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compte-rendu de lecture : Pour une école de l'exigence intellectuelle - Jean-Pierre TERRAIL Empty compte-rendu de lecture : Pour une école de l'exigence intellectuelle - Jean-Pierre TERRAIL

par V.Marchais Sam 30 Avr - 22:26
Bonsoir,

Pendant les vacances, j'ai lu ce livre de Terrail, que j'ai trouvé passionnant, qui donne de nombreuses clés pour comprendre la situation actuelle.
Je partage ce coup de coeur très instructif pour les intéressés.
Voici les références complètes de l'ouvrage :

Jean-Pierre Terrail, Pour une école de l'exigence intellectuelle, La Dispute, 2016.

Compte-rendu ci-dessous. (J'ai mis de rares commentaires personnels entre crochets).

edit : je remets en forme pour plus de lisibilité.


Dernière édition par V.Marchais le Sam 30 Avr - 22:31, édité 1 fois
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par V.Marchais Sam 30 Avr - 22:26
Compte-rendu de lecture

Jean-Pierre Terrail, Pour une école de l’exigence intellectuelle



Postulat de départ
La société contemporaine nécessite une appréhension élaborée du monde. « Plus que jamais la valeur émancipatrice du savoir, entendons par là d’un savoir réfléchi et critique qui ne se suffit pas de connaissances utiles, est à l’ordre du jour ». Or, nous sommes loin du compte, car précisément la « société de la connaissance » célébrée par nos élites ne vise que l’emploi. Par ailleurs, tout le monde s’indigne, à juste titre, de ces 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système éducatif sans aucune qualification. Depuis 50 ans, soit depuis l’ouverture du collège aux classes populaires, toutes les réformes visant à améliorer le destin scolaire des élèves en difficulté ont échoué.
On accuse le collège, « maillon faible » du système éducatif, de perdre l’intérêt des élèves et de creuser les inégalités, alors que la perte d’intérêt des élèves est « quasiment toujours le résultat d’un échec des apprentissages initiaux ».

Mise en perspective historique


1959 : Généralisation de  l’accès au collège par la suppression de l’examen d’entrée en 6e.
1972 : Réforme du Français en Primaire, qui donne l’orientation de toutes les réformes qui vont suivre, et entraîner de profondes modifications structurelles. La conviction domine que l’échec de nombreux enfants issus des classes populaires serait dû à une confrontation trop brutale à l’abstraction. On va donc s’efforcer d’adapter le contenu enseigné vers moins d’abstraction et de difficulté.  « Les politiques scolaires n’ont cessé, depuis 50 ans, de chercher à rendre l’école plus attractive pour les enfants du peuple en gommant les aspérités inévitables de tout accès au savoir élaborés. Elles n’ont réussi qu’à leur rendre  cet accès majoritairement très difficile, souvent impossible. »

On se heurte toutefois à un fort déni de réalité. Malgré les échecs patents des réformes successives, ce sont toujours les mêmes principes qui fondent les nouvelles réformes depuis 1972. « Cette capacité de résistance aux démentis de l’expérience, le refus même d’intégrer ce démentis à la réflexion pédagogique » témoigne de la profondeur de l’ancrage de ces nouvelles conceptions dans le monde enseignant.

Le postulat de départ des réformes : les pauvres sont cons…
Ce qui est frappant, du point de vue du sociologue, c’est que depuis les années 60, toutes les orientations pédagogiques qui vont devenir les fondements de tout le système éducatif sont d’abord établies à l’intention des élèves en difficulté.

La réforme de 1972 (qui concerne donc le Français) part du postulat que les enfants des classes populaires entrent à l’école avec un déficit verbal et qu’il convient, plutôt que de cherche à combler ce déficit, d’adapter l’enseignement à de déficit linguistique. On demande en particulier de privilégier l’oral. [Comme dans certaine réforme actuelle…]

On commence à mettre en cause le cours magistral qui suppose une attention acquise a priori, et à rechercher des activités ludiques, présupposant que le petit pauvre a moins d’appétence pour les savoirs scolaires.

L’abstraction étant censée faire difficulté, on cherche des biais pour y conduire progressivement, en contextualisant les savoirs et en leur donnant un caractère aussi concret que possible. C’est le début des fameuses « situations-problème ».

On plébiscite une « pédagogie active » qui rejette le par cœur.

L’objectif de l’enseignement est discrètement infléchi : il ne s’agit plus d’acquérir tel ou tel savoir, mais « d’apprendre à apprendre ».

Ainsi, les élèves des classes populaires sont exclusivement appréhendés à travers leur supposée insuffisance intellectuelle.

Deux grandes réformes, en Français et en Mathématiques


Toujours dans le but d’éviter l’abstraction et d’économiser les ressources intellectuelles des petits pauvres, on réforme l’enseignement de la lecture. En 1970, Jean Foucambert et Éveline Charmeux [qui sévit toujours] mettent au point la fameuse méthode « idéo-visuelle » (globale), qui s’oppose à la méthode alphabétique en exigeant que tout ce qu’on fait lire à l’élève « ait du sens ». C’est bien connu, le petit pauvre ne peut apprendre à lire des syllabes, son esprit épais a besoin d’une phrase concrète. On refuse de mettre les enfants devant l’abstraction des lettres ou devant un vocabulaire trop étendu.
La méthode idéo-visuelle en elle-même tournera court mais irriguera toutes les méthodes dites mixtes, massivement pratiquées. Le résultat est le suivant : 20% d’élèves en très grande difficulté de lecture à l’entrée au collège, 20 autres % ayant une maîtrise de l’écrit insuffisante pour suivre une scolarité sereine. [sources : CSE et OCDE].

En Mathématiques, c’est la révolution des maths modernes, vite abandonnés.

De nouveaux dispositifs pédagogiques : le constructivisme

Le cours magistral étant discrédité, la démarche d’investigation est promue. D’après les enquêtes de sociologues sur le terrain, cette démarche n’est pas sans intérêt mais présente plusieurs défauts :
- La plupart du temps, elle occupe la majeure partie du temps de la séquence, au détriment de la phrase de formalisation et de la phrase d’exercices, pourtant indispensables en premier lieu pour les élèves en difficulté ;
- Cette phase de découverte, censée permettre à l’élève de construire lui-même son savoir, n’y parvient que très inégalement ;
- D’autant que, malgré toute la bonne volonté des enseignants, cette démarche est très difficile et souvent, l’activité, mal pensée, ne permet de se représenter les notions à acquérir que de façon assez impropre ou très incomplète ;
- « La mise en scène ludique et concrète tend à envahir la totalité des séquences d’enseignement, au détriment de l’appropriation des savoirs, comme si elle était sa propre fin » ;
- « le risque est grand – et dans la plupart de nos observations avéré – que l’intention d’enseigner du professeur ne soit plus déterminée en termes de savoirs, mais en termes de situations et de tâches, l’effectuation et l’enchaînement de ces tâches étant censés conduire par eux-mêmes à un apprentissage ». [C’est exactement ce qui se passe avec la grammaire distributionnelle, où mes manipulations finissent par remplacer toute conceptualisation…]
Le bénéfice cognitif réel s’avère très incertain.
Ce « pilotage par les tâches » s’accompagne d’une dépréciation des savoirs.
[sources : Houssein Zakaria, Que font les maîtres ? – Elisabeth Bautier, Apprendre à l’école – Stéphane Bonnéry, Comprendre l’échec scolaire – Jean-Yves Rochex et Jacques Crinon, La construction des inégalités scolaires]
Par ailleurs, on voit se développer le « cours dialogué » qui suscite trop souvent des classes « bavardes », au sens où la discussion reste très superficielle et peu étayée scientifiquement.

La pédagogie différenciée


En 1975, la réfome Haby consacre le collège unique. Face à des classes de plus en plus hétérogènes émergent « les doctrines de la différenciation pédagogique ». Là encore, la différenciation se fait par toujours plus de concret, toujours plus de ludique pour les enfants des classes populaires. On constate que dans les classes les plus faibles, et en particulier en ZEP, les professeurs ont une forte propension à revoir leurs ambitions à la baisse, donnant toujours moins à ce qui avaient moins au départ.


Dans le même ordre d’idée, plus les élèves sont faibles, plus on cherche à illustrer plutôt qu’à démontrer, à montrer des exemples plutôt qu’à définir des concepts. On observe ainsi, selon les classes, « deux modes de traitement des contenus de savoir : le premier organise l’exposé en fonction de la logique propre du sujet traité ; le second, réservé aux publics populaires, l’organise en fonction des élèves, de l’idée que l’on se fait d’eux et de leur expérience familière. »

Dans les tâches d’investigation, l’enseignant s’en tient trop souvent pour les élèves en difficulté à l’exécution matérielle de la tâche. Valorisons cette réussite, cela suffira !

Ainsi les élèves les plus faibles ne sont-ils presque jamais confrontés au savoir de la même façon que les autres, et cela dès le CP. « Les élèves, en fonction des ressources intellectuelles qu’on leur prête, se voient assignés à un degré croissant dans l’échelle de l’abstraction. » Dans le pire des cas, on se contente de faire observer aux élèves faibles, sans leur demander d’accéder à des concepts qui seront pourtant dispensés aux autres.

Ainsi la différenciation pédagogique creuse-t-elle les écarts au lieu de les combler.



Un horizon indépassable ?


En un demi-siècle, les idées promues depuis les années 60, fondées sur la conception d’un déficit intellectuel des classes populaires, à savoir la nécessité d’adapter les contenus enseignés au niveau des élèves, à leur « vécu », leur langage, la nécessité de différencier, de « faire construire son savoir », se sont fortement implantées à tous les niveaux de la pédagogie (pédagogues, inspecteurs, professeurs, parents même) au point qu’il paraît presque impossible de les remettre en cause.
« Cependant, les données d’enquête s’accumulent, évaluations statistiques à grande échelle des performances des élèves ou micro-observations in situ, qu’il est difficile de comprendre sous cet horizon de pensée. Les faits sont têtus, comme l’on sait. Indiquant de façon convergente un manque d’efficience des pratiques d’enseignement actuellement en vigueur. »

De 1987 à 1997, les acquis des élèves au sortir de l’école sont restés stables malgré l’essor de la scolarité, qui s’est donc produit à cause d’une politique volontariste, mais sans gain cognitif. Depuis 1997, cette stagnation s’est transformée en dégradation.

La logique des compétences


Face à ce constat, le discours politique a évolué. Il ne s’agit plus de tendre vers l’égalité des chances mais d’assurer même aux plus faibles un « socle commun » de « compétences ».
Or, loin de rompre avec les politiques précédentes, la « formation par compétences » en reprend tous les principes : « elle s’appuie sur le même présupposé d’un déficit cognitif de jeunes essentiellement issus des classes populaires ; elle vise des objectifs adaptés à ce déficit par le renoncement à un enseignement trop abstrait ; elle recourt aux procédures de l’auto-formation, puisque les compétences ne peuvent se former que dans la confrontation des élèves à des ‘situations-problèmes’. »

Pourquoi ce succès malgré l’échec ?


Les années 70 sont celles du développement de  nouvelles classes moyennes, notamment dans le salariat intellectuel, classes soucieuses d’éducation, qui, en réaction contre les années 60, porteront les valeurs du développement de l’enfant, son autonomie, une plus grande écoute, etc. Ces valeurs, qu’il paraît difficile de remettre en cause, fonctionnent comme une caution des choix pédagogiques de cette période, comme si l’on ne pouvait pas conserver les unes sans les autres.

La formation des professeurs transmettant ce paradigme depuis un demi-siècle, rares sont les professeurs qui n’en sont pas imprégnés.

