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- ParménideNeoprof expérimenté
fracflo a écrit:Bien que la définition par Todorov du fantastique comme hésitation entre explication rationnelle (et donc folie du héros) et phénomène paranormal me semble très restrictive, j'ai choisi d'axer ma séquence sur cette tension, qu'on retrouve bien dans les nouvelles de Maupassant.
J'aimerais illustrer la théorie de Todorov en diffusant également un film fantastique. Or je n'en vois pour le moment que deux qui correspondent pleinement à sa définition : Rosemary's baby (qui me semble trop malsain pour des élèves de quatrième) et Les Autres.
Avez-vous d'autres idées?
Il y a un film extraordinaire qui va tout à fait dans ce sens, certes moins malsain que Rosemary's baby, mais peut être intellectuellement un peu aride :
http://television.telerama.fr/tele/films/un-papillon-sur-l-epaule,69414.php
Encore que, on est peut-être plus dans un monde limite Kafka-Borges que plus ouvertement paranormal.
- KapellmeisterHabitué du forum
Les Innocents de Jack Clayton avec Deborah Kerr. C'est l'adaptation du Tour d'écrou de Henry James.
Il y a des apparitions, mais on ne sait jamais exactement si elles sont réelles ou si elles sont le produit des névroses des personnages.
Il y a des apparitions, mais on ne sait jamais exactement si elles sont réelles ou si elles sont le produit des névroses des personnages.
- Nom d'utilisateurNiveau 10
Le vénérable PauvreYorick, à ses riches heures, a écrit:
Ah oui, il y a une façon « asiatique » (histoire de raccourcir...) d'exploiter le filon fantastique, Dark Water en témoigne. Très différemment, Oncle Boonmee d'Apichatpong Weerasethakul pourrait se qualifier, même si ça ne joue pas du tout sur l'effroi.
Le vénérable Ruthven a répondu :
Tu mériterais qu'on te dénonce aux élèves pour avoir voulu leur infliger Oncle Boonmee ... Razz
Cela doit être beau une diffusion à des quatrièmes ...
Le vénérable mais soudainement plus fauché Yorick a perfidement rétorqué :
Oh mais je n'ai jamais eu une intention aussi noire Wink
(Je dénonce à mon tour Nom d'utilisateur au même titre et pour les mêmes raisons, na.)
Cela fait certes des lustres que des élève de quatrième ne sont pas passés sous mes fourches caudines, mais pour avoir aussi humblement contribué à la fabrication d'une mioche qui fut un temps en quatrième, je peux témoigner qu'à cet âge-là, sans être un génie (et je remercie ma gamine de n'être ni un génie, ni même la première de sa classe, ce qui m'aurait gonflé top grave), on peut entendre qu'un certain type de fantastique, celui que Todorov avait en tête lorsqu'il citait - je parle de mémoire - la Dame de Pique de Pouchkine, et qui n'est certainement pas le seul type de fantastique qui existe... à cet âge-là, adoncques, on peut entendre que l'effroi ou le sensationnel ne sont pas nécessairement de la partie. (et entre nous, rien que le nom du réalisateur thaï, déjà, il fait autant rêver que le nom de l'aéroport de Bangkok, non ?)
Du coup, c'est à l'enseignant de voir en fonction de sa classe. Vu de très loin sans doute, à tort peut-être, je ne pense pas qu'il existe vraiment un format standard de classe de 4è. Avec certaines, sans doute, il faut y aller avec de gros sabots, je dis pas... Vous savez mieux que moi.
- User5899Demi-dieu
Les enfants, les enfants, on joue gentiment sans se chambrer
- User17706Bon génie
C'est vrai, mais il faudrait un concours de circonstances exceptionnel pour qu'une classe de quatrième acceptât aisément de se plonger dans Stalker, j'imagine
- Nom d'utilisateurNiveau 10
يوريك a écrit:C'est vrai, mais il faudrait un concours de circonstances exceptionnel pour qu'une classe de quatrième acceptât aisément de se plonger dans Stalker, j'imagine
Bon, je vais le regarder à nouveau, en effet. Je l'avais vu en classe de Troisième je crois, c'est vrai, le sentiment qu'un filet d'eau te coule entre les omoplates lors du passage du N&B à la couleur me vient de cette année-là. Enorme surprise à la lecture, des années après, du roman des Strougatski...
