- sifiÉrudit
J'aimerais monter une séquence sur la mer, reflet de l'âme du poète en 3ème. Le thème plus général des paysages ne m'inspire vraiment pas du tout...
J'ai plusieurs idées, mais je me rends compte que je fais surtout référence à Baudelaire, alors qu'il serait intéressant de voir aussi d'autres auteurs.
J'ai:
-L'Albatros, L'Homme et la mer, Le port (poème en prose) de Baudelaire
-Oceano Nox, Une nuit qu'on entendait la mer sans la voir de Hugo
J'ai regardé d'autres choses, comme le début du Cimetière Marin de Valery, l'extrait du Bateau Ivre de Rimbaud, mais mes 3èmes sont de gros mollusques qui ne participent absolument pas, donc ça me semble plutôt ardu.
Est-ce que vous auriez des textes à me proposer? Eventuellement, des méthodes pour forcer mes mollusques à se creuser les méninges au lieu d'attendre que ça se passe?
J'ai plusieurs idées, mais je me rends compte que je fais surtout référence à Baudelaire, alors qu'il serait intéressant de voir aussi d'autres auteurs.
J'ai:
-L'Albatros, L'Homme et la mer, Le port (poème en prose) de Baudelaire
-Oceano Nox, Une nuit qu'on entendait la mer sans la voir de Hugo
J'ai regardé d'autres choses, comme le début du Cimetière Marin de Valery, l'extrait du Bateau Ivre de Rimbaud, mais mes 3èmes sont de gros mollusques qui ne participent absolument pas, donc ça me semble plutôt ardu.
Est-ce que vous auriez des textes à me proposer? Eventuellement, des méthodes pour forcer mes mollusques à se creuser les méninges au lieu d'attendre que ça se passe?
- gregforeverGrand sage
Marbeuf "et la mer et l'amour" un sonnet qui joue sur les mots
- OxfordNeoprof expérimenté
Deux liens où tu trouveras peut-être des idées :
https://www.poetica.fr/categories/mer/
https://www.eternels-eclairs.fr/poesie-poemes-mer-ocean.php
_________________
Tutti i ghjorna si n'impara.
- MiettesNiveau 8
Voici le tout début d'Auprès de la mer, d'Akhmatova, dans la traduction de Christian Mouze. Un poème somptueux, et l'édition chez Harpo l'est autant.
"Les Roses de Saadi", de Desbordes- Valmore, évoque la mer sans qu'elle ne soit pourtant centrale.
- Spoiler:
- Auprès de la mer
I
Les baies taillent la côte basse,
Les voiles s’enfuient sur la mer,
Au soleil je sèche mes nattes
Emplies de sel,
Loin de la terre,
Sur une pierre plate,
Un poisson vert nage vers moi,
Vers moi vole une blanche mouette,
Je suis insolente, mauvaise,
Radieuse et ne sais pas
Que le bonheur c’est ça.
Dans le sable j’enterre
Ma robe jaune :
Que le vent ne l’enlève,
Qu’un rôdeur ne l’emporte
Et dans la mer je m’éloigne,
Couchée sur la vague
Noire et chaude.
Au retour, un phare à l’est
Peint sa lumière
Puis l’efface.
Et aux portes de Khersonèse
M’a dit un moine :
«Que fais-tu dans la nuit ? »
Les voisins le savent : je sens l’eau.
Et s’ils creusent un nouveau puits,
Ils m’appellent pour trouver l’endroit,
Ils ne bossent pas pour des briques,
Je ramasse aussi des balles françaises
Comme des champignons et des airelles,
Et dans ma robe je rapporte
Des morceaux de bombes rouillés.
L’air important je dis à ma soeur :
« Tsarine je ferai construire
Six canonnières et six cuirassés,
Afin de défendre mes baies
Jusqu’à Fiolent » …
Et le soir au pied de mon lit,
Devant l’icône sombre je prie:
Que la grêle ne hache pas les cerises
Et que l’on pêche toujours du gros poisson,
Et que le rusé vagabond
Ne remarque pas ma robe jaune.
