de capacité.
Des chercheurs brillants incapables d'enseigner clairement une notion, j'en ai eu devant moi, dont le cours était excessivement brouillon ou en permanence ponctué de "c'est évident" (ou plutôt "c'est trivial") pour des résultats intermédiaires qui auraient demandé une bonne couche d'explications pour leur public (et là je ne parle pas des erreurs d'orientation de première année, mais du second cycle).
Une spécificité ou une tolérance propre à cette discipline ?Mais peut-être que le "génie définitivement perché" est là aussi une spécificité des mathématiques.
Disons que je trouve un peu facile de statuer sur quelque chose de non changeable sans essayer de le changer. Sans compter que si de tels cas existent (incapacité totale à apprendre), ils sont probablement une extrême minorité des incompétents actuels (parce que non formés/aidés), minorité qui servirait d'excuses pour ne pas faire bouger les choses. Je trouve étrange l'idée de ne pas essayer d'améliorer les choses parce qu'il y aura des échecs.
Pour ce que j'ai observé, je n'ai vu que des étudiants très bien formés et contents de la qualité de leur formation. Alors certes, le public était trié. Mais honnêtement, même quand il est trié en France, on voit les mêmes choses.
A l'étranger, les chercheurs les plus brillants se trouvent dans les universités et sont tenus d'enseigner, mais leurs cours sont-ils pour autant de bonne qualité, échappent-ils forcément au syndrome du "génie perché" que je décris plus haut ? Et, surtout, enseignent-ils les notions de base de leur discipline à un public non trié et, si oui, arrivent-ils à le faire plus efficacement que par chez nous ?
C'est une question délicate. Les étrangers que je connais t'expliqueront qu'un agrégé est une aberration parce que le fait de le couper de la recherche, rend son savoir obsolète très rapidement. Par ailleurs, il n'a qu'une connaissance théorique de sa discipline et pas pratique (et ça je trouve qu'en sciences c'est un réel problème, problème qui est cependant annulé si l'agrégé a fait un doctorat). Je peux croire que ça puisse être différent dans certaines disciplines mais autour de moi, je n'ai vu que du scepticisme par rapport à l'intérêt de l'agrégation. Sauf sur quatre choses : 1) l'apprentissage de l'écriture (qui peut se faire autrement mais dans ma discipline, l'agrégation fait ça très bien), 2) la capacité à présenter à l'oral (idem), 3) la découverte d'un peu toute une discipline avant de se spécialiser, 4) une plus grande adaptabilité en cas de changement de thématiques/spécialités.D'ailleurs le professeur agrégé n'est-il pas aussi une singularité française par son haut degré de formation qui, bien que la plupart exercent dans le secondaire, lui donne les compétences pour enseigner aussi dans le supérieur ?
- MoonchildSage
Tout dépend de ce que tu entends par "si la situation se débloque", parce qu'elle peut se débloquer de plein de façons différentes. Pour ce qui est des mathématiques, cela ne me semblerait de toute manière pas être un drame d'avoir un niveau L1-L2 majoritairement occupé par des PRAG puisque la transition avec la recherche ne se fait pas avant les années suivantes (si la situation devait se débloquer par le bas avec un renoncement à l'exigence, à terme un agrégé serait même surqualifié et un certifié remplirait aisément le job).Sulfolobus a écrit:Je suis bien d'accord avec toi. Au détail que si tu commences à avoir un corps d'enseignants composés en grande partie de PRAG, tu feras quoi si un jour la situation se débloque ?
Qu'il y ait une question de statut à défendre, ça je veux bien l'entendre ; mais dans ma discipline, l'argument pédagogique n'est qu'un alibi, qui plus est très hypocrite quand ceux qui y ont recours désertent les deux premières années.
L'exemple au niveau L3 peut m'intéresser et, là, je veux bien a priori admettre qu'on atteint un degré de spécialisation qui ne permettrait pas à un agrégé lambda d'être suffisamment à l'aise - tout comme, s'il s'agit par exemple d'un problème de probabilités, je ne suis pas sûr qu'un chercheur algébriste soit fondamentalement plus qualifié que ce fameux agrégé lambda et peut-être même moins qu'un agrégé qui aurait fait un DEA de probabilités. Mais pour ce qui est des notions de maths accessibles au niveau L2, je persiste à dire qu'un agrégé est tout-à-fait en mesure de fournir l'encadrement d'un tel travail de résolution de problème (bien sûr, s'il n'a pas enseigné à ce niveau depuis plusieurs années, il lui faudra un peu de temps pour se remettre dans le bain, mais ce serait pareil pour un simple TD ordinaire) ; que la question n'ait pas été préalablement abordée en cours ne sera une difficulté que pour les étudiants.Sulfolobus a écrit:Non, je te parle de choses qui n'auraient pas été vues du tout en cours. J'ai un exemple en maths dans mon ordi au boulot (niveau L3) : je peux te retrouver ça si tu veux.
Oui, mais alors dans ce cas là, en maths, on peut considérer qu'on fait de la recherche dès le lycée et parfois même avant (certes de moins en moins, mais il subsiste encore quelques démonstrations en terminale S) et n'importe quel agrégé de maths dans le supérieur, université ou CPGE indifféremment, forme ses étudiants à la recherche car il passe son temps à redémontrer et faire redémontrer des résultats déjà parfaitement connus depuis plus d'un siècle dans la plupart des cas (à ceci près qu'on utilise maintenant beaucoup le formalisme introduit par Bourbaki qui n'existait pas au moment de la découverte de ces résultats, mais là non plus ce n'est pas une franche nouveauté..).
Je ne saurais dire si c'était par négligence ou par incapacité, mais certains de mes enseignants passés ne se sont manifestement pas posés la question de qui était l'auditoire, ou alors n'ont pas su y répondre de manière pertinente. Bien sûr, le système d'évaluation hémiplégique des universitaires ne crée pas d'enjeu sur la qualité de l'enseignement et laisse donc la possibilité de croire que tous les problèmes observés sur ce plan sont dus à la négligence des enseignants-chercheurs concernés, mais il se pourrait aussi que cette hypothèse occulte une inaptitude beaucoup plus profonde dans certains cas.Sulfolobus a écrit:Je ne vois pas ce qu'il y a d'exceptionnellement difficile à se poser la question de qui est l'auditoire, que sait-il (et ne sait pas) au moment de la conception du cours. Bien sûr, ça demande d'y consacrer du temps et d'y réfléchir. Mais je peux te rassurer : il m'a fallu quatre heures pour écrire le premier paragraphe (7 lignes) de mon cours de métabolisme : parce que c'est compliqué d'expliquer la thermo à des gens qui n'en ont jamais fait. Et bah j'ai pris le temps de passer les 4h, j'ai pris le temps d'aller faire des tests sur des gens qui n'y connaissent rien. J'ai aussi pris le temps de faire un bilan : qu'est-ce qui a bloqué avec les étudiants ? Pourquoi ? Qu'est-ce qui ne leur a semblé pas clair ? Comment je peux améliorer ? Que cela soit complexe au début, bien sûr. Que ça soit insurmontable pour quelqu'un de soutenu et de formé, je n'y crois pas une seule seconde. D'autant que c'est pas comme si cette incapacité n'était existante qu'en mathématiques : c'est je trouve un peu trop facile d'arguer sur une spécificité des mathématiques.
