- Rosam31Niveau 3
http://sabineaussenac.blog.lemonde.fr/2014/04/18/la-chute/
La chute
Je respirais le chant têtu d’un merle, qui embaumait le soir, et j’entendais la magnificence du lilas. Oui, c’est vrai, je marchais vite, après cette longue journée de cours, agrémentée de conseils de classe, à 80 kilomètres de mon domicile…Presque cinq heures de trajets, quatre fois par semaine, dans un TER aux allures de Micheline, et puis aussi le bus, le métro…Un rythme parisien, alors que je vivais bien au cœur de la Gascogne et que j’aurais normalement pu, si l’allemand avait encore eu la place qu’il devrait occuper, travailler al païs, et non pas « hors de ma zone »…
Ce soir-là, je rentrais tôt, et pas au train de 22h…Le JT allait commencer, les maisons déjà étaient closes dans la petite ruelle jouxtant la garde d’Auch…Telle une vieille rosse cahotant vers son écurie à travers les sentes immuables de la forêt, je marchais sur les pas de mes habitudes, tirant vaillamment mon caddy plein de cours et de courses, le sourire aux lèvres devant la gloire de ce printemps, et me réjouissant de retrouver mon fiston qui regardait sans doute PPD et ses Guignols…Plus myope que Nana Mouskouri et presbyte, je regardais bien sûr aussi mes pieds, et loin devant, comme tout conducteur aguerri !
Soudain, je trébuchai, et, emportée dans mon élan –je marche hélas non pas à grandes enjambées, en ondulant de la croupe ave une grâce de top model, mais à petits pas pressés de fourmi laborieuse, et, comme disent les jeunes, oui, je ‘trace’…-, la main droite bloquée par le caddy que je tirais, je n’eus que le temps d’allonger la main gauche, me sentant partir à la vitesse de l’éclair vers l’avant, ce sourire nigaud et printanier encore vissé aux lèvres…En fait, je m’étalai sans réellement comprendre ! On dit qu’un accident de voiture se déroule comme dans un rêve, sans que l’on ait le temps de réagir. Je peux vous assurer qu’à pied, c’est pareil !
C’est le bruit qui m’interpella, m’interloqua, un bruit sourd, profond, intense, qui retentit dans ma tête avant même la douleur. Je ne le compris pas, pas du tout, car je ne voyais déjà plus rien, aveuglée par du sang, les lunettes cassées. Ce que je compris, en revanche, c’est que ma chute avait été très grave. Non pas à cause de la douleur cuisante à la main gauche et au genou droit, mais à cause de ce ressenti intense, de cette détresse vibratoire dans ma tête. Très péniblement, je réussis à m’assoir sur le trottoir, puis je pris mon écharpe pour éponger le sang et me mis à hurler tout en tentant de composer le numéro des pompiers…
Des années durant, j’avais répété à mes filles qu’il fallait crier « au feu !», et jamais « au viol !» en cas de problème…Mais bien entendu, sonnée comme une cloche, je criai bêtement « au secours, à l’aide ! », une bonne de dizaine de minutes durant, seule, en train de « pisser le sang » dans cette petite rue auscitaine ! Certes, j’étais tombée face à un mur aveugle et devant un immeuble, pas devant une maison où des gens auraient pu arroser le jardin ou diner dehors…Mais je vous le jure : c’est ce sentiment d’abandon qui m’a longtemps tourmentée…En parallèle, j’avais réussi à appeler mon fils pour lui dire que je lui enverrai des amis, et les amis en question. Et, enfin, les pompiers…
Finalