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Carabas
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je ne fais pas de grammaire - Page 2 Empty Re: je ne fais pas de grammaire

par Carabas Dim 7 Juin 2009 - 11:24
paffutell a écrit:Deuxième remarque, la méthode assimil repose sur l'idée que l'on peut s'imprégner d'une langue de sorte d'en connaître intuitivement la grammaire et d'être capable de s'y exprimer correctement. En multipliant les exercices d'écriture, qu'elle corrige sans doute, il me semble que c'est ce que fait Lilith. Elle leur apprend bien la grammaire mais sans le vocabulaire technique et seulement la grammaire utile pour écrire. Est-ce que c'est efficace? Je n'y crois pas vraiment maintenant je n'ai jamais essayé.
Je crois que c'est aussi le principe du manuel de Latin gran débutants recommandé sur un autre topic. J'avais eu ce manuel et je n'y ai rien compris. J'ai en effet besoin d'exos bêtes et méchants pour m'approprier une langue.

Maintenant, l'imprégnation peut marcher, je pense, sur des élèves de bon niveau, qui lisent beaucoup. En tant qu'élève, je n'ai pas appris les tournures de phrases complexes en cours de grammaire, mais parce que je lisais beaucoup et que je recasais des tournures de phrases que j'avais lues dans les livres. Pb : j'ai aussi intégré des erreurs, parce qu'un livre a été mal traduit. (C'est pour ça que je bondis quand je lis dans Twilight des "rigola-t-il")

Mais pour des élèves moins naturellement "imprégnés", la grammaire permet de comprendre la structure de la langue.
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 13:15
rose a écrit:lilith, que fais tu écrire dans le cahier par exemple, si tu ne fais ni lecture expliquée ni grammaire?

je fonctionne avec un gros classeur qu'ils gardent à la maison. Durant la durée de la séquence, ils ont une pochette cartonnée, avec tous les polycop et les cours. Je leur distribue à chaque heure le texte avec les questions tapées, que nous faisons ensemble et ils notent donc les réponses, puis les exercices d'écriture.
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par Invité24 Dim 7 Juin 2009 - 13:15
mais donc ce sont des lectures expliquées non?
lilith888
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 13:17
je ne sais pas vraiment ce que l'on appelle par "lecture expliquée" : je ne fais pas d'explication suivant un plan comme en fac, mais les questions suivent l'ordre du texte et ne portent pas sur l'histoire ni les personnages.
bibliominis
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par bibliominis Dim 7 Juin 2009 - 13:32
Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous envoyer un exemple de questionnaire sur un texte très connu car vous avez attisé ma curiosité.
Quand j'aborde un extrait de récit avec mes élèves, je leur pose toujours les mêmes questions de départ qu'ils connaissent d'ailleurs par coeur (Qui sont les personnages ? Que font-ils ? Pourquoi ? Quels sont leurs sentiments ou émotions ? Où se passe l'action ? Quand ?). Ils écrivent ainsi un petit texte. Ensuite j'approfondis à l'oral avec eux. Pourquoi ce texte est intéressant à lire ... J'insiste sur l'importance d'utiliser de niveau de langue courant, d'employer un vocabulaire précis. Je reprends leurs phrases et leurs idées pour la synthèse. Ils savent que le but sera d'écrire, par exemple, leur propre métamorphose si on a lu Les métamorphoses d'Ovide.
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par Invité24 Dim 7 Juin 2009 - 14:43
oui, ce serait sympa qu'on voie ce que tu fais, ça nous apporterait concrètement un autre regard.
tu voudrais bien?
V.Marchais
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par V.Marchais Dim 7 Juin 2009 - 15:49
paffutella a écrit:deux remarques:
Deuxième remarque, la méthode assimil repose sur l'idée que l'on peut s'imprégner d'une langue de sorte d'en connaître intuitivement la grammaire et d'être capable de s'y exprimer correctement.

Oui. J'ajouterais que cette méthode Assimil s'adresse à des adultes déjà structurés dans leur langue, ce qui n'est pas le cas de jeunes élèves : l'école est là, justement, pour élucider cette structure, donner aux élèves du recul sur le fonctionnement de leur langue. Et le cours de grammaire est le seul temps spécifique pour présenter la langue dans son fonctionnement régulier, cohérent, organisé. Ca permet de sacrément clarifier les choses.