"Les Roses de Saadi", de Desbordes- Valmore, évoque la mer sans qu'elle ne soit pourtant centrale.
_________________
2016-2017, lettres au collège : 6e, 5e, 4e + AP 3e
2017-2018, professeure des écoles stagiaire : CM2
2018- ? , doctorat de lettres
- tannatHabitué du forum
Émile VERHAEREN
Recueil : "Les Villes Tentaculaires"
"Le Port"
Toute la mer va vers la ville !
Son port est surmonté d’un million de croix :
Vergues transversales barrant de grands mâts droits.
Son port est pluvieux et suie à travers brumes,
Où le soleil comme un oeil rouge et colossal larmoie.
Son port est ameuté de steamers noirs qui fument
Et mugissent, au fond du soir, sans qu’on les voie.
Son port est fourmillant et musculeux de bras
Perdus en un fouillis dédalien d’amarres.
Son port est tourmenté de chocs et de fracas
Et de marteaux tournant dans l’air leurs tintamarres.
Toute la mer va vers la ville !
Les flots qui voyagent comme les vents,
Les flots légers, les flots vivants,
Pour que la ville en feu l’absorbe et le respire
Lui rapportent le monde en leurs navires.
Les Orients et les Midis tanguent vers elle
Et les Nords blancs et la folie universelle
Et tous les nombres dont le désir prévoit la somme.
Et tout ce qui s’invente et tout ce que les hommes
Tirent de leurs cerveaux puissants et volcaniques
Tend vers elle, cingle vers elle et vers ses luttes :
Elle est le brasier d’or des humaines disputes,
Elle est le réservoir des richesses uniques
Et les marins naïfs peignent son caducée
Sur leur peau rousse et crevassée,
A l’heure où l’ombre emplit les soirs océaniques.
Toute la mer va vers la ville !
Ô les Babels enfin réalisées !
Et cent peuples fondus dans la cité commune ;
Et les langues se dissolvant en une ;
Et la ville comme une main, les doigts ouverts,
Se refermant sur l’univers !
Dites ! les docks bondés jusques au faite
Et la montagne, et le désert, et les forêts,
Et leurs siècles captés comme en des rets ;
Dites ! leurs blocs d’éternité : marbres et bois,
Que l’on achète,
Et que l’on vend au poids ;
Et puis, dites ! les morts, les morts, les morts
Qu’il a fallu pour ces conquêtes.
Toute la mer va vers la ville !
La mer pesante, ardente et libre,
Qui tient la terre en équilibre;
La mer que domine la loi des multitudes,
La mer où les courants tracent les certitudes ;
La mer et ses vagues coalisées,
Comme un désir multiple et fou,
Qui renversent les rocs depuis mille ans debout
Et retombent et s’effacent, égalisées;
La mer dont chaque lame ébauche une tendresse
Ou voile une fureur ; la mer plane ou sauvage ;
La mer qui inquiète et angoisse et oppresse
De l’ivresse de son image.
Toute la mer va vers la ville !
Son port est parsemé et scintillant de feux
Et sillonné de rails fuyants et lumineux.
Son port est ceint de tours rouges dont les murs sonnent
D’un bruit souterrain d’eau qui s’enfle et ronfle en elles.
Son port est lourd d’odeurs de naphte et de carbone
Qui s’épandent, au long des quais, par des ruelles.
Son port est fabuleux de déesses sculptées
A l’avant des vaisseaux dont les mâts d’or s’exaltent.
Son port est solennel de tempêtes domptées
Et des havres d’airain, de grès et de basalte.
"Brise marine"
La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature !
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,
Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots …
Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots !
Stéphane Mallarmé, Vers et Prose, 1893
Îles
Îles
Îles où l’on ne prendra jamais terre
Îles où l’on ne descendra jamais
Îles couvertes de végétations
Îles tapies comme des jaguars
Îles muettes
Îles immobiles
Îles inoubliables et sans nom
Je lance mes chaussures par-dessus bord car je voudrais bien aller jusqu’à vous
Blaise Cendrars, Feuilles de route, 1924
L’île des rêves
Il a mis le veston du père,
Les chaussures de la maman
Et le pantalon du grand frère
Il nage dans ses vêtements.
Il nage, il nage à perdre haleine.
Il croise des poissons volants,
Des thons, des dauphins, des baleines…
Que de monde, dans l’océan !
Ecume blanche et coquillages,
Il nage depuis si longtemps
Qu’il aborde enfin au rivage
Du pays des rêves d’enfants.
Jacques Charpentreau
Poèmes pour peigner la girafe,
Ed. Gautier-Languereau (1994)
Recueil : "Les Villes Tentaculaires"
"Le Port"
Toute la mer va vers la ville !
Son port est surmonté d’un million de croix :
Vergues transversales barrant de grands mâts droits.
Son port est pluvieux et suie à travers brumes,
Où le soleil comme un oeil rouge et colossal larmoie.
Son port est ameuté de steamers noirs qui fument
Et mugissent, au fond du soir, sans qu’on les voie.
Son port est fourmillant et musculeux de bras
Perdus en un fouillis dédalien d’amarres.
Son port est tourmenté de chocs et de fracas
Et de marteaux tournant dans l’air leurs tintamarres.
Toute la mer va vers la ville !
Les flots qui voyagent comme les vents,
Les flots légers, les flots vivants,
Pour que la ville en feu l’absorbe et le respire
Lui rapportent le monde en leurs navires.
Les Orients et les Midis tanguent vers elle
Et les Nords blancs et la folie universelle
Et tous les nombres dont le désir prévoit la somme.
Et tout ce qui s’invente et tout ce que les hommes
Tirent de leurs cerveaux puissants et volcaniques
Tend vers elle, cingle vers elle et vers ses luttes :
Elle est le brasier d’or des humaines disputes,
Elle est le réservoir des richesses uniques
Et les marins naïfs peignent son caducée
Sur leur peau rousse et crevassée,
A l’heure où l’ombre emplit les soirs océaniques.
Toute la mer va vers la ville !
Ô les Babels enfin réalisées !
Et cent peuples fondus dans la cité commune ;
Et les langues se dissolvant en une ;
Et la ville comme une main, les doigts ouverts,
Se refermant sur l’univers !
Dites ! les docks bondés jusques au faite
Et la montagne, et le désert, et les forêts,
Et leurs siècles captés comme en des rets ;
Dites ! leurs blocs d’éternité : marbres et bois,
Que l’on achète,
Et que l’on vend au poids ;
Et puis, dites ! les morts, les morts, les morts
Qu’il a fallu pour ces conquêtes.
Toute la mer va vers la ville !
La mer pesante, ardente et libre,
Qui tient la terre en équilibre;
La mer que domine la loi des multitudes,
La mer où les courants tracent les certitudes ;
La mer et ses vagues coalisées,
Comme un désir multiple et fou,
Qui renversent les rocs depuis mille ans debout
Et retombent et s’effacent, égalisées;
La mer dont chaque lame ébauche une tendresse
Ou voile une fureur ; la mer plane ou sauvage ;
La mer qui inquiète et angoisse et oppresse
De l’ivresse de son image.
Toute la mer va vers la ville !
Son port est parsemé et scintillant de feux
Et sillonné de rails fuyants et lumineux.
Son port est ceint de tours rouges dont les murs sonnent
D’un bruit souterrain d’eau qui s’enfle et ronfle en elles.
Son port est lourd d’odeurs de naphte et de carbone
Qui s’épandent, au long des quais, par des ruelles.
Son port est fabuleux de déesses sculptées
A l’avant des vaisseaux dont les mâts d’or s’exaltent.