- CasparProphète
Sinon, il y a une épisode de Buffy où ne sait pas bien si les saisons précédentes sont la réalité ou le fruit de l'imagination d'une Buffy complètement folle et internée dans un hôpital psychiatrique (ne riez pas, cet épisode est vraiment troublant).
- fracfloNiveau 8
Je ne vais tout de même pas diffuser un épisode de cette série. Les élèves méritent mieux que ces choses-là...
- CasparProphète
Je plaisantais, mais je trouve ton mépris ridicule tout de même. Cet épisode peut être le point de départ d'une réflexion sur le fantastique.
- AudreyOracle
trompettemarine a écrit:Finalement, c'est un sujet... Dans quelle mesure un film fantastique obéit-il aux règles de Todorov ?
Le sujet est un classique, en fait...
Quand on réfléchit un peu, même en littérature, se raccrocher à toute force à la définition de Todorov est extrêmement réducteur.
La plupart de ce que l'on admet communément aujourd'hui comme relevant du fantastique en littérature ou au cinéma ne répond pas à cette définition, en fait..
- User17706Bon génie
Souvent, dans ce genre de domaine, on appelle justement « définition » ce qui, clairement, n'en est pas une (mais plutôt un type idéal).
- RobinFidèle du forum
+1000 ; on pourrait effectivement citer des dizaines de contrexemples (Le Double de Dostoïevski, le Nez de Nicolas Gogol, Dracula de Bram Stocker, le Passe muraille de Marcel Aimé, Frankenstein de Marie Shelley, etc.).Audrey a écrit:trompettemarine a écrit:Finalement, c'est un sujet... Dans quelle mesure un film fantastique obéit-il aux règles de Todorov ?
Le sujet est un classique, en fait...
Quand on réfléchit un peu, même en littérature, se raccrocher à toute force à la définition de Todorov est extrêmement réducteur.
La plupart de ce que l'on admet communément aujourd'hui comme relevant du fantastique en littérature ou au cinéma ne répond pas à cette définition, en fait..
- JacqGuide spirituel
Robin a écrit:+1000 ; on pourrait effectivement citer des dizaines de contrexemples (Le Double de Dostoïevski, le Nez de Nicolas Gogol, Dracula de Bram Stocker, le Passe muraille de Marcel Aimé, Frankenstein de Marie Shelley, etc.).Audrey a écrit:trompettemarine a écrit:Finalement, c'est un sujet... Dans quelle mesure un film fantastique obéit-il aux règles de Todorov ?
Le sujet est un classique, en fait...
Quand on réfléchit un peu, même en littérature, se raccrocher à toute force à la définition de Todorov est extrêmement réducteur.
La plupart de ce que l'on admet communément aujourd'hui comme relevant du fantastique en littérature ou au cinéma ne répond pas à cette définition, en fait..
Sans esprit polémique, mais je ne sais pas si je dois classer Frankenstein dans la SF de l'époque (après tout, il y a une explication scientifique à la créature) ou le gothique. Avec une appelation actuelle, c'est du fantastique.
Nous sortons des films, mais en livre, le petit recueil "Nouvelles fantastiques 2 - Je suis d'ailleurs et autres nouvelles" présente un panel intéressant. Djoumane (Mérimée 1870 de mémoire)), l"Homme voilé (fin XIXe) et la Lentille de diamant (XIXe aussi je ne sais plus quand) correspondent bien à la définition de Todorov, puisque à la fin deux interprétations sont possibles. Les autres nouvelles, Je suis d 'ailleurs de HP Lovecraft (années 20) , Un fantôme et Wood'stown de A. Daudet ne proposent pas d'alternative en fin des nouvelles. Wood'stown tient plus du merveilleux.
