François Bayrou : les enseignants sont "une communauté humaine avec une haute conscience".

Université de rentrée du Modem : Discours de clôture de François Bayrou - extraits.

On peut changer les choses avec le monde de l'éducation. J'ai beaucoup d'estime pour lui.
Il y a en France une légende qui veut que ce soit un monde maudit. Moi je me porte en faux. Je crois que c'est une communauté humaine avec une haute conscience, avec quelques défauts, quelques travers et quelques réflexes, notamment lorsqu'il s'agit d'avoir des moyens pour créer des postes. Mais on peut discuter avec eux.

Nous avons trois chantiers immédiats devant nous.

Le premier, ce sont les fondamentaux : lecture, écriture, calcul.
D'ailleurs, beaucoup de Français, d'ouvriers, de femmes et d'hommes humbles ont été choqués d'entendre le ministre de l'économie dire que les ouvriers de Gad étaient probablement illettrés. Mais il y a beaucoup de bac +2 dans cette entreprise, qui se sont tournés vers le matériel, en fonction du marché du travail. Le mot "illettré" peut traduire un certain nombre de difficultés. J'ai présidé le groupe permanent de lutte contre l'illettrisme. Mais ce n'est pas la même chose de dire qu'il y a un problème d'illettrisme en France et de traiter quelqu'un d'illettré. La responsabilité du malaise d'un certain nombre d'entreprises ne vient pas de la situation des employés des salariés ou employés. Ce n'est pas juste.
Nous avons un grand problème de transmission des fondamentaux. 30% des élèves sont en grande difficulté devant la lecture et l'écriture. Il faut faire de cette transmission une priorité absolue.
Il existe des outils numériques pour multiplier les exercices pour aller de la lettre au son et au sens. Beaucoup d'outils ne sont pas utilisés. Le travail sur la transmission doit être un impératif pour ceux qui veulent aller à la reconquête de l'Education nationale.

Deuxièmement, on a un problème de culture générale. Alors on me dit qu'il y a internet, mais non : google est certes un outil admirable, mais c'est une jungle, et si vous n'avez pas la culture générale qui est à la fois la carte et la boussole de cette jungle, vous ne pouvez pas vous en sortir. La clé d'internet, ce n'est pas le numérique, c'est la culture générale. Si on veut être progressiste, alors il faut être du côté des acquis, et vous avez même le droit d'être un peu réac, comme ils vous en accuseront sur ce sujet, parce que cette réaction-là, c'est le vrai progrès de l'humanité.

Troisième sujet, non technocratique, et qui ne dépend pas des moyens : il faut que les enseignants, et spécialement les jeunes enseignants, puissent faire cours dans leurs classes sans être chahutés ni insultés, sans avoir en face d'eux le chaos absolu. Ecoutez-moi bien : ils s'en vont ! Ils passent les concours, et ils s'en vont ! Parce qu'ils n'osent pas dire que c'est impossible pour eux, la situation dans leurs classes ! Avec ces élèves qui sont plongés dans un tel chaos psychologique et culturel qu'il n'y a qu'agressivité, désespoir et chahut. Personne n'en parle. Moi je considère que le calme dans la classe et le respect des enseignants, fût-ce un jeune enseignant face à une classe difficile, fût-ce une jeune fille gracile devant des costauds graciles, c'est une priorité. Les enseignants doivent pouvoir faire cours dans le calme : il faut prendre les décisions nécessaires en discipline, mais aussi en éducation civique, à la vie de tous les jours, en persuasion. Nous sommes en train d'abandonner à leur sort nos enfants les plus fragiles, et cette non-assistance à enfant en danger devrait donner lieu envers nous aux sanctions civiques les plus lourdes !

Les enseignants abandonnés, ce sont des enfants abandonnés. Nous voulons restaurer les enseignants pour instaurer les enfants.