Son port est solennel de tempêtes domptées
Et des havres d’airain, de grès et de basalte.
"Brise marine"
La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature !
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,
Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots …
Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots !
Stéphane Mallarmé, Vers et Prose, 1893
Îles
Îles
Îles où l’on ne prendra jamais terre
Îles où l’on ne descendra jamais
Îles couvertes de végétations
Îles tapies comme des jaguars
Îles muettes
Îles immobiles
Îles inoubliables et sans nom
Je lance mes chaussures par-dessus bord car je voudrais bien aller jusqu’à vous
Blaise Cendrars, Feuilles de route, 1924
L’île des rêves
Il a mis le veston du père,
Les chaussures de la maman
Et le pantalon du grand frère
Il nage dans ses vêtements.
Il nage, il nage à perdre haleine.
Il croise des poissons volants,
Des thons, des dauphins, des baleines…
Que de monde, dans l’océan !
Ecume blanche et coquillages,
Il nage depuis si longtemps
Qu’il aborde enfin au rivage
Du pays des rêves d’enfants.
Jacques Charpentreau
Poèmes pour peigner la girafe,
Ed. Gautier-Languereau (1994)
_________________
« Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent. » Samuel Beckett
« C'est un malheur que les hommes ne puissent d'ordinaire posséder aucun talent sans avoir quelque envie d'abaisser les autres.» Vauvenargues
- nicole 86Expert spécialisé
Un poème que j'aime beaucoup :
La mer secrète de Jules Supervielle
Quand nul ne la regarde
La mer n’est plus la mer,
Elle est ce que nous sommes
Lorsque nul ne nous voit.
Elle a d’autres poissons,
D’autres vagues aussi.
C’est la mer pour la mer
Et pour ceux qui en rêvent
Comme je fais ici.
Jules Supervielle, La Fable du monde
La mer secrète de Jules Supervielle
Quand nul ne la regarde
La mer n’est plus la mer,
Elle est ce que nous sommes
Lorsque nul ne nous voit.
Elle a d’autres poissons,
D’autres vagues aussi.
C’est la mer pour la mer
Et pour ceux qui en rêvent
Comme je fais ici.
Jules Supervielle, La Fable du monde
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
De pierre sont les uns, d'argile d'autres sont, -
Moi je scintille, toute argentine !
Trahir est mon affaire et Marina - mon nom,
Je suis fragile écume marine.
D'argile sont les uns, les autres sont de chair -
A eux : tombes et dalles tombales !
- Baptisée dans la coupe marine - et en l'air
Sans fin brisée, je vole et m'affale.
A travers tous les coeurs, à travers tout filet
Mon caprice s'infiltre, pénètre.
De moi - ces boucles vagabondes : vise-les ! -
On ne fera pas du sel terrestre.
Contre vos genoux de granit je suis broyée
Et chaque vague - me réanime !
Vive l'écume, gloire à l'écume joyeuse,
Vive la haute écume marine !
Tentative de Jalousie, in Le Ciel Brûle, Marina Tsvétaïeva, Préface de Zéno Bianu, Traduction de Pierre Léon et d'Eve Malleret
Moi je scintille, toute argentine !
Trahir est mon affaire et Marina - mon nom,
Je suis fragile écume marine.
D'argile sont les uns, les autres sont de chair -
A eux : tombes et dalles tombales !
- Baptisée dans la coupe marine - et en l'air
Sans fin brisée, je vole et m'affale.
A travers tous les coeurs, à travers tout filet
Mon caprice s'infiltre, pénètre.
De moi - ces boucles vagabondes : vise-les ! -
On ne fera pas du sel terrestre.
Contre vos genoux de granit je suis broyée
Et chaque vague - me réanime !
Vive l'écume, gloire à l'écume joyeuse,
Vive la haute écume marine !
