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- DimkaVénérable
Salut,
Quelques remarques en vrac…
Ceci étant posé, les matières déjà étudiées au lycée changent souvent, quand on entre à l’unif’ : une matière pénible au lycée peut devenir plus intéressante quand on l’approfondit ; les exigences et les pratiques sont différentes. Il y a aussi de nouvelles disciplines (par exemple, on fait de la linguistique en lettres, ou encore en histoire, on approfondit des périodes plutôt délaissées dans le secondaire, puis en L2 on fait de l’épistémologie ou de l’historiographie). Après… dur à dire, ça tient vraiment de l’expérience personnelle : certains vont voir l’entrée à la fac comme un fossé insurmontable, d’autres vont trouver leur compte dans ce changement.
Par ailleurs, il y a moyen de ne pas trop se lasser à la fac, on peut s’amuser un peu, voir des choses : par exemple, c’est possible de faire une année Erasmus (ou autre, hors Europe) en L2 ou L3. C’est aussi possible de se dégager du temps libre pour découvrir ou apprendre des savoirs non-universitaires, ou expérimenter (s’investir dans une association − étudiante ou pas −, un syndicat, un parti politique, lire, adhérer à un club, faire du théâtre, du sport, etc.) : l’université offre beaucoup d’opportunités. Enfin, si trois ans te semblent longs : certaines facs proposent de faire une L1 et L2 traditionnelles (par exemple en lettres modernes, en philosophie, en histoire) et une L3 plus spécialisée (info com’, sciences de l’éducation, métiers du livre, etc.), ce qui permet de prendre deux ans de plus pour réfléchir.
Enfin, je trouve que les réponses qui t’ont été données ici sont extrêmement idéologiques, elles sont orientées : les gens qui te donnent des conseils ne surplombent pas les choses, ils sont dedans jusqu’au cou, ils ont leurs opinions, leurs combats, leur expérience, leur camp (et moi aussi ! Et mon discours qui se pose comme au-dessus de tout est aussi peu neutre, aussi idéologique, aussi orienté, aussi partisan que les autres ! Ne fais confiance à personne). Ce n’est pas un mal en soi, car tout est idéologique, mais l’important est de le savoir. L’éducation en soi est un enjeu énorme, car elle forge l’individu : sous ses dehors de parfaite neutralité − on apprend aux enfants à lire, compter, etc. −, il y a des oppositions énormes car l’éducation est perçue comme ce qui forge l’individu à des niveaux bien plus profonds (docilité, soumission, capacité à réfléchir, savoirs, capacités à imaginer, à s’émanciper, à vivre en société, préjugés, vision du monde, morale, etc.). Le problème − ton problème −, c’est que tu dois t’engager dans une voie, dans un choix, dont tu ne maîtrises pas la totalité des enjeux, et t’en remettre aux avis d’autres personnes, alors que cela aura potentiellement une influence importante sur ta formation intellectuelle et idéologique. Donc je vais essayer de résumer les choses telles que je les vois, sachant que ça ne t’apportera aucune réponse.
Les sciences de l’éducation sont à la fois puissantes et dénigrées. Elles sont puissantes parce qu’elles ont, pour le moment, le pouvoir : elles s’imposent, dans les masters enseignements, dans les formations professionnelles des enseignants, et parfois dans les concours. Elles sont largement valorisées par le pouvoir politique et médiatique, ainsi que par une bonne partie de la hiérarchie de l’éducation nationale. Elles sont souvent un élément moteur des réformes. Dans les concours du primaire, tu risques d’être en partie sélectionnée par des partisans des sciences de l’éducation. Ça ne signifie pas que tu aies besoin d’une formation complète en sciences de l’éducation, ni que tu doives adhérer à leurs principes : c’est parfaitement possible et fréquent de faire un cursus traditionnel et de réussir les concours, puisque tu peux apprendre à « parler le langage des sciences de l’éducation », que tu y croies ou non, le moment venu. Je veux dire : honnêtement, je pense qu’on peut devenir prof des écoles en suivant les deux cursus : licence traditionnelle ou en sciences de l’éducation. L’idée, c’est de savoir quelle prof tu souhaites devenir.