Reconquête pour reconstruire la formation professionnelle. Ca fonctionne très mal ! J'ai un souvenir formidable qui date du gouvernement Balladur. Tout le monde, tous les ministres étaient là : Balladur, Sarkozy, moi-même, etc. Il y avait antagonisme entre les différents organismes de représentation, chcun défendait son point de vue. Edouard Balladur, dans son style britannique, a ouvert le sujet de la formation professionnelle. Et là, il y a eu un climat d'unanimité irénique de paix sociale absolue ! Les syndicats et toutes les représentations se sont mises à dire que la formation professionnelle, ça allait très bien, et qu'il n'y avait rien à changer ! 20 ans après, la formation professionnelle ne va toujours pas bien : elle ne va pas en direction des chômeurs, elle n'est pas une réalité constante et quotidienne de la vie du travail. La reconquête du travail et de l'emploi passe par une reconquête de la formation professionnelle, qui doit être offerte à ceux qui en ont le plus besoin ; c'est une nécessité.

La clé d'internet, ce n'est pas le numérique, c'est la culture générale. Si on veut être progressiste, alors il faut être du côté des acquis, et vous avez même le droit d'être un peu réac, comme ils vous en accuseront sur ce sujet, parce que cette réaction-là, c'est le vrai progrès de l'humanité.

Assez bien dit. J'ajouterais à la culture générale la capacité de raisonnement, la logique.

En supposant bien sûr que tous les élèves sachent déjà lire (au sens le plus accompli) en fin de scolarité obligatoire.

Ah le discours de Bayrou est raisonnable. Après, reste à voir combien de postes il voudra supprimer, étant donné le primat qu'il donne à la réduction des dépenses publiques, et comment il compte restaurer les profs à plus de 30 élèves par classe.

Un discours remarquable.

Au passage, le discours est encore en train d'être prononcé : vous n'en trouverez pas beaucoup ailleurs, des sites qui vous donnent, un dimanche matin, le verbatim d'un discours d'université d'été d'un grand parti politique en temps quasi-réel ! ^^

J'applaudis.

Ce qu'il dit est bel et bon , je le crois assez sincère à titre personnel, mais embarqué dans la politique de restrictions des dépenses, comme le dit RM , je ne vois pas trop comment il sortirait l'EN de la mouise.

Nous avons un grand problème de transmission des fondamentaux. 30% des élèves sont en grande difficulté devant la lecture et l'écriture. Il faut faire de cette transmission une priorité absolue.
Il existe des outils numériques pour multiplier les exercices pour aller de la lettre au son et au sens. Beaucoup d'outils ne sont pas utilisés. Le travail sur la transmission doit être un impératif pour ceux qui veulent aller à la reconquête de l'Education nationale.

La clé d'internet, ce n'est pas le numérique, c'est la culture générale. Si on veut être progressiste, alors il faut être du côté des acquis, et vous avez même le droit d'être un peu réac, comme ils vous en accuseront sur ce sujet, parce que cette réaction-là, c'est le vrai progrès de l'humanité.

Troisième sujet, non technocratique, et qui ne dépend pas des moyens : il faut que les enseignants, et spécialement les jeunes enseignants, puissent faire cours dans leurs classes sans être chahutés ni insultés, sans avoir en face d'eux le chaos absolu. Moi je considère que le calme dans la classe et le respect des enseignants, fût-ce un jeune enseignant face à une classe difficile, fût-ce une jeune fille gracile devant des costauds graciles, c'est une priorité. Les enseignants doivent pouvoir faire cours dans le calme : il faut prendre les décisions nécessaires en discipline, mais aussi en éducation civique, à la vie de tous les jours, en persuasion. Nous sommes en train d'abandonner à leur sort nos enfants les plus fragiles, et cette non-assistance à enfant en danger devrait donner lieu envers nous aux sanctions civiques les plus lourdes !

Ça fait du bien de lire tout cela

Merci ! L'air ministériel est pourtant à rebours de tout cela depuis au moins 15 ans

Enfin un qui appelle clairement un chat un chat: oui, on peut être chahuté en cours et oui ces élèves qui nous empêchent de travailler n'ont aucune vraie sanction.
La formation professionnelle doit être aussi une priorité.

