Une année de latin ratée ?

Bonjour à tous,

Je suis suis stagiaire à 18h en Lettres classiques et j'enseigne cette année en ZEP. J'ai tous les niveaux.
Cette année, je me suis battue pour essayer d'intéresser les élèves pour ma matière car ce n'était pas gagné.
En cinquième, ils s'inscrivent mais déchantent quand ils apprennent qu'en réalité l'option est notée.
En quatrième, il y a eu un problème au niveau de l'administration et ils ont forcé les élèves à continuer le latin en quatrième alors qu'on leur avait dit qu'il pouvaient arrêter à la fin de la cinquième.
En troisième, pas de problème particulier.

Bilan de la fin de l'année, mardi (et ce n'est pas la première fois),
- les élèves de troisième me disent qu'ils n'aiment pas ce qu'on fait en latin car on ne fait pas de mythologie (je leur ai expliqué que ce n'était pas au programme de troisième mais qu'il y avait plein de choses très intéressantes) et qu'ils en avaient marre de la grammaire (pourtant on a même pas fait la moitié du programme ...)
- les élèves de quatrième me disent que mon projet de faire de mettre en scène une histoire de fantôme (nous allons étudier la Lettre de Pline, Livre VII, 27e lettre) de faire un atelier de création de masques antiques pour l'occasion est nul et qu'en plus ils vont tous arrêter le latin l'année prochaine.
- une de mes deux classes de cinquième est intenable depuis le début de l'année, tandis que l'autre est motivée malgré trois élèves qui ne m'apprécient pas du tout (hier j'ai appris que l'une d'elles avait écrit un énième graffiti où je me fais traiter de p**** ).

J'ai vraiment travaillé d'arrache-pied pour essayer de les intéresser sans toutefois tomber dans de "l'animation" à 100%. J'ai dépensé de l'argent pour faire certains ateliers ou acheter des livres et leur prêter (des mangas et BD sur la mythologie antique) et ça n’intéresse qu'un tiers de la classe et en plus de cela, ils me rendent les livres abîmés pour certains et en retard, ce qui fait que les livres ne tournent pas dans la classe. Je pensais pouvoir leur faire confiance. Je me demande même s'ils ne devinent pas que je suis déçue et s'en satisfont ...

J'aimerais vraiment savoir quel est mon problème, je manque certainement de charisme, je ne sais pas trouver les bons mots, les bonnes méthodes pour apprivoiser les élèves.
Je me sens seule, quand j'entends les collègues de mon établissement, ils ont l'air d'être appréciés de leurs élèves malgré les problèmes de discipline. Et quand je parle à mes collègues stagiaires en lettres classiques comme moi, leurs élèves de latin sont hyper intéressés par ce qu'ils font.

J'avais espéré avoir de meilleurs résultats cette année car mes cours ont vraiment évolué et me semblaient de meilleure qualité. L'année dernière, j'étais contractuelle dans un lycée. Les élèves étaient très gentils mais j'étais totalement perdue et je ne savais pas comment préparer ni présenter un cours. J'ai bien senti que ça n'avait pas été une réussite même si les élèves ne disaient rien.
Refaire le même échec est assez difficile. J'ai vraiment très peur d'avoir "dégoûté" les élèves du latin et qu'il n'y ai plus que la moitié des élèves l'année suivante. Même si le contexte de mon établissement et les bourdes de l'administration ne m'ont pas aidé, j'aurais voulu être capable de relever le défi.

J'aimerais beaucoup avoir de vos conseils si vous avez déjà enseigné en ZEP, comment faire pour intéresser les élèves ? La réponse n'est pas dans le ludique puisque même cela ne les intéresse pas ...
En français, ça va car j'ai des élèves de sixième et ils sont plutôt intéressés par le programme.

Merci d'avance

Seleneia, je n'enseigne pas le latin, et ne peux pas t'aider sur la matière. En revanche, sur le fond, je crois que tu te mets beaucoup trop en jeu, et que les élèves le sentent et te le rendent bien. Ton problème n'est certainement pas de manquer de charisme, de ne pas trouver les mots ou les méthodes d'apprivoisement, mais serait plutôt de croire que qu'il te manque quelque chose, à combler absolument (cela va jusqu'au point d'y mettre de ton argent personnel) pour obtenir quelque chose des élèves en retour.

Alors, avant tout, redore ton ego. Tu vaux bien plus que ce que tu t'épuises à dépenser.

Edit : bien sûr, je connais les difficultés des profs de latin quant à la motivation des élèves (et à la pression des parents et de l'administration), et je ne nie pas du tout que cela soit source de souffrance. Mais il me semble que dans ton cas, il serait bon de chercher à l'intérieur avant de chercher à l'extérieur.