Les sciences de l’éducation sont également dénigrées : beaucoup de gens − en particulier chez les universitaires, ce qui peut te fermer des portes si tu veux te réorienter − estiment que les sciences de l’éducation sont creuses, qu’elles se donnent l’apparence de science en singeant les méthodes de cette dernières, en utilisant un vocabulaire scientifique − un jargon − sans en suivre la rigueur : on leur reproche d’être du vent, du baratin, du charlatanisme et d’être responsables de tout ce qui va mal (de rendre les élèves ignorants et fainéants, par exemple). On leur reproche également de ne pas donner de contenu, de dévaloriser les savoirs bruts, de rendre les enseignants eux-mêmes ignorants, d’en faire des animateurs, de dévaloriser la profession : tout la différence entre un étudiant de maths qui a un solide bagage mathématique et qui devra apprendre à enseigner les maths en fin de cursus (ou par la pratique), et un étudiant de sciences de l’éducation qui saura en théorie apprendre n’importe quoi à un élève, qui aura des méthodes et des réflexions sur l’apprentissage en soi… mais qui devra apprendre le contenu disciplinaire brut en fin de cursus. Il y a un impact idéologique réel sur la façon d’enseigner, sur ce que doit transmettre le prof aux élèves, sur la position du prof. Enfin, ces débats s’inscrivent souvent dans des idéologies plus larges, sur l’orientation politique, idéologique, sociale… du monde. Certains reprochent par exemple aux sciences de l’éducation d’être les larbins du néolibéralisme (schématiquement, l’éducation ainsi prônée vise non pas à former un citoyen instruit, mais à l’abrutir pour former un employé flexible au service des intérêts de l’entreprise), d’autres reprochent à l’éducation traditionnelle d’être réactionnaire, de faire des individus dociles, d’être rigide et de ne pas être socialement très juste.
En règle générale, les débats entre partisans et opposants des sciences de l’éducation sont très caricaturaux, très binaires, et très catastrophistes (les exemples que je t’ai donnés le sont : chez beaucoup de gens, les positions sont plus souples, plus nuancées, et surtout, dans la pratique, il y a un monde entre la théorie et le bidouillage que l’on doit faire au contact du réel), il y a souvent une idéalisation chez les uns et les autres, ou du passé, ou du présent, ou de l’avenir. Et les gens sont très sûrs d’eux : ils savent, c’est très « ». De plus, différentes idéologies politiques peuvent se retrouver un peu sous une même bannière (d’autant plus que l’aspect caricatural du débat gomme totalement les nuances). Bref. Ici, c’est plutôt un forum catastrophiste tendance « les élèves deviennent stupides et ne savent plus rien, c’était mieux avant » : je dis ça avec un peu d’ironie, mais en fait, ce n’est pas un mal en soi, et ce n’est pas nécessairement faux.
Du coup, je n’ai pas de conseil, à dire fais ceci, fais cela. Ça pourrait être intéressant de discuter avec des étudiants ou des professeurs de sciences de l’éducation, d’écouter leurs discours, en ayant conscience que ça sera orienté, partisan et que ça tentera de vendre du rêve (comme ici… mais un autre type de rêve). Si tu as du courage, tu peux aussi faire un double-cursus : une licence d’une discipline traditionnelle et une de sciences de l’éduc, de façon à te forger un avis nuancé (ou pas… mais à mon avis, il y a toujours des trucs à prendre, partout).
’fin si. Si tu veux mon avis : fais de l’histoire ou de la philosophie. C’est dur, mais ça rend beau, intelligent et modeste.
Quelques remarques en vrac…
Quand je suis entré à la fac, je connaissais des gens qui entraient en fac de psycho, justement avec ces arguments : l’attrait de la nouveauté, le manque de motivation pour des matières déjà connues. Pas mal se sont plantés : les disciplines qui ne sont pas étudiées dans le secondaire ont le même potentiel de pénibilité et d’ennui que les autres, et je ne vois pas pourquoi les sciences de l’éducation échapperaient à cette règle. Ce n’est pas que c’est nouveau que ça sera différent, et a priori, si tu estimes avoir un problème avec les disciplines scolaires en général et que tu penses que ce problème scolaire se transformera en problème avec les disciplines universitaires en général, alors ça concernera toutes les disciplines universitaires.maerom a écrit:De plus, si je m'oriente dans une licence 'plus traditionnelle', j'ai peur de me "lasser" assez vite. En effet, je n'ai pas de matière qui m'intéresse réellement plus que les autres et je ne suis pas plus en difficulté dans une matière que dans une autre...
Ceci étant posé, les matières déjà étudiées au lycée changent souvent, quand on entre à l’unif’ : une matière pénible au lycée peut devenir plus intéressante quand on l’approfondit ; les exigences et les pratiques sont différentes. Il y a aussi de nouvelles disciplines (par exemple, on fait de la linguistique en lettres, ou encore en histoire, on approfondit des périodes plutôt délaissées dans le secondaire, puis en L2 on fait de l’épistémologie ou de l’historiographie). Après… dur à dire, ça tient vraiment de l’expérience personnelle : certains vont voir l’entrée à la fac comme un fossé insurmontable, d’autres vont trouver leur compte dans ce changement.