Et pour être honnête, je ne crois pas réellement à la thèse de la spécificité exclusive des mathématiques et, rien que sur ce forum, j'ai pu observer des messages qui me laissent penser que la difficulté à communiquer clairement sa pensée touche bien d'autres disciplines, même si certaines sont apparemment plus touchées que d'autres.
Bonne question ; je dirais que la sur-représentation du phénomène en mathématiques résulte probablement un peu des deux.Sulfolobus a écrit:Une spécificité ou une tolérance propre à cette discipline ?Mais peut-être que le "génie définitivement perché" est là aussi une spécificité des mathématiques.
Je pense que pour changer les choses il faudrait faire un diagnostic précis de la situation sans exclure a priori l'hypothèse d'incapacité. Mais je suis à peu près certain que mettre en place une formation à l'enseignement ne suffirait pas sans une forte incitation par un changement des modalités d'évaluation (et, pour l'anecdote, quand j'étais étudiant, j'ai entendu certains des enseignants-chercheurs de mon université rejeter fermement l'idée même d'une formation pédagogique qui leur serait destinée en affirmant très sérieusement qu'un chercheur sait forcément enseigner). Quand à ceux qui seraient constitutivement inaptes à l'enseignement, sans doute sont-ils minoritaires, mais ne serait-il pas préférable de pouvoir adapter leur poste pour profiter au mieux de leur talent de chercheur tout en limitant les dommages collatéraux ?Sulfolobus a écrit:Disons que je trouve un peu facile de statuer sur quelque chose de non changeable sans essayer de le changer. Sans compter que si de tels cas existent (incapacité totale à apprendre), ils sont probablement une extrême minorité des incompétents actuels (parce que non formés/aidés), minorité qui servirait d'excuses pour ne pas faire bouger les choses. Je trouve étrange l'idée de ne pas essayer d'améliorer les choses parce qu'il y aura des échecs.
Déjà, avec un public trié, on évacue la problématique de ma seconde question, autrement dit celle de l'échec en premier cycle.Sulfolobus a écrit:Pour ce que j'ai observé, je n'ai vu que des étudiants très bien formés et contents de la qualité de leur formation. Alors certes, le public était trié. Mais honnêtement, même quand il est trié en France, on voit les mêmes choses.
A l'étranger, les chercheurs les plus brillants se trouvent dans les universités et sont tenus d'enseigner, mais leurs cours sont-ils pour autant de bonne qualité, échappent-ils forcément au syndrome du "génie perché" que je décris plus haut ? Et, surtout, enseignent-ils les notions de base de leur discipline à un public non trié et, si oui, arrivent-ils à le faire plus efficacement que par chez nous ?
Maintenant, même quand le public est trié, tu sembles observer une différence entre la qualité de l'enseignement en France et à l'étranger ; quelles en sont selon toi les causes ?
L'argument du savoir très rapidement obsolète ne tient pas en mathématiques au niveau du premier cycle puisque, comme je le disais dans un message précédent, on y travaille sur des fondamentaux qui ne sont pas susceptibles d'être remis en question ; au risque d'avoir recours à une comparaison foireuse, c'est un peu comme l'orthographe et la grammaire des maths, mais avec moins de velléités gouvernementales de les réformer. Quant à la connaissance pratique de la discipline, je crois que la question ne se pose pas vraiment pour celle qui est par nature théorique.Sulfolobus a écrit:C'est une question délicate. Les étrangers que je connais t'expliqueront qu'un agrégé est une aberration parce que le fait de le couper de la recherche, rend son savoir obsolète très rapidement. Par ailleurs, il n'a qu'une connaissance théorique de sa discipline et pas pratique (et ça je trouve qu'en sciences c'est un réel problème, problème qui est cependant annulé si l'agrégé a fait un doctorat). Je peux croire que ça puisse être différent dans certaines disciplines mais autour de moi, je n'ai vu que du scepticisme par rapport à l'intérêt de l'agrégation. Sauf sur quatre choses : 1) l'apprentissage de l'écriture (qui peut se faire autrement mais dans ma discipline, l'agrégation fait ça très bien), 2) la capacité à présenter à l'oral (idem), 3) la découverte d'un peu toute une discipline avant de se spécialiser, 4) une plus grande adaptabilité en cas de changement de thématiques/spécialités.D'ailleurs le professeur agrégé n'est-il pas aussi une singularité française par son haut degré de formation qui, bien que la plupart exercent dans le secondaire, lui donne les compétences pour enseigner aussi dans le supérieur ?
- ZagaraGuide spirituel
Alain Juppé se positionne pour une sélection à l'entrée du M1 et une "orientation renforcée" en Terminale qui inciterait fortement les bac pro et techno à se concentrer plus vers les BTS et DUT : http://www.lemonde.fr/campus/article/2016/09/19/alain-juppe-propose-une-orientation-renforcee-a-l-entree-a-l-universite_4999758_4401467.html
Je suis assez d'accord avec toutes ses propositions.
Dommage que ce soit par ailleurs un gros néolibéral qui tache.
Je suis assez d'accord avec toutes ses propositions.
Dommage que ce soit par ailleurs un gros néolibéral qui tache.
- jésusFidèle du forum
Bon, sur un autre topic, je parlais de la professionnalisation des universités. Avec la massification et la non-sélection à l'entrée, il faut proposer plus de débouchés pro aux étudiants.
Sauf que beaucoup pensent que c'est un vilain mot, que la fac doit rester le lieu de la recherche, de l'excellence.
Comme si c'était un avilissement que faire plus de diplômes en sciences humaines visant à travailler dans l'administration, les collectivités, l'état via des métiers demandés voire de préparer aux concours de la FPT, de flécher dès l'entrée les études vers l'enseignement etc.
Plus de licences pro, de master pro, de DU...des thèses plus en lien avec le monde pro...
La sélection se fera à la motivation liée à un projet professionnel, sur dossier en somme. Il n'y aurait plus la possibilité de voie de garage en attendant justement qu'un projet se définisse. Et les notes viendraient en second.
La sélection choque parce qu'aucune orientation n'est mise en place et que cela fait la vie dure aux personnes qui hésitent...Faire payer plus cher est une mauvaise idée. On peut être sûr de son orientation et être peu fortuné, être fortuné et ne pas savoir où l'on va.
Bien sûr, défendre ça, c'est se mettre à dos ceux qui font des études pour le plaisir de la découverte et de la recherche, pour la seule ouverture intellectuelle. On peut vivre cela en ayant un projet en tête, l' un n'empêche pas l'autre. Ou en ayant conscience de ses propres limites financières...Les études doivent rester pures de tout intérêt pro ou financier...et le pire c'est de vouloir que tout le monde s'aligne sur ce modèle de licence, master, doctorat, concours de l'enseignement sans prendre en compte tout projet pro ou de vie déviant de cela...