Ce que tu dis est vrai, j'ai bien conscience qu'il n'y a pas que le problème des élèves et que c'est moi qui doit me remettre en cause.
J'aimerais juste ne pas les dégoûter de ma matière, car cela est primordial si je veux continuer à exercer mon métier. (c'est vrai que du coup je n'ai pas la même approche pour le français car c'est une matière obligatoire)
Pour l'argent personnel je le fais car il n'y a pas de budget disponible pour ma matière ou alors il faut demander très longtemps à l'avance. J'avais demandé assez tôt au CDI de commander certains livres mais ce n'était pas prioritaire, ce qui est compréhensible. De l'autre côté le chef d'établissement et l'adjointe m'ont demandé de faire des cours plus ludiques en cours d'année sinon on risquait de perdre les élèves. Et finalement cela ne semble pas avoir servi.
Dans mon esprit, je suis quand même super contente d'enseigner le latin, que ce soit la langue ou la civilisation. Et ça me fait peur de ne plus pouvoir l'enseigner et car je ne sais pas transmettre cette passion.
Au moins si je n'enseigne que le français, je n'aurai plus à me poser ces questions-là ...

Seleneia a écrit:Ce que tu dis est vrai, j'ai bien conscience qu'il n'y a pas que le problème des élèves et que c'est moi qui doit me remettre en cause.
J'aimerais juste ne pas les dégoûter de ma matière, car cela est primordial si je veux continuer à exercer mon métier. (c'est vrai que du coup je n'ai pas la même approche pour le français car c'est une matière obligatoire)
Pour l'argent personnel je le fais car il n'y a pas de budget disponible pour ma matière ou alors il faut demander très longtemps à l'avance. J'avais demandé assez tôt au CDI de commander certains livres mais ce n'était pas prioritaire, ce qui est compréhensible. De l'autre côté le chef d'établissement et l'adjointe m'ont demandé de faire des cours plus ludiques en cours d'année sinon on risquait de perdre les élèves. Et finalement cela ne semble pas avoir servi.
Dans mon esprit, je suis quand même super contente d'enseigner le latin, que ce soit la langue ou la civilisation. Et ça me fait peur de ne plus pouvoir l'enseigner et car je ne sais pas transmettre cette passion.
Au moins si je n'enseigne que le français, je n'aurai plus à me poser ces questions-là ...

Ce n'est pas une peur rationnelle, mais une peur qui risque de s'alimenter d'elle-même. Ton projet d'histoire de fantôme était très chouette. Ce n'est pas en raison de la qualité du projet que les élèves l'ont critiqué, ni en raison de ton charisme (je ne te connais pas, mais j'en mettrais ma main à couper). Ils jouent la partie que tu as toi-même lancé avec l'aide pernicieuse du système (bienvenue dans l'EN). Ils sont comme Peau d'âne, réclamant une robe toujours plus incroyable à son père, qui, pour contenter son désir, est prêt à sacrifier son âne (son fric, quoi).

Je te conseille d'arrêter les ateliers masques et autres : c'est beaucoup de soi-même investi et la chute est d'autant plus rude lorsque le retour n'est pas ce qu'on espérait (or, on ne peut pas toujours compter sur la motivation et l'enthousiasme des élèves). Pour les motiver, plutôt que de me lancer dans des activités qui demandent beaucoup de préparation, je préfère miser sur des contrôles de leçon (déclinaisons, leçons de civi) où il suffit de bosser pour avoir une bonne note. Et je ne refuse pas de faire un peu de mythologie avec les troisièmes s'ils le demandent : seulement, on découvre l'histoire en traduisant un texte, ou bien c'est l'intro à une peinture murale de Pompéi qu'ils pourront présenter à l'épreuve d'HdA. Dans tous les cas, il y a des élèves avec qui ça passe très bien, et d'autres qui s'en fichent totalement. J'emmène uniquement les classes les plus motivées au musée : ne te donne pas trop de peine pour les élèves qui ne l'attendent pas, il y en aura toujours. Cela ne vient pas de toi, ce sont probablement des gamins qui mettraient tout autant en question l'idée de travailler en maths ou en HG si on le leur avait présenté comme optionnel...

Sei : oui. Il ne faut pas que je prenne les choses trop à cœur, tu as raison. Ils disent cela sûrement pour m'embêter et provoquer !

Sphinx : les contrôles de connaissances ne fonctionnent pas bien, ils n'aiment pas apprendre par cœur pour un contrôle écrit. Par contre je viens d'expérimenter les récitations de déclinaison ou de conjugaison à l'oral. Je commence par interroger les moteurs de la classe puis selon l'humeur, les autres suivent. Je donne une petite note et ça les motive.