Ce qui m'intéresse c'est qu'avec Lovecraft il n'y a plus d'hésitation pour le lecteur, simplement ce qui arrive au narrateur est inconcevable au reste du monde, et la raison du narrateur est ébranlée. Mais pour le lecteur, les faits sont réels, même si incroyables. On passe à l'horreur de la situation inconcevable pour un esprit raisonnable n'ayant pas vêcu les évènements. Ce qu'on retrouve dans l'Antre de la Folie (tombe bien, y a rien à la TV ce soir, je pense que je vais le revoir). Lovecraft, horreur, gothique, et maître du fantastique, nous sommes dans réel. Le doute demeure car personne ne peut croire ce que la narrateur sait (d'où les fins par suicide, en asiles etc...).
Est-ce que la définition de Todorov ne s'applique pas à une époque littéraire où le fantastique était encore le doute et l'hésitation entre le réel est la folie ? Dans "Djoumane", L'homme voile" "La lentille de diamant" c'est clair (rêve, folie.... que l'élève ne va percevoir qu'à la seconde lecture) mais on peut malgré tout donner une explication non rationnelle ? Mais une époque qui a été dépassée par la plupart des auteurs que nous appelons "fantastiques" ?
Souvent, depuis, ce qui n'est pas logique et rationnel domine, simplement l'explication ne peut être comprise ou admise par ceux qui n'ont pas vecu les évènements. Presque tous les films fantastiques s'engouffrent là dedans, l'évènement surnaturel. Les ouvrages aussi.
Si nous tombons dans les classifications des films actuels, c'est encore pire. On trouve des films de SF ou d'Heroic-fantasy classés fantastiques.
Je parlais du film "Le village", que j'ai utilisé pour le fantastique, l'explication est purement rationnelle. Mais qu'est-ce qui empêche d'avoir une autre explication ? Ces monstres supposés dans un monde réel et contemporain ont-ils existé ? A l'inverse, le film "Sixième Sens" présente l'irrationnel comme certain, mais après tout ? Le gamin n'a-t-il pas rêvé ? Dans "Les Autres" c'est un peu différent puisque nous avons là aussi clairement des fantômes.
POur le Labyrinthe de Pan, le jeu entre réalité et rêve est encore permis (très bon film d'ailleurs). Je ne sais pas par contre s'il peut être diffusé au collège, pas d'avis à ce sujet.
Et je maintiens que pour l'hésitation, certains épisodes d'X-Files (sans ET) sont excellents.
Buffy ? j'ai des doutes quand même.
C'était brouillon et dans le désorde, et cela n'apporte aucune réponse
Mais fantastique ou non, finalement, mon auteur de "fantastique" restera Lovecraft, quoi qu'en pense Todorov ou d'autres.
EDIT : c'est vrai que dans 6e sens la focalisation est essentiellement celle de B. Willis (comme dans "Les Autres" - ce qui limite largement l'intérêt pour ce dernier film moins novateur), donc : finalement non !
- Artémis2013Niveau 2
Bon, alors on est loin du classique du cinéma unanimement reconnu mais perso je trouve que le clip thriller correspond tout à fait à la définition de Todorov...
- ElyasEsprit sacré
Il est amusant que des films de SF utilisent la part de doute à la fin. Total recall avec Schwarzeneger laisse le doute sur le rêve ou la réalité (est-il toujours dans la machine ou y-a-t-il vraiment eu une intervention lorsqu'il a commencé à entrer dans la machine ?). De même, mais de façon plus ratée à mon sens mais c'est polémique, Inception pose aussi la question de la réalité ou du virtuel/rêve.
Ce peut être une façon amusante de se demander ce que devient le fantastique dans un monde ultra-technologique comme le nôtre.
De même, l'échelle de Jacob n'entre-t-elle pas dans ce type de film fantastique que propose Todorov (bon, par contre, faut pas le montrer aux élèves !!!).
Ce peut être une façon amusante de se demander ce que devient le fantastique dans un monde ultra-technologique comme le nôtre.
De même, l'échelle de Jacob n'entre-t-elle pas dans ce type de film fantastique que propose Todorov (bon, par contre, faut pas le montrer aux élèves !!!).
- JacqGuide spirituel
Je viens du coup de revoir l'Antre de la Folie. C'est assez bien fait pour un petit film des années 80-90.