Après, il y a des gens qui refont une formation pro après un master ( j'en connais plein qui sont retournés en école d'infirmière après un master, ou encore qui refont un métier manuel etc)
Sauf que beaucoup pensent que c'est un vilain mot, que la fac doit rester le lieu de la recherche, de l'excellence.
Comme si c'était un avilissement que faire plus de diplômes en sciences humaines visant à travailler dans l'administration, les collectivités, l'état via des métiers demandés voire de préparer aux concours de la FPT, de flécher dès l'entrée les études vers l'enseignement etc.
Plus de licences pro, de master pro, de DU...des thèses plus en lien avec le monde pro...
La sélection se fera à la motivation liée à un projet professionnel, sur dossier en somme. Il n'y aurait plus la possibilité de voie de garage en attendant justement qu'un projet se définisse. Et les notes viendraient en second.
La sélection choque parce qu'aucune orientation n'est mise en place et que cela fait la vie dure aux personnes qui hésitent...Faire payer plus cher est une mauvaise idée. On peut être sûr de son orientation et être peu fortuné, être fortuné et ne pas savoir où l'on va.
Bien sûr, défendre ça, c'est se mettre à dos ceux qui font des études pour le plaisir de la découverte et de la recherche, pour la seule ouverture intellectuelle. On peut vivre cela en ayant un projet en tête, l' un n'empêche pas l'autre. Ou en ayant conscience de ses propres limites financières...Les études doivent rester pures de tout intérêt pro ou financier...et le pire c'est de vouloir que tout le monde s'aligne sur ce modèle de licence, master, doctorat, concours de l'enseignement sans prendre en compte tout projet pro ou de vie déviant de cela...
Après, il y a des gens qui refont une formation pro après un master ( j'en connais plein qui sont retournés en école d'infirmière après un master, ou encore qui refont un métier manuel etc)
- ChamilNiveau 9
jésus a écrit:Bon, sur un autre topic, je parlais de la professionnalisation des universités. Avec la massification et la non-sélection à l'entrée, il faut proposer plus de débouchés pro aux étudiants.
Sauf que beaucoup pensent que c'est un vilain mot, que la fac doit rester le lieu de la recherche, de l'excellence.
Comme si c'était un avilissement que faire plus de diplômes en sciences humaines visant à travailler dans l'administration, les collectivités, l'état via des métiers demandés voire de préparer aux concours de la FPT, de flécher dès l'entrée les études vers l'enseignement etc.
Plus de licences pro, de master pro, de DU...des thèses plus en lien avec le monde pro...
La sélection se fera à la motivation liée à un projet professionnel, sur dossier en somme. Il n'y aurait plus la possibilité de voie de garage en attendant justement qu'un projet se définisse. Et les notes viendraient en second.
La sélection choque parce qu'aucune orientation n'est mise en place et que cela fait la vie dure aux personnes qui hésitent...Faire payer plus cher est une mauvaise idée. On peut être sûr de son orientation et être peu fortuné, être fortuné et ne pas savoir où l'on va.
Bien sûr, défendre ça, c'est se mettre à dos ceux qui font des études pour le plaisir de la découverte et de la recherche, pour la seule ouverture intellectuelle. On peut vivre cela en ayant un projet en tête, l' un n'empêche pas l'autre. Ou en ayant conscience de ses propres limites financières...Les études doivent rester pures de tout intérêt pro ou financier...et le pire c'est de vouloir que tout le monde s'aligne sur ce modèle de licence, master, doctorat, concours de l'enseignement sans prendre en compte tout projet pro ou de vie déviant de cela...
Après, il y a des gens qui refont une formation pro après un master ( j'en connais plein qui sont retournés en école d'infirmière après un master, ou encore qui refont un métier manuel etc)
Je me permets de souligner que cette vieille accusation d'une université coupée du marché du travail (elle apparaît dès la discussion de la loi Faure en 1968) est peut-être à nuancer aujourd'hui. Il est vrai que quelques universitaires, notamment dans certains syndicats du sup qui sont très marginaux dans la profession, peuvent encore tenir un discours anticapitaliste (comme une partie du patronat, issu prioritairement des grandes écoles, méprise l'université). Mais il faut sortir de ce folklore: Jamais l'écart d'insertion sur le marché du travail n'a été aussi forte entre les diplômés du sup et les non-diplômés en France (l'écart s'est encore ouvert depuis 2008): l'enseignement supérieur ne démérite pas sur ce point.
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2012/58/2/DEPP-NI-2012-09-insertion-jeunes-marche-travail_214582.pdf
D'autre part, l'insertion professionnelle est déjà dans les missions des universités: les LRU et loi Fioraso en font des EPSCP, "P" pour professionnel. La moitié du CA des universités est composé statutairement d'extérieurs (organismes nationaux, secteur privé, collectivité locale) et la carte des formations est discutée en leur sein.
Enfin, il me semble qu'il faille sortir d'un travers très français: l'hyperspécialisation. On a du mal à admettre qu'un diplômé du supérieur a acquis, notamment au niveau master ou doctorat, suffisamment de méthode, de capacité d'analyse et d'ouverture pour faire autre chose que sa discipline. On a commencé à le comprendre: cf. le plan "Phénix" pour les sciences humaines et littéraires, qui est une bonne initiative. Ce n'est pas en renforçant ce défaut national qu'on prépare l'avenir: sauf les charlatans, les illuminés et les escrocs, il est difficile de certifier à coup sûr quels diplômes seront utiles dans une génération.
- ChamilNiveau 9
Zagara a écrit:Alain Juppé se positionne pour une sélection à l'entrée du M1 et une "orientation renforcée" en Terminale qui inciterait fortement les bac pro et techno à se concentrer plus vers les BTS et DUT : http://www.lemonde.fr/campus/article/2016/09/19/alain-juppe-propose-une-orientation-renforcee-a-l-entree-a-l-universite_4999758_4401467.html
Je suis assez d'accord avec toutes ses propositions.
Dommage que ce soit par ailleurs un gros néolibéral qui tache.
C'est une bonne idée en effet et c'est déjà ce qui se fait: le BTS est déjà le mode d'insertion dominant pour ces deux bacs. La réalité est que cela embête le MEN car le coût unitaire par étudiant BTS (comme en CPGE d'ailleurs) est nettement plus cher que le 1er cycle universitaire généraliste.
Tant qu'on fera du baccalauréat le premier diplôme du sup et pas simplement la sanction (au sens le plus neutre du terme) du second degré, la tentation du moindre coût pour le plus grand flux sera grande.
- jésusFidèle du forum
Oui, alors il y a les discours et la réalité pour la professionnalisation.
Souvent, les master pro sot pris de haut, ce sont des diplômes au rabais, artificiels pour les plus mauvais élèves qui n'auraient pas la voie d'excellence qu'est la recherche.
