- JohnMédiateur
http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/07/26/la-philo-contre-la-philosophie_4463268_3232.htmlLa philosophie ou, plutôt, la « philo » est désormais partout. Dans les hebdos, les bistrots, les radios. En bande dessinée, en croisière, sur CD ou DVD. Elle vulgarise les classiques et attire de nombreux lecteurs, amateurs et passionnés. La philo est un filon, avec ses vedettes et ses gourous, ses pédagogues cathodiques et ses rhéteurs polémiques. S'agit-il d'une heureuse démocratisation des concepts ou d'une contestable marchandisation de la sagesse ? Assiste-t-on au triomphe de la pédagogie ou bien à l'avènement d'une nouvelle idéologie ? C'est à cette question que les philosophes Michaël Fœssel et Frédéric Worms ont répondu aux Controverses du Monde en Avignon, le 20 juillet.
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- User17706Bon génie
J'ai fini par lire l'entretien dans sa version papier [n° du 27-28/07/2014], entretien qui, comme je m'en doutais (et contrairement à ce qui est suggéré par l'enrobage), ne fait pas apparaître de réel désaccord, mais peut-être, au plus, une différence de ton entre les deux débattants, un peu d'acidité ou de causticité chez Foessel et une certaine bonhomie chez Worms. Au demeurant, l'un comme l'autre font partie de la frange la plus médiatique des universitaires dans la discipline (tout en jouissant d'une véritable légitimité sur le plan scientifique et d'une véritable reconnaissance de leurs pairs).
Quelques propos assez durs de Foessel sur Onfray (propos auxquels je souscris globalement et que j'étendrais sans doute un peu plus loin qu'il ne le fait) : je me contente d'une brève citation.
C'est surtout à ce dernier point que je suis personnellement sensible : dans bien des domaines un discours parvient d'autant mieux à se faire entendre qu'il se fait passer pour minoritaire (et, si possible, opprimé). On voit d'ici le résultat : sur un sujet donné, un beau jour il n'est guère plus possible d'entendre que des « minoritaires » autoproclamés, qui tiennent tous à peu de chose près le même discours. Et qui doivent dépenser une énergie considérable en combats contre une « pensée officielle » la plupart du temps en grande partie imaginaire, pour perpétuer tant bien que mal l'illusion de leur caractère minoritaire.
(Je pense qu'il y a une part d'illusion naturelle et donc de « bonne foi » là-dedans : les adversaires ont toujours l'air plus nombreux et plus bruyants que les alliés.)
Nihil novi sub sole : ça fait un certain temps qu'on a compris que l'adoption d'une posture de victime, là même où elle est complètement fictive, est un moyen parmi d'autres de conquérir une forme d'autorité. Il est tout aussi exact que, cette autorité (confiance, complicité) une fois acquise, on peut dire un peu ce qu'on veut à son public, qui souvent n'a pas les moyens de contrôler et a choisi une bonne fois pour toutes de croire. On le fait au demeurant d'autant plus facilement qu'on choisit des sujets (relativement) peu fréquentés et sur lesquels le public en question doit s'en remettre à la présentation de l'orateur.
Foessel semble penser que c'est un trait distinctif de notre époque, fonction d'un écart croissant entre la masse et l'éclatement des savoirs disponibles, d'une part, et d'autre part la possibilité de les unifier en une synthèse intelligible, qui s'amoindrirait voire aurait réellement disparu. Je n'arrive pas à être entièrement satisfait en ce point.
Mais bon, il demeure vrai, je crois, que la figure rhétorique, au sens large, de la « posture minoritaire » adossée à l'illusion cognitive du complot est quelque chose qu'il faut surveiller avec attention. Non qu'elle serait forcément un trait de notre époque, mais parce qu'elle fait partie des illusions auxquelles peuvent aisément succomber y compris des gens très cultivés et rompus à un certain exercice de la critique.
Quelques propos assez durs de Foessel sur Onfray (propos auxquels je souscris globalement et que j'étendrais sans doute un peu plus loin qu'il ne le fait) : je me contente d'une brève citation.
[...] Onfray fait de la philosophie et prétend même faire de la contre-philosophie en exhumant des auteurs prétendûment oubliés par l'université. Sa démarche épouse un trait de l'époque : la théorie du complot. [...] C'est cette idée selon laquelle on a toujours menti au public, que la philosophie officielle est ardue, jargonneuse et accaparée par des professeurs abscons qui empêchent les gens de penser par eux-mêmes.
Onfray, c'est l'importation du populisme du « tous pourris » en philosophie. Face au désarroi devant la prolifération des savoirs, le discours complotiste répond que des institutions nous en cachent la portée. Avec le bénéfice symbolique habituel pour celui qui se targue devant ses fidèles d'être passé de l'autre côté du miroir et d'avoir percé le secret.
J'ajoute que le b.a.-ba de la bonne critique est de ne pas se tromper d'ennemi. Dire que les professeurs de la Sorbonne ou les psychanalystes détiennent aujourd'hui le pouvoir symbolique, alors que les étudiants désertent les facultés et que triomphent les thérapies cognitives et comportementalistes [sic], est proprement aberrant. Faire carrière en attaquant des institutions déjà très affaiblies ne relève pas du courage, mais de la démagogie.
C'est surtout à ce dernier point que je suis personnellement sensible : dans bien des domaines un discours parvient d'autant mieux à se faire entendre qu'il se fait passer pour minoritaire (et, si possible, opprimé). On voit d'ici le résultat : sur un sujet donné, un beau jour il n'est guère plus possible d'entendre que des « minoritaires » autoproclamés, qui tiennent tous à peu de chose près le même discours. Et qui doivent dépenser une énergie considérable en combats contre une « pensée officielle » la plupart du temps en grande partie imaginaire, pour perpétuer tant bien que mal l'illusion de leur caractère minoritaire.
