Développement du vocabulaire en lycée

Bonjour à tous,
J'ai donc achevé (sur les rotules) ma première année d'enseignement des lettres au lycée. J'ai été frappée notamment par le manque de vocabulaire des élèves, et je me demandais si vous aviez des astuces, des méthodes pour aider les élèves à acquérir et utiliser un vocabulaire plus riche, à l'oral comme à l'écrit.
Merci.

Il m'est arrivé de faire des séances uniquement sur le vocabulaire, avec étymologie, histoire des mots, mots de la même famille ou de leur demander de faire pareil pour 5 mots du texte. Ca fonctionne bien.

Je trouve que tu abordes une question essentielle, Hugo - mais malheureusement qui ne trouvera pas beaucoup de réponses, parce que c'est un des nombreux angles morts du français au lycée. Le peu de réponses sur ce fil le confirme... Alors que nous savons bien que de sacrées inégalités se développent et s'accroissent chez les jeunes à partir de la richesse ou de la grande pauvreté du vocabulaire.
Notre enseignement est tellement régi par l'analyse technique de textes littéraires (même si un certain jargon est désormais moins présent) que le vocabulaire "normal" qui pourrait (devrait?) être développé à cet âge (vocabulaire de la psychologie, de la sensibilité etc.) est complètement délaissé. Je suppose qu'en haut lieu on considère que tout ce vocabulaire s'acquiert comme ça, par imprégnation, en parlant en cours, en lisant quelques textes imposés - ou, mieux, que ce vocabulaire est déjà acquis au collège... Ce qui bien sûr n'est pas le cas.
Mais enlisé dans nos programmes, on prend peu de temps pour vraiment travailler le vocabulaire. Ce que j'ai pu faire, c'est la même chose que Roxanne, des exercices intéressants mais ponctuels.
A la fin de l'étude d'une oeuvre, il y a aussi moyen. Exemple basique: après avoir étudié l'Etranger, demander aux élèves de caractériser Meursault par 5 adjectifs qui suffiraient à rendre compte de sa personnalité et de son parcours; ça va plus loin qu'il n'y paraît, puisque les élèves ne proposeront pas les mêmes qualificatifs, seront amenés à justifier leurs choix (et donc à définir précisément les termes), à trouver des exemples dans le roman qui s'y rapportent), à discuter les choix des autres - avec interventions du prof pour les sensibiliser aux redondances, aux termes trop vagues ou trop myopes (portant sur un détail), à la charge "morale" de certains termes etc.
Bien sûr ça ne change pas la face du monde, mais ça permet d'associer impératifs du programme (l'oeuvre est mieux maîtrisée, notamment en vue de l'oral de bac) et enrichissement du vocabulaire. Il faudrait certainement inventer bien d'autres façons de faire...

Je te renvoie aux pistes de ce topic > "des pistes pour un enseignement actif du vocabulaire" :

https://www.neoprofs.org/t64142-des-pistes-pour-un-enseignement-actif-du-vocabulaire?highlight=actif

Super Serge, merci beaucoup!
Beaucoup d'idées à exploiter et à transposer au lycée.

Marc S. a écrit:Notre enseignement est tellement régi par l'analyse technique de textes littéraires (même si un certain jargon est désormais moins présent) que le vocabulaire "normal" qui pourrait (devrait?) être développé à cet âge (vocabulaire de la psychologie, de la sensibilité etc.) est complètement délaissé.

Je ne suis pas d'accord (même si, par ailleurs, je valide la critique du jargon). J'y vois plutôt l'effet de la diminution des volumes horaires, des exigences en matière de lecture, et peut-être aussi de la perte d'un savoir-faire et des exigences au niveau des programmes. Au lycée, je comprends qu'un professeur considère le vocabulaire de base comme acquis et l'élève capable de remédier lui-même à ses lacunes.

Je viendrai commenter en détails ce soir ce post qui m'intéresse fortement.

Les grilles studiométriques peuvent être utiles dans l'apprentissage du vocabulaire : https://cprabel.wordpress.com/2016/06/04/organiser-les-apprentissages/

Le sujet que Serge a donné est riche en propositions également.

" J'y vois plutôt l'effet de la diminution des volumes horaires, des exigences en matière de lecture, et peut-être aussi de la perte d'un savoir-faire et des exigences au niveau des programmes. Au lycée, je comprends qu'un professeur considère le vocabulaire de base comme acquis et l'élève capable de remédier lui-même à ses lacunes."