Ca m'a valu, ici, un paquet de fois de passer pour un paria, un vendu... et j'en passe...
Sauf que, ce n'est pas un choix par défaut, que de bons professeurs y exercent, qu'il y a de bons étudiants qui y sont et qui y trouvent du travail... et que ce sont des métiers intéressants à la clé....
Et que l'université, ce n'est pas le lieu de la professionnalisation...fermer le ban.
Bref, c'est encore une idée prégnante et répandue.
Souvent, les master pro sot pris de haut, ce sont des diplômes au rabais, artificiels pour les plus mauvais élèves qui n'auraient pas la voie d'excellence qu'est la recherche.
Ca m'a valu, ici, un paquet de fois de passer pour un paria, un vendu... et j'en passe...
Sauf que, ce n'est pas un choix par défaut, que de bons professeurs y exercent, qu'il y a de bons étudiants qui y sont et qui y trouvent du travail... et que ce sont des métiers intéressants à la clé....
Et que l'université, ce n'est pas le lieu de la professionnalisation...fermer le ban.
Bref, c'est encore une idée prégnante et répandue.
- ChamilNiveau 9
jésus a écrit:Oui, alors il y a les discours et la réalité pour la professionnalisation.
Souvent, les master pro sot pris de haut, ce sont des diplômes au rabais, artificiels pour les plus mauvais élèves qui n'auraient pas la voie d'excellence qu'est la recherche.
Ca m'a valu, ici, un paquet de fois de passer pour un paria, un vendu... et j'en passe...
Sauf que, ce n'est pas un choix par défaut, que de bons professeurs y exercent, qu'il y a de bons étudiants qui y sont et qui y trouvent du travail... et que ce sont des métiers intéressants à la clé....
Et que l'université, ce n'est pas le lieu de la professionnalisation...fermer le ban.
Bref, c'est encore une idée prégnante et répandue.
Il existe encore très possiblement des universitaires qui pensent qu'on peut avoir un enseignement supérieur qui ne se soucie pas du marché du travail... Mais sont-ils la majorité?
Quand on prend les éléments statistiques disponibles, l'université ne réussit pas trop mal sa mission d'insertion. Après, il faut être prudent: un organisme de formation initiale n'est pas responsable de l'état du marché du travail, surtout a posteriori. Je suis plus inquiet de la relance massive des CAP depuis que les régions ont récupéré la FP: c'est un contresens historique auxquels on risque d'assister.
- ChamilNiveau 9
Moonchild a écrit:
A l'étranger, les chercheurs les plus brillants se trouvent dans les universités et sont tenus d'enseigner, mais leurs cours sont-ils pour autant de bonne qualité, échappent-ils forcément au syndrome du "génie perché" que je décris plus haut ? Et, surtout, enseignent-ils les notions de base de leur discipline à un public non trié et, si oui, arrivent-ils à le faire plus efficacement que par chez nous ?
D'ailleurs le professeur agrégé n'est-il pas aussi une singularité française par son haut degré de formation qui, bien que la plupart exercent dans le secondaire, lui donne les compétences pour enseigner aussi dans le supérieur ?
Cela dit, effectivement le statut de l'enseignant-chercheur français pose un réel problème depuis longtemps : on lui confère une double mission sans se soucier de l'articulation concrète entre les deux activités, tout en le soumettant à une évaluation hémiplégique. C'est certainement un problème auquel il serait grand temps de s'atteler (encore que ça fait tellement longtemps qu'on fait avec que l'urgence est toute relative), mais je persiste à dire que cela ne répondrait pas à l'échec massif en premier cycle dont la cause est d'une toute autre nature.
Si on raisonne sur l'intérêt en termes de recherche, le résultat de la séparation entre recherche pure et enseignement/recherche n'est pas particulièrement avantageux sur le dépôt de brevet par habitant, même si le dépôt ne relève que partiellement du public bien sûr:
http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/File:Patent_applications_to_the_EPO,_2005_and_2012_YB15-fr.png
Le professeur agrégé avait certes vocation, notamment via le décret du 4 juillet 1972 les concernant, à travailler dans le supérieur: mais c'est bien en CPGE que cela était prévu explicitement. Le problème est ailleurs: le PRAG docteur n'est plus un simple agrégé, mais il n'est pas enseignant-chercheur.
- ZagaraGuide spirituel
Sur la question du lien entre entreprises et universités, les discours qui défendent l'idée d'un "rapprochement" ne sont pas nouveaux, puisque ce sont des déclinaisons des think tanks libéraux qui s'expriment depuis les années 1960.
Ils proposent ce schéma : les entreprises ont une demande de main-d'oeuvre qualifiée, tandis que les universités peuvent créer et donc offrir cette main-d'oeuvre qualifiée ; nous mettons donc en relation deux mondes interdépendants mais qui s'ignorent. Cette mise en relation aboutit à un équilibrage par le marché des besoins et des offres et est bénéfique pour tous : les entreprises qui peuvent se positionner avantageusement dans la course à l'innovation avec leurs gens bien formés, les universités, qui diversifient leur offre de formation et tarifient leurs diplômes au regard de leur demande sur le marché de l'emploi.
Car, évidemment, le corollaire du "rapprochement" des mondes patronal et universitaire, c'est, comme le proposent Sarkozy (brutalement) et Juppé (plus subtilement, mais c'est la même idée), une montée des coûts d'inscription liée à la "qualité professionnelle" du diplôme. Comme aux USA, le diplôme devient une valeur représentant une assurance de qualification dont le prix est d'autant plus haut que cette qualification est recherchée. En fait, tout le monde y gagne, sauf l'étudiant, lequel doit bientôt s'endetter dès 20 ans pour pouvoir obtenir un diplôme lui assurant un salaire intéressant. La libéralisation des universités se fait donc sur le dos des étudiants (et on pourrait dire des enseignants précarisés ; pas ceux qu'on voit en tête d'affiche, mais les petites mains dont les emplois se "flexibilisent" fortement) mais profite aux entreprises, aux investisseurs privés des universités (qui deviennent des unités de production comme une autre, donc sur lesquelles on peut prélever des dividendes et dont on attend une rentabilité semestre par semestre) et des grands professeurs, dont les salaires flambent puisqu'ils peuvent également faire jouer la concurrence.
D'ailleurs, elle se fait doublement sur le dos des étudiants, puisque leur dette, une fois contractée, est titrisée. C'est-à-dire qu'on la réduit en un tas d'actions qui sont échangées sur un marché secondaire de la dette étudiante, créant une bulle spéculative. Si cette bulle explose (comme menace de le faire la bulle étudiante aux USA actuellement), c'est une nouvelle crise économique dans la tronche de l'économie réelle. Du coup, la libéralisation des universités a aussi comme effet sous-jacent de créer un nouveau marché secondaire capable de crash et donc d'augmenter légèrement la probabilité de crise financière.
