- ParménideNeoprof expérimenté
Bonjour
Dans le livre III de De la Nature, Lucrèce dit que âme et esprit sont étroitement unis et que la première serait dispersée dans tout le corps tandis que le deuxième aurait son siège dans la poitrine.
Ne savait-on pas à l'époque que c'est tout de même le cerveau qui pense et qui se fait des représentations?
Dans le livre III de De la Nature, Lucrèce dit que âme et esprit sont étroitement unis et que la première serait dispersée dans tout le corps tandis que le deuxième aurait son siège dans la poitrine.
Ne savait-on pas à l'époque que c'est tout de même le cerveau qui pense et qui se fait des représentations?
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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
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https://www.babelio.com/monprofil.php
- CarnyxNeoprof expérimenté
Pour Aristote le cerveau sert à refroidir le sang, c'est le coeur qui est le siège de la pensée contrairement à la vision du médecin Galien. Donc dans l'Antiquité, la représentation n'était pas aussi claire pour tout le monde.
Sur la redécouverte de Lucrèce à la Renaissance, un excellent livre :
http://www.amazon.fr/Quattrocento-Stephen-Greenblatt/dp/2081312816/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1445675833&sr=8-1&keywords=greenblatt
Sur la redécouverte de Lucrèce à la Renaissance, un excellent livre :
http://www.amazon.fr/Quattrocento-Stephen-Greenblatt/dp/2081312816/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1445675833&sr=8-1&keywords=greenblatt
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Of all tyrannies, a tyranny sincerely exercised for the good of its victims may be the most oppressive. It would be better to live under robber barons than under omnipotent moral busybodies. The robber baron’s cruelty may sometimes sleep, his cupidity may at some point be satiated; but those who torment us for our own good will torment us without end for they do so with the approval of their own conscience.
- ParménideNeoprof expérimenté
Mais comment peut-on ne pas avoir intuitivement le sentiment que c'est nécessairement le cerveau, ou du moins la partie la plus supérieure du corps humain, qui pense? C'est ça que je trouve incroyable...
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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
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- CarnyxNeoprof expérimenté
Incroyable pour nous, Occidentaux du XXIe siècle.Parménide a écrit:Mais comment peut-on ne pas avoir intuitivement le sentiment que c'est nécessairement le cerveau, ou du moins la partie la plus supérieure du corps humain, qui pense? C'est ça que je trouve incroyable...
Penser à "apprendre par coeur".
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Of all tyrannies, a tyranny sincerely exercised for the good of its victims may be the most oppressive. It would be better to live under robber barons than under omnipotent moral busybodies. The robber baron’s cruelty may sometimes sleep, his cupidity may at some point be satiated; but those who torment us for our own good will torment us without end for they do so with the approval of their own conscience.
- User5899Demi-dieu
Paris n'est pas à Calais...Parménide a écrit:Mais comment peut-on ne pas avoir intuitivement le sentiment que c'est nécessairement le cerveau, ou du moins la partie la plus supérieure du corps humain, qui pense? C'est ça que je trouve incroyable...
- Thalia de GMédiateur
Dans certaines civilisations le foie n'est-il pas le siège des émotions ?
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Le printemps a le parfum poignant de la nostalgie, et l'été un goût de cendres.
Soleil noir de mes mélancolies.
- henrietteMédiateur
La distinction n'est pas si claire.
Prends le terme "animus" et regarde ses entrées dans le Gaffiot : il désigne tout à la fois, selon le contexte, le siège de le pensée et de l'intelligence (opposée aux sens), le siège du désir et de la volonté, et le siège du sentiment et des passions.
http://www.lexilogos.com/latin/gaffiot.php?q=animus
Voir aussi la différence animus / mens.
Il serait intéressant de voir quels termes Lucrèce utilise.
Prends le terme "animus" et regarde ses entrées dans le Gaffiot : il désigne tout à la fois, selon le contexte, le siège de le pensée et de l'intelligence (opposée aux sens), le siège du désir et de la volonté, et le siège du sentiment et des passions.
http://www.lexilogos.com/latin/gaffiot.php?q=animus
Voir aussi la différence animus / mens.
Il serait intéressant de voir quels termes Lucrèce utilise.
