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- User5899Demi-dieu
Oh voui, à voir les notes du Bac, ils progressent
- Mrs D.Niveau 5
Voilà, donc c'est pour ça que je ne passe pas 4h par LA.Cripure a écrit:Oh voui, à voir les notes du Bac, ils progressent
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"Always the years between us. Always the years. Always the love. Always the hours." Stephen Daldry, The Hours
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- User5899Demi-dieu
Vous faites ce que vous voulez
Perso, je ne me lèverais pas le matin si c'était pour faire la daube de l'EAF actuelle.
Perso, je ne me lèverais pas le matin si c'était pour faire la daube de l'EAF actuelle.
- ysabelDevin
Mrs D. a écrit:Mouais... A ce stade, ça me fait penser à Kaamelott (désolée) :ysabel a écrit:Si on veut que les gamins comprennent, il faut prendre du temps car ils ne savent pas "lire" dans l'ensemble.
Dans un extrait de 30 lignes de Zola, pour la majorité, ils leur manquent au moins un à deux mots de vocabulaire par ligne.
Ben oui, c'est le cas et je pense que c'est bien plus fréquent que tu ne le crois.
entre les mots inconnus et ceux dont ils croient qu'ils ont un autre sens... alors que pour nous, ce sont des termes courants.
Je suis toujours hallucinée par le manque de vocabulaire. Après, je ne m'étonne pas qu'ils aient du mal à lire puisqu'ils ne comprennent rien.
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« vous qui entrez, laissez toute espérance ». Dante
« Il vaut mieux n’avoir rien promis que promettre sans accomplir » (L’Ecclésiaste)
- ysabelDevin
Cripure a écrit:Je graisse dans votre extrait ce qui ne sera pas compris par des secondes lambda dans mon lycée rural
Mais Claude était monté debout sur le banc, d’enthousiasme. Il força son compagnon à admirer le jour se levant sur les légumes. C’était une mer. Elle s’étendait de la pointe Saint-Eustache à la rue des Halles, entre les deux groupes de pavillons. Et, aux deux bouts, dans les deux carrefours, le flot grandissait encore, les légumes submergeaient les pavés. Le jour se levait lentement, d’un gris très-doux, lavant toutes choses d’une teinte claire d’aquarelle. Ces tas moutonnants comme des flots pressés, ce fleuve de verdure qui semblait couler dans l’encaissement de la chaussée, pareil à la débâcle des pluies d’automne, prenaient des ombres délicates et perlées, des violets attendris, des roses teintés de lait, des verts noyés dans des jaunes, toutes les pâleurs qui font du ciel une soie changeante au lever du soleil ; et, à mesure que l’incendie du matin montait en jets de flammes au fond de la rue Rambuteau, les légumes s’éveillaient davantage, sortaient du grand bleuissement traînant à terre. Les salades, les laitues, les scaroles, les chicorées, ouvertes et grasses encore de terreau, montraient leurs cœurs éclatants ; les paquets d’épinards, les paquets d’oseille, les bouquets d’artichauts, les entassements de haricots et de pois, les empilements de romaines, liées d’un brin de paille, chantaient toute la gamme du vert, de la laque verte des cosses au gros vert des feuilles ; gamme soutenue qui allait en se mourant, jusqu’aux panachures des pieds de céleris et des bottes de poireaux. Mais les notes aiguës, ce qui chantait plus haut, c’étaient toujours les taches vives des carottes, les taches pures des navets, semées en quantité prodigieuse le long du marché, l’éclairant du bariolage de leurs deux couleurs. Au carrefour de la rue des Halles, les choux faisaient des montagnes ; les énormes choux blancs, serrés et durs comme des boulets de métal pâle ; les choux frisés, dont les grandes feuilles ressemblaient à des vasques de bronze ; les choux rouges, que l’aube changeait en des floraisons superbes, lie de vin, avec des meurtrissures de carmin et de pourpre sombre. À l’autre bout, au carrefour de la pointe Saint-Eustache, l’ouverture de la rue Rambuteau était barrée par une barricade de potirons orangés, sur deux rangs, s’étalant, élargissant leurs ventres. Et le vernis mordoré d’un panier d’oignons, le rouge saignant d’un tas de tomates, l’effacement jaunâtre d’un lot de concombres, le violet sombre d’une grappe d’aubergines, çà et là, s’allumaient ; pendant que de gros radis noirs, rangés en nappes de deuil, laissaient encore quelques trous de ténèbres au milieu des joies vibrantes du réveil.