Alors, on peut être pour tout cela. Je le comprendrais. Mais, à mon sens, on ne peut être pour tout cela qu'à condition d'en comprendre tous les tenants et aboutissants et de les accepter tous. Car dire "on va rapprocher l'entreprise de l'université" juste appuyé sur un argument naïf du type "ha bah l'entreprise c'est le monde réel ma bonne Lucette", c'est se faire le pantin-pas-malin d'enjeux bien plus grands que soi.
Ils proposent ce schéma : les entreprises ont une demande de main-d'oeuvre qualifiée, tandis que les universités peuvent créer et donc offrir cette main-d'oeuvre qualifiée ; nous mettons donc en relation deux mondes interdépendants mais qui s'ignorent. Cette mise en relation aboutit à un équilibrage par le marché des besoins et des offres et est bénéfique pour tous : les entreprises qui peuvent se positionner avantageusement dans la course à l'innovation avec leurs gens bien formés, les universités, qui diversifient leur offre de formation et tarifient leurs diplômes au regard de leur demande sur le marché de l'emploi.
Car, évidemment, le corollaire du "rapprochement" des mondes patronal et universitaire, c'est, comme le proposent Sarkozy (brutalement) et Juppé (plus subtilement, mais c'est la même idée), une montée des coûts d'inscription liée à la "qualité professionnelle" du diplôme. Comme aux USA, le diplôme devient une valeur représentant une assurance de qualification dont le prix est d'autant plus haut que cette qualification est recherchée. En fait, tout le monde y gagne, sauf l'étudiant, lequel doit bientôt s'endetter dès 20 ans pour pouvoir obtenir un diplôme lui assurant un salaire intéressant. La libéralisation des universités se fait donc sur le dos des étudiants (et on pourrait dire des enseignants précarisés ; pas ceux qu'on voit en tête d'affiche, mais les petites mains dont les emplois se "flexibilisent" fortement) mais profite aux entreprises, aux investisseurs privés des universités (qui deviennent des unités de production comme une autre, donc sur lesquelles on peut prélever des dividendes et dont on attend une rentabilité semestre par semestre) et des grands professeurs, dont les salaires flambent puisqu'ils peuvent également faire jouer la concurrence.
D'ailleurs, elle se fait doublement sur le dos des étudiants, puisque leur dette, une fois contractée, est titrisée. C'est-à-dire qu'on la réduit en un tas d'actions qui sont échangées sur un marché secondaire de la dette étudiante, créant une bulle spéculative. Si cette bulle explose (comme menace de le faire la bulle étudiante aux USA actuellement), c'est une nouvelle crise économique dans la tronche de l'économie réelle. Du coup, la libéralisation des universités a aussi comme effet sous-jacent de créer un nouveau marché secondaire capable de crash et donc d'augmenter légèrement la probabilité de crise financière.
Alors, on peut être pour tout cela. Je le comprendrais. Mais, à mon sens, on ne peut être pour tout cela qu'à condition d'en comprendre tous les tenants et aboutissants et de les accepter tous. Car dire "on va rapprocher l'entreprise de l'université" juste appuyé sur un argument naïf du type "ha bah l'entreprise c'est le monde réel ma bonne Lucette", c'est se faire le pantin-pas-malin d'enjeux bien plus grands que soi.
- wanaxFidèle du forum
Il me semblait que la situation financière des universités américaines était catastrophique; difficile à concilier avec ce que j'ai quoté.Zagara a écrit:(...) La libéralisation des universités se fait donc sur le dos des étudiants (et on pourrait dire des enseignants précarisés ; pas ceux qu'on voit en tête d'affiche, mais les petites mains dont les emplois se "flexibilisent" fortement) mais profite aux entreprises, aux investisseurs privés des universités (qui deviennent des unités de production comme une autre, donc sur lesquelles on peut prélever des dividendes et dont on attend une rentabilité semestre par semestre) et des grands professeurs, dont les salaires flambent puisqu'ils peuvent également faire jouer la concurrence.(...)
- ZagaraGuide spirituel
Comme dans tout marché, il y a les gagnants et les perdants. Avec quelque chose comme 25 à 30 milliards de dollars de capitalisation boursière, Harvard est du côté des gagnants et est un établissement très rentable sur le plan financier (je parle des obligations mises sur le marché par Harvard pour se refinanciariser et de leurs petits jeux boursiers qui dopent leurs revenus).
Après c'est sûr que les universités de petits Etats où personne ne veut aller sont dans la merde financièrement. Mais c'est le propre d'un marché libéral de créer plus de perdants que de gagnants, de renforcer les inégalités et de concentrer les gains dans les mains de quelques uns ; mais, après tout, "le marché crée spontanément un ordre juste", comme le disait Hayek.............
Après c'est sûr que les universités de petits Etats où personne ne veut aller sont dans la merde financièrement. Mais c'est le propre d'un marché libéral de créer plus de perdants que de gagnants, de renforcer les inégalités et de concentrer les gains dans les mains de quelques uns ; mais, après tout, "le marché crée spontanément un ordre juste", comme le disait Hayek.............
- jésusFidèle du forum
????
C'est exactement le genre de remarques que l'on se prend, professionnalisation = mal absolu, capitalisme, système à l'américaine, endettement des étudiants, bulle, guerre nucléaire?
Il y aurait peut être un vrai travail à faire, un intermédiaire entre le chômage complet et le système à l'américaine. Moi aussi, en tant qu' étudiant on m'a dit qu'il y avait 65% des étudiants qui étaient en emploi un an après les études en sortant d'un master 2 pro. On n'a jamais fait d'enquête sur notre promo de master.
Dans les faits, c'était du chômage, voire du chômage de longue durée, des reconversions...des années après, à peine 20% qui travaillent dans la lignée du master...Et je croise régulièrement des jeunes qui n'ont toujours pas de travail deux après la fin de leur master ( pas les plus nuls) Et surtout pas mal de jeunes qui font des services civiques pour avoir de l'expérience après un bac plus 5 et écartent les peu qualifiés qui auraient le plus besoin... des étudiants qui reprennent des inscriptions à la fac parce qu' il n'y a plus moyen d'avoir des conventions de stage hors cursus universitaire....C'est ça la réalité et des étudiants , ancien bons élèves, ancien de prépa, mention TB à leur master pro
C'est exactement le genre de remarques que l'on se prend, professionnalisation = mal absolu, capitalisme, système à l'américaine, endettement des étudiants, bulle, guerre nucléaire?
Il y aurait peut être un vrai travail à faire, un intermédiaire entre le chômage complet et le système à l'américaine. Moi aussi, en tant qu' étudiant on m'a dit qu'il y avait 65% des étudiants qui étaient en emploi un an après les études en sortant d'un master 2 pro. On n'a jamais fait d'enquête sur notre promo de master.