Pour la mythologie, j'y penserai à l'avenir pour les troisièmes.
L'année prochaine j'essaierai de faire une sortie si je reste dans cet établissement. Cela fait deux ans qu'il n'y a pas eu de sortie prévue pour les latinistes. Je voulais en faire une cette année mais je n'ai pas réussi à l'organiser toute seule et l'administration ne m'a pas donné les bons papiers en temps et en heure.
Merci beaucoup !

Je vais relativiser

Je ne vais pas être d'une grande utilité pour la partie disciplinaire.
Cependant, tu dis que tu es stagiaire cette année mais tu ne parles pas de ton tuteur/tutrice. Qu'en a t-il pensé? Est-ce que tu as pu discuter de tes doutes? As-tu pu obtenir des conseils de sa part?

Sinon, comme te l'ont signalé les autres, il me semble que tu prends les choses trop personnellement. Il faudrait que tu essaies de prendre un peu de distance. Je sais bien que c'est plus facile à dire...

Courage, et ne te démoralise pas, les débuts ne sont pas évidents pour tout le monde!

Merci beaucoup pour vos messages !

Malfada16 : Mon tuteur de Lettres Classiques n'est pas dans mon établissement du coup il y a eu peu de visites.
Je lui en ai un peu parlé, mais rien de plus. Il m'a dit qu'il n'y avait pas de problème majeur.

J'ai aussi la chance d'avoir une deuxième tutrice dans mon établissement, pour le français. Elle m'a donné d'excellents conseils pour ma classe de sixièmes et pour la gestion de classe en général. Pour le latin elle ne sait pas trop.

Seleneia a écrit:

Je vais relativiser

Et peut-être, si tu le voulais, que tu peux réfléchir (enfin, pas ici, hein) à ce que tu attends des élèves, au désir que tu voudrais qu'ils comblent (cf. le papa de Peau d'âne…). (Parce qu'au fond, on sait bien, toi et moi, que, même si le latin est en difficulté et même si les élèves sont une condition nécessaire de notre métier, ce ne sont pas eux qui te donnent un travail. ) Ce sera alors plus facile de relativiser, de prendre conscience de ton intégrité, de leur propre intégrité, et d'envisager la relation plus sereinement, sans mélange.

Bon, je suis d'avis que la relation enseignant-élèves est une relation de désir pour la plupart d'entre nous, c'est pour moi une chose très concrète, et je trouve ça plutôt sain d'en prendre conscience, mais je ne sais pas si cet avis est partagé.

Bonjour,

Sei: je vais tenter d'y réfléchir. Je pense que je n'aurai pas la réponse en un jour et l'expérience me le dira. Je suis aussi très inquiète à cause de la réforme.
Hier, vendredi, grande surprise. La journée à été très sereine et mes angoisses se sont dissipées. J'ai "réussi" tous mes cours, les élèves ont bien travaillé (toutes les activités que j'avais programmées ont été faites, ils n'ont pas traîné !). Ils semblaient intéressés par les travaux que je leur ai proposés. Bon, ça redonne du courage aussi!

Verdict pour la classe de quatrième: seuls 3-4 élèves sur 18 renouvellent l'option. Je ne comprends pas ce qu'il s'est passé... Je ne sais pas quoi en penser, dans mon esprit j'ai tout fait pour maintenir mon enseignement et mon tuteur ne m'a jamais dit qu'il y avait un problème majeur (il est venu deux fois dans cette classe de quatrième et a été plutôt encourageant). J'ai essayé les aactivité conseillées pour les ZEP lors de ma formation, j'ai essayé de valoriser le travail des élèves. Il y a un truc qui cloche que je n'ai pas décelé. Vous pensez que c'est dû à l'état d'esprit que j'avais avec cette classe ?

Courage, je connais ça. Ils avaient eu un prof LM qui faisait apparemment bcp d'exposés puis moi, qui était assez insistante sur la grammaire (j'en demande moins, du coup je culpabilise; Et comme 2-3 niveaux à chaque fois en même temps, pas de contrôles voc et moins de contrôles (difficile de tout caler) ). j'ai eu aussi le coup de venir derrière une LC qui faisait un voyage... et est partie, me laissant donc des élèves dont les 2/3 venaient pour ça....


Le coup de l'obligation/ arrêt en fin de 5è n'aide pas. Chez nous, c'est au cas par cas normalement (mais j'ai tjs des arrêts sans être prévenue, genre une 4è qui m'avait dit continuer, puis finalement pas, mais jamais su pourquoi....) (pas d'obligation dans les textes "enseignement qui a vocation a être poursuivi" : les CDE font un peu comme ils veulent)

Courage et ne te décourage pas, ne te flagelle pas (pas de crucifixion non plus ! ) Je suis pas sûre que c'est ton état d'esprit, comme tu le présentes, ça a l'air super.

Je ne comprends pas qu'on autorise ainsi massivement les élèves à abandonner le latin après la 5ème ou la 4ème, chez moi ce n'est possible qu'au cas par cas, c'est rare. Il leur est bien précisé dès la présentation en 6ème que c'est pour les 3 ans. On n'est pas chez Mac Do.
Seleneia, je pense que tu as fait ton possible ...

Au début de l'année, tous les élèves - et certains parents - m'étaient tombés dessus car ils souhaitaient arrêter le latin. L'administration avait été ferme. Je me suis alors lancé un défi: leur redonner goût au latin. Mais ça n'a pas suffit... Je pensais que certains changeraient d'avis car ils étaient plus investis qu'en début d'année et que l'ambiance du troisième trimestre s'était bien améliorée.

Édit: normalement les élèves n'arrêtent qu'en fin de cinquième mais l'année dernière l'administration a oublié de faire passer les formulaires.

Encore des news: la série noire continue!

En cinquième, j'ai une classe qui ne poursuit pas le latin! C'est vraiment incompréhensible (contrairement à la quatrième, je m'y attendais) ! Je ne m'y attendais pas car ces élèves sont studieux et mignons, les cours se passent très bien et ils ont pour la plupart des notes excellentes dans cette matière.
Dans l'autre classe du groupe, quatres élèves ont renouvelé  le latin sans hésiter et d'autres vont suivre pourtant ce sont des élèves un peu moins "modèles".
Heureusement une de mes collègues m'a présenté son soutien en disant qu'il y avait certainement un problème dans le fonctionnement De l'établissement.
De mon côté je me demande comment faire pour ne plus avoir à faire à cette situation...  Ma collègue m'a proposé de redistribuer les formulaires pour permettre aux élèves de réfléchir à leur choix.
Je ne sais pas quoi trouver comme arguments aux élèves pour leur prouver l'intérêt du latin. Je vais aussi tenter de refaire un maximum de pub le jour des portes ouvertes le samedi 13 juin. Si vous avez des idées,  je vous serais reconnaissante, je sèche complètement.

Pour la pub ? Perso je passe une vidéo pour casser un peu les clichés et montrer que le latin est un peu partout. j'ai été malade aux JPo chette année, mais 'javais prévu de faire une petite plaquette de présentation pour que les parents ramènent chez eux.

J'ai fait ça pour les sixièmes (et les parents de sixièmes) pour leur donner envie de s'inscrire.
Là c'est convaincre des élèves de continuer qui me bloque.

J'ai oublié de préciser que vu que je suis en zep les parents sont particuliers (disons qu'ils ont tendance à être treeeeès à l'écoute de leurs enfants).

Là, en effet c'est plus délicat.... rencontrer les parents ? faire une réunion d'info ?

pas de souci, je bosse en REP RRS

Seleneia a écrit:Encore des news: la série noire continue!

En cinquième, j'ai une classe qui ne poursuit pas le latin! C'est vraiment incompréhensible (contrairement à la quatrième, je m'y attendais) ! Je ne m'y attendais pas car ces élèves sont studieux et mignons, les cours se passent très bien et ils ont pour la plupart des notes excellentes dans cette matière.
Dans l'autre classe du groupe, quatres élèves ont renouvelé  le latin sans hésiter et d'autres vont suivre pourtant ce sont des élèves un peu moins "modèles".
Heureusement une de mes collègues m'a présenté son soutien en disant qu'il y avait certainement un problème dans le fonctionnement De l'établissement.
De mon côté je me demande comment faire pour ne plus avoir à faire à cette situation...  Ma collègue m'a proposé de redistribuer les formulaires pour permettre aux élèves de réfléchir à leur choix.
Je ne sais pas quoi trouver comme arguments aux élèves pour leur prouver l'intérêt du latin. Je vais aussi tenter de refaire un maximum de pub le jour des portes ouvertes le samedi 13 juin. Si vous avez des idées,  je vous serais reconnaissante, je sèche complètement.

Les parents entendent les médias, tu sais: cette incertitude concernant l'avenir d'une option déjà fragilisée, explique bien des choses sans doute, sans qu'il te soit besoin de te remettre en cause.
Soumettre à la bonne volonté, voire au "désir", l'apprentissage d'une discipline qui n'a d'intérêt que par sa difficulté intellectuelle, c'est de toute façon voué à l'échec. On peut séduire illusoirement par des "mises en activités" pendant quelques temps, mais l'enseignement des LA donne à tous et de plus en plus le sentiment d'un désastre, pire d'un désastre organisé.
Tu peux vanter le beurre, l'offrir gratuitement, l'étaler le plus agréablement possible, rendre l'argent par dessus le marché mais ne laisse pas partir la crémière, ça n'en vaut pas la peine
C'est un vieux sage qui te le dit. :lol: :lol:
Alors pas de culpabilisation déjà!