Claude battait des mains, à ce spectacle. Il trouvait « ces gredins de légumes » extravagants, fous, sublimes. Et il soutenait qu’ils n’étaient pas morts, qu’arrachés de la veille, ils attendaient le soleil du lendemain pour lui dire adieu sur le pavé des Halles. Il les voyait vivre, ouvrir leurs feuilles, comme s’ils eussent encore les pieds tranquilles et chauds dans le fumier. Il disait entendre là le râle de tous les potagers de la banlieue. Cependant, la foule des bonnets blancs, des caracos noirs, des blouses bleues, emplissait les étroits sentiers, entre les tas. C’était toute une campagne bourdonnante. Les grandes hottes des porteurs filaient lourdement au-dessus des têtes. Les revendeuses, les marchands des quatre saisons, les fruitiers, achetaient, se hâtaient. Il y avait des caporaux et des bandes de religieuses autour des montagnes de choux ; tandis que des cuisiniers de collége flairaient, cherchant les bonnes aubaines. On déchargeait toujours ; des tombereaux jetaient leur charge à terre, comme une charge de pavés, ajoutant un flot aux autres flots, qui venaient maintenant battre le trottoir opposé. Et, du fond de la rue du Pont-Neuf, des files de voitures arrivaient, éternellement.
J'ai fait quelques rajouts...
Par exemple, dans un texte, cette année, j'ai eu "bleuissait" ; il a fallu que j'explique...
Ne parlons pas du vocabulaire des "légumes" ; à part les plus courants...
Et attention, je suis dans un lycée lambda : cela fait deux ans que nous avons plus de 90% de réussite au bac. (bon, cette année 75 pour les L, mais bon, quand on laisse passer en L des élèves qui ne savent pas lire, ça finit par se voir).
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- ysabelDevin
Mrs D. a écrit:
C'est là que ça devient intéressant sur le fond : j'essaie d'être précise.
Au début et à la fin de l'extrait, on est dans une sorte de cadrage de la description de Claude, Zola pose le décor : ce n'est donc pas ce qui fera le coeur de l'analyse du texte, et j'assume le fait de faire un parcours plus rapide sur ces deux parties. Dans ces deux passages, il y a quand même pas mal de mots qui se comprennent en contexte : le caraco doit être un vêtement puis qu'il est sur le même plan que les bonnets et les blouses, les caporaux sont des gens puisqu'ils sont sur le même plan que les religieuses. On va manquer de précision si on ne connaît pas ces termes, mais on dégage quand même du sens général : les halles sont grouillantes et disparates, à la fois dans l'identité de ceux qui les fréquentent et dans le rendu visuel, et Claude est enthousiaste (là, franchement, s'ils ne connaissent pas le sens... ou alors on a un gentil helléniste, on fait l'étymologie du terme, et on bascule dans le commentaire).
Pour tout le milieu, à vrai dire, je ne vois pas comment analyser ce texte sans rentrer dans le détail des couleurs et des légumes. Du coup, expliquer du lexique, c'est aussi expliquer le texte : ces mots-là, oui, sont importants pour comprendre le sens du texte, pour comprendre que Claude voit les Halles comme un tableau et élève les légumes au rang d'objet esthétique. Donc là, oui, on explique que les poireaux vont en bottes et ce que c'est qu'une vasque, mais ça ne prend pas 4h, à mon sens.
Il est vrai que j'ai biaisé l'exemple en choisissant un texte descriptif, où l'étude du lexique va de pair avec l'enjeu du texte. Et je précise que je suis aussi alarmée que nous tous de la pauvreté langagière, lexicale et culturelle de la plupart de nos élèves (les miens sont parisiens, mais, mon Dieu, qu'ils parlent mal !), mais je n'arrive à rentrer à ce point dans le détail du lexique en faisant une LA. Cela dit, je réalise que je ne m'étais pas explicitement posé la question de savoir comment enrichir le lexique de mes élèves.
Cripure, ysabel, avez-vous l'impression que vos élèves progressent sur ce point au fil de l'année ?
Non, les élèves, pour la plupart sont incapables de le faire... Tous les ans, régulièrement, en seconde comme en première, j'ai des élèves qui me disent : "Hein, Madame xxx ça veut dire..." et là, effectivement, je suis sciée parce que non seulement xxx est un mot courant, que l'élève lui donne un sens totalement opposé et qu'en plus dans la phrase, avec ce sens, cela n'a aucun sens.
Cette année, en fin de seconde une élève tout à fait correcte quant à son niveau m'a dit qu'elle avait abandonné la lecture de Bel-Ami car elle ne comprenait rien à cause du vocabulaire. Et nombreux sont ceux qui ont renchéri. C'est-à-dire que beaucoup d'élèves sont plein de bonne volonté mais ne peuvent pas lire seuls.
L'année d'avant, une élève m'a dit qu'elle n'avait rien compris à Fahrenheit 451 et que c'est en écoutant le livre audio (tout en suivant sur le livre en même temps) qu'elle l'a compris et adoré en fait. Et cette année, je l'avais en 1ère et elle avait 14 de moyenne donc ce n'est pas une mauvaise élève.
Tiens, une anecdote en seconde, pas littéraire du tout qui date de cette année : un gamin traite un autre de "tapette". Je lui dis que les insultes homophobes, ça ne se fait pas. et là, tous (ou presque) me regardent comme cela : :shock:
Ben oui, pour eux tapette, c'était la tapette à mouches...
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- ysabelDevin
Cripure a écrit:Oh voui, à voir les notes du Bac, ils progressent
Tout à fait...
Plus sérieusement, ceux qui ont envie de progresser, de faire des efforts, oui, pour les autres...
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