Je pense que votre méthode, Lillith, peut fonctionner (?) parce que vous êtes, selon vos propres dires, dans un bon établissement. Mais croyez-moi, dans les ZEP où je suis passée, avec des élèves qui ne savent pas construire une relative, si vous ne prenez pas un temps spécifique pour expliquer méthodiquement comment on construit ces relatives, avec travail sur les pronoms relatifs, leur nature, et exercices systématiques de transformation, il n'y arriveront jamais par la seule vertu de l'imitation du texte (même si c'est un travail que je trouve, par ailleurs, très intéressant, l'écriture d'imitation).

Par contre, je crois votre travail sur l'oral très formateur - et là-dessus nous devrions tous en prendre de la graine : le travail de la langue commence à l'oral et nous sommes nombreux, moi la première, à ne pas être assez exigeants sur ce point, emportés que nous sommes par la rapidité des échanges oraux.

Dernière chose : la grammaire, c'est essentiel pour s'y retrouver dans un texte, donc bien comprendre, pour bien s'exprimer aussi, mais pas seulement. C'est aussi un moyen de développer une pensée abstraite, une représentation conceptuelle et ordonnée de la langue, et le raisonnement logique. C'est très important pour la formation de l'esprit et du raisonnement, au point qu'Hegel faisait de la grammaire une propédeutique indispensable à la philosophie.

Pour finir, une remarque et une anecdote :
Le niveau des élèves, des dires mêmes du HCE (je ne parle pas de Sauver Les Lettres !), n'a pas cessé de s'effondrer avec la disparition progressive de la grammaire à l'école primaire, et parfois au collège, en particulier depuis l'ORL. Quel crû, les élèves des programmes 2002 ! Nous sommes quelques-uns, je crois, à en avoir fait l'observation. Chacun en tirera les conclusions qu'il voudra.

Et pour finir sur une note plaisainte, l'anecdote : il y a quelques temps, une de mes collègues d'Anglais, désespérée par le charabia qu'écrivait un élève, me prend à témoin : "Mais c'est n'importe quoi, regarde : "Kept silence that [suite de la phrase oubliée]". Ce n'est même pas du petit nègre, ça ne veut rien dire. Pourquoi il écrit des trucs pareils ?" Il m'a fallu un moment pour comprendre : "Sais-tu que..." est devenu, pour notre élève qui n'a d'autre ressource que de traduire mot à mot : "s'est tu que" (probablement par l'intermédiaire d'un traducteur automatique, merci internet !). Charabia en français, charabia en anglais !

Bon dimanche,
Véronique.
Caro
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par Caro Dim 7 Juin 2009 - 15:59
Les nouveaux programmes (socle commun etc..) ne demandent-ils pas d'ailleurs de revenir à une grammaire plus systématique? C'est ce que nous demande notre inspecteur académique en Martinique ( cahier réservé à la grammaire et réserver au moins une heure par semaine pour cela).
C'est également ce que notre inspecteur nous a dit en Guyane. C'est pour cela que, depuis cette année, nous travaillons avec le cahier Bordas de la 6ème à la 3ème. La priorité de notre académie est la maîtrise de la langue française qui, toujours selon l'inspecteur, doit obligatoirement passer par des séances systématiques de grammaire. Les élèves travaillent donc la langue au moins 1h30 par semaine et je suis satisfaite des résultats.
venus13
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par venus13 Dim 7 Juin 2009 - 16:27
lilith888 a écrit:Voilà, le post est ouvert, par contre, comme il est tard (je vais pas tarder à aller ronfler sous la couette), je vous laisse le lancer

pour toutes les classes de collège ? même les 3ème ? pourtant au Brevet ya des questions de type grammaire/conjugaison alors comment fais-tu pour les entrainer ?
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 17:20
C'est la raison pour laquelle je ne prends pas de classes de 3ème (raison bis : je déteste le programme)