Enfin, le regard des enseignants, s’il se veut généreux, attentif, est trop souvent empreint de commisération et de fatalisme : dès les premières difficultés, on renonce à certaines parties du programme pour les élèves des classes populaires et on s’en tient à des activités peu ambitieuses. « Tous les enseignants n’adoptent pas ce type de comportement, mais c’est le fait de la majorité d’entre eux. »
[source : enquête de la DEPP]



Comment réagissent les réformateurs et autres « expert » ?


Face à ce constat d’échec des dernières réformes, on constate trois grandes réactions :
1°) la politique de l’autruche. Sans commentaire.
2°) des réactions d’experts pour préserver leur expertise. Ils utilisent le constat de l’échec pour proposer de nouvelles réformes… fondées sur les mêmes principes, ceux qu’ils ont toujours défendus.
3°) ceux qui considèrent, comme Antoine Prost, que l’échec de ces réformes serait dû au fait qu’elles n’ont pas été assez mises en œuvre – alors que toutes les études sociologiques montrent au contraire qu’elles l’ont été de façon quasi hégémonique.
« Qu’elles soient le fait d’ « experts » ou de chercheurs, ces trois attitudes partagent la même démarche normative : ceux qui les adoptent décrètent le « bien » en matière d’éducations scolaire en faisant l’économie de toute analyse précise des situations existantes et de ce qui y fait obstacle à la réussite des apprentissages cognitifs. […] Ils justifient leurs recommandations par des affirmations non démontrées. »



Comment s’en sortir ?


Le handicap linguistique lié à certains milieux est tenu pour responsable des inégalités scolaires. Mais si ces différences au départ sont réelles, et parfois importantes, la question n’est pas de savoir si tous les enfants accompliront leur parcours scolaire dans les mêmes conditions, mais s’il est normal que tant d’élèves, dans la situation actuelles, s’avèrent incapables d’entrer dans la culture écrite.

Depuis Saussure et Jackobson, on sait que la langue est le système le plus abstrait de représentation humaine. Apprendre à parler, c’est entrer dans la pensée abstraite, dans la consécution et le raisonnement logique. Si les performances varient, tous les humains sont dotés de cette compétence atavique. (Sauf handicap, situation non évoquée ici.) Tous les élèves arrivent donc en CP dotés de la compétence à entrer dans l’écrit. S’ils n’y parviennent pas, ce n’est pas à cause de leur histoire, mais de modèles pédagogiques qui ne parviennent pas à mobiliser les ressources intellectuelles des publics en difficulté.

Si toutes les recherches, sans exception, ont montré que les pédagogies différenciées renforcent les inégalités, à l’inverse, on n’observe que peu de différences entre les élèves quand ils sont soumis dès le jeune âge aux mêmes exigences. À six ans, la volonté de faire acquérir une langue commune ambitieuse peut encore contrebalancer les différences d’acquis linguistiques liés aux familles. Mais plus on avance dans le cursus, et plus cela devient difficile.


L’observation sur le terrain constate que les classes hétérogènes au collège sont plus favorables aux élèves en difficulté à condition qu’ils y bénéficient des mêmes exigences que les autres.

Bourdieu a dénoncé une école des « héritiers », porteuse d’exigences qu’elle ne se donne pas les moyens de satisfaire. Certains en ont conclu, à tort, que c’est à ces exigences qu’il fallait renoncer. Surtout pas. Mais il faut les rendre parfaitement explicites et « internaliser » tout ce qui a trait à leur réalisation. Bien sûr, on peut donner à la maison des leçons à apprendre et des exercices d’entraînement. Mais l’essentiel de la compréhension et de la conceptualisation doivent s’opérer en classe, sous la direction de l’enseignant.

Rendre l’enseignement explicite, c’est expliciter précisément les attentes, les méthodes. Mais attention au « apprendre à apprendre » : vidées de leur contenu, les méthodes deviennent des recettes.

Par ailleurs, « un enseignement qui s’adresse à tous, loin d’éviter la théorie et l’abstraction, doit insister sur les notions et les concepts essentiels. » En Français, on visera « la maîtrise de la langue écrite et parlée non seulement dans son usage quotidien, mais aussi à ses plus hauts niveaux d’élaboration. »
N.B. : Les études montrent que les classes où les élèves réussissent le mieux sont toujours celles avec le plus haut niveau d’exigence, quand bien même les enseignants se désintéressent de la façon dont les élèves faibles suivent. (Cela dit, c’est encore mieux s’ils les accompagnent avec attention et bienveillance…)

Pour réussir sa scolarité, le CP est déterminant, avec l’apprentissage de la lecture et la possibilité, encore existante (voir plus haut) de réduire les écarts linguistiques par un nourrissement important de la langue. Et là encore, l’exigence s’avère payante. D’après une large étude menée par Jérôme Dauvieau (novembre 2013), « le manuel qui se révèle le plus efficient avec les élèves des milieux les plus défavorisés est aussi le plus exigeant non seulement dans l’apprentissage technique du code, mais aussi dans ses contenus intellectuels, de par l’ambition lexicale et littéraire des textes qu’il propose à la lecture des élèves. » [Vive TDL !]

Les méthodes mixtes massivement utilisées condamnent trop d’élèves à une mauvaise lecture. Le décodage est enseigné, mais pas de façon assez solide, alors que la capacité à déchiffrer de façon fluide et rapide est la condition première de toute compréhension de l’écrit.

Par la suite, « pour acquérir les rudes aspérités que rencontrent inévitablement les jeunes générations quand elles cherchent à s’approprier les savoirs élaborés, leurs membres ont besoin d’acquérir, par l’exercice et la répétition, un ensemble de concepts et de techniques intellectuelles qui, une fois incorporés, forment leur capacité à penser et à apprendre. »
Une pédagogie de l’exigence nourrit mieux à la fois les élèves faibles et les bons élèves, qui se morfondent le plus souvent dans le système actuel.