Dans les faits, c'était du chômage, voire du chômage de longue durée, des reconversions...des années après, à peine 20% qui travaillent dans la lignée du master...Et je croise régulièrement des jeunes qui n'ont toujours pas de travail deux après la fin de leur master ( pas les plus nuls) Et surtout pas mal de jeunes qui font des services civiques pour avoir de l'expérience après un bac plus 5 et écartent les peu qualifiés qui auraient le plus besoin... des étudiants qui reprennent des inscriptions à la fac parce qu' il n'y a plus moyen d'avoir des conventions de stage hors cursus universitaire....C'est ça la réalité et des étudiants , ancien bons élèves, ancien de prépa, mention TB à leur master pro
- ZagaraGuide spirituel
C'est pas du tout mal le capitalisme et la financiarisation de l'économie.
Si on est du bon côté du bâton.
Par ailleurs le chômage dont tu parles n'est pas lié à la qualité de l'université mais à la rétractation de l'économie. Il y a peu d'activité et il y a peu de consommation, donc il y a peu de carnets de commande bien remplis, donc les entreprises n'embauchent pas et le chômage augmente. On aura beau faire des super-formations-trop-rapprochées-des-entreprises, ça ne va pas faire embaucher les étudiants en temps de non-activité...
Si on est du bon côté du bâton.
Par ailleurs le chômage dont tu parles n'est pas lié à la qualité de l'université mais à la rétractation de l'économie. Il y a peu d'activité et il y a peu de consommation, donc il y a peu de carnets de commande bien remplis, donc les entreprises n'embauchent pas et le chômage augmente. On aura beau faire des super-formations-trop-rapprochées-des-entreprises, ça ne va pas faire embaucher les étudiants en temps de non-activité...
- MoonchildSage
Attention, l'intégration des bac pro en BTS pose d'énormes problèmes : on se retrouve désormais avec une arrivée massive d'étudiants qui n'ont pas du tout le niveau requis et ce n'est que par la baisse drastique des exigences, les consignes de correction "bienveillantes", le passage au CCF pour les disciplines théoriques qu'on arrive à vaguement dissimuler la catastrophe... au prix d'une dévalorisation du diplôme qui commence à agacer le monde professionnel car les patrons sont peu satisfaits de recruter des diplômés qui sont à peine bons à être des pousse-bouton et qui s'avèrent incapables d'écrire la moindre phrase compréhensible (il y a une quinzaine d'années, ces profils n'auraient pour certains pas été plus loin que le BEP, mais désormais on les fait artificiellement monter vers le post-bac) ; du coup certains chefs d'entreprises éliminent les CV au niveau BTS et ne retiennent que les candidatures avec une licence ou un mastère pro. A terme le BTS est censé accueillir essentiellement des bac pro, mais les programmes n'ont pas été pensés pour permettre une véritable articulation entre ces deux niveaux, sans compter que depuis le bac pro 3 ans, les conditions d'enseignement en lycée pro - qui étaient déjà parfois très difficiles - se sont considérablement dégradées et le niveau des élèves est par conséquent en baisse.Chamil a écrit:Zagara a écrit:Alain Juppé se positionne pour une sélection à l'entrée du M1 et une "orientation renforcée" en Terminale qui inciterait fortement les bac pro et techno à se concentrer plus vers les BTS et DUT : http://www.lemonde.fr/campus/article/2016/09/19/alain-juppe-propose-une-orientation-renforcee-a-l-entree-a-l-universite_4999758_4401467.html
Je suis assez d'accord avec toutes ses propositions.
Dommage que ce soit par ailleurs un gros néolibéral qui tache.
C'est une bonne idée en effet et c'est déjà ce qui se fait: le BTS est déjà le mode d'insertion dominant pour ces deux bacs. La réalité est que cela embête le MEN car le coût unitaire par étudiant BTS (comme en CPGE d'ailleurs) est nettement plus cher que le 1er cycle universitaire généraliste.
Tant qu'on fera du baccalauréat le premier diplôme du sup et pas simplement la sanction (au sens le plus neutre du terme) du second degré, la tentation du moindre coût pour le plus grand flux sera grande.
Quant aux bac techno, le projet officiel du ministère est de les envoyer plutôt en IUT qu'en BTS, or s'ils ont un niveau qui permet à la rigueur de faire un BTS correct, ils sont souvent trop faibles pour réussir en IUT et s'y cassent les dents ; donc là aussi ça coince.
En réalité, que ce soit en BTS, en IUT ou à l'université, le problème est le même : on y retrouve des étudiants qui n'ont les bases suffisantes pour la formation dans laquelle ils s'inscrivent et parfois même des jeunes qui n'ont pas du tout le profil pour faire des études supérieures.
- ipomeeGuide spirituel
Merci Zagara, je ne suis pas une flèche dans ce domaine, mais je comprends quand tu expliques.Zagara a écrit:Sur la question du lien entre entreprises et universités, les discours qui défendent l'idée d'un "rapprochement" ne sont pas nouveaux, puisque ce sont des déclinaisons des think tanks libéraux qui s'expriment depuis les années 1960.
Ils proposent ce schéma : les entreprises ont une demande de main-d'oeuvre qualifiée, tandis que les universités peuvent créer et donc offrir cette main-d'oeuvre qualifiée ; nous mettons donc en relation deux mondes interdépendants mais qui s'ignorent. Cette mise en relation aboutit à un équilibrage par le marché des besoins et des offres et est bénéfique pour tous : les entreprises qui peuvent se positionner avantageusement dans la course à l'innovation avec leurs gens bien formés, les universités, qui diversifient leur offre de formation et tarifient leurs diplômes au regard de leur demande sur le marché de l'emploi.
Car, évidemment, le corollaire du "rapprochement" des mondes patronal et universitaire, c'est, comme le proposent Sarkozy (brutalement) et Juppé (plus subtilement, mais c'est la même idée), une montée des coûts d'inscription liée à la "qualité professionnelle" du diplôme. Comme aux USA, le diplôme devient une valeur représentant une assurance de qualification dont le prix est d'autant plus haut que cette qualification est recherchée. En fait, tout le monde y gagne, sauf l'étudiant, lequel doit bientôt s'endetter dès 20 ans pour pouvoir obtenir un diplôme lui assurant un salaire intéressant. La libéralisation des universités se fait donc sur le dos des étudiants (et on pourrait dire des enseignants précarisés ; pas ceux qu'on voit en tête d'affiche, mais les petites mains dont les emplois se "flexibilisent" fortement) mais profite aux entreprises, aux investisseurs privés des universités (qui deviennent des unités de production comme une autre, donc sur lesquelles on peut prélever des dividendes et dont on attend une rentabilité semestre par semestre) et des grands professeurs, dont les salaires flambent puisqu'ils peuvent également faire jouer la concurrence.
D'ailleurs, elle se fait doublement sur le dos des étudiants, puisque leur dette, une fois contractée, est titrisée. C'est-à-dire qu'on la réduit en un tas d'actions qui sont échangées sur un marché secondaire de la dette étudiante, créant une bulle spéculative. Si cette bulle explose (comme menace de le faire la bulle étudiante aux USA actuellement), c'est une nouvelle crise économique dans la tronche de l'économie réelle. Du coup, la libéralisation des universités a aussi comme effet sous-jacent de créer un nouveau marché secondaire capable de crash et donc d'augmenter légèrement la probabilité de crise financière.