Sinon, effectivement, je le répète : je peux me permettre cela puisque les élèves que j'ai en face ne sont pas en grande difficulté avec leur langue. Pas sûr que cette méthode soit applicable en ZEP, j'en conviens aisément
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 17:22
Pour l'envoi d'un questionnaire type, je suis partante.. Mais voulez quoi ? Poésie, roman, théâtre ? quel niveau ?
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par Invité24 Dim 7 Juin 2009 - 17:43
faisons simple: roman, en 4°. un texte fantastique peut-être?
ou une fable en 6°?
V.Marchais
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par V.Marchais Dim 7 Juin 2009 - 18:18
Re bonjour,

Je veux bien voir aussi ce que donne concrètement votre "méthode scientifique". Je n'adhère pas a priori mais la voir en oeuvre m'aidera peut-être à nuancer mon jugement ?

Cordialement,
Véronique.
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par Invité Dim 7 Juin 2009 - 18:24
Ca m'intéresse beaucoup, moi aussi, Lilith. Merci de nous montrer un questionnaire révélateur.
Amaliah
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par Amaliah Dim 7 Juin 2009 - 20:42
Moi aussi ça m'intéresse de voir comment tu travailles, Lilith!
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 22:03
ok, j'ai une séance sur la parodie du genre fantastique (première séquence 4ème), mais les textes et les questionnaires sont longs...




Texte 1 : Le fantôme de Canterville d’Oscar Wilde



A onze heures la famille se retira, et dès onze heures et demie toutes les lumières étaient éteintes.

Quelque temps après, Mr Otis fut réveillé par un bruit bizarre dans le couloir, à l’extérieur de sa chambre. On eût dit un tintement de métal, et il semblait se rapprocher d’instant en instant. Il se leva immédiatement, frotta une allumette et regarda l’heure. Il était exactement une heure. Mr Otis était très calme, et se tâta le pouls, qui n’était nullement fébrile.

Le bruit étrange se prolongea encore, et il entendit en même temps distinctement un bruit de pas. Il chaussa ses pantoufles, prit dans sa mallette une petite fiole oblongue, et ouvrit la porte. Juste en face de lui il vit, au pâle clair de lune, un vieillard d’aspect terrible. Il avait des yeux rouges pareils à des charbons incandescents ; une longue chevelure grise lui tombait sur les épaules en tresses emmêlées ; ses vêtements, d’une coupe ancienne, étaient salis et élimés. De lourdes menottes et des fers rouillés lui pendaient aux poignets et aux chevilles.

« Cher monsieur, dit Mr Otis, permettez-moi vraiment d’insister auprès de vous pour que vous huiliez ces chaînes : je vous ai apporté à cette fin un petit flacon de lubrifiant Soleil Levant Tammany. On le dit totalement efficace dès la première application, et il y a, sur l’emballage, plusieurs attestations allant dans ce sens, émanant de quelques-uns de nos ecclésiastes les plus éminents. Je le laisse ici pour vous, à côté des veilleuses, et je me ferai un plaisir de vous en fournir encore au cas où vous en auriez besoin »

Sur ces mots, le ministre des Etats-Unis posa le flacon sur une table à dessus de marbre, et, fermant sa porte, se retira dans sa chambre pour se reposer.

Un instant, le fantôme de Canterville demeura absolument immobile, dans un accès d’indignation bien naturelle ; puis, ayant lancé violemment le flacon sur le parquet poli, il s’enfuit le long du couloir, en poussant des gémissements sourds et en émettant une lueur verdâtre et fantomatique.

Mais au moment précis où il atteignait le haut de l’escalier de chêne, une porte s’ouvrit brusquement, deux petits personnages apparurent, vêtus de longues robes blanches, et un gros oreiller lui frôla la tête avec un sifflement. Il n’y avait manifestement pas de temps à perdre ; aussi, adoptant à la hâte, comme moyen d’évasion, la quatrième dimension de l’espace, disparut-il à travers le lambris, et la maison devint-elle absolument silencieuse.