Par ailleurs, il y a moyen de ne pas trop se lasser à la fac, on peut s’amuser un peu, voir des choses : par exemple, c’est possible de faire une année Erasmus (ou autre, hors Europe) en L2 ou L3. C’est aussi possible de se dégager du temps libre pour découvrir ou apprendre des savoirs non-universitaires, ou expérimenter (s’investir dans une association − étudiante ou pas −, un syndicat, un parti politique, lire, adhérer à un club, faire du théâtre, du sport, etc.) : l’université offre beaucoup d’opportunités. Enfin, si trois ans te semblent longs : certaines facs proposent de faire une L1 et L2 traditionnelles (par exemple en lettres modernes, en philosophie, en histoire) et une L3 plus spécialisée (info com’, sciences de l’éducation, métiers du livre, etc.), ce qui permet de prendre deux ans de plus pour réfléchir.
Enfin, je trouve que les réponses qui t’ont été données ici sont extrêmement idéologiques, elles sont orientées : les gens qui te donnent des conseils ne surplombent pas les choses, ils sont dedans jusqu’au cou, ils ont leurs opinions, leurs combats, leur expérience, leur camp (et moi aussi ! Et mon discours qui se pose comme au-dessus de tout est aussi peu neutre, aussi idéologique, aussi orienté, aussi partisan que les autres ! Ne fais confiance à personne). Ce n’est pas un mal en soi, car tout est idéologique, mais l’important est de le savoir. L’éducation en soi est un enjeu énorme, car elle forge l’individu : sous ses dehors de parfaite neutralité − on apprend aux enfants à lire, compter, etc. −, il y a des oppositions énormes car l’éducation est perçue comme ce qui forge l’individu à des niveaux bien plus profonds (docilité, soumission, capacité à réfléchir, savoirs, capacités à imaginer, à s’émanciper, à vivre en société, préjugés, vision du monde, morale, etc.). Le problème − ton problème −, c’est que tu dois t’engager dans une voie, dans un choix, dont tu ne maîtrises pas la totalité des enjeux, et t’en remettre aux avis d’autres personnes, alors que cela aura potentiellement une influence importante sur ta formation intellectuelle et idéologique. Donc je vais essayer de résumer les choses telles que je les vois, sachant que ça ne t’apportera aucune réponse.
Les sciences de l’éducation sont à la fois puissantes et dénigrées. Elles sont puissantes parce qu’elles ont, pour le moment, le pouvoir : elles s’imposent, dans les masters enseignements, dans les formations professionnelles des enseignants, et parfois dans les concours. Elles sont largement valorisées par le pouvoir politique et médiatique, ainsi que par une bonne partie de la hiérarchie de l’éducation nationale. Elles sont souvent un élément moteur des réformes. Dans les concours du primaire, tu risques d’être en partie sélectionnée par des partisans des sciences de l’éducation. Ça ne signifie pas que tu aies besoin d’une formation complète en sciences de l’éducation, ni que tu doives adhérer à leurs principes : c’est parfaitement possible et fréquent de faire un cursus traditionnel et de réussir les concours, puisque tu peux apprendre à « parler le langage des sciences de l’éducation », que tu y croies ou non, le moment venu. Je veux dire : honnêtement, je pense qu’on peut devenir prof des écoles en suivant les deux cursus : licence traditionnelle ou en sciences de l’éducation. L’idée, c’est de savoir quelle prof tu souhaites devenir.