À propos des jeunes générations


Ces dernières années, le discours misérabiliste à propos des élèves, supposés manquer de tant de qualités qu’avaient pourtant leurs prédécesseurs, a pris un tour nouveau. Les élèves d’aujourd’hui ne seraient plus capables de se concentrer (génération zapping) ni de consentir à un effort soutenu. À nouveau, au lieu de pallier ces défauts de simple comportement, l’école les entérine et encourage l’adaptation : il faudrait changer sans cesse d’activité dans la même heure. Il faut au contraire renforcer l’habitude de réfléchir, et de se donner le temps pour cela, le temps d’approfondir.
Au lieu d’ajouter des écrans au temps d’écran des enfants, l’école a les moyens de lui imposer un rythme différent, favorable au développement de la pensée.

L’autre fantasme est lié à l’accessibilité des savoirs causée par internet. Mais ce savoir est de fait inaccessible pour qui ne sait ni les trier, ni les hiérarchiser, ni les interpréter. Au contraire de ce qu’on prétend parfois, l’internet ne fait que renforcer la nécessité d’une formation intellectuelle rigoureuse, assise sur des connaissances solides, disponibles en mémoire.



On a trop souvent opposé compréhension des processus, appréhension des logiques, et mémorisation. Or cette compréhension ne peut pas se faire sans mémorisation, puisqu’elle suppose la mise en relation des informations.



« La modernité technologique renvoie l’école à son propre rôle : développer les capacités d’intellection de ses publics par la transmission organisée du patrimoine des connaissances humaines ».



Les mesures à prendre
- Une meilleure formation initiale des enseignants, leur permettant d’exercer pleinement leurs responsabilités et leur autonomie ;
- Une véritable évaluation des réformes antérieures et des différents dispositifs ;
- Une attention particulière à l’école primaire et sutout au CP ;
- La volonté d’affronter la complexité et l’abstraction ; mettre fin aux préjugés concernant les élèves des milieux populaires, la nécessité d’adapter, etc. ; au contraire, la confrontation à l’abstraction développe l’intelligence ;
- Une remise à plat des programmes ;
- Ne rien déléguer aux familles ;
- Considérer les erreurs des élèves comme des éléments normaux de leur cheminement, et établir à ce sujet un dialogue rassurant ;
- Se poser la question de l’intérêt réel du constructivisme. « Un enseignement magistral, contrairement à ce que professe souvent la doxa pédagogique, n’interdit par lui-même en rien la mise en activité intellectuelle des élèves et une pleine appropriation des savoirs ». Il faut savoir quand utiliser l’une ou l’autre méthode, avec discernement, et veiller, quand on opte pour une approche inductive, à ce que le temps de découverte n’empiète pas sur les temps de formalisation, reformulation, éclaircissements, questions, ni d’entraînement ;
- Renouer avec la notion d’effort, trop évacuée par la rénovation pédagogique des années 70 à 2000. Se rappeler que le plaisir d’apprendre est un ressort puissant ;
- Elaborer des progressions pédagogique solides de façon à assurer tous les prérequis nécessaire à l’abord de chaque notion ;
- Cesser de confondre autorité et autoritarisme. N.B. : Une école exigeante a moins de problèmes de comportements, les élèves sachant qu’ils sont là pour apprendre. À l’échelle individuelle, les enseignants exigeants ont moins de problèmes de discipline ;
- Se donner du temps pour les apprentissages ; ne pas se mettre la pression avec des programmes trop chargés, mais bien penser les exigences année après année ;
- Renoncer aux « éducation à » (l’environnement, la citoyenneté…), l’école n’ayant pas à former des opinions mais des capacités d’intellection ;
- Revenir à des enseignements disciplinaires solides avant de se lancer dans l’interdisciplinarité.
V.Marchais
V.Marchais
Empereur

compte-rendu de lecture : Pour une école de l'exigence intellectuelle - Jean-Pierre TERRAIL Empty Re: compte-rendu de lecture : Pour une école de l'exigence intellectuelle - Jean-Pierre TERRAIL

par V.Marchais Sam 30 Avr - 22:37
Bonne lecture.
Après, j'attaque Gauchet.
ycombe
ycombe
Monarque

compte-rendu de lecture : Pour une école de l'exigence intellectuelle - Jean-Pierre TERRAIL Empty Re: compte-rendu de lecture : Pour une école de l'exigence intellectuelle - Jean-Pierre TERRAIL

par ycombe Sam 30 Avr - 22:45
Merci beaucoup.

je viens justement de lire, dans la même veine, cet article (dans la langue de crocodile dundee):
https://gregashman.wordpress.com/2016/05/01/anecdotal-evidence-funny-hats-to-the-rescue/

Je dis dans la même veine, parce qu'on y trouve une constatation du même genre de déni face aux réalités:

[Thomas] Good’s complaint was that this research seems to have been forgotten to the extent that researchers today are often posing questions that have already been answered.

I think he has a point. Explicit instruction has passed a number of tests beyond process-product research, tests that range from lab-based experiments to classroom experiments to large-scale studies. I suspect that the problem for researchers is that it’s the wrong answer.

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Assurbanipal: "Passant, mange, bois, divertis-toi ; tout le reste n’est rien".

Franck Ramus : "Les sciences de l'éducation à la française se font fort de produire un discours savant sur l'éducation, mais ce serait visiblement trop leur demander que de mettre leur discours à l'épreuve des faits".
Kan-gourou
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Fidèle du forum

compte-rendu de lecture : Pour une école de l'exigence intellectuelle - Jean-Pierre TERRAIL Empty Re: compte-rendu de lecture : Pour une école de l'exigence intellectuelle - Jean-Pierre TERRAIL

par Kan-gourou Sam 30 Avr - 22:54
merci

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Gryphe
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compte-rendu de lecture : Pour une école de l'exigence intellectuelle - Jean-Pierre TERRAIL Empty Re: compte-rendu de lecture : Pour une école de l'exigence intellectuelle - Jean-Pierre TERRAIL

par Gryphe Sam 30 Avr - 22:55
Ainsi la différenciation pédagogique creuse-t-elle les écarts au lieu de les combler.
Tous les élèves arrivent donc en CP dotés de la compétence à entrer dans l’écrit. S’ils n’y parviennent pas, ce n’est pas à cause de leur histoire, mais de modèles pédagogiques qui ne parviennent pas à mobiliser les ressources intellectuelles des publics en difficulté.
Bourdieu a dénoncé une école des « héritiers », porteuse d’exigences qu’elle ne se donne pas les moyens de satisfaire. Certains en ont conclu, à tort, que c’est à ces exigences qu’il fallait renoncer. Surtout pas. Mais il faut les rendre parfaitement explicites et « internaliser » tout ce qui a trait à leur réalisation. Bien sûr, on peut donner à la maison des leçons à apprendre et des exercices d’entraînement. Mais l’essentiel de la compréhension et de la conceptualisation doivent s’opérer en classe, sous la direction de l’enseignant.
Une pédagogie de l’exigence nourrit mieux à la fois les élèves faibles et les bons élèves, qui se morfondent le plus souvent dans le système actuel.