Alors, on peut être pour tout cela. Je le comprendrais. Mais, à mon sens, on ne peut être pour tout cela qu'à condition d'en comprendre tous les tenants et aboutissants et de les accepter tous. Car dire "on va rapprocher l'entreprise de l'université" juste appuyé sur un argument naïf du type "ha bah l'entreprise c'est le monde réel ma bonne Lucette", c'est se faire le pantin-pas-malin d'enjeux bien plus grands que soi.
- jésusFidèle du forum
Après, c'est plus compliqué que ça. Beaucoup de masters pro ont été crée, par exemple, pour répondre aux demandes des collectivités en terme de développement, aménagement, valorisation etc. Mais il y a eu trop de master comparables et plus assez de débouchés. On a maintenu ces masters.
Sauf que...on l'a su, et j'ai appris que certaines promotions de ce genre de master n'étaient pas aussi fournies qu'espéré. Que les stats donnant 60 % d'emploi en sortant du master n'indiquaient pas si c'était caissier de supermarché ou chargé de mission... Même en créant une association de notre master pour s'entraider à s'insérer, rien n'y a fait. C'était structurel. Trop de jeunes à bac +5 sur les mêmes missions et de moins en moins de débouchés...etc.
S'aligner sur le monde professionnel, c'est bien...mais répondre correctement au marché du travail, c'est mieux ( en temps et en heure) Le retard à l'allumage de masters fait qu'il y a souvent un décalage.
En art, on cherchait des régisseurs d'oeuvres d'art...on a crée des formations...le temps que certains soient formés, les postes ont été occupés par des personnes qui n'avaient pas l'intitulé de la formation...mais qui ont maintenant de l'expérience.
Les personnes qui ont la bonne formation...ne trouvent pas de travail car ils n'arrivent à se faire de l'expérience car les places sont trustés par des personnes qui ont plus d'expérience. On se demande à quoi sert ces formations? ( exemple valable pour beaucoup de domaines)
Sauf que...on l'a su, et j'ai appris que certaines promotions de ce genre de master n'étaient pas aussi fournies qu'espéré. Que les stats donnant 60 % d'emploi en sortant du master n'indiquaient pas si c'était caissier de supermarché ou chargé de mission... Même en créant une association de notre master pour s'entraider à s'insérer, rien n'y a fait. C'était structurel. Trop de jeunes à bac +5 sur les mêmes missions et de moins en moins de débouchés...etc.
S'aligner sur le monde professionnel, c'est bien...mais répondre correctement au marché du travail, c'est mieux ( en temps et en heure) Le retard à l'allumage de masters fait qu'il y a souvent un décalage.
En art, on cherchait des régisseurs d'oeuvres d'art...on a crée des formations...le temps que certains soient formés, les postes ont été occupés par des personnes qui n'avaient pas l'intitulé de la formation...mais qui ont maintenant de l'expérience.
Les personnes qui ont la bonne formation...ne trouvent pas de travail car ils n'arrivent à se faire de l'expérience car les places sont trustés par des personnes qui ont plus d'expérience. On se demande à quoi sert ces formations? ( exemple valable pour beaucoup de domaines)
- ChamilNiveau 9
Zagara a écrit:Sur la question du lien entre entreprises et universités, les discours qui défendent l'idée d'un "rapprochement" ne sont pas nouveaux, puisque ce sont des déclinaisons des think tanks libéraux qui s'expriment depuis les années 1960.
Ils proposent ce schéma : les entreprises ont une demande de main-d'oeuvre qualifiée, tandis que les universités peuvent créer et donc offrir cette main-d'oeuvre qualifiée ; nous mettons donc en relation deux mondes interdépendants mais qui s'ignorent. Cette mise en relation aboutit à un équilibrage par le marché des besoins et des offres et est bénéfique pour tous : les entreprises qui peuvent se positionner avantageusement dans la course à l'innovation avec leurs gens bien formés, les universités, qui diversifient leur offre de formation et tarifient leurs diplômes au regard de leur demande sur le marché de l'emploi.
Car, évidemment, le corollaire du "rapprochement" des mondes patronal et universitaire, c'est, comme le proposent Sarkozy (brutalement) et Juppé (plus subtilement, mais c'est la même idée), une montée des coûts d'inscription liée à la "qualité professionnelle" du diplôme. Comme aux USA, le diplôme devient une valeur représentant une assurance de qualification dont le prix est d'autant plus haut que cette qualification est recherchée. En fait, tout le monde y gagne, sauf l'étudiant, lequel doit bientôt s'endetter dès 20 ans pour pouvoir obtenir un diplôme lui assurant un salaire intéressant. La libéralisation des universités se fait donc sur le dos des étudiants (et on pourrait dire des enseignants précarisés ; pas ceux qu'on voit en tête d'affiche, mais les petites mains dont les emplois se "flexibilisent" fortement) mais profite aux entreprises, aux investisseurs privés des universités (qui deviennent des unités de production comme une autre, donc sur lesquelles on peut prélever des dividendes et dont on attend une rentabilité semestre par semestre) et des grands professeurs, dont les salaires flambent puisqu'ils peuvent également faire jouer la concurrence.
D'ailleurs, elle se fait doublement sur le dos des étudiants, puisque leur dette, une fois contractée, est titrisée. C'est-à-dire qu'on la réduit en un tas d'actions qui sont échangées sur un marché secondaire de la dette étudiante, créant une bulle spéculative. Si cette bulle explose (comme menace de le faire la bulle étudiante aux USA actuellement), c'est une nouvelle crise économique dans la tronche de l'économie réelle. Du coup, la libéralisation des universités a aussi comme effet sous-jacent de créer un nouveau marché secondaire capable de crash et donc d'augmenter légèrement la probabilité de crise financière.
Alors, on peut être pour tout cela. Je le comprendrais. Mais, à mon sens, on ne peut être pour tout cela qu'à condition d'en comprendre tous les tenants et aboutissants et de les accepter tous. Car dire "on va rapprocher l'entreprise de l'université" juste appuyé sur un argument naïf du type "ha bah l'entreprise c'est le monde réel ma bonne Lucette", c'est se faire le pantin-pas-malin d'enjeux bien plus grands que soi.
Je ne crois pas que l'on puisse réduire la question du rapprochement université/monde du travail à un vaste projet (complot?) libéral de financiarisation de l'enseignement supérieur. La transformation de celui-ci, au niveau international, en un vaste marché est d'abord lié à une triple réalité:
- l'augmentation massive du nombre d'étudiants (doublement entre 2000 et 2012 au niveau mondial, soit plus de 200 millions d'étudiants désormais)
- l'internationalisation massive des flux d'étudiants (+38% par an selon l'UNESCO chaque année depuis 2006) et de l'élite des universitaires (cf. par exemple les grandes universités américaines ou plus récemment la NUS de Singapour). Il n'y a pas de grand Satan libéral derrière les étudiants qui votent avec leurs pieds.
- les modalités de financement de l'enseignement supérieur (retrait des Etats, encouragé en effet par les libéraux,).