Pour la fin d'Inception, ouverture sur le doute, ouverture sur la possibilité d'une suite. Le film allait un peu trop dans le spectactulaire et l'action à mon goût. Doute ? ou alors autre éventualité, à savoir que la cible du film finalement pourrait être le héros, et que c'est lui que l'on faisait descendre de palier en palier pour lui voler ses secrets, lui laissant croire qu'il avait un rôle actif alors que c'était lui la cible. C'est ce que j'attendais comme retournement final, qui n'est pas arrivé.
Matrix pouvait laisser planer un doute avant de sombrer de le banal film de SF. La 1re partie du premier film était plutôt bien, et puis la déception a été rapide.
Pour la fin d'Inception, ouverture sur le doute, ouverture sur la possibilité d'une suite. Le film allait un peu trop dans le spectactulaire et l'action à mon goût. Doute ? ou alors autre éventualité, à savoir que la cible du film finalement pourrait être le héros, et que c'est lui que l'on faisait descendre de palier en palier pour lui voler ses secrets, lui laissant croire qu'il avait un rôle actif alors que c'était lui la cible. C'est ce que j'attendais comme retournement final, qui n'est pas arrivé.
Matrix pouvait laisser planer un doute avant de sombrer de le banal film de SF. La 1re partie du premier film était plutôt bien, et puis la déception a été rapide.
- User5899Demi-dieu
Cripure a écrit:Vous le voyez comment ? Vraie question, hein.thierry75 a écrit:Buffet froid, un peu tordu de le voir comme "fantastique", mais pourquoi pas.
- CelebornEsprit sacré
Caspar Goodwood a écrit:Sinon, il y a une épisode de Buffy où ne sait pas bien si les saisons précédentes sont la réalité ou le fruit de l'imagination d'une Buffy complètement folle et internée dans un hôpital psychiatrique (ne riez pas, cet épisode est vraiment troublant).
En tant que grand fan de Buffy, capable de défendre que c'est une excellente série télé (là où X-files, honnêtement, finit par faire pschiiit ^^), je vois très bien l'épisode dont tu parles et il est effectivement très bon. Maintenant, j'aurais des scrupules à montrer ça à des élèves, d'autant que je pense que ça perd clairement de son intérêt si l'on n'a pas vu tout ce qui se passe avant.
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"On va bien lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu'on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça !" (Lewis Carroll)
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- RobinFidèle du forum
A propos de la définition de Todorov :
On connaît la définition que donne Todorov du fantastique comme hésitation entre deux interprétations possibles, surnaturelle ou psychologique. Cette définition n'est qu'en partie exacte (voir la critique qu'en fait Stanislas Lem, le génialissime auteur de "Solaris", qui n'accepte pas non plus la distinction traditionnelle entre le fantastique et la science-fiction de haut niveau) et ne s'applique pas à tous les romans fantastiques, mais surtout aux écrivains français et à ceux où la dimension fantastique est porteuse d'une réflexion d'ordre psychologique (Maupassant, Gautier, Mérimée).
Mais ni Gogol, ni Wilde, ni Hofmann, ni Poe ne s'embarrassent de cet impératif de "double interprétation" et de cette obligation de laisser une place au "raisonnable".
"Vous aurez beau dire, des aventures comme cela arrivent en ce monde, c'est rare, mais cela arrive", écrit Gogol à la fin de sa nouvelle pétersbourgeoise", "Le nez", en guise de pied de nez au lecteur (et au critique !)... "Mais ce qu'il y a de plus étrange, de plus inconcevable, c'est qu'un auteur puisse choisir de pareils sujets."
En fait, si la distinction entre le fantastique et le merveilleux semble tout-à-fait claire : contrairement au merveilleux (les contes de fées, les romans de Tolkien...), le fantastique est une intrusion (réelle ou imaginaire) du surnaturel dans la réalité quotidienne, la distinction entre le fantastique, (qui ferait nécessairement une part à l'hésitation interprétative) et le "réalisme magique" (les événements les plus étranges étant considérés comme "allant de soi") semble plus contestable.
Dans la mesure où la dimension symbolique est suffisamment évidente, aucun lecteur ne se demande sérieusement si "tout ça est vrai" (un portrait répugnant qui se charge des vices de son modèle et qui vieillit à sa place, un nez "ministériel" qui se pavane dans une calèche...)
