- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
Bonsoir,
Ne me demandez pas pourquoi ce poème, moi-même je ne sais plus. Mais je galère dessus depuis des heures et je voudrais être sûr qu'il vaut mieux abandonner avant d'avouer ma défaite.
D'abord, je bloque sur les premiers vers. Ils s'annoncent difficiles pour les 6e : des violons qui pleurent, et qui sont à l'automne... plaît-il ? Alors, il va falloir expliquer. Mais dois-je me résoudre à passer par du magistral pur ? N'y aurait-il pas moyen de moyenner une petite question de compréhension là-dessus qui les ferait un peu réfléchir, les pousserait à examiner ces vers, avant que le professeur ne leur délivre la Vérité ?
(Notons que le manuel Jardin des lettres, qui propose aussi ce poème, contourne honorablement le problème en ne posant aucune question concernant les premiers vers.)
Ensuite, je croyais avoir de la matière pour parler du rapport particulier entre l'âme et les saisons, je pensais être stimulé par cette identification finale à une feuille morte, la valeur ambiguë de cette saison présentée comme négative, mais dans le sein de laquelle se confond finalement le poète... Mais ça risque d'être un peu compliqué pour les petits, non ? Du coup, il me reste : oui, donc, ben dans la vie voilà, l'automne qui chasse l'été et fait tomber les feuilles, ça nous rappelle souvent le temps qui passe et nous éloigne des beaux moments de notre vie, c'est ça qu'il dit le monsieur.
C'est pas un peu... nul ?
J'ai du mal aussi à lier questions d'analyse - qui porteraient forcément, me semble-t-il, sur les jeux de sonorités : les liquides pour suggérer les sanglots, la rime du mot du temps, "heure", avec "pleure", "langueur" - avec le truc sur les saisons qui influencent l'âme. J'ai l'impression que l'analyse sera surtout redondante par rapport au travail de compréhension : il est triste parce que le temps passe ; oh, les rimes disent la même chose...
Bref : quelqu'un a-t-il déjà travaillé là-dessus avec des 6e ? Est-il possible de faire quelque chose de ce poème ou est-il encore temps, à 22:00, de prendre un bon manuel, un mug de café et de partir sur un tout autre texte (dans l'humiliation cuisante de n'être toujours pas parvenu à faire un bon cours qui ne pompe pas les questions d'un manuel ) ?
Ne me demandez pas pourquoi ce poème, moi-même je ne sais plus. Mais je galère dessus depuis des heures et je voudrais être sûr qu'il vaut mieux abandonner avant d'avouer ma défaite.
D'abord, je bloque sur les premiers vers. Ils s'annoncent difficiles pour les 6e : des violons qui pleurent, et qui sont à l'automne... plaît-il ? Alors, il va falloir expliquer. Mais dois-je me résoudre à passer par du magistral pur ? N'y aurait-il pas moyen de moyenner une petite question de compréhension là-dessus qui les ferait un peu réfléchir, les pousserait à examiner ces vers, avant que le professeur ne leur délivre la Vérité ?
(Notons que le manuel Jardin des lettres, qui propose aussi ce poème, contourne honorablement le problème en ne posant aucune question concernant les premiers vers.)
Ensuite, je croyais avoir de la matière pour parler du rapport particulier entre l'âme et les saisons, je pensais être stimulé par cette identification finale à une feuille morte, la valeur ambiguë de cette saison présentée comme négative, mais dans le sein de laquelle se confond finalement le poète... Mais ça risque d'être un peu compliqué pour les petits, non ? Du coup, il me reste : oui, donc, ben dans la vie voilà, l'automne qui chasse l'été et fait tomber les feuilles, ça nous rappelle souvent le temps qui passe et nous éloigne des beaux moments de notre vie, c'est ça qu'il dit le monsieur.
C'est pas un peu... nul ?
J'ai du mal aussi à lier questions d'analyse - qui porteraient forcément, me semble-t-il, sur les jeux de sonorités : les liquides pour suggérer les sanglots, la rime du mot du temps, "heure", avec "pleure", "langueur" - avec le truc sur les saisons qui influencent l'âme. J'ai l'impression que l'analyse sera surtout redondante par rapport au travail de compréhension : il est triste parce que le temps passe ; oh, les rimes disent la même chose...