Maintenant, j'attends de lui un plan d'action viable. Qu'il fasse des propositions claires!

Je rappelle cet engagement de Bayrou et du Modem (voir le site du Modem) :

Maintenir le nombre d’enseignants, ainsi que le décret qui définit leur statut.

Résoudre les problèmes de l'EN n'est pas qu'une question de dépenses publiques.

Je viens de tomber amoureuse  



Même si ce n'est qu'un discours, qu'il est doux à entendre !

Olympias a écrit:Merci ! L'air ministériel est pourtant à rebours de tout cela depuis au moins 15 ans

Depuis que Bayrou a quitté le ministère, en effet...

ça fait du bien......

vraiment, ça fait du bien !!!

Cripure a écrit:

Olympias a écrit:Merci ! L'air ministériel est pourtant à rebours de tout cela depuis au moins 15 ans

Depuis que Bayrou a quitté le ministère, en effet...

Je ne sache pas que les IUFM aient particulièrement souffert en 1993-1997.

Ascagne a écrit:Je rappelle cet engagement de Bayrou et du Modem (voir le site du Modem) :

Maintenir le nombre d’enseignants, ainsi que le décret qui définit leur statut.

Résoudre les problèmes de l'EN n'est pas qu'une question de dépenses publiques.

tout à fait. Je suis persuadée que l'on pourrait faire un vrai travail à budget constant si on remettait vraiment (enfin si l'EN) le savoir comme priorité et non un vague "savoir-vivre" ou "vivre-ensemble", surtout pour les résultats que l'on connaît tous.

Je suis entièrement de ton avis Ysabel.

J'ai voté pour Bayrou en 2007. J'avais essayé de persuader mes amis de gauche d'en faire autant, avec comme argument le fait qu'il avait une réelle chance contre Sarkozy s'il parvenait au second tour, alors que Royal n'en avait aucune. Ils s'y étaient refusé(s?), me disant que cet homme n'était pas clair, qu'il venait de la droite et qu'il était inconcevable que le candidat PS ne soit pas au second tour, et qu'avec Royal, c'était un vent nouveau qui soufflait en politique.

Ils ont eu raison, puisqu'ils ont fait deuxième.

Je ne partage pas ses idées, notamment sur la question européenne, mais je respecte beaucoup cet homme qui a le sens de l'Etat et un certain bon sens. Il a eu beaucoup de courage en appelant à voter Hollande, sachant qu'il se grillait définitivement auprès d'une bonne partie de la droite : mais il avait compris qu'un 2e mandat Sarkozy aurait été une catastrophe pour le pays (et il ne pouvait pas prévoir à quel point celui de Hollande serait, hélas, tout aussi catastrophique). Il suffit d'écouter aujourd'hui les hurlements des Sarkolâtres, sur le mode "Juppé = Bayrou = Hollande".

Son gros point faible, c'est qu'il est un peu mou. Au ministère de l'Education, il n'a pas beaucoup agi. Mais il se bonifie plutôt avec les années, je trouve. Et au moins on est sûr qu'il a des valeurs sur lesquelles il ne transigera pas.
En tout cas, j'ai suffisamment confiance en lui pour avoir voté pour lui en 2007, puisque ni Chevènement ni Dupont-Aignan ne se présentaient. Bayrou était le moins dangereux des 4 "gros" candidats, donc je n'ai pas hésité, malgré mes réserves. Au second tour, j'ai voté blanc. Dans mon entourage, beaucoup de gens ont fait comme moi (ou ont voté Bayrou au 1er tour, Royal au second).

John a écrit:

Cripure a écrit:

Olympias a écrit:Merci ! L'air ministériel est pourtant à rebours de tout cela depuis au moins 15 ans

Depuis que Bayrou a quitté le ministère, en effet...

