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par doctor who Mer 20 Mai 2015 - 21:28
Critique de la grammaire qu'on veut continuer à nous faire enseigner : impossible et inutile !

Remplacer, déplacer, supprimer (la grammaire)

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[Nouveaux programmes] Remplacer, déplacer, supprimer (la grammaire) Empty Re: [Nouveaux programmes] Remplacer, déplacer, supprimer (la grammaire)

par Anacyclique Mer 20 Mai 2015 - 22:25
Belle démonstration. Merci ! Cette réforme va être une catastrophe. Ça me met en pétard à un point ! Je ne décolère pas. chevalier

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[Nouveaux programmes] Remplacer, déplacer, supprimer (la grammaire) Empty Re: [Nouveaux programmes] Remplacer, déplacer, supprimer (la grammaire)

par doctor who Jeu 21 Mai 2015 - 9:38
Merci. Mais la réforme ne fait qu'entériner une grammaire qui existe depuis au moins 40 ans.
La différence, c'est qu'aujourd'hui, les instits et les profs n'ont connu que celle-là. D'où la difficulté à faire changer son fusil d'épaule...

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[Nouveaux programmes] Remplacer, déplacer, supprimer (la grammaire) Empty Re: [Nouveaux programmes] Remplacer, déplacer, supprimer (la grammaire)

par e-Wanderer Sam 23 Mai 2015 - 10:03
En fait, il y a un gros malentendu, et c'est sur ce malentendu qu'il faut alerter.

Je suis le premier, quand je fais des cours de grammaire à l'université, à dire à mes étudiants d'oublier les choses trop complexes lorsqu'ils seront devant une classe. À un niveau post-bac, des étudiants sont en mesure d'appréhender des choses complexes, de faire des tests (pronominalisation, passivation, commutation etc.). Leurs capacités cognitives, leur concentration ne sont pas celles de gamins de 8 ans (heureusement !). Mon boulot, c'est de les amener à un niveau qui leur permette, POUR EUX-MÊMES, d'analyser et de comprendre tout type d'énoncés, y compris des énoncés complexes, figés, idiomatiques etc. C'est à la fois un travail de "remédiation" (comme on dit maintenant), car c'est une génération sacrifiée qui a peu ou mal étudié la grammaire ET un travail d'approfondissement : en gros, on révise la base jusqu'en L3, et au niveau master on ajoute des notions de linguistique, d'histoire de la langue, on se confronte à des énoncés bizarres (face auxquels, parfois, il n'existe pas de réponse stabilisée) etc. Il est important qu'un futur professeur s'approprie des outils lui permettant de ne pas rester paralysé devant des énoncés délicats à analyser, et qu'il ait développé des réflexes lui permettant de manipuler des énoncés, de faire des tests pour lever une difficulté etc. Ça, c'est mon boulot.

Maintenant, comme je l'ai souvent dit ailleurs, je trouve parfaitement normal qu'on utilise d'autres méthodes à l'école primaire ou au collège. Non seulement je l'admets, mais je le RECOMMANDE. On ne va évidemment pas faire du Le Goffic en CM1 et parler d'« intégratives pronominales » à des gosses. Mais il est intéressant qu'un professeur, pour lui-même, comprenne que dans Qui veut voyager loin ménage sa monture, le pronom a davantage une valeur d'indéfini que de relatif à proprement parler, et qu'une « relative sans antécédent » est une notion pour le moins paradoxale. Je me fiche totalement qu'on n'explique pas à un gamin la différence entre un complément circonstanciel et un attribut locatif (ça viendra bien assez tôt… ou pas du tout !), qu'il ne fasse pas la différence entre "À la montagne, l'air est pur" et "Patrick est à la montagne". J'explique tout cela à son futur professeur, non pour qu'il l'enseigne lui-même, mais pour qu'il acquière une perception plus fine du langage. Je veux qu'un professeur puisse dire à un élève : "là, c'est compliqué, tu étudieras ça plus tard, pour l'instant, contente-toi de penser que… etc" en connaissance de cause : qu'il dise cela à un élève lorsque, réellement, il y a une difficulté, et non pour sauver la face parce que lui, le professeur, ne sait pas comment s'en sortir.

La grammaire à enseigner à l'école doit être évidemment très simplifiée, elle mobilise des outils élémentaires, parfois un peu faux linguistiquement, mais ce n'est pas très grave. Ça va peut-être vous scandaliser, mais je ne m'estime pas qualifié pour vous dire comment faire : c'est le boulot des didacticiens de la grammaire. Vous savez, ces gens pour qui on a créé les IUFM, puis les ESPE. Je n'ai, professionnellement, aucun contact avec eux : ils enseignent à l'autre bout de la ville, ne mettent jamais les pieds sur le campus.

Personnellement, si je devais du jour au lendemain prendre une classe de primaire, j'utiliserais tout simplement les manuels que j'ai connus étant enfant, ou ceux qu'ont connus mes parents (quitte à moderniser un peu les exemples pour qu'ils parlent de choses un peu plus actuelles, un peu moins sexistes etc.). Ça marchait très bien à l'époque… Et je méfierais des didacticiens modernes, de leur "observation raisonnée de la langue", de leur refus des exercices de conjugaison etc.