Merci Véronique pour ce compte rendu. compte-rendu de lecture : Pour une école de l'exigence intellectuelle - Jean-Pierre TERRAIL 2252222100

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Τί ἐστιν ἀλήθεια ;
ycombe
ycombe
Monarque

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par ycombe Sam 30 Avr - 22:56
Je me permets d'ajouter deux liens à ton formidable travail de compte-rendu:

Présentation du livre par l'auteur:
http://www.democratisation-scolaire.fr/spip.php?article220

Débat sur la même thématique entre Terrail, Gauchet, Geay et Rollet:
http://www.humanite.fr/lexigence-peut-elle-permettre-de-lutter-contre-lechec-scolaire-600324

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Assurbanipal: "Passant, mange, bois, divertis-toi ; tout le reste n’est rien".

Franck Ramus : "Les sciences de l'éducation à la française se font fort de produire un discours savant sur l'éducation, mais ce serait visiblement trop leur demander que de mettre leur discours à l'épreuve des faits".
V.Marchais
V.Marchais
Empereur

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par V.Marchais Sam 30 Avr - 22:57
Ah ! merci, Ycombe.
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Invité El
Expert spécialisé

compte-rendu de lecture : Pour une école de l'exigence intellectuelle - Jean-Pierre TERRAIL Empty Re: compte-rendu de lecture : Pour une école de l'exigence intellectuelle - Jean-Pierre TERRAIL

par Invité El Sam 30 Avr - 22:57
Merci infiniment Véronique ! Lecture hautement édifiante: l'enchaînement des causes et de leurs effets apparaît bien limpide. Le constat final n'en est que plus amer...
V.Marchais
V.Marchais
Empereur

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par V.Marchais Sam 30 Avr - 23:00
Oui. Pourquoi remettre une couche de ce qui ne marche pas ?
On comprend mieux, après cette lecture, mais ça ne console pas pour autant.
Loreleii
Loreleii
Neoprof expérimenté

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par Loreleii Sam 30 Avr - 23:09
Très intéressant et très juste.
ça fait du bien de lire une analyse pleine de bon sens, claire et précise.
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Invité El
Expert spécialisé

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par Invité El Sam 30 Avr - 23:11
C'est aussi étonnant de voir comment Bonnéry peut être parfois interprété. On le savait bien pour Bourdieu, pourquoi s'arrêter ?
Olympias
Olympias
Prophète

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par Olympias Sam 30 Avr - 23:22
Merci Véronique 🌺
Rendash
Rendash
Bon génie

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par Rendash Sam 30 Avr - 23:31
Les mesures à prendre
- Une meilleure formation initiale des enseignants, leur permettant d’exercer pleinement leurs responsabilités et leur autonomie ;

En tête de liste. Tiens donc.
V.Marchais
V.Marchais
Empereur

compte-rendu de lecture : Pour une école de l'exigence intellectuelle - Jean-Pierre TERRAIL Empty Re: compte-rendu de lecture : Pour une école de l'exigence intellectuelle - Jean-Pierre TERRAIL

par V.Marchais Dim 1 Mai - 8:19
N'est-ce pas ? C'est ce dont nous parlions ailleurs. C'est bien beau, la liberté pédagogique, encore faut-il avoir les moyens intellectuels de l'exercer. Quand notre formation se limite à de l'endoctrinement, ça complique les choses.
Elyas
Elyas
Esprit sacré

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par Elyas Dim 1 Mai - 8:55
V.Marchais a écrit:Compte-rendu de lecture

Jean-Pierre Terrail, Pour une école de l’exigence intellectuelle
V.Marchais a écrit:De nouveaux dispositifs pédagogiques : le constructivisme

Le cours magistral étant discrédité, la démarche d’investigation est promue. D’après les enquêtes de sociologues sur le terrain, cette démarche n’est pas sans intérêt mais présente plusieurs défauts :
- La plupart du temps, elle occupe la majeure partie du temps de la séquence, au détriment de la phrase de formalisation et de la phrase d’exercices, pourtant indispensables en premier lieu pour les élèves en difficulté ;
- Cette phase de découverte, censée permettre à l’élève de construire lui-même son savoir, n’y parvient que très inégalement ;
- D’autant que, malgré toute la bonne volonté des enseignants, cette démarche est très difficile et souvent, l’activité, mal pensée, ne permet de se représenter les notions à acquérir que de façon assez impropre ou très incomplète ;
- « La mise en scène ludique et concrète tend à envahir la totalité des séquences d’enseignement, au détriment de l’appropriation des savoirs, comme si elle était sa propre fin » ;
- « le risque est grand – et dans la plupart de nos observations avéré – que l’intention d’enseigner du professeur ne soit plus déterminée en termes de savoirs, mais en termes de situations et de tâches, l’effectuation et l’enchaînement de ces tâches étant censés conduire par eux-mêmes à un apprentissage ». [C’est exactement ce qui se passe avec la grammaire distributionnelle, où mes manipulations finissent par remplacer toute conceptualisation…]
Le bénéfice cognitif réel s’avère très incertain.
Ce « pilotage par les tâches » s’accompagne d’une dépréciation des savoirs.
[sources : Houssein Zakaria, Que font les maîtres ? – Elisabeth Bautier, Apprendre à l’école – Stéphane Bonnéry, Comprendre l’échec scolaire – Jean-Yves Rochex et Jacques Crinon, La construction des inégalités scolaires]
Par ailleurs, on voit se développer le « cours dialogué » qui suscite trop souvent des classes « bavardes », au sens où la discussion reste très superficielle et peu étayée scientifiquement.

