- ditaNeoprof expérimenté
Bonjour,
j'aime beaucoup l'écriture de Giono - et non, je ne prépare pas l'agrégation - mais j'ai une question : il emploie souvent des tournures "comme un qui ...". Par exemple, cela pourrait être : comme un qui a faim. Après avoir regardé, je ne pense pas que c'est une tournure provençale, car Du Bellay et Jodelle l'utilisent. Est-ce donc un archaïsme ? Et si j'utilise cette tournure, écrivé-je en français correct ?
j'aime beaucoup l'écriture de Giono - et non, je ne prépare pas l'agrégation - mais j'ai une question : il emploie souvent des tournures "comme un qui ...". Par exemple, cela pourrait être : comme un qui a faim. Après avoir regardé, je ne pense pas que c'est une tournure provençale, car Du Bellay et Jodelle l'utilisent. Est-ce donc un archaïsme ? Et si j'utilise cette tournure, écrivé-je en français correct ?
- HocamSage
Il y a une dimension archaïsante, surannée dans l'emploi nominal de « un » au sens de « quelqu'un ». C'est là que se situe la particularité de l'expression, me semble-t-il. Le TLFi me dit que cet emploi était attesté au moins à la fin du XVe et cite Philippe de Commynes (« ung qui » au sens de « un homme qui, quelqu'un qui »). Pour l'expression entière « comme un qui », elle paraît en effet quelque peu figée chez Giono, qui avait sans doute en tête le modèle des poètes de la Pléiade (on sait que Giono a lu Ronsard avec attention). Le « un » comme pronom indéfini a quelque chose de pratique, de maniable, un peu comme la tournure latinisante « qui, comme » (« Heureux qui, comme Ulysse... ») également chère aux poètes de la Renaissance.
- User5899Demi-dieu
Là, nondita a écrit:Bonjour,
j'aime beaucoup l'écriture de Giono - et non, je ne prépare pas l'agrégation - mais j'ai une question : il emploie souvent des tournures "comme un qui ...". Par exemple, cela pourrait être : comme un qui a faim. Après avoir regardé, je ne pense pas que c'est une tournure provençale, car Du Bellay et Jodelle l'utilisent. Est-ce donc un archaïsme ? Et si j'utilise cette tournure, écrivé-je en français correct ?
- ditaNeoprof expérimenté
Merci, Beniamino, et merci aussi, Cripure. Après renseignement, "écrivé-je" est un barbarisme qu'emploie Queneau, mais non recommandé.
- HocamSage
Je viens de penser que ce « comme un qui » reflète aussi, volontairement ou non, une tournure italienne : « uno che » au sens de « un homme qui » me semble plus fréquent dans cette langue que ne l'est « un qui » en français. Que l'auteur en ait été conscient ou non importe peu.
Je repense aussi à cet autre titre de Giono, Un de Baumugnes. Encore un « un » pronominalisé. Il a quelque chose de rustique. Il disparaît d'ailleurs dans le titre de l'adaptation de Pagnol au cinéma, Angèle.
Je repense aussi à cet autre titre de Giono, Un de Baumugnes. Encore un « un » pronominalisé. Il a quelque chose de rustique. Il disparaît d'ailleurs dans le titre de l'adaptation de Pagnol au cinéma, Angèle.
- CasparProphète
Peut-être un provençalisme (pardon) alors? Ce qui expliquerait le lien avec l'italien?
- HocamSage
Possible, en effet. Dans tous les cas, il y a comme un lien avec d'autres langues romanes, quelles qu'elles soient.
- NLM76Grand Maître
Grevisse § 714 b.
Grevisse a écrit:
Un nominal est senti aujourd'hui comme familier:
"Ce n'est pas à une morte que je dédie ce petit livre; c'est à une qui, quoique malade, est toujours active et vivante en moi" (Baudelaire)
Ce n'est pas la tête d'une qui se repent (Renart)...
"Comme un qui" est une expression très fréquente ; "Ô vous, comme un qui boîte au loin..." (Verlaine). "Comme un qui s'enivre des taches de vin sur la nappe" (Bernanos).
Un qui... appartenait chez les classiques au style noble "Ma fantaisie me fait haïr [...] un qui souffle en mangeant" (Pascal)
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- HocamSage
Voilà. Le « comme un qui » de Giono aurait encore cette vague prétention à une certaine noblesse, alors que le « un » de Un de Baumugnes serait du côté de la familiarité, de l'oralité (« un homme, un gars de Baumugnes »).
- palomitaNeoprof expérimenté
On retrouve la même tournure en espagnol, en effet :
" Es uno de Madrid " = c'est quelqu'un de Madrid
Et au féminin aussi :
" He visto a una que lleva un vestido verde"= j'ai vu quelqu'un ( une fille , une femme) qui porte une robe verte.
" Es uno de Madrid " = c'est quelqu'un de Madrid
Et au féminin aussi :
" He visto a una que lleva un vestido verde"= j'ai vu quelqu'un ( une fille , une femme) qui porte une robe verte.
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"La sagesse, c'est d'avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu'on les poursuit"
Oscar wilde.
- ditaNeoprof expérimenté
Merci pour ces posts intéressants
Comme notre langue est riche et passionnante ! Ca fait même voyager. Je suis très amusé que ce qui est d'usage "noble" au XVIIe siècle est familier aujourd'hui. Je n'ai pas d'autres exemples en tête, mais cela se voit parfois.
Comme notre langue est riche et passionnante ! Ca fait même voyager. Je suis très amusé que ce qui est d'usage "noble" au XVIIe siècle est familier aujourd'hui. Je n'ai pas d'autres exemples en tête, mais cela se voit parfois.
- NLM76Grand Maître
Il s'assit pour il s'assied.
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- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- CasparProphète
dita a écrit:Merci pour ces posts intéressants
Comme notre langue est riche et passionnante ! Ca fait même voyager. Je suis très amusé que ce qui est d'usage "noble" au XVIIe siècle est familier aujourd'hui. Je n'ai pas d'autres exemples en tête, mais cela se voit parfois.
C'est le cas de toutes les langues.
- ditaNeoprof expérimenté
Caspar Goodwood a écrit:dita a écrit:Merci pour ces posts intéressants
Comme notre langue est riche et passionnante ! Ca fait même voyager. Je suis très amusé que ce qui est d'usage "noble" au XVIIe siècle est familier aujourd'hui. Je n'ai pas d'autres exemples en tête, mais cela se voit parfois.
C'est le cas de toutes les langues.
Tu as raison. J'aime particulièrement l'anglais pour sa plasticité et sa concision.
Même si j'arrive à lire en anglais, je n'arrive pas vraiment à goûter un style d'écriture particulier.
Avec Giono, j'ai l'impression d'être à un festin paysan plein d'odeurs riches, ou alors de sentir l'humus de la terre. C'est rugueux et noble à la fois.
- e-WandererGrand sage
On trouve aussi assez souvent, au tout début du XVIIe siècle, "comme celui qui" (= "en homme qui…").
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