Sylvain: Certes certes, la diminution des volumes horaires etc. n'arrange rien. Je persiste néanmoins à remettre en cause l'orientation générale de notre enseignement au lycée. Je ne parle pas de mauvais choix de la part de profs (on se fait assez taper dessus, je ne vais pas rajouter l'autoflagellation), je parle de l'agencement des programmes et des objectifs fixés. Qu'on le veuille ou non, ce sont les épreuves de l'EAF qui donnent le "la", or ces épreuves poussent à développer un vocabulaire spécialisé (un méta-discours sur la littérature) au détriment d'un lexique plus large et plus riche.
Pour ce qui est de considérer que le vocabulaire de base est acquis (au passage, quelle base? à la fin de la 3°, un élève détiendrait un vocabulaire suffisant pour exprimer les nuances de la pensée, de la sensibilité etc.? - je ne crois pas), si le réel nous donne un cinglant démenti - ce qu'il ne manque pas de faire - je me vois mal estimer que l'élève va "remédier lui-même à ses lacunes"...

Avec ma toute petite année de recul, je trouve effectivement que les modalités de l'EAF enferment beaucoup l'enseignant en lycée ; et, tout en étant dans un lycée plutôt privilégié, il faut bien admettre que le vocabulaire "de base" fait souvent défaut.
J'ai tendance à encourager les élèves à s'exprimer d'abord avec leurs propres mots (moi-même, j'utilise parfois un vocabulaire moins soutenu pour les "réveiller"), puis à faire reformuler, à l'élève et à la classe, jusqu'à obtenir plusieurs propositions de formulation à noter. Evidemment, systématiser cela prend beaucoup de temps, mais on peut aussi le faire à l'écrit : je ramasse beaucoup de petits écrits que je ne note pas, mais que l'élève peut retravailler autant de fois qu'il le souhaite. De même, j'ai trouvé en fin d'année un vieux livre Hatier, "améliorez votre vocabulaire", dont certaines sections (il est organisé de façon thématique) proposent des exercices intéressants. Je vais le proposer à toutes mes classes comme exercice bonus : ils le font quand ils le veulent, et obtiennent une note en plus dans la moyenne.
Enfin, je rejoins Roxanne sur l'histoire de la langue : en général ils aiment bien, mais surtout, faire un peu de morphologie leur permet d'acquérir les bons réflexes pour faire face aux mots inconnus. Au début, je leur montre comment deviner le sens du mot, puis au fur et à mesure que l'année avance et qu'ils sont habitués, je demande à un élève de le faire.
L'idée, c'est aussi d'essayer de "perdre" du temps au début pour en gagner plus tard, s'ils parviennent à automatiser un peu ce travail. (Bon, ça, pour l'instant, je ne l'ai pas encore vu )

Serge a écrit:Je te renvoie aux pistes de ce topic  > "des pistes pour un enseignement actif du vocabulaire" :

https://www.neoprofs.org/t64142-des-pistes-pour-un-enseignement-actif-du-vocabulaire?highlight=actif

Merci beaucoup Serge! Je vais regarder de près ces propositions, ces pistes.

charlygp a écrit:Je viendrai commenter en détails ce soir ce post qui m'intéresse fortement.

Les grilles studiométriques peuvent être utiles dans l'apprentissage du vocabulaire : https://cprabel.wordpress.com/2016/06/04/organiser-les-apprentissages/

Le sujet que Serge a donné est riche en propositions également.

Charlygp, utilises-tu ces grilles? J'en ai entendu parler auparavant, sans jamais franchir le cap...

j'ai tenté cette année, avec la prof de lettres (je suis en HG) d'instaurer dans ma 2nde un carnet de voc.

à chaque fois qu'on croisait dans un texte un mot inconnu, je leur expliquais oralement et ils devaient le noter dans leur carnet et noter la définition précise du dico chez eux.

j'ai pas mal galéré pour qu'ils tiennent le carnet à jour (ils ne le faisaient pas), mais il faut dire que j'avais fait ça au pied levée.

en revanche, je suis très contente des résultats de l'interro finale : à la fin de l'année, j'ai relevé les carnets qui me semblaient les plus complets et à partir de ceux ci (ils se complétaient) j'ai établi une liste de mots qu'ils devaient connaître, que je leur ai tapée et distribuée (en gros, la liste de tous les mots qu'ils auraient dû noter à chaque fois que je le leur disais). Je leur ai donné 10 jours pour les apprendre (après avoir cherché dans le dico pour avoir une déf 'sûre"), en leur demandant de savoir les réutiliser dans une phrase (pour être sûre qu'ils n'apprenaient pas par coeur sans comprendre). Il y avait 80 mots sur la liste.

puis le jour de l'interro je leur ai demandé 20 de ces mots (j'ai choisi ceux qui me semblaient les plus fondalentaux ; ils pouvaient concerner l'HG mais aussi du vocabulaire courant mais un peu complexe du style "légitime", "consensus"

résultat, ils ont bien bossé, ont eu de bonnes notes.

et pour finir, la prof de lettres a eu la bonne idée de leur demander de les réutiliser lors de séance de théâtre improvisé. Ca leur a bien plu je crois !

Bonne idée, et sans soute pas compliquée à mettre en oeuvre. Je poursuis ma réflexion!