Les sciences de l’éducation sont également dénigrées : beaucoup de gens − en particulier chez les universitaires, ce qui peut te fermer des portes si tu veux te réorienter − estiment que les sciences de l’éducation sont creuses, qu’elles se donnent l’apparence de science en singeant les méthodes de cette dernières, en utilisant un vocabulaire scientifique − un jargon − sans en suivre la rigueur : on leur reproche d’être du vent, du baratin, du charlatanisme et d’être responsables de tout ce qui va mal (de rendre les élèves ignorants et fainéants, par exemple). On leur reproche également de ne pas donner de contenu, de dévaloriser les savoirs bruts, de rendre les enseignants eux-mêmes ignorants, d’en faire des animateurs, de dévaloriser la profession : tout la différence entre un étudiant de maths qui a un solide bagage mathématique et qui devra apprendre à enseigner les maths en fin de cursus (ou par la pratique), et un étudiant de sciences de l’éducation qui saura en théorie apprendre n’importe quoi à un élève, qui aura des méthodes et des réflexions sur l’apprentissage en soi… mais qui devra apprendre le contenu disciplinaire brut en fin de cursus. Il y a un impact idéologique réel sur la façon d’enseigner, sur ce que doit transmettre le prof aux élèves, sur la position du prof. Enfin, ces débats s’inscrivent souvent dans des idéologies plus larges, sur l’orientation politique, idéologique, sociale… du monde. Certains reprochent par exemple aux sciences de l’éducation d’être les larbins du néolibéralisme (schématiquement, l’éducation ainsi prônée vise non pas à former un citoyen instruit, mais à l’abrutir pour former un employé flexible au service des intérêts de l’entreprise), d’autres reprochent à l’éducation traditionnelle d’être réactionnaire, de faire des individus dociles, d’être rigide et de ne pas être socialement très juste.
En règle générale, les débats entre partisans et opposants des sciences de l’éducation sont très caricaturaux, très binaires, et très catastrophistes (les exemples que je t’ai donnés le sont : chez beaucoup de gens, les positions sont plus souples, plus nuancées, et surtout, dans la pratique, il y a un monde entre la théorie et le bidouillage que l’on doit faire au contact du réel), il y a souvent une idéalisation chez les uns et les autres, ou du passé, ou du présent, ou de l’avenir. Et les gens sont très sûrs d’eux : ils savent, c’est très « ». De plus, différentes idéologies politiques peuvent se retrouver un peu sous une même bannière (d’autant plus que l’aspect caricatural du débat gomme totalement les nuances). Bref. Ici, c’est plutôt un forum catastrophiste tendance « les élèves deviennent stupides et ne savent plus rien, c’était mieux avant » : je dis ça avec un peu d’ironie, mais en fait, ce n’est pas un mal en soi, et ce n’est pas nécessairement faux.
Du coup, je n’ai pas de conseil, à dire fais ceci, fais cela. Ça pourrait être intéressant de discuter avec des étudiants ou des professeurs de sciences de l’éducation, d’écouter leurs discours, en ayant conscience que ça sera orienté, partisan et que ça tentera de vendre du rêve (comme ici… mais un autre type de rêve). Si tu as du courage, tu peux aussi faire un double-cursus : une licence d’une discipline traditionnelle et une de sciences de l’éduc, de façon à te forger un avis nuancé (ou pas… mais à mon avis, il y a toujours des trucs à prendre, partout).
’fin si. Si tu veux mon avis : fais de l’histoire ou de la philosophie. C’est dur, mais ça rend beau, intelligent et modeste.
- virgereNeoprof expérimenté
En tant que PE, quand je l'étais, et parce que je suis restée en CP plusieurs années (et avec bonheur !) ma licence de sciences du langage m'a été extrêmement utile. C'est celle que je recommande à ceux qui me disent vouloir passer le CRPE.
- jaybeNiveau 9
Plusieurs points évoqués par Dimka sont très pertinents, toutefois les difficultés des étudiants que je croise qui sont passés par la licence sciences de l'éducation ne proviennent pas d'une quelconque orientation ou idéologie, elles sont factuelles (et il y a des statistiques qui font mal concernant la réussite au CRPE) !
- Spoiler:
- Les mathématiques aussi sont dures et rendent modeste. Pour le reste, je ne sais pas
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Les mathématiciens ne sont pas des gens qui trouvent les mathématiques faciles ; comme tout le monde, ils savent qu'elles sont difficiles, mais ça ne leur fait pas peur !
- DimkaVénérable
Oui. Je ne me suis pas prononcé sur cet aspect, parce que je n’y connais rien, et parce que les statistiques ne précisent pas si l’échec vient du cursus (cursus qui stupidifierait les gens) ou des gens qui s’y engagent (si ces gens faisaient une licence de maths, lettres, philo… n’échoueraient-ils pas tout pareillement au crpe ?).jaybe a écrit:elles sont factuelles (et il y a des statistiques qui font mal concernant la réussite au CRPE)
Ce qu’il faudrait, ce serait pouvoir démontrer l’inadéquation entre ce qui est enseigné et ce qui est exigé au concours. Comme je ne connais ni l’un, ni l’autre…
jaybe a écrit:
- Spoiler:
Les mathématiques aussi sont dures et rendent modeste. Pour le reste, je ne sais pas
- Spoiler:
- Tu ne vends pas du rêve, là…
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- Spoiler:
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