Je ne sache pas que les IUFM aient particulièrement souffert en 1993-1997.

Ah, je ne pensais pas à cet aspect, tu as raison. Je pensais juste aux propos sur le métier. Depuis Bayrou, nous avons eu droit sans cesse aux âneries sur les compétences, aux propos dévalorisants en cascade, aux pratiques démagogiques de Royal (les trois cases des bulletins), etc. Et ne parlons pas des âneries de la réforme Fillon.

e-Wanderer a écrit:Je ne partage pas ses idées, notamment sur la question européenne, mais je respecte beaucoup cet homme qui a le sens de l'Etat et un certain bon sens. Il a eu beaucoup de courage en appelant à voter Hollande, sachant qu'il se grillait définitivement auprès d'une bonne partie de la droite : mais il avait compris qu'un 2e mandat Sarkozy aurait été une catastrophe pour le pays (et il ne pouvait pas prévoir à quel point celui de Hollande serait, hélas, tout aussi catastrophique). Il suffit d'écouter aujourd'hui les hurlements des Sarkolâtres, sur le mode "Juppé = Bayrou = Hollande".

Son gros point faible, c'est qu'il est un peu mou. Au ministère de l'Education, il n'a pas beaucoup agi. Mais il se bonifie plutôt avec les années, je trouve. Et au moins on est sûr qu'il a des valeurs sur lesquelles il ne transigera pas.
J'ai aussi voté pour lui en 2007, puisque ni Chevènement ni Dupont-Aignan ne se présentaient. Au second tour, j'ai voté blanc.

+1

François Bayrou paraît mou mais il ne l'est pas. Il est posé. Ce n'est certainement pas lui qui sortira un "casse-toi pauv'c**" ou que dans telle entreprise, les femmes sont "illettrées". C'est un homme réfléchi... sauf quand il a appelé à voter pour Hollande. Là, il aurait pu s'abstenir.

wanax a écrit:J'ai voté pour Bayrou en 2007. J'avais essayé de persuader mes amis de gauche d'en faire autant, avec comme argument le fait qu'il avait une réelle chance contre Sarkozy s'il parvenait au second tour, alors que Royal n'en avait aucune. Ils s'y étaient refusé(s?), me disant que cet homme n'était pas clair, qu'il venait de la droite et qu'il était inconcevable que le candidat PS ne soit pas au second tour, et qu'avec Royal, c'était un vent nouveau qui soufflait en politique.

Ils ont eu raison, puisqu'ils ont fait deuxième.

J'ai tenu le même raisonnement autour de moi, et j'ai fait de même (1ère fois de ma vie que je votais à droite, ayant ds boutons rien qu'à voir la tête de la Frédégonde du Poitou , mais bon , c'st pour un "collègue" ). Ceci dit, ses tergiversations  en fonction des stratégies électorales du moment  sont très agaçantes. Maintenant qu'il est hors-jeu, il lui convient de prendre des postions plus fermes .

sauf quand il a appelé à voter pour Hollande. Là, il aurait pu s'abstenir.

Je pense au contraire qu'il a bien fait de parler de son choix personnel et de le justifier. Il a considéré qu'à son niveau de responsabilité, par rapport à la situation du pays, il ne pouvait pas dire qu'il allait mettre dans l'enveloppe un bulletin blanc au deuxième tour.

François Bayrou paraît mou mais il ne l'est pas. Il est posé.

Il me semble que Bayrou, dans l'exercice du pouvoir, surprendrait sans doute de ce côté, surtout après les excès de Sarkozy et les tiraillements d'Hollande.

@ ysabel : En effet. Bayrou, c'est la garantie d'avoir une préservation des moyens pour l'EN et l'orientation que tu résumes.

C'est un homme réfléchi... sauf quand il a appelé à voter pour Hollande. Là, il aurait pu s'abstenir.

Hélas, il a eu raison.
C'est Hollande, conseillé par Morelle, Jospin et Royal qui a eu tort de lui refuser la main tendue.