V.Marchais a écrit:La pédagogie différenciée


En 1975, la réfome Haby consacre le collège unique. Face à des classes de plus en plus hétérogènes émergent « les doctrines de la différenciation pédagogique ». Là encore, la différenciation se fait par toujours plus de concret, toujours plus de ludique pour les enfants des classes populaires. On constate que dans les classes les plus faibles, et en particulier en ZEP, les professeurs ont une forte propension à revoir leurs ambitions à la baisse, donnant toujours moins à ce qui avaient moins au départ.


Dans le même ordre d’idée, plus les élèves sont faibles, plus on cherche à illustrer plutôt qu’à démontrer, à montrer des exemples plutôt qu’à définir des concepts. On observe ainsi, selon les classes, « deux modes de traitement des contenus de savoir : le premier organise l’exposé en fonction de la logique propre du sujet traité ; le second, réservé aux publics populaires, l’organise en fonction des élèves, de l’idée que l’on se fait d’eux et de leur expérience familière. »

Dans les tâches d’investigation, l’enseignant s’en tient trop souvent pour les élèves en difficulté à l’exécution matérielle de la tâche. Valorisons cette réussite, cela suffira !

Ainsi les élèves les plus faibles ne sont-ils presque jamais confrontés au savoir de la même façon que les autres, et cela dès le CP. « Les élèves, en fonction des ressources intellectuelles qu’on leur prête, se voient assignés à un degré croissant dans l’échelle de l’abstraction. » Dans le pire des cas, on se contente de faire observer aux élèves faibles, sans leur demander d’accéder à des concepts qui seront pourtant dispensés aux autres.

Ainsi la différenciation pédagogique creuse-t-elle les écarts au lieu de les combler.

Je rebondis sur ces deux paragraphes car j'ai lu les sociologues dont se réclame Terrail. Il a tout à fait raison sur tout même si je nuancerai un de ses propos car il ne va pas jusqu'au bout des travaux qu'il cite (et en l'occurrence, ça le mettrait à mal sur un de ses arguments mais c'est sans doute dû au fait que beaucoup de sottises ont été dites/faites sur le point que je nuancerai).

Effectivement, la ludification (aussi nommée gamification) pose souci tout comme l'entrée immédiate dans la démarche d'investigation sans contextualisation explicite. De plus, la démarche d'investigation est contre-productive et moins efficace dans certains cas et très efficace dans d'autres (mais pour cela, il faut une contextualisation) et pas dans toutes les disciplines. Sa généralisation ne respecte pas l'essence de savoir qui sont de facto des contextes. Ainsi, la grammaire est un contexte. L'étudier par une démarche d'investigation, c'est bizarre. En histoire, en revanche lancer une démarche d'investigation problématisée après avoir explicité la méthode et développé le contexte général est efficace (mais elle doit aboutir à une mise en perspective soit en cours dialogué soit en cours magistral sinon tout le bénéfice du travail d'investigation s'écroule).
Le cours dialogué est aussi un vrai problème dans l'usage systématique qui en est fait. Stéphane Bonnéry l'explique très bien : ce n'est pas un appel à réfléchir qui est compris pas les élèves mais un appel à participer. Là, soudainement, on comprend l'ampleur du décalage entre le principe de la maïeutique que devrait être le cours dialogué et la réalité de tous les jours dans les classes. C'est avant tout un problème de formation (je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de temps consacré au cours dialogué, à sa construction, à ses pièges, à ses objectifs... dans les ESPE, il faudrait au moins 2 jours dessus). L'usage généralisé du cours dialogué contribue à la baisse de l'effort par l'élève (car il suffit de participer, c'est déjà bien) mais aussi du malentendu scolaire qui crée de l'échec scolaire.
De même, et là soit ton CR ne le dit pas soit Terrail ne l'évoque pas, Stéphane Bonnéry explique que les nouvelles démarches ne chassent pas les anciennes mais qu'il se crée un mélange trop souvent mal géré et inefficace. En conséquence, c'est le bazar. Là encore, une formation plus efficace et mieux pensée serait la solution.
Enfin, son constat sur la différenciation pédagogique est le constat sur la différenciation basée sur la ludification, la démarche d'enquête et le principe du "l'élève en difficulté est stupide". En conséquence, il a raison, la mise en œuvre de différenciation sur ces bases baisse le niveau. Cependant, d'autres différenciations existent et élèvent le niveau. Hélas, là encore, seule une formation efficace pourrait permettre de réussir cela (il faudrait au moins 4 jours de formation sur ça avec espacement de deux mois entre les deux premières journées et la troisième et encore deux mois avant la dernière).

V.Machais a écrit:Par ailleurs, « un enseignement qui s’adresse à tous, loin d’éviter la théorie et l’abstraction, doit insister sur les notions et les concepts essentiels. » En Français, on visera « la maîtrise de la langue écrite et parlée non seulement dans son usage quotidien, mais aussi à ses plus hauts niveaux d’élaboration. »
N.B. : Les études montrent que les classes où les élèves réussissent le mieux sont toujours celles avec le plus haut niveau d’exigence, quand bien même les enseignants se désintéressent de la façon dont les élèves faibles suivent. (Cela dit, c’est encore mieux s’ils les accompagnent avec attention et bienveillance…)

Oui, c'est vrai sauf sur un point : ce que j'ai mis en gras. Les mêmes études qu'il utilise démontrent que le feedback exercé par l'enseignant est la chose la plus efficace, un feedback généralisé et personnalisé. Ce feedback est l'une des base d'un enseignement explicite qui fait monter le niveau et réussir, en conséquence, cela prend en compte les élèves en difficulté. La formulation vient peut-être du CR mais si c'est vraiment ce que dit Terrail, il y a un point de vigilance à émettre sur cela.