Pour résumer, il ne faut pas reprocher à la grammaire "universitaire" ou à la linguistique d'exister, au prétexte que des fous furieux des sciences de l'éduc' s'en sont servis pour massacrer l'apprentissage de la grammaire scolaire à l'école primaire ou au collège. C'est confondre deux plans qui n'ont rien à voir.

Pour prendre une analogie qui vaut ce qu'elle vaut, les enfants commencent à dessiner avec des feutres ou des crayons, ils ne commencent pas directement par l'encre de Chine, la gravure à la pointe sèche ou le fusain (et bien peu connaîtront un jour ces techniques !). Pourtant, je ne pense pas que la formation des professeurs d'arts plastiques se limite au coloriage (même sans déborder ! :lol: ).
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par doctor who Sam 23 Mai 2015 - 10:11
Je ne reproche pas à la grammaire universitaire d'exister. En aucun cas.
Les profs l'étudient en fac et trouvent judicieux d'apprendre ce qu'ils ont appris de juste aux élèves. Le souci, c'est qu'on leur a présenté la grammaire "tradi" (la fameuse "3e grammaire scolaire") comme une suite d'à-peu près et d'âneries.
Voir les propos de Marc Wilmet, très condescendant avec les efforts des générations de pédagogues qui ont élaboré peu à peu un outil efficace d'enseignement (jusqu'à la tabula rasa des années 70).

Mais si on veut aller plus loin, il me semble que la conception structurale de la grammaire (même si elle a évolué depuis les années 60) évacue bien imprudemment la dimension sémantique et fait trop confiance aux critères de distribution. Voir tout ce que peut dire nlm76. Mais c'est un autre débat.

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par e-Wanderer Sam 23 Mai 2015 - 11:17
Oui, mais ça revient bien à ce débat-là. J'explique à mes étudiants que les clés sémantiques sont souvent assez imprécises : par exemple, si on dit "la rocade contourne la ville", le sujet ne "fait" pas l'action, et Louis XIV n'a pas à proprement parler "construit" Versailles, il était commanditaire : c'est très complexe. De même, si on cherche absolument à donner une définition sémantique des subordonnées circonstancielles, je souhaite bien du courage à ceux qui voudront donner une étiquette aux subordonnées introduites par "outre que", "sans que", "attendu que"… : il y a presque autant d'étiquettes que de connecteurs. C'est pourquoi, AVEC MES ÉTUDIANTS, j'insiste sur le fonctionnement syntaxique des circonstancielles. Je n'ignore pas les clés sémantiques, mais je m'en sers surtout pour compléter l'analyse.

Mais, une nouvelle fois, je n'ai absolument rien contre le fait qu'à l'école primaire ou au collège, on parle aux enfants des subordonnées circonstancielles de temps, de cause, de but etc. car c'est effectivement un moyen très simple et très rapide de leur faire comprendre les choses. Il suffit juste de sélectionner les exemples d'application pour éviter les cas trop complexes. Je signale tout de même au passage les confusions que la lecture sémantique engendre très souvent : par exemple, j'ai un nombre incalculable d'étudiants qui arrivent à la fac en pensant que [pour + infinitif] est une subordonnée de but, parce qu'ils ont appris à regarder d'abord le sens.

Mon travail, normalement, c'est 1) de donner une conscience linguistique plus fine des phénomènes 2) de corriger certaines approximations 3) éventuellement, de comparer plusieurs systèmes d'analyse pour que chacun se fasse une religion. J'admets parfaitement qu'il y ait des approximations (et notamment celles qui procèdent d'un apprentissage très "sémantique", car au moins j'en comprends facilement la logique). Ce que je n'admets pas, c'est que des étudiants arrivent en filière lettres post-bac avec des lacunes terrifiantes. Quand ils confondent un pronom et un article, un attribut et un COD, un sujet inversé et un COD etc., c'est que le travail a été mal fait. "Au plafond pendaient des guirlandes" : 50% de mes étudiants de L1 ont vu un COD. "L'automne est la saison des champignons" : pratiquement la même statistique… Et plus on commence tard, plus c'est compliqué.
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par doctor who Sam 23 Mai 2015 - 11:31
Souvent, les linguistes voudraient la catégorie la plus extensive, qui prenne en compte tous les cas (impossible, bien sûr). Une définition restreinte comme "sujet" = "qui fait l'action exprimée par le verbe" serait donc fausse car trop restrictive et susceptible d'être invalidée par des contre-exemples.
Mais c'est oublier le caractère de vérité des définitions partielles par rapport aux définitions générales. La théorie de la relativité restreinte est-elle plus fausse que la théorie de la relativité générale ?
Dire que le sujet fait l'cation exprimée par le verbe, ce n'est pas faux, mais restreint. Souvent, les profs du secondaire sont gênés par l'usage de ces "prototypes" (en sciences cognitive). Ils culpabilisent. Alors que ces concepts sont justes à leur manière.

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