Bref : quelqu'un a-t-il déjà travaillé là-dessus avec des 6e ? Est-il possible de faire quelque chose de ce poème ou est-il encore temps, à 22:00, de prendre un bon manuel, un mug de café et de partir sur un tout autre texte (dans l'humiliation cuisante de n'être toujours pas parvenu à faire un bon cours qui ne pompe pas les questions d'un manuel ) ?
- egometDoyen
Ce poème est vraiment très court.
Pour le sens, l'analyse est vite faite. Les métaphores automnales ont un sens très classique. Tu peux insister sur ce fait.
Les violons créent une ambiance triste. Ce qui fait la valeur de ce poèmes, c'est sa musicalité très marquée, son rythme, par lequel il faut se laisser emporter.
A ta place, je ne passerais pas une heure complète à l'expliquer. Tu risquerais effectivement de tourner en rond et de faire une explication trop technique et trop pointue pour des petits.
En revanche, ce que tu peux faire, après avoir élucidé le sens général du poème et souligné les deux ou trois images fortes qu'il contient, c'est un exercice de déclamation, pour entraîner les élèves à trouver le rythme du poème et le ton juste. "Faites chanter ce poème, faites ressentir les émotions."
Evidemment, ça suppose de leur donner l'exemple.
Pour le sens, l'analyse est vite faite. Les métaphores automnales ont un sens très classique. Tu peux insister sur ce fait.
Les violons créent une ambiance triste. Ce qui fait la valeur de ce poèmes, c'est sa musicalité très marquée, son rythme, par lequel il faut se laisser emporter.
A ta place, je ne passerais pas une heure complète à l'expliquer. Tu risquerais effectivement de tourner en rond et de faire une explication trop technique et trop pointue pour des petits.
En revanche, ce que tu peux faire, après avoir élucidé le sens général du poème et souligné les deux ou trois images fortes qu'il contient, c'est un exercice de déclamation, pour entraîner les élèves à trouver le rythme du poème et le ton juste. "Faites chanter ce poème, faites ressentir les émotions."
Evidemment, ça suppose de leur donner l'exemple.
_________________
Primum non nocere.
Ubi bene, ibi patria.
Mes livres, mes poèmes, réflexions pédagogiques: http://egomet.sanqualis.com/
- User5899Demi-dieu
Ca c'est plus facile.Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:je croyais avoir de la matière pour parler du rapport particulier entre l'âme et les saisons, je pensais être stimulé par cette identification finale à une feuille morte, la valeur ambiguë de cette saison présentée comme négative, mais dans le sein de laquelle se confond finalement le poète... Mais ça risque d'être un peu compliqué pour les petits, non ? Du coup, il me reste : oui, donc, ben dans la vie voilà, l'automne qui chasse l'été et fait tomber les feuilles, ça nous rappelle souvent le temps qui passe et nous éloigne des beaux moments de notre vie, c'est ça qu'il dit le monsieur.
C'est pas un peu... nul ?
Automne
Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux
Et son boeuf lentement dans le brouillard d’automne
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux
Et s’en allant là-bas le paysan chantonne
Une chanson d’amour et d’infidélité
Qui parle d’une bague et d’un coeur que l’on brise
Oh! l’automne l’automne a fait mourir l’été
Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises
Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913
- egometDoyen
Il y a aussi des versions chantées, que tu peux leur faire écouter:
Auffray
http://www.ina.fr/video/I05042255
Ferré
https://www.youtube.com/watch?v=_iq43Vs8CEw
Trenet
https://www.youtube.com/watch?v=5Ppf0sHLaz0
Et bien d'autres.
Auffray
http://www.ina.fr/video/I05042255
Ferré
https://www.youtube.com/watch?v=_iq43Vs8CEw
Trenet
https://www.youtube.com/watch?v=5Ppf0sHLaz0
Et bien d'autres.
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Primum non nocere.
Ubi bene, ibi patria.