\"V.Marchais a écrit:À propos des jeunes générations


Ces dernières années, le discours misérabiliste à propos des élèves, supposés manquer de tant de qualités qu’avaient pourtant leurs prédécesseurs, a pris un tour nouveau. Les élèves d’aujourd’hui ne seraient plus capables de se concentrer (génération zapping) ni de consentir à un effort soutenu. À nouveau, au lieu de pallier ces défauts de simple comportement, l’école les entérine et encourage l’adaptation : il faudrait changer sans cesse d’activité dans la même heure. Il faut au contraire renforcer l’habitude de réfléchir, et de se donner le temps pour cela, le temps d’approfondir.
Au lieu d’ajouter des écrans au temps d’écran des enfants, l’école a les moyens de lui imposer un rythme différent, favorable au développement de la pensée.

La discours sur la génération zapping a produit le cours dialogué et la fiche d'activités, miracles pédagogiques comme on le sait tous (et pratiques ultra-majoritaires sur le terrain).



\"V.Marchais a écrit:Les mesures à prendre
- Une meilleure formation initiale des enseignants, leur permettant d’exercer pleinement leurs responsabilités et leur autonomie ;
- Une véritable évaluation des réformes antérieures et des différents dispositifs ;
- Une attention particulière à l’école primaire et sutout au CP ;
- La volonté d’affronter la complexité et l’abstraction ; mettre fin aux préjugés concernant les élèves des milieux populaires, la nécessité d’adapter, etc. ; au contraire, la confrontation à l’abstraction développe l’intelligence ;
- Une remise à plat des programmes ;
- Ne rien déléguer aux familles ;
- Considérer les erreurs des élèves comme des éléments normaux de leur cheminement, et établir à ce sujet un dialogue rassurant ;
- Se poser la question de l’intérêt réel du constructivisme. « Un enseignement magistral, contrairement à ce que professe souvent la doxa pédagogique, n’interdit par lui-même en rien la mise en activité intellectuelle des élèves et une pleine appropriation des savoirs ». Il faut savoir quand utiliser l’une ou l’autre méthode, avec discernement, et veiller, quand on opte pour une approche inductive, à ce que le temps de découverte n’empiète pas sur les temps de formalisation, reformulation, éclaircissements, questions, ni d’entraînement ;
- Renouer avec la notion d’effort, trop évacuée par la rénovation pédagogique des années 70 à 2000. Se rappeler que le plaisir d’apprendre est un ressort puissant ;
- Elaborer des progressions pédagogique solides de façon à assurer tous les prérequis nécessaire à l’abord de chaque notion ;

- Cesser de confondre autorité et autoritarisme. N.B. : Une école exigeante a moins de problèmes de comportements, les élèves sachant qu’ils sont là pour apprendre. À l’échelle individuelle, les enseignants exigeants ont moins de problèmes de discipline ;
- Se donner du temps pour les apprentissages ; ne pas se mettre la pression avec des programmes trop chargés, mais bien penser les exigences année après année ;
- Renoncer aux « éducation à » (l’environnement, la citoyenneté…), l’école n’ayant pas à former des opinions mais des capacités d’intellection ;
- Revenir à des enseignements disciplinaires solides avant de se lancer dans l’interdisciplinarité.

Je suis d'accord avec tout ce qu'il écrit (d'ailleurs, certains points sont ce que j'écris et explique depuis que je suis inscrit sur néo), surtout ce qui est mis en gras. Le problème est que quand on décrit concrètement certains points en gras (comme ne pas déléguer aux familles, prendre le temps, considérer les erreurs...), beaucoup de gens expliquent que ce n'est pas possible. A noter que Terrail semble d'accord avec Astolfi, Willigham, Lahire, Bonnéry, Hattie et beaucoup d'autres qui ne sont pas nécessairement en odeur de sainteté sur ce forum.[/quote]
Reine Margot
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Demi-dieu

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par Reine Margot Dim 1 Mai - 8:57
V.Marchais a écrit:Oui. Pourquoi remettre une couche de ce qui ne marche pas ?
On comprend mieux, après cette lecture, mais ça ne console pas pour autant.

Entendu en formation: si ça ne marche pas, c'est parce que les enseignants ne savent pas faire. Rolling Eyes

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Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
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Marie Laetitia
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par Marie Laetitia Dim 1 Mai - 9:00
Merci beaucoup. Ouvrage à lire attentivement, donc.

En revanche, donne-t-il des précisions sur ses références? Parce que la formule "les études montrent" tout le monde l'utilise, pour prouver tout et son contraire...
N.B. : Les études montrent que les classes où les élèves réussissent le mieux sont toujours celles avec le plus haut niveau d’exigence, quand bien même les enseignants se désintéressent de la façon dont les élèves faibles suivent. (Cela dit, c’est encore mieux s’ils les accompagnent avec attention et bienveillance…)

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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)


Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...


Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
Marie Laetitia
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par Marie Laetitia Dim 1 Mai - 9:05
Elyas a écrit:La discours sur la génération zapping a produit le cours dialogué et la fiche d'activités, miracles pédagogiques comme on le sait tous (et pratiques ultra-majoritaires sur le terrain).

Ça faisait longtemps... :lol:
Je crois qu'une définition des termes ne serait pas du luxe...
(personnellement le cours dialogué et la fiche d'activité ne me semblent pas poser de problème, tout dépend la manière dont ils sont conçus, utilisés et à quelle fréquence. Ce n'est pas plus bête que de faire faire des récits aux élèves, au hasard)

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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)


Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...


Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
lemigou
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par lemigou Dim 1 Mai - 9:23
Merci pour ce compte rendu !
Docteur OX
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par Docteur OX Dim 1 Mai - 9:46
Merci !
V.Marchais
V.Marchais
Empereur

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par V.Marchais Dim 1 Mai - 9:47
Marie Laetitia a écrit:Merci beaucoup. Ouvrage à lire attentivement, donc.