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"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
- User5899Demi-dieu
Voir aussi chez Claudel la dispute entre animus et animahenriette a écrit:La distinction n'est pas si claire.
Prends le terme "animus" et regarde ses entrées dans le Gaffiot : il désigne tout à la fois, selon le contexte, le siège de le pensée et de l'intelligence (opposée aux sens), le siège du désir et de la volonté, et le siège du sentiment et des passions.
http://www.lexilogos.com/latin/gaffiot.php?q=animus
Voir aussi la différence animus / mens.
Il serait intéressant de voir quels termes Lucrèce utilise.
- IphigénieProphète
Il fut un temps où il y avait des programmes de Langues Anciennes passionnants: par exemple lorsqu'il s'agissait d'étudier l'expression des sentiments chez Homère.
phrên, par exemple, a pour premier sens "diaphragme" avant de désigner l'intelligence.
phrên, par exemple, a pour premier sens "diaphragme" avant de désigner l'intelligence.
- User5899Demi-dieu
On voit par là que quand on n'en métaparle pas, l'interdisciplinarité est interdisciplinaire sans susciter rire ou moquerieIphigénie a écrit:Il fut un temps où il y avait des programmes de Langues Anciennes passionnants: par exemple lorsqu'il s'agissait d'étudier l'expression des sentiments chez Homère.
phrên, par exemple, a pour premier sens "diaphragme" avant de désigner l'intelligence.
- Thalia de GMédiateur
J'ai produit, en Terminale un exposé, forcément passionnant sur le phrên, le nous et le thymos chez Platon.Iphigénie a écrit:Il fut un temps où il y avait des programmes de Langues Anciennes passionnants: par exemple lorsqu'il s'agissait d'étudier l'expression des sentiments chez Homère.
phrên, par exemple, a pour premier sens "diaphragme" avant de désigner l'intelligence.
Je ne sais pas si cette remarque peut aider Parménide.
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Le printemps a le parfum poignant de la nostalgie, et l'été un goût de cendres.
Soleil noir de mes mélancolies.
- User17706Bon génie
Horace, Ode XXV du livre I:Thalia de G a écrit:Dans certaines civilisations le foie n'est-il pas le siège des émotions ?
____________Cum tibi flagrans amor et libido
Quæ solet matres furiare equorum
Sæviet circa iecur ulcerosum ...
Sinon, ce que ça montre c'est qu'on n'a pas du tout de «sentiment intuitif» du siège de la pensée: et notamment, pas de sentiment qui suggérerait qu'il est plutôt la tête, la poitrine, les entrailles, ou rien de tout cela.
- Thalia de GMédiateur
PY, je pensais aux Mésopotamiens, mais je n'ai pas les références.
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Soleil noir de mes mélancolies.
- IphigénieProphète
Chez les Etrusques il est même l'image du cosmos comme on le voit avec le foie de PlaisanceThalia de G a écrit:Dans certaines civilisations le foie n'est-il pas le siège des émotions ?
Bref, le foie, la foi, et les crises, tout ça c'est lié...
Pour être plus sérieuse: pour "penser" un siège précis de la pensée, ne faut-il pas passer par une conception duelle de l'homme, qui sépare l'esprit (voire l'âme) et le corps, ce qui est loin d'être le cas chez les Grecs?
Enfin, chais pas, question aux pro.
- User17706Bon génie
Lucrèce, dans le livre III, se livre à la clarification terminologique demandée (on trouve souvent l'hendiadyn animus+mens) et la différence animus/animam est en gros la différence principe de la pensée/principe de vie.henriette a écrit:La distinction n'est pas si claire.
Prends le terme "animus" et regarde ses entrées dans le Gaffiot : il désigne tout à la fois, selon le contexte, le siège de le pensée et de l'intelligence (opposée aux sens), le siège du désir et de la volonté, et le siège du sentiment et des passions.
http://www.lexilogos.com/latin/gaffiot.php?q=animus
Voir aussi la différence animus / mens.
Il serait intéressant de voir quels termes Lucrèce utilise.