Pour répondre à ce triple enjeu, les universités, si elles veulent être bien cotées par les étudiants et les universitaires, ont dû attirer à prix d'or les meilleurs de ces derniers, investir dans des campus et du matériel, ce qui a conduit à des hausses de droits d'inscription et à une transformation radicale des stratégies de financement du sup.
Celles-ci d'ailleurs sont devenues un signal: une université sélective et aux diplômes bien côtés se doit d'offrir des formations coûteuses. Ceci a fini par créer une pression sur toute la hiérarchie universitaire. Ajoutons que ce n'est pas le cas en France, qui se paie le luxe d'être le troisième pays d'accueil des étudiants internationaux (271 000 étudiants internationaux) avec des droits d'inscription proches de zéro.
- ChamilNiveau 9
jésus a écrit:
Sauf que...on l'a su, et j'ai appris que certaines promotions de ce genre de master n'étaient pas aussi fournies qu'espéré. Que les stats donnant 60 % d'emploi en sortant du master n'indiquaient pas si c'était caissier de supermarché ou chargé de mission... Même en créant une association de notre master pour s'entraider à s'insérer, rien n'y a fait. C'était structurel. Trop de jeunes à bac +5 sur les mêmes missions et de moins en moins de débouchés...etc.
S'aligner sur le monde professionnel, c'est bien...mais répondre correctement au marché du travail, c'est mieux ( en temps et en heure) Le retard à l'allumage de masters fait qu'il y a souvent un décalage.
Peut-on aligner une institution sur un objet instable? On ne peut matériellement pas réviser tout le plan de formations d'une université tous les ans. Soit dit en passant, même les écoles de commerce et d'ingénieurs, qui ont des taux parfois mirifiques d'insertion professionnelle et sont réputées "plus proches du réel", ne procèdent pas ainsi: on finit par brouiller auprès des employeurs l'image des diplômes.
Quant à l'éternel débat sur la valeur des diplômes (cf. le match Poullaouec/Duru-Bellat), il faut rappeler les faits statistiques disponibles. Pour les diplômés du supérieur de 2004 (enquête CEREQ), les salaires sont en moyenne supérieurs à l'embauche de 54% par rapport au non-diplômés et ont progressé ensuite de 24% sur les premières années de vie active (contre 13% pour les non diplômés du sup). On a certes une fraction des diplômés (notamment dans la FP) qui sont surqualifiés pour les emplois qu'ils occupent mais ce n'est pas la majorité. Et l'enseignement supérieur n'est nullement responsable de cette situation!
- ZagaraGuide spirituel
En quoi serait-ce un "complot" de vouloir rendre rentable un secteur de l'économie qui ne l'est pas ?
Un complot c'est secret. Là c'est au grand jour, tous les documents sont disponibles et la démarche de faire rentrer le marché dans des domaines où il était exclu est complètement assumée par les néolibéraux. De plus, on vous a dit que c'était profitable pour tous, alors pourquoi serait-ce un "complot" ? Au contraire, le libéralisme est une volonté politique forte mise en oeuvre par nos dirigeants.
C'est décourageant d'avoir des gens qui crient "théorie du complot :V" quand on leur explique simplement un mécanisme financier tout con et déjà réalisé ailleurs (libéralisation->mise en concurrence->rentabilité->profits->création d'un marché secondaire[->crash]). Après tout, c'est exactement le même schéma que pour les autres privatisations. Cela ressemble presque à une rhétorique pour délégitimer un adversaire qui avance des arguments construits et vérifiables, mais nous sommes entre gens respectueux, n'est-ce pas ?
Par ailleurs, tu confonds des causes et des effets dans tes "triples réalités" pour légitimer la libéralisation.
L'internationalisation ne vient pas de l'espace, elle est un effet de la libéralisation des universités. Le retrait de l'Etat aussi. On en arrive alors à un schéma bizarre où on présente des effets du libéralisme comme des causes pour faire encore plus de libéralisme. C'est joli un serpent qui se mord la queue, mais ça finit par manger sa propre tête.
Ainsi, dans tous tes paragraphes finaux :
tu expliques justement ce qu'est un emballement libéral dû à une libéralisation (mise en concurrence internationale, nécessité de trouver de l'argent privé, etc.). Or on pourrait imaginer un modèle qui ne donne pas la pichenette libérale de départ, mais que serait plutôt centré sur l'idée de gratuité de la connaissance, puisqu'elle est un bien humain universel. Mais ça, ce n'est pas très rentable.
Un complot c'est secret. Là c'est au grand jour, tous les documents sont disponibles et la démarche de faire rentrer le marché dans des domaines où il était exclu est complètement assumée par les néolibéraux. De plus, on vous a dit que c'était profitable pour tous, alors pourquoi serait-ce un "complot" ? Au contraire, le libéralisme est une volonté politique forte mise en oeuvre par nos dirigeants.
C'est décourageant d'avoir des gens qui crient "théorie du complot :V" quand on leur explique simplement un mécanisme financier tout con et déjà réalisé ailleurs (libéralisation->mise en concurrence->rentabilité->profits->création d'un marché secondaire[->crash]). Après tout, c'est exactement le même schéma que pour les autres privatisations. Cela ressemble presque à une rhétorique pour délégitimer un adversaire qui avance des arguments construits et vérifiables, mais nous sommes entre gens respectueux, n'est-ce pas ?
Par ailleurs, tu confonds des causes et des effets dans tes "triples réalités" pour légitimer la libéralisation.
L'internationalisation ne vient pas de l'espace, elle est un effet de la libéralisation des universités. Le retrait de l'Etat aussi. On en arrive alors à un schéma bizarre où on présente des effets du libéralisme comme des causes pour faire encore plus de libéralisme. C'est joli un serpent qui se mord la queue, mais ça finit par manger sa propre tête.
Ainsi, dans tous tes paragraphes finaux :
Pour répondre à ce triple enjeu, les universités, si elles veulent être bien cotées par les étudiants et les universitaires, ont dû attirer à prix d'or les meilleurs de ces derniers, investir dans des campus et du matériel, ce qui a conduit à des hausses de droits d'inscription et à une transformation radicale des stratégies de financement du sup.
Celles-ci d'ailleurs sont devenues un signal: une université sélective et aux diplômes bien côtés se doit d'offrir des formations coûteuses. Ceci a fini par créer une pression sur toute la hiérarchie universitaire. Ajoutons que ce n'est pas le cas en France, qui se paie le luxe d'être le troisième pays d'accueil des étudiants internationaux (271 000 étudiants internationaux) avec des droits d'inscription proches de zéro.
tu expliques justement ce qu'est un emballement libéral dû à une libéralisation (mise en concurrence internationale, nécessité de trouver de l'argent privé, etc.). Or on pourrait imaginer un modèle qui ne donne pas la pichenette libérale de départ, mais que serait plutôt centré sur l'idée de gratuité de la connaissance, puisqu'elle est un bien humain universel. Mais ça, ce n'est pas très rentable.
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