(…) La seconde apparition du fantôme eut lieu le dimanche soir. Peu après être allés se coucher, ils furent soudain alertés par un fracas épouvantable dans le vestibule. Etant redescendus précipitamment, ils constatèrent qu’une énorme armure ancienne s’était détachée de son socle, et était tombée sur le dallage, tandis qu’assis dans un fauteuil à haut dossier, le fantôme de Canterville se frottait les genoux, le visage empreint d’une expression de souffrance intense. Les jumeaux, qui avaient emporté leurs sarbacanes, lui décochèrent immédiatement deux boulettes, avec cette précision dans le pointage qui ne peut être obtenue que par une pratique longue et attentive (…) Le fantôme se dressa d’un bond, avec un hurlement sauvage de colère, et les traversa comme une brume, éteignant en passant la bougie de Washington Otis, ce qui les laissa tous dans l’obscurité complète.

Lorsqu’il arriva en haut de l’escalier, il reprit ses esprits, et résolut à lancer son célèbre éclat de rire démoniaque (…) Mais à peine le dernier éclat s’était-il éteinte, qu’une porte s’ouvrit, et que Mrs Otis sortit de sa chambre, vêtue d’un peignoir bleu clair.

« Votre santé me paraît vraiment laisser à désirer, dit-elle ; aussi vous ai-je apporté un flacon de l’élixir du docteur Dobell. Si vous souffrez d’une indigestion, vous constaterez que c’est un remède tout à fait excellent »

Le fantôme la fusilla du regard, et s’apprêta immédiatement à se transformer en un gros chien noir (…) Toutefois, un bruit de pas se rapprochant le fit hésiter dans son féroce dessein, de sorte qu’il se contenta de devenir légèrement phosphorescent, et de disparaître dans un gémissement sépulcral, juste au moment où les jumeaux le rejoignaient.

Ayant regagné sa chambre, il perdit totalement contenance, et devint la proie de l’agitation la plus violente. La vulgarité des jumeaux, et le matérialisme grossier de Mrs Otis lui étaient, bien entendu, extrêmement désagréables ; mais ce qui, à dire vrai, le contrariait le plus, c’était d’avoir été incapable de revêtir l’armure. Il avait espéré que même des Américains modernes frémiraient à la vue d’un fantôme en armure (…) Pourtant, en essayant de la revêtir, il avait été complètement écrasé par le poids de l’énorme cuirasse et du heaume, et était tombé lourdement sur le sol dallé, s’écorchant sérieusement les deux genoux, et se meurtrissant les jointures de la main droite.




Texte 2 : Le Château des Carpathes de Jules Verne






Personne, sans doute, puisque le jeune comte avait perdu la raison, n’aurait jamais eu l’explication des derniers phénomènes dont le château des Carpathes avait été le théâtre, sans les révélations qui furent faites dans les circonstances que voici.

Pendant quatre jours, Orfanik avait attendu, comme c’était convenu, que le baron de Gortz vînt le rejoindre à la bourgade de Bistritz. En ne le voyant pas reparaître, il s’était demandé s’il n’avait pas été victime de l’explosion. Poussé alors par la curiosité autant que par l’inquiétude, il avait quitté la bourgade, il avait repris la route de Werst, et il était venu rôder aux environs du burg.

Mal lui en prit, car les agents de la police ne tardèrent pas à s’emparer de sa personne sur les indications de Rotzko, qui le connaissait et de longue date (…) En premier lieu, sur les demandes pressantes de Rotzko, Orfanik affirma que la Stilla était morte et qu’elle était enterrée et bien enterrée depuis cinq ans dans le cimetière de Naples.

Cette affirmation ne fut pas le moindre des étonnements que devait provoquer cette étrange aventure.

En effet, si la Stilla était morte, comment se faisait-il que Franz eût pu entendre sa voix dans la grande salle de l’auberge, puis la voir apparaître sur le terre-plein du bastion, puis s’enivrer de son chant, lorsqu’il était enfermé dans la crypte ?... Enfin, comment l’avait-il retrouvée vivante dans la chambre du donjon ?

Voici l’explication de ces divers phénomènes, qui semblaient devoir être inexplicables.

On se souvient de quel désespoir avait été saisi le baron de Gortz, lorsque le bruit s’était répandu que la Stilla avait pris la résolution de quitter le théâtre pour devenir comtesse de Télek. L’admirable talent de l’artiste allait lui manquer.

Ce fut alors que Orfanik lui proposa de recueillir, au moyen d’appareils phonographiques, les principaux morceaux de son répertoire que la cantatrice se proposait de chanter à ses représentations d’adieu. Ces appareils étaient merveilleusement bien perfectionnés à cette époque, et Orfanik les avait rendus si parfaits que la voix humaine n’y subissait aucune altération, ni dans son charme, ni dans sa pureté.

Le baron de Gortz accepta l’offre du physicien. Des phonographes furent installés successivement et secrètement au fond de la loge (…)

Voici en quelles conditions le baron de Gortz était venu s’enfermer au château des Carpathes, et là, chaque soir, il pouvait entendre les chants qui avaient été recueillis par ces admirables appareils. Et non seulement il entendait la Stilla, comme s’il eût été dans sa loge, mais – ce qui peut paraître absolument incompréhensible – il la voyait comme si elle eût été vivante, devant ses yeux.

C’était un simple artifice d’optique.

On n’a pas oublié que le baron de Gortz avait acquis un magnifique portrait de la cantatrice. Ce portrait la représentait en pied avec son costume blanc de l’Angélica d’Orlando et sa magnifique chevelure dénouée. Or, au moyen de glaces inclinées suivant un certain angle calculé par Orfanik, lorsqu’un foyer puissant éclairait ce portrait placé devant un miroir, la Stilla apparaissait, par réflexion, aussi « réelle » que lorsqu’elle était pleine de vie et dans toutes la splendeur de sa beauté. C’est grâce à cet appareil, transporté pendant la nuit sur le terre-plein du bastion, que Rodolphe de Gortz l’avait fait apparaître, lorsqu’il avait voulu attirer Franz de Télek ; c’est grâce à ce même appareil que le jeune comte avait revu la Stilla dans la salle du donjon, tandis que son fanatique admirateur s’enivrait de sa voix et de ses chants.

Tels sont, très sommaires, les renseignements que donna Orfanik d’une manière plus détaillée au cours de son interrogatoire. Et, il faut le dire, c’est avec une fierté sans égale qu’il se déclara l’auteur de ces inventions géniales, qu’il avait portées au plus haut degré de perfection.

Cependant, si Orfanik avait matériellement expliqué ces divers phénomènes, ou plutôt ces « trucs », pour employer le mot consacré, ce qu’il ne s’expliquait pas, c’était pourquoi le baron de Gortz, avant l’explosion, n’avait pas eu le temps de s’enfuir par le tunnel du col du Vulkan. Mais, lorsque Orfanik eut appris qu’une balle avait brisé l’objet que Rodolphe de Gortz emportait entre ses bras, il comprit. Cet objet, c’était l’appareil phonographique qui renfermait le dernier chant de la Stilla, c’était celui que Rodolphe de Gortz avait voulu entendre une fois encore dans la salle du donjon, avant son effondrement. Or, cet appareil détruit, c’était la vie du baron de Gortz détruite aussi, et, fou de désespoir, il avait voulu s’ensevelir sous les ruines du burg. (…)

Mais, de ce que ces divers phénomènes ont été mis au jour d’une façon naturelle, il ne faudrait pas s’imaginer que les habitants ne croient plus aux fantastiques apparitions du burg (…) On comptera bien des années, vraisemblablement, avant que ces braves gens aient renoncé à leurs superstitieuses croyances (…) Longtemps encore, la jeune génération de Werst croira que les esprits de l’autre monde hantent les ruines du château des Carpathes.
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 22:04
Questionnaires + correction


QUESTIONS Texte 1 :

  • Dans le premier paragraphe (L1 à 5) quels sont les indices typiques du genre fantastique ? Mais quel élément est anormal ici ? à la nuit et l’obscurité « toutes les lumières étaient éteintes », le personnage « réveillé par un bruit bizarre », les modalisateurs « on eût dit », « il semblait se rapprocher d’instant en instant » / mais ce qui est étrange ici est la réaction de Mr Otis « très calme » et le pouls « nullement fébrile » (donc aucune marque physique de la peur)
  • Dans le 2ème paragraphe (L6 à 11) en quoi peut-on dire que le portrait du fantôme de Canterville est assez traditionnel (voire stéréotypé) à « bruit étrange », « bruit de pas », « au pâle clair de lune » (cliché), « un vieillard d’aspect terrible », « des yeux rouges », « une longue chevelure grise », « vêtements anciens et salis », « lourdes menottes et fers rouillés » = portrait du spectre typique
  • Comment réagit Mr Otis lorsqu’il est face au fantôme ? Est-ce la réaction attendue par le lecteur ? à Le plus calmement du monde, il lui propose de huiler ses chaînes pour éviter le bruit et pour ne plus le réveiller la nuit. Le lecteur aurait plutôt attendu une réaction de peur ici = décalage
  • Montrez que les lignes 19 à 21 puis les lignes 22 à 26 sont elles aussi bâties sur ce même mécanisme : éléments typiques du fantastique puis décalage comique à « ayant lancé violemment », « gémissements sourds », « lueur verdâtre et fantomatique » / l’attaque des jumeaux qui font une bataille de polochons, et la fuite du fantôme qui prend peur (inversion totale des rôles) « adoptant à la hâte, comme moyen d’évasion, la 4ème dimension de l’espace »
  • La seconde apparition du fantôme : que fait-il de typiquement fantastique dans sa mise en scène ? à la nuit encore une fois, « alertés par un fracas épouvantable » et la posture du fantôme qui « se frottait les genoux, le visage empreint d’une expression de souffrance intense » = posture effrayante
  • Comment réagissent les jumeaux de la famille Otis ? Quel est l’effet sur le lecteur ici ? à ils « lui décochèrent immédiatement deux boulettes » effet comique, de décalage immédiat avec langage courant/familier
  • L36, arrivé en haut de l’escalier, le fantôme « reprit ses esprits » : explique le jeu de mots à C’est un calembour : fantôme > esprit
  • Quelle est, enfin, la troisième humiliation dont est victime le fantôme ? à Il croit effrayer avec son « célèbre éclat de rire démoniaque », mais Mrs Otis lui propose une potion pour gens malades (alors qu’il est mort !)
  • Enfin, pourquoi finalement ne se transforme-t-il pas en gros chien noir ? (L42) à Parce qu’il a entendu les jumeaux venir et qu’il a eu peur d’eux. Du coup, il devient juste « légèrement phosphorescent » (ridicule)
  • Qu’apprend-on à la fin de ce texte ? En quoi peut-on parler de chute comique ? à On apprend qu’en fait, ce n’était pas du tout une mise en scène effrayante peu avant : le fantôme s’est réellement fait mal avec l’armure qu’il a faite tomber au sol : il souffrait donc réellement ! (ce qui est étrange, puisque c’est un fantôme)










QUESTIONS Texte 2 :

  • A quoi vous fait penser le mécanisme entier de ce texte ? à aux fins de romans policiers avec les révélations (et les retours en arrière pour expliquer) + série animée Scoubidou
  • L14 à 17 : qui se pose ces questions ici ? à ce sont les mêmes questions que se pose le lecteur à ce moment de l’aventure
  • « Voici l’explication de ces divers phénomènes, qui semblaient devoir être inexplicables » : quelle figure de style est ici utilisée ? à L’antithèse : réunir ensemble deux termes contraires (explication de quelque chose d’inexplicable)
  • L19 « On se souvient de… », L34 « On n’a pas oublié… » : qui parle ici et à qui ? à C’est l’auteur (ou le narrateur) qui semble s’adresser directement au lecteur pour lui livrer les explications finales (donc, met à mal le principe de fiction)
  • Comment s’expliquent ici les phénomènes surnaturels ? à On découvre les « trucs » (L46) qui ont fait croire à du surnaturel. Ici on est dans le réalisme le plus total : appareils phonographiques pour la voix et « simple artifice d’optique » (L33) pour le fantôme de la Stilla
  • L37 : « La Stilla apparaissait aussi « réelle » que lorsqu’elle était pleine de vie » : pourquoi le mot est-il mis en italique ? à Pour bien montrer qu’il s’agissait d’une supercherie, d’une fausse réalité surnaturelle
  • Quel est le type de texte utilisé ici par Jules Verne ? à Texte explicatif « voici » (répété plusieurs fois pour segmenter les étapes), « au moyen de… », « c’est grâce à cet appareil… », « tels sont les renseignements… » (L42-43) : on a l’impression ici que l’auteur fait un retour rapide sur la fin de son texte. Révélations brutales et froides.
  • Après ces révélations, que continuent pourtant de faire les habitants du bourg ? à Continuent malgré tout de croire au surnaturel
  • Au-delà des habitants du bourg, à qui peut également s’adresser cette critique / moquerie ? à A tous les lecteurs du genre fantastique qui croient réellement au surnaturel
lilith888
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 22:05
Synthèse :