- User17706Bon génie
Pas forcément, voire au contraire: c'est dans la mesure où Lucrèce (et l'épicurisme en général) fait de la vie puis de la pensée des fonctions (certes raffinées) du corps qu'il peut s'interroger sur leur localisation organique. Dans d'authentiques dualismes il n'y a plus de localisation au sens propre de l'esprit (typiquement, Descartes).Iphigénie a écrit:Pour être plus sérieuse: pour "penser" un siège précis de la pensée, ne faut-il pas passer par une conception duelle de l'homme, qui sépare l'esprit (voire l'âme) et le corps, ce qui est loin d'être le cas chez les Grecs?
- pamplemousses4Expert
De mes archives, voilà ce que je peux exhumer pour t'aider (pas le temps de relire, mais je crois me souvenir que ça pose bien les choses), par M. Boyancé, Pierre:
http://www.persee.fr/doc/bude_1247-6862_1958_num_17_4_4173
http://www.persee.fr/doc/bude_1247-6862_1958_num_17_4_4173
- IphigénieProphète
Ah bon! d'accord et merci de ta réponse, PY!
Bon je raisonnais à l'envers, mais c'est bien une question liée, donc
Bon je raisonnais à l'envers, mais c'est bien une question liée, donc
- Invité ElExpert spécialisé
PauvreYorick a écrit:Pas forcément, voire au contraire: c'est dans la mesure où Lucrèce (et l'épicurisme en général) fait de la vie puis de la pensée des fonctions (certes raffinées) du corps qu'il peut s'interroger sur leur localisation organique. Dans d'authentiques dualismes il n'y a plus de localisation au sens propre de l'esprit (typiquement, Descartes).Iphigénie a écrit:Pour être plus sérieuse: pour "penser" un siège précis de la pensée, ne faut-il pas passer par une conception duelle de l'homme, qui sépare l'esprit (voire l'âme) et le corps, ce qui est loin d'être le cas chez les Grecs?
Et le fait qu'il y ait en effet une "conception" de l'homme chez les Grecs explique qu'ils n'ont pas cherché un siège de la pensée "intuitivement"!
- LevincentNiveau 9
C'est un débat intéressant. Je me suis pour ma part souvent demandé si nous avions une perception intuitive d'un "lieu" de la pensée, en essayant de faire abstraction du fait que nous "savons" que c'est le cerveau qui pense. Je vois deux cas où nous semblons percevoir instinctivement que c'est à l'intérieur de la tête que l'opération se passe : pour les opérations abstraites (du type calcul mental), ou pour la recherche dans les souvenirs. C'est en effet dans ces cas que nous nous prenons le front dans la main, que nous pouvons sentir une certain "fatigue" du cerveau (mal de tête) si l'exercice se prolonge. Je pense donc que les anciens n'étaient pas totalement ignares sur le fait que le cerveau intervient dans la production de la pensée. Le problème est que les cas que je décris ne sont pas toute la pensée, car il n'y a a priori aucune raison de séparer intuitivement les opérations mentales que je décris des autres aspects de la vie de l'esprit, et qui ont un rapport avec les émotions. C'est à mon avis à partir de Descartes que nous avons commencé à concevoir le pur sujet pensant, c'est-à-dire le sujet capable d'employer sa raison discursive en faisant totalement abstraction des émotions. Or, des neurologues tels que Damasio prétendent qu'une telle isolation d'un sujet purement rationnel est pratiquement impossible, car l'usage de la raison est en réalité intimement lié aux émotions, qui participent aux délibérations pratiques. Ces considérations redécouvrent donc ce que les Anciens avaient sans doute perçu d'emblée, et qui les empêchaient de localiser la pensée dans le seul cerveau. Les émotions sont en effet liées au corps, comme cela est attesté par les expressions du langage courant ("avoir le cœur qui se serre", "avoir des papillons dans le ventre", etc.) qui se trouvent validées par l'expérience de chacun. Par conséquent, le siège de cette chose qu'on appelle la pensée, ou encore de l'esprit, ne saurait être le cerveau seul, et cela est encore validé par le même Damasio, qui montre comment notre cerveau est relié à nos autres organes.