Dans la littérature fantastique, la question n'est pas (plus) tant l'irruption du surnaturel dans le réel et la violation des "lois de la nature" que la dimension symbolique du surnaturel et la remise en cause (critique, satirique...) de la réalité sociale ou même politique, surtout quand cette "réalité" est elle-même un cauchemar fantastique (voir par exemple "Le Maître et Marguerite" de Mikhaël Boulgakov).
L'apparition du pastiche est le symptôme d'une rupture du "pacte de lecture", le symptôme que le genre a atteint ses limites auprès d'un certain lectorat que le "roman gothique" ou le fantastique pur ne réussit plus à satisfaire (même s'il reste toujours des inconditionnels de Lovecraft ou de Bram Stocker). Le succès phénoménal des Aventures d'Harry Potter montre que le genre est loin d'être en voie d'extinction, mais l'œuvre n'a jamais réussi à atteindre vraiment un lectorat adulte.
Il convient de signaler aux élèves qu'Oscar Wilde a écrit un "vrai" roman fantastique (et non un pastiche) : "Le Portrait de Dorian Gray" (1890) dans lequel la dimension fantastique est étroitement associée à une réflexion sur l'éthique et sur l'esthétisme (le culte de la beauté et du plaisir, l'immoralisme, le mythe faustien de l'éternelle jeunesse) débarrassée des oripeaux du "roman noir"
A partir du début du XXème siècle, le genre évolue ; ce n'est plus la réalité, mais le fonctionnement de l'esprit humain qui devient problématique. C'est chez Maupassant que cette évolution est la plus évidente, Maupassant se permettant même de commenter (dans Le Horla par exemple) sa propre démarche à travers une réflexion du "héros-narrateur" sur le magnétisme, et l'hypnose, très à la mode depuis les travaux de James Braid en Angleterre et l'évocation des précurseurs de Freud dans les années 1880 : Berheim et Beaunis, à Nancy, Charcot à la Salpêtrière.
Le fantastique devient un outil d'exploration privilégié de domaines qui étaient jusque là le pré carré des moralistes (Wilde, Gogol) des métaphysiciens (Borgès) et des psychiatres (Maupassant).
En retour, la littérature fantastique devient une source de réflexion pour la psychanalyse sur les mécanismes du rêve, du refoulement, du transfert, et de la création littéraire comme "rêve éveillé" (Sigmund Freud, "Délire et rêve dans la Gradiva de Jensen")
Ajoutons, pour finir qu'il convient de mettre en relation le fantastique et le policier (certains auteurs comme Edgar Poe se sont illustrés dans les deux genres). Le plaisir de la lecture des grands romans policiers résidant essentiellement dans l'accumulation des impossibilités "fantastiques" et dans l'intelligence du détective à découvrir des explications rationnelles (l'archétype du genre étant le crime en chambre close).
On connaît la définition que donne Todorov du fantastique comme hésitation entre deux interprétations possibles, surnaturelle ou psychologique. Cette définition n'est qu'en partie exacte (voir la critique qu'en fait Stanislas Lem, le génialissime auteur de "Solaris", qui n'accepte pas non plus la distinction traditionnelle entre le fantastique et la science-fiction de haut niveau) et ne s'applique pas à tous les romans fantastiques, mais surtout aux écrivains français et à ceux où la dimension fantastique est porteuse d'une réflexion d'ordre psychologique (Maupassant, Gautier, Mérimée).
Mais ni Gogol, ni Wilde, ni Hofmann, ni Poe ne s'embarrassent de cet impératif de "double interprétation" et de cette obligation de laisser une place au "raisonnable".
"Vous aurez beau dire, des aventures comme cela arrivent en ce monde, c'est rare, mais cela arrive", écrit Gogol à la fin de sa nouvelle pétersbourgeoise", "Le nez", en guise de pied de nez au lecteur (et au critique !)... "Mais ce qu'il y a de plus étrange, de plus inconcevable, c'est qu'un auteur puisse choisir de pareils sujets."