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- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
Provence m'a fait remarquer qu'on pouvait parler de la personnification de l'automne, dans ce poème. Ça me permettrait de parler plus facilement de cette valeur ambiguë de la saison, sorte de divinité maléfique et qui pourtant recueille le poète qui s'affaiblit jusqu'à ne plus être qu'une feuille morte. On pourrait d'ailleurs faire quelque chose sur Saturne. Cette attention à l'affaiblissement peu commencer par le point de vocabulaire, où figurera "langueur". Ensuite, il y a la suffocation, et l'acte de pleurer. Et à la fin, nulle consolation, nulle renaissance, mais l'abandon total, l'identification à la petite feuille qui se laisse aller. (Ce dont je ne parlerai pas, mais qui est intéressant aussi, c'est la façon dont Verlaine se distancie des représentations masculines de son époque, c'est pas rien qu'il rende saillant comme ça l'article féminin du mot auquel il s'identifie, et cet abandon à la faiblesse.)
La musicalité, je cherche à la mettre en rapport avec cette faiblesse. Le sentiment est grave, mais tout ça est dit comme une petite chanson à chanter sur les chemins, ça participe aussi de l'abandon. Mais là encore, je devrais peut-être réserver ces considérations pour l'oral.
Les exercices de déclamation, j'en entends souvent parler, mais... comment on organise ça, en classe ?
Bon, sinon, je suis un lent, ce poème me fera au moins une heure, que je le veuille ou non :/
La musicalité, je cherche à la mettre en rapport avec cette faiblesse. Le sentiment est grave, mais tout ça est dit comme une petite chanson à chanter sur les chemins, ça participe aussi de l'abandon. Mais là encore, je devrais peut-être réserver ces considérations pour l'oral.
Les exercices de déclamation, j'en entends souvent parler, mais... comment on organise ça, en classe ?
Bon, sinon, je suis un lent, ce poème me fera au moins une heure, que je le veuille ou non :/
- egometDoyen
Tu as combien d'élèves?
Dans une classe nombreuse, c'est moins facile de faire ces exercices de déclamation. On ne peut pas faire passer tout le monde.
Je crois que le plus important, c'est que toi-même tu sois capable de leur montrer comment déclamer. Il faut qu'ils entendent la musique dans ta bouche. Si tu ne te sens pas bon, laisse tomber.
Il faut d'abord faire comprendre le texte.
Eventuellement, tu fais lire une première fois par un élève, pas du genre à se vexer pour un rien. Et tu demandes à la classe: "Pourquoi ça s'appelle chanson? Est-ce que vous avez entendu la musique?" Tu fais remarquer que c'est normal de faire une lecture un peu plate quand on ne s'est pas entraîné. Puis tu donnes l'exemple en déclamant toi-même. Ou alors tu lis tout de suite toi-même. Là, c'est le moment crucial.
Puis tu expliques les règles de prononciation: e caduc et diérèse. Tu as besoin des deux pour ce poème. Si on n'a pas le bon nombre de syllabes, c'est comme si on oubliait des notes dans une partition, c'est moche. Attention le rythme est délicat ici: 2 tétrasyllabes puis 1 trisyllabe.
Travaille d'abord le rythme, ensuite seulement, si tu le sens, les nuances plus subtiles du "ton": tristesse, angoisse, abandon etc.
N'hésite pas à faire des remarques sur ce qu'on peut améliorer: "attention à ne pas baisser la voix à la fin du vers comme s'il y avait un point", "marque quand même la fin du vers", "prends ta respiration" etc. A chaque fois tu montres. Ne pas interrompre l'élève trop souvent. Il faut au moins lui laisser la possibilité de déclamer un ensemble cohérent, une strophe ou deux. Tu peux de temps en temps demander l'avis de la classe. Souligne bien les réussites.
Il peut être bon de demander à l'élève qui déclame de se lever. Ca met en condition. Mais ce n'est pas indispensable.
La difficulté en classe, c'est de ne pas lasser les élèves. Ne t'acharne pas sur un élève jusqu'à ce que ce soit parfait. C'est normal de ne pas y arriver du premier coup, il faut souvent laisser reposer ces choses-là. Signale simplement ce qu'on peut améliorer. S'il y tient, laisse-le réessayer sur une strophe ou deux, puis passe à un autre "volontaire".