Synthèse : De par ses schémas stéréotypés (action la nuit, toujours le même vocabulaire de la peur, les mêmes sensations physiques, les mêmes créatures et motifs), le genre fantastique peut facilement être parodié. On va alors faire rire avec ce qui est censé faire peur (détournement total d’effet, presque à l’opposé). La parodie, pour être efficace, doit faire deux choses : d’abord rassembler des indices typiques du genre qu’elle veut imiter pour qu’on le reconnaisse immédiatement, puis, dans un second temps, elle doit créer un décalage et jouer sur les attentes du lecteur pour les détourner (par exemple : le calme de Mr Otis, les farces des jumeaux, le remède de Mrs Otis…). La parodie peut également faire de l’humour avec des jeux de mots ou du registre courant / familier qui accentue ce décalage. Elle peut également jouer sur les non-sens (ex : un fantôme qui souffre physiquement ou qui a peur à la place de ses victimes…). Dans un autre style, la parodie peut aussi, au lieu de faire rire, ridiculiser le genre fantastique en déjouant tous ses mécanismes et en le faisant totalement basculer dans un univers froidement réaliste, presque « terre à terre »… Il n’y a alors plus aucune place pour le doute propre au genre fantastique.


lafilledelair
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par lafilledelair Dim 7 Juin 2009 - 22:14
Je conçois fort bien qu'il ne soit pas nécessaire de faire de la grammaire avec des élèves de bon niveau, qui probablement baignent dans un bon bain culturel et linguistique. Mais je travaille en zep et pour la majorité de mes élèves, leur langue maternelle est pour ainsi dire devenue langue étrangère 😢

Pour ma part, ce qui me laisse perplexe, c'est :
lilith888 a écrit: les questions suivent l'ordre du texte et ne portent pas sur l'histoire ni les personnages.
J'aimerais comprendre comment tu mènes ta séance et surtout, comment tu réussis à intéresser tes élèves à la forme sans passer par l'histoire, les personnages. Ne sont-ils pas à l'âge où ils ont avant tout envie de lire de belles histoires ? Quand ils en ont envie... Ma question est : comment fais-tu pour les captiver ? Very Happy
Moi, j'arrive rarement à captiver mes élèves, mais quand j'y arrive, c'est parce que l'histoire leur plaît, leur parle... Une question en amène une autre : sur quels critères choisis-tu tes textes ?
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par lafilledelair Dim 7 Juin 2009 - 22:21
Il y a un truc que je ne comprends pas : tu écris que c'est ta première séquence en 4è et la première question porte sur les indices typiques du genre fantastique. Sur quoi leurs réponses s'appuient-elles ?
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par Invité Dim 7 Juin 2009 - 22:23
Je trouve que Lilith s'expose en donnant un exemple précis de ce qu'elle fait, alors soyons fair-play sans lui tendre de piège... Tout le monde ne prend pas ce risque, non ?
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par Invité Dim 7 Juin 2009 - 22:27
Je ne pense pas que quiconque tende un piège, Lula. Seulement, Lilith a une démarche qui surprend et que nous aimerions mieux la comprendre. J'espère qu'elle n'y voit pas un piège non plus.
Une question que je me pose :
Tu donnes le questionnaire aux élèves, c'est ça, Lilith? Est-ce que tu essaies de les faire parler seuls d'abord, de les amener à poser seuls des hypothèses de lecture?
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 22:32
lafilledelair a écrit:Il y a un truc que je ne comprends pas : tu écris que c'est ta première séquence en 4è et la première question porte sur les indices typiques du genre fantastique. Sur quoi leurs réponses s'appuient-elles ?