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« Un philosophe moderne qui n'a jamais éprouvé le sentiment d'être un charlatan fait preuve d'une telle légèreté intellectuelle que son oeuvre ne vaut guère la peine d'être lue. »
Leszek Kolakowski
- philopoussinNiveau 8
Sur une telle question, c'est pas pour pousser au vice, mais relire Bergson, tout de même... Le cerveau... bon. :dehors2:
- ParménideNeoprof expérimenté
Me revoici enfin :
Ce que je trouve extraordinaire c'est le fait, qu'il y a 2500 ans on n'ait jamais pu avoir réellement l'intuition que c'est au niveau de la tête que l'exercice de l'intelligence se fait. On peut toujours dire que l'état d'esprit de l'époque n'a rien à voir avec le notre, mais tout de même... Comment a-t-il été possible de considérer que c'est au niveau de la poitrine que cela se passe?
Mais Descartes n'avait-il pas dans l'idée que c'est le cerveau qui pense ou du moins que cela se situe dans la tête?
Ce que je trouve extraordinaire c'est le fait, qu'il y a 2500 ans on n'ait jamais pu avoir réellement l'intuition que c'est au niveau de la tête que l'exercice de l'intelligence se fait. On peut toujours dire que l'état d'esprit de l'époque n'a rien à voir avec le notre, mais tout de même... Comment a-t-il été possible de considérer que c'est au niveau de la poitrine que cela se passe?
PauvreYorick a écrit:
Dans d'authentiques dualismes il n'y a plus de localisation au sens propre de l'esprit (typiquement, Descartes).
Mais Descartes n'avait-il pas dans l'idée que c'est le cerveau qui pense ou du moins que cela se situe dans la tête?
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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
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https://www.babelio.com/monprofil.php
- User17706Bon génie
Non, absolument pas. Ce qui est vrai ─ mais c'est très différent ─ c'est qu'il estimait que les différentes parties du corps n'ont pas la même relation à l'âme, et qu'une partie du cerveau, la tristement fameuse glande pinéale, était plus particulièrement impliquée dans la relation, au demeurant mystérieuse, entre le corps et le siège (non corporel) de la pensée.Parménide a écrit:Mais Descartes n'avait-il pas dans l'idée que c'est le cerveau qui pense ou du moins que cela se situe dans la tête?PauvreYorick a écrit:
Dans d'authentiques dualismes il n'y a plus de localisation au sens propre de l'esprit (typiquement, Descartes).
- Invité ElExpert spécialisé
Parménide a écrit:Me revoici enfin :
Ce que je trouve extraordinaire c'est le fait, qu'il y a 2500 ans on n'ait jamais pu avoir réellement l'intuition que c'est au niveau de la tête que l'exercice de l'intelligence se fait. On peut toujours dire que l'état d'esprit de l'époque n'a rien à voir avec le notre, mais tout de même... Comment a-t-il été possible de considérer que c'est au niveau de la poitrine que cela se passe?
PauvreYorick a écrit:
Dans d'authentiques dualismes il n'y a plus de localisation au sens propre de l'esprit (typiquement, Descartes).
Mais Descartes n'avait-il pas dans l'idée que c'est le cerveau qui pense ou du moins que cela se situe dans la tête?
La théorie liant la pensée au coeur est plus orientale que grecque, on la trouve en Egypte.
La conception du siège de la pensée n'est pas uniforme dans l'Antiquité grecque. Ce sont les études sur l'anatomie qui ont lié le cerveau et l'exercice de la pensée, et Hippocrate dit, dans son traité sur La Maladie sacrée (§14): " Les hommes doivent savoir que la source de nos plaisirs, de nos joies, de nos rires et de nos plaisanteries n’est autre que cet endroit-là (ie le cerveau), qui est également la source de nos chagrins, de nos contrariétés, de nos tristesses et de nos peurs. Et c’est par lui surtout que nous pensons et nous concevons, regardons, entendons, distinguons le laid et le beau, le mal et le bien, l’agréable et le désagréable, tantôt discernant d’après l’usage, tantôt ressentant selon l’intérêt, parfois aussi distinguant plaisirs et déplaisirs d’après l’opportunité ; et ainsi, ce ne sont pas toujours les mêmes choses qui nous agréent. "
Il me semble ensuite que c'est la théorie des humeurs (avec l'influence déterminante de Gallien) qui a continué à voir un rôle déterminant du coeur dans le contrôle des émotions (ce qui n'est pas la même chose que la pensée d'ailleurs).
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