En fait, si la distinction entre le fantastique et le merveilleux semble tout-à-fait claire : contrairement au merveilleux (les contes de fées, les romans de Tolkien...), le fantastique est une intrusion (réelle ou imaginaire) du surnaturel dans la réalité quotidienne, la distinction entre le fantastique, (qui ferait nécessairement une part à l'hésitation interprétative) et le "réalisme magique" (les événements les plus étranges étant considérés comme "allant de soi") semble plus contestable.
Dans la mesure où la dimension symbolique est suffisamment évidente, aucun lecteur ne se demande sérieusement si "tout ça est vrai" (un portrait répugnant qui se charge des vices de son modèle et qui vieillit à sa place, un nez "ministériel" qui se pavane dans une calèche...)
Dans la littérature fantastique, la question n'est pas (plus) tant l'irruption du surnaturel dans le réel et la violation des "lois de la nature" que la dimension symbolique du surnaturel et la remise en cause (critique, satirique...) de la réalité sociale ou même politique, surtout quand cette "réalité" est elle-même un cauchemar fantastique (voir par exemple "Le Maître et Marguerite" de Mikhaël Boulgakov).
L'apparition du pastiche est le symptôme d'une rupture du "pacte de lecture", le symptôme que le genre a atteint ses limites auprès d'un certain lectorat que le "roman gothique" ou le fantastique pur ne réussit plus à satisfaire (même s'il reste toujours des inconditionnels de Lovecraft ou de Bram Stocker). Le succès phénoménal des Aventures d'Harry Potter montre que le genre est loin d'être en voie d'extinction, mais l'œuvre n'a jamais réussi à atteindre vraiment un lectorat adulte.
Il convient de signaler aux élèves qu'Oscar Wilde a écrit un "vrai" roman fantastique (et non un pastiche) : "Le Portrait de Dorian Gray" (1890) dans lequel la dimension fantastique est étroitement associée à une réflexion sur l'éthique et sur l'esthétisme (le culte de la beauté et du plaisir, l'immoralisme, le mythe faustien de l'éternelle jeunesse) débarrassée des oripeaux du "roman noir"
A partir du début du XXème siècle, le genre évolue ; ce n'est plus la réalité, mais le fonctionnement de l'esprit humain qui devient problématique. C'est chez Maupassant que cette évolution est la plus évidente, Maupassant se permettant même de commenter (dans Le Horla par exemple) sa propre démarche à travers une réflexion du "héros-narrateur" sur le magnétisme, et l'hypnose, très à la mode depuis les travaux de James Braid en Angleterre et l'évocation des précurseurs de Freud dans les années 1880 : Berheim et Beaunis, à Nancy, Charcot à la Salpêtrière.
Le fantastique devient un outil d'exploration privilégié de domaines qui étaient jusque là le pré carré des moralistes (Wilde, Gogol) des métaphysiciens (Borgès) et des psychiatres (Maupassant).
En retour, la littérature fantastique devient une source de réflexion pour la psychanalyse sur les mécanismes du rêve, du refoulement, du transfert, et de la création littéraire comme "rêve éveillé" (Sigmund Freud, "Délire et rêve dans la Gradiva de Jensen")
Ajoutons, pour finir qu'il convient de mettre en relation le fantastique et le policier (certains auteurs comme Edgar Poe se sont illustrés dans les deux genres). Le plaisir de la lecture des grands romans policiers résidant essentiellement dans l'accumulation des impossibilités "fantastiques" et dans l'intelligence du détective à découvrir des explications rationnelles (l'archétype du genre étant le crime en chambre close).
- doctor whoDoyen
Todorov me semble assez dépassé. Il faut aller regarder du côté de Denis Mellier, qui fait par exemple revenir Lovecraft dans le fantastique, dont il donne une définition beaucoup moins minimaliste et intellectualiste que Todorov.
PS à Céléborn : le grand fan de Buffy, c'est moi.
PS à Céléborn : le grand fan de Buffy, c'est moi.
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Mon blog sur Tintin (entre autres) : http://popanalyse.over-blog.com/
Blog pédagogique : http://pedagoj.eklablog.com
- RobinFidèle du forum
@Jacq
J'ai posté une réflexion dans la rubrique "livres et lectures" à propos d'un pastiche de Lovecraft par Borgès ("There are more things") qui pose le genre de problèmes que vous signalez (notamment sur le statut incertain du narrateur).