première séquence, mais dernière séance : on a étudié le Horla pendant la séquence
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 22:35
lafilledelair a écrit:Je conçois fort bien qu'il ne soit pas nécessaire de faire de la grammaire avec des élèves de bon niveau, qui probablement baignent dans un bon bain culturel et linguistique. Mais je travaille en zep et pour la majorité de mes élèves, leur langue maternelle est pour ainsi dire devenue langue étrangère 😢

Pour ma part, ce qui me laisse perplexe, c'est :
lilith888 a écrit: les questions suivent l'ordre du texte et ne portent pas sur l'histoire ni les personnages.
J'aimerais comprendre comment tu mènes ta séance et surtout, comment tu réussis à intéresser tes élèves à la forme sans passer par l'histoire, les personnages. Ne sont-ils pas à l'âge où ils ont avant tout envie de lire de belles histoires ? Quand ils en ont envie... Ma question est : comment fais-tu pour les captiver ? Very Happy
Moi, j'arrive rarement à captiver mes élèves, mais quand j'y arrive, c'est parce que l'histoire leur plaît, leur parle... Une question en amène une autre : sur quels critères choisis-tu tes textes ?

disons que cette première étape se fait à l'oral, pendant 5, 10 minutes maximum.
et je le répète encore : face à des élèves en grande difficulté, il est évident que ma priorité serait plutôt de les remettre à niveau question formation de phrases et orthographe.
Je distribue le texte, le situe, on le lit. Ensuite je leur demande ce qu'ils ont compris de l'histoire, on met les choses au clair, et on voit l'intérêt d'étudier le texte par rapport à l'objectif de la séance.
ensuite, je distribue le questionnaire et on y répond ensemble à l'oral. Parfois les réponses obtenues diffèrent de celles que j'avais sur mon corrigé, et il m'arrive d'arrêter le cours pour moi-même noter la réponse de l'élève sur mon cours, tant je la trouve plus pertinente que la mienne !
on fait un medley de leurs réponses au tableau, ils copient, puis on lit et on explique la synthèse qui récapitule les acquis
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par lafilledelair Dim 7 Juin 2009 - 22:36
C'est pour moi que tu dis ça heu

Je ne cherche pas du tout à lui tendre un piège ! Je cherche seulement à comprendre !
Si elle fait cela c'est qu'elle sait où elle va et qu'elle pourra s'appuyer sur les connaissances et la culture de ses élèves. Et je trouve cela épatant ! Quelle chance !
Pour mes élèves de 4è en début d'année : fantastique, science-fiction, merveilleux, c'est la même soupe ! Mais le pire, c'est qu'en fin d'année, après avoir travaillé sur les caractéristiques du fantastique, après avoir distingué le fantastique des autres genres cités ci-dessus, eh bien... ils ne voient toujours pas la différence... Ils ne retiennent pas, n'apprennent pas, sont incapables de se concentrer sur le cours, n'ont pas le courage de chercher des indices dans un texte, ne comprennent pas les consignes les plus élémentaires...
J'ai commencé à lire le questionnaire et je vois bien que les questions sont absolument hors de portée de mes élèves. Quelque part, je suis rassurée de voir qu'il existe encore des élèves comme ceux de Lilith...
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 22:37
Camélionne a écrit:Je ne pense pas que quiconque tende un piège, Lula. Seulement, Lilith a une démarche qui surprend et que nous aimerions mieux la comprendre. J'espère qu'elle n'y voit pas un piège non plus.
Une question que je me pose :
Tu donnes le questionnaire aux élèves, c'est ça, Lilith? Est-ce que tu essaies de les faire parler seuls d'abord, de les amener à poser seuls des hypothèses de lecture?

ne t'inquiètes pas ! je suis au contraire ravie de pouvoir débattre tranquillement.
Les hypothèses de lecture se font avant la distribution du questionnaire. Souvent, il m'arrive de leur demander, à leur avis, pourquoi je leur donne tel texte à étudier en rapport avec l'objectif, et s'ils y voient des phénomènes intéressants...

De plus en plus, ils en arrivent même à anticiper les questions posées, puisqu'ils adoptent le même raisonnement que moi. "ah madame, là, y'a ça..." et moi de répondre "justement, il y a une question dessus..."
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