(Je pense qu'il y a une part d'illusion naturelle et donc de « bonne foi » là-dedans : les adversaires ont toujours l'air plus nombreux et plus bruyants que les alliés.)
Nihil novi sub sole : ça fait un certain temps qu'on a compris que l'adoption d'une posture de victime, là même où elle est complètement fictive, est un moyen parmi d'autres de conquérir une forme d'autorité. Il est tout aussi exact que, cette autorité (confiance, complicité) une fois acquise, on peut dire un peu ce qu'on veut à son public, qui souvent n'a pas les moyens de contrôler et a choisi une bonne fois pour toutes de croire. On le fait au demeurant d'autant plus facilement qu'on choisit des sujets (relativement) peu fréquentés et sur lesquels le public en question doit s'en remettre à la présentation de l'orateur.
Foessel semble penser que c'est un trait distinctif de notre époque, fonction d'un écart croissant entre la masse et l'éclatement des savoirs disponibles, d'une part, et d'autre part la possibilité de les unifier en une synthèse intelligible, qui s'amoindrirait voire aurait réellement disparu. Je n'arrive pas à être entièrement satisfait en ce point.
Mais bon, il demeure vrai, je crois, que la figure rhétorique, au sens large, de la « posture minoritaire » adossée à l'illusion cognitive du complot est quelque chose qu'il faut surveiller avec attention. Non qu'elle serait forcément un trait de notre époque, mais parce qu'elle fait partie des illusions auxquelles peuvent aisément succomber y compris des gens très cultivés et rompus à un certain exercice de la critique.
- philannDoyen
Je souscris tout à fait et aux propos de Foessel et aux tiens.
Quant à Onfray, ce qui est fascinnant chez lui c'et la morgue avec laquelle il peut, en prime, raconter des conneries. Mais vraiment! Des trucs qui ne passeraient même pas chez un étudiant de licence. Cette certitude d'être le premier à comprendre vraiment donne des résultats... hallucinants (exemple sur Freud)
Ce qui est intéressant chez Foessel et Worms,c 'est justement cette position à la fois de relativement connus médiatiquement mais sans avoir renoncé intellectuellement à rien de ce qui fait un universitaire!
Quant à Onfray, ce qui est fascinnant chez lui c'et la morgue avec laquelle il peut, en prime, raconter des conneries. Mais vraiment! Des trucs qui ne passeraient même pas chez un étudiant de licence. Cette certitude d'être le premier à comprendre vraiment donne des résultats... hallucinants (exemple sur Freud)
Ce qui est intéressant chez Foessel et Worms,c 'est justement cette position à la fois de relativement connus médiatiquement mais sans avoir renoncé intellectuellement à rien de ce qui fait un universitaire!
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2014-2015: poste fixe dans les Hauts de Seine
2013-2014: certifiée stagiaire dans les Hauts de Seine
2011-2013: prof. contractuelle dans l'Essonne
- User17706Bon génie
Ah oui, sur Freud, c'était proprement incroyable. Mélange d'invention d'eau chaude et de hors-sujet continuel.
- AlexisPNiveau 5
Merci pour l'article, j'ai pu le trouver en entier sur internet, c'était très intéressant. Je souscris totalement à ce que dit Foessel sur Onfray.
Ce type me fait sortir de mes gonds à chaque fois qu'il fait des ad hominem. Autant dire tout le temps.
Ce type me fait sortir de mes gonds à chaque fois qu'il fait des ad hominem. Autant dire tout le temps.
- faerNiveau 6
J'ai Onfray en horreur, à défaut de pouvoir exercer un mépris efficace, mais sur le sujet de la psychanalyse il y a beaucoup à dire, et je trouve que pour le coup, ils se sont bien trouvés. D'abord parce que la psychanalyse est également grande spécialiste de la posture de victime que vous décrivez. Ensuite parce qu'elle est bel et bien partout, même si sans arrêt "menacée". Dans mes études je n'ai pas passé une année sans subir des interprétations psychanalytiques intempestives qui touchent à peu près toutes les branches des sciences humaines et sociales. En littérature, c'est encore pire, une interprétation psychanalytique dans une copie peut transformer un 5 en 15. C'est souvent hors propos, et c'est d'un pénible...
- User17706Bon génie
De ma part en tout cas, le reproche ne consiste pas à contester la légitimité d'une critique de la psychanalyse (et des dérives que tu décris), mais à remarquer que chez M.O., les arguments critiques soit n'en sont pas (c'est mon « HS » de plus haut et effectivement, comme le dit AlexisP, le recours continuel à l'argument ad personam : que l'homme Freud ait été adultère, ne s'en tamponnerait-on pas ?), soit sont des choses très connues et très connues depuis longtemps (mon « eau chaude » ci-dessus), que le journalisme a fait mine de découvrir à la lecture de son livre. C'est surtout cela qui est difficilement supportable: il y a une littérature critique de qualité tellement abondante et tellement ancienne qu'on peut réellement estimer son apport à environ zéro, littéralement rien du tout (et encore, il faut faire abstraction de ce qui ne tient pas debout ou de ce qui est dépourvu de pertinence: si l'on prend cela en compte, le bilan sombre plutôt dans le négatif). Mais grâce à la presse de notre pays, il a été possible d'en faire un événement.
(J'imagine que philann en parlant de « certitude d'être le premier à comprendre » avait en vue sensiblement la même chose.)
(J'imagine que philann en parlant de « certitude d'être le premier à comprendre » avait en vue sensiblement la même chose.)
- faerNiveau 6
Oui, je réagissais à la citation de Foessel. Pour l'analyse des méthodes d'Onfray, il n'y a clairement rien à redire.
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