J'ai posté une réflexion dans la rubrique "livres et lectures" à propos d'un pastiche de Lovecraft par Borgès ("There are more things") qui pose le genre de problèmes que vous signalez (notamment sur le statut incertain du narrateur).
- zeprofGrand sage
doctor who a écrit:Todorov me semble assez dépassé. Il faut aller regarder du côté de Denis Mellier, qui fait par exemple revenir Lovecraft dans le fantastique, dont il donne une définition beaucoup moins minimaliste et intellectualiste que Todorov.
PS à Céléborn : le grand fan de Buffy, c'est moi.
voilà qui m'intéresse, je vais me pencher sur Mellier
je n'ai pas beaucoup de films à ajouter...
(et moi aussi je suis fan de Buffy, j'assume ^^ )
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"La peur est le chemin vers le côté obscur: la peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine… mène à la souffrance."
- leyadeEsprit sacré
Celeborn a écrit:Cripure a écrit:Je ne suis pas fana du genre, mais deux films me viennent en tête : Dark Water…
Les grands esprits se rencontrent .
Je viens de lire la discussion avec intérêt, du coup, je pose une question : Vous montreriez Dark water à des 4èmes?
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Maggi is my way, Melfor is my church and Picon is my soutien. Oui bon je sais pas dire soutien en anglais.
LSU AP ENT HDA PAI PAP PPMS PPRE ULIS TICE PAF
- doctor whoDoyen
zeprof a écrit:doctor who a écrit:Todorov me semble assez dépassé. Il faut aller regarder du côté de Denis Mellier, qui fait par exemple revenir Lovecraft dans le fantastique, dont il donne une définition beaucoup moins minimaliste et intellectualiste que Todorov.
PS à Céléborn : le grand fan de Buffy, c'est moi.
voilà qui m'intéresse, je vais me pencher sur Mellier
je n'ai pas beaucoup de films à ajouter...
(et moi aussi je suis fan de Buffy, j'assume ^^ )
Pas besoin d'assumer d'être fan de Buffy, voyons ! C'est un chef d'oeuvre. On n'a pas à assumer d'être fan de la chapelle Sixtine ou de la Recherche !
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Mon blog sur Tintin (entre autres) : http://popanalyse.over-blog.com/
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- zeprofGrand sage
doctor who a écrit:zeprof a écrit:doctor who a écrit:Todorov me semble assez dépassé. Il faut aller regarder du côté de Denis Mellier, qui fait par exemple revenir Lovecraft dans le fantastique, dont il donne une définition beaucoup moins minimaliste et intellectualiste que Todorov.
PS à Céléborn : le grand fan de Buffy, c'est moi.
voilà qui m'intéresse, je vais me pencher sur Mellier
je n'ai pas beaucoup de films à ajouter...
(et moi aussi je suis fan de Buffy, j'assume ^^ )
Pas besoin d'assumer d'être fan de Buffy, voyons ! C'est un chef d'oeuvre. On n'a pas à assumer d'être fan de la chapelle Sixtine ou de la Recherche !
c'est vrai
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- SergeMédiateur
Je ne montrerai jamais le labyrinthe de Pan, même s'il est bon.
Cette alternance de passages proches du conte de fées qui bascule souvent en une seconde dans la violence absolue (par exemple, le "méchant" qui enfonce soudain un tesson de bouteille dans l’œil d'un résistant je crois) :shock:
Dans les anciennes séries La quatrième dimension, même si le surnaturel semble souvent accepté à la fin, n'y en aurait-il pas un qui pourrait éventuellement y correspondre ?
Cette alternance de passages proches du conte de fées qui bascule souvent en une seconde dans la violence absolue (par exemple, le "méchant" qui enfonce soudain un tesson de bouteille dans l’œil d'un résistant je crois) :shock:
Dans les anciennes séries La quatrième dimension, même si le surnaturel semble souvent accepté à la fin, n'y en aurait-il pas un qui pourrait éventuellement y correspondre ?
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