Tentative de Jalousie, in Le Ciel Brûle, Marina Tsvétaïeva, Préface de Zéno Bianu, Traduction de Pierre Léon et d'Eve Malleret
- IllianeExpert
- Verlaine:
Je ne sais pourquoi
Mon esprit amer
D’une aile inquiète et folle vole sur la mer.
Tout ce qui m’est cher,
D’une aile d’effroi
Mon amour le couve au ras des flots. Pourquoi, pourquoi ?
Mouette à l’essor mélancolique ,
Elle suit la vague, ma pensée,
À tous les vents du ciel balancée,
Et biaisant quand la marée oblique,
Mouette à l’essor mélancolique.
Ivre de soleil
Et de liberté,
Un instinct la guide à travers cette immensité.
La brise d’été
Sur le flot vermeil
Doucement la porte en un tiède demi-sommeil.
Parfois si tristement elle crie
Qu’elle alarme au lointain le pilote,
Puis au gré du vent se livre et flotte
Et plonge, et l’aile toute meurtrie
Revole, et puis si tristement crie !
Je ne sais pourquoi
Mon esprit amer
D’une aile inquiète et folle vole sur la mer.
Tout ce qui m’est cher,
D’une aile d’effroi
Mon amour le couve au ras des flots. Pourquoi, pourquoi ?
Verlaine, Paul, « Je ne sais pourquoi… », Sagesse, III, 7, 1881
- Jean Ogier de Gombaud:
Je vogue sur la mer, où mon âme craintive,
Aux jours les plus sereins, voit les vents se lever.
Pour vaincre leurs efforts, j'ai beau les observer,
Ma force, ou ma prudence, est ou faible, ou tardive.
Je me laisse emporter à l'onde fugitive,
Parmi tous les dangers qui peuvent arriver,
Où tant d'hommes divers se vont perdre, ou sauver,
Et dont la seule mort est le fond, ou la rive.
Le monde est cette mer, où pour me divertir,
Dans un calme incertain, j'écoute retentir
Les accents enchanteurs des perfides Sirènes.
C'est lors que la frayeur me fait tout redouter,
Que je vois les écueils, que je vois les arènes,
Et le gouffre où le Ciel me va précipiter.
"Je vogue sur la mer, où mon âme craintive", Poésies, 1646
- Roger Dévigne:
J'ai dans l'âme une odeur marine.
Odeur de large, odeur de plage, odeur de ports,
De vieux ports goudronneux et saurs où la marée
Délaye lentement l'ombre des grands navires...
Odeur des goémons aux capsules dorées,
Chevelures d'ambre, algues que je sens encor
Glisser, vivantes, sur ma bouche et ma mémoire;
Coquillages gravés au long des promontoires,
Beau souvenir qui sent la mer et le soleil,
Les grands chemins marins et les syrtes profondes;
O les chemins qui ne sont pas toujours pareils
Et qui s'en vont vers l'autre bout du monde !
J'ai, dans l'âme, une odeur marine.
Je porte au fond de moi cette odeur de la mer
Comme le souvenir des pays et des rêves
Pour lesquels mon destin n'appareillera plus.
Mon destin, à jamais banal et révolu,
- Ah! l'amarre d'un seul bateau qui tire et vire
Au long du quai désert, sur son anneau de fer !
"Odeur marine", Roger Dévigne
- Emile Verhaeren:
Je ne puis voir la mer sans rêver de voyages.
Le soir se fait, un soir ami du paysage,
Où les bateaux, sur le sable du port,
En attendant le flux prochain, dorment encor.
Oh ce premier sursaut de leurs quilles cabrées,
Au fouet soudain des montantes marées !
Oh ce regonflement de vie immense et lourd
Et ces grands flots, oiseaux d’écume,
Qui s’abattent du large, en un effroi de plumes,
Et reviennent sans cesse et repartent toujours !
La mer est belle et claire et pleine de voyages.