Bon, je ne te cache pas que pour ce genre d'exercices il y a un effet classe très fort. Si tu tombes sur deux ou trois musisciens, ils peuvent vraiment entraîner la classe. Mais s'ils rechignent, tu n'obtiendras pas grand-chose. Donc ne cherche pas à en faire trop dès la première fois. Deux ou trois lectures sont bien suffisantes avec une classe médiocre. Tu te réserves le droit de revenir à cet exercice sur un autre poème, plus tard. Si tu sens que ça marche, continue, profite de l'occasion, mais sois bien attentif aux signes de lassitude.
Un truc, si tu as une classe nombreuse et un texte assez long, tu fais lire une strophe et tu changes de lecteur d'un simple geste. Tu désignes le nouveau lecteur au dernier moment, de façon aléatoire, pour obliger tout le monde à être attentif, le but étant d'éviter les ruptures. Si un élève lit particulièrement bien, tu lui accordes une deuxième strophe et tu le félicites. Si un élève tient à recommencer, tu lui accordes une deuxième chance.
Dans une classe nombreuse, c'est moins facile de faire ces exercices de déclamation. On ne peut pas faire passer tout le monde.
Je crois que le plus important, c'est que toi-même tu sois capable de leur montrer comment déclamer. Il faut qu'ils entendent la musique dans ta bouche. Si tu ne te sens pas bon, laisse tomber.
Il faut d'abord faire comprendre le texte.
Eventuellement, tu fais lire une première fois par un élève, pas du genre à se vexer pour un rien. Et tu demandes à la classe: "Pourquoi ça s'appelle chanson? Est-ce que vous avez entendu la musique?" Tu fais remarquer que c'est normal de faire une lecture un peu plate quand on ne s'est pas entraîné. Puis tu donnes l'exemple en déclamant toi-même. Ou alors tu lis tout de suite toi-même. Là, c'est le moment crucial.
Puis tu expliques les règles de prononciation: e caduc et diérèse. Tu as besoin des deux pour ce poème. Si on n'a pas le bon nombre de syllabes, c'est comme si on oubliait des notes dans une partition, c'est moche. Attention le rythme est délicat ici: 2 tétrasyllabes puis 1 trisyllabe.
Travaille d'abord le rythme, ensuite seulement, si tu le sens, les nuances plus subtiles du "ton": tristesse, angoisse, abandon etc.
N'hésite pas à faire des remarques sur ce qu'on peut améliorer: "attention à ne pas baisser la voix à la fin du vers comme s'il y avait un point", "marque quand même la fin du vers", "prends ta respiration" etc. A chaque fois tu montres. Ne pas interrompre l'élève trop souvent. Il faut au moins lui laisser la possibilité de déclamer un ensemble cohérent, une strophe ou deux. Tu peux de temps en temps demander l'avis de la classe. Souligne bien les réussites.
Il peut être bon de demander à l'élève qui déclame de se lever. Ca met en condition. Mais ce n'est pas indispensable.
La difficulté en classe, c'est de ne pas lasser les élèves. Ne t'acharne pas sur un élève jusqu'à ce que ce soit parfait. C'est normal de ne pas y arriver du premier coup, il faut souvent laisser reposer ces choses-là. Signale simplement ce qu'on peut améliorer. S'il y tient, laisse-le réessayer sur une strophe ou deux, puis passe à un autre "volontaire".
Bon, je ne te cache pas que pour ce genre d'exercices il y a un effet classe très fort. Si tu tombes sur deux ou trois musisciens, ils peuvent vraiment entraîner la classe. Mais s'ils rechignent, tu n'obtiendras pas grand-chose. Donc ne cherche pas à en faire trop dès la première fois. Deux ou trois lectures sont bien suffisantes avec une classe médiocre. Tu te réserves le droit de revenir à cet exercice sur un autre poème, plus tard. Si tu sens que ça marche, continue, profite de l'occasion, mais sois bien attentif aux signes de lassitude.
Un truc, si tu as une classe nombreuse et un texte assez long, tu fais lire une strophe et tu changes de lecteur d'un simple geste. Tu désignes le nouveau lecteur au dernier moment, de façon aléatoire, pour obliger tout le monde à être attentif, le but étant d'éviter les ruptures. Si un élève lit particulièrement bien, tu lui accordes une deuxième strophe et tu le félicites. Si un élève tient à recommencer, tu lui accordes une deuxième chance.
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