En revanche, donne-t-il des précisions sur ses références? Parce que la formule "les études montrent" tout le monde l'utilise, pour prouver tout et son contraire...
N.B. : Les études montrent que les classes où les élèves réussissent le mieux sont toujours celles avec le plus haut niveau d’exigence, quand bien même les enseignants se désintéressent de la façon dont les élèves faibles suivent. (Cela dit, c’est encore mieux s’ils les accompagnent avec attention et bienveillance…)

Oui. Tout est très étayé, toutes les sources sont citées. Je n'ai pas (ou que très rarement) cité ces sources dans un simple CR pour ne pas le rendre trop indigeste, mais on les retrouvera dans le livre, où toutes les idées sont bien mieux développées par ailleurs. Je ne peux qu'inciter à le lire : c'est court, clair et revigorant.
V.Marchais
V.Marchais
Empereur

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par V.Marchais Dim 1 Mai - 10:02
Elyas a écrit:
Je rebondis sur ces deux paragraphes car j'ai lu les sociologues dont se réclame Terrail. Il a tout à fait raison sur tout même si je nuancerai un de ses propos car il ne va pas jusqu'au bout des travaux qu'il cite (et en l'occurrence, ça le mettrait à mal sur un de ses arguments mais c'est sans doute dû au fait que beaucoup de sottises ont été dites/faites sur le point que je nuancerai).

Effectivement, la ludification (aussi nommée gamification) pose souci tout comme l'entrée immédiate dans la démarche d'investigation sans contextualisation explicite. De plus, la démarche d'investigation est contre-productive et moins efficace dans certains cas et très efficace dans d'autres (mais pour cela, il faut une contextualisation) et pas dans toutes les disciplines. Sa généralisation ne respecte pas l'essence de savoir qui sont de facto des contextes.

Mais c'est exactement ce que dit Terrail (voir ses propositions) : la démarche d'investigation n'est pas à rejeter, mais il faut cesser d'en faire l'alpha et l'oméga de la pédagogie et se demander quand elle est réellement pertinente. Parfois, un bon vieux cours magistral est bien plus efficient.
En grammaire de phrase, la démarche inductive est souvent pertinente, elle permet à l'élève de se représenter les caractéristiques de la notion abordée avant qu'on la définisse. Par contre, franchement, faire réinventer les conjugaisons année après année, c'est du temps perdu et rien d'autre, et c'est très artificiel, en plus.




V.Machais a écrit:Par ailleurs, « un enseignement qui s’adresse à tous, loin d’éviter la théorie et l’abstraction, doit insister sur les notions et les concepts essentiels. » En Français, on visera « la maîtrise de la langue écrite et parlée non seulement dans son usage quotidien, mais aussi à ses plus hauts niveaux d’élaboration. »
N.B. : Les études montrent que les classes où les élèves réussissent le mieux sont toujours celles avec le plus haut niveau d’exigence, quand bien même les enseignants se désintéressent de la façon dont les élèves faibles suivent. (Cela dit, c’est encore mieux s’ils les accompagnent avec attention et bienveillance…)

Oui, c'est vrai sauf sur un point : ce que j'ai mis en gras. Les mêmes études qu'il utilise démontrent que le feedback exercé par l'enseignant est la chose la plus efficace, un feedback généralisé et personnalisé. Ce feedback est l'une des base d'un enseignement explicite qui fait monter le niveau et réussir, en conséquence, cela prend en compte les élèves en difficulté. La formulation vient peut-être du CR mais si c'est vraiment ce que dit Terrail, il y a un point de vigilance à émettre sur cela.


Je pense que Terrail sait ce qu'il raconte. Il ne nie pas l'effet feed_back (c'est sans doute mon CR qui minore cet aspect de son discours).
Il a étudié sur le terrain 4 types de professeurs :
1 -professeurs exigeants dans les contenus et attentifs aux élèves, à leur suivi, à la qualité du "feed-back", comme tu dis ;
2 - professeurs tout aussi attentifs, consciencieux dans le suivi, l'accompagnement des élèves, mais ayant, pour les aider, sensiblement abaissé leurs exigences ;
3 - professeurs exigeants mais un peu "marche ou crève", les élèves se débrouillent pour suivre.
- J'ai un doute sur l'existence réelle du 4e groupe, qui serait celui de rares fumistes qui non seulement n'ont aucune exigence mais n'en ont rien à faire des élèves.  :lol: Il faudrait que je retrouve la page, mais peu importe, ce n'est pas ce groupe qui nous intéresse.

Terrail parle de l'effet feed-back (enfin, pas avec ces mots-là, il cause en français) et dit que, bien évidemment, le professeur attentif à ce retour précis et bienveillant sur le travail des élèves obtient de meilleurs résultats que celui qui ne s'en préoccupe pas. C'est l'évidence même (pour moi en tout cas, c'est pour ça que je n'ai pas développé).
Par contre, il observe une chose plus surprenante, et pourtant indéniable au regard de l'enquête : tous les professeurs du groupe 3 obtiennent de meilleurs résultats que les professeurs du groupe 2. En d'autres termes, si le feed-back est important, et si on ne peut que demander à des professeurs consciencieux d'y être attentifs, il s'avère que l'exigence dans les contenus reste davantage déterminante dans la réussite des élèves.
Dans les critères de réussite, il observe la prévalence de l'exigence, et dans un second temps seulement la qualité du retour sur les difficultés des élèves.


Marguerite V
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par Marguerite V Dim 1 Mai - 10:13
Merci Véronique. Je vais de ce pas acheter l'ouvrage et peut-être aussi proposer son acquisition pour notre salle des profs.
Vididi
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compte-rendu de lecture : Pour une école de l'exigence intellectuelle - Jean-Pierre TERRAIL Empty Re: compte-rendu de lecture : Pour une école de l'exigence intellectuelle - Jean-Pierre TERRAIL

par Vididi Dim 1 Mai - 10:21
Merci beaucoup.
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