A quoi bon s’attarder près des phares du soir
Et regarder le jeu tournant de leurs miroirs
Réverbérer au loin des lumières trop sages ?
La mer est belle et claire et pleine de voyages
Et les flammes des horizons, comme des dents,
Mordent le désir fou, dans chaque coeur ardent :
L’inconnu est seul roi des volontés sauvages.
Partez, partez, sans regarder qui vous regarde,
Sans nuls adieux tristes et doux,
Partez, avec le seul amour en vous
De l’étendue éclatante et hagarde.
Oh voir ce que personne, avec ses yeux humains,
Avant vos yeux à vous, dardés et volontaires,
N’a vu ! voir et surprendre et dompter un mystère
Et le résoudre et tout à coup s’en revenir,
Du bout des mers de la terre,
Vers l’avenir,
Avec les dépouilles de ce mystère
Triomphales, entre les mains !
Ou bien là-bas, se frayer des chemins,
A travers des forêts que la peur accapare
Dieu sait vers quels tourbillonnants essaims
De peuples nains, défiants et bizarres.
Et pénétrer leurs moeurs, leur race et leur esprit
Et surprendre leur culte et ses tortures,
Pour éclairer, dans ses recoins et dans sa nuit,
Toute la sournoise étrangeté de la nature !
Oh ! les torridités du Sud – ou bien encor
La pâle et lucide splendeur des pôles
Que le monde retient, sur ses épaules,
Depuis combien de milliers d’ans, au Nord ?
Dites, l’errance au loin en des ténèbres claires,
Et les minuits monumentaux des gels polaires,
Et l’hivernage, au fond d’un large bateau blanc,
Et les étaux du froid qui font craquer ses flancs,
Et la neige qui choit, comme une somnolence,
Des jours, des jours, des jours, dans le total silence.
Dites, agoniser là-bas, mais néanmoins,
Avec son seul orgueil têtu, comme témoin,
Vivre pour s’en aller – dès que le printemps rouge
Aura cassé l’hiver compact qui déjà bouge –
Trouer toujours plus loin ces blocs de gel uni
Et rencontrer, malgré les volontés adverses,
Quand même, un jour, ce chemin qui traverse,
De part en part, le coeur glacé de l’infini.
Je ne puis voir la mer sans rêver de voyages.
Le soir se fait, un soir ami du paysage
Où les bateaux, sur le sable du port,
En attendant le flux prochain dorment encor…
Oh ce premier sursaut de leurs quilles cabrées
Aux coups de fouet soudains des montantes marées !
"Le voyage", Emile Verhaeren, Les forces tumultueuses, 1902
- Lamartine:
Quand j’étais jeune et fier et que j’ouvrais mes ailes,
Les ailes de mon âme à tous les vents des mers,
Les voiles emportaient ma pensée avec elles,
Et mes rêves flottaient sur tous les flots amers.
Je voyais dans ce vague où l’horizon se noie
Surgir tout verdoyants de pampre et de jasmin
Des continents de vie et des îles de joie
Où la gloire et l’amour m’appelaient de la main.
J’enviais chaque nef qui blanchissait l’écume,
Heureuse d’aspirer au rivage inconnu,
Et maintenant, assis au bord du cap qui fume,
J’ai traversé ces flots et j’en suis revenu.
Et j’aime encor ces mers autrefois tant aimées,
Non plus comme le champ de mes rêves chéris,
Mais comme un champ de mort où mes ailes semées
De moi-même partout me montrent les débris.
Cet écueil me brisa, ce bord surgit funeste,
Ma fortune sombra dans ce calme trompeur ;
La foudre ici sur moi tomba de l’arc céleste
Et chacun de ces flots roule un peu de mon coeur.
"Les voiles", Alphonse de Lamartine, Oeuvre posthume
Quant à la difficulté, je ne saurais trop te dire ce qu'il en est, à toi de voir avec tes élèves ; en tout cas, j'ai travaillé sur "Les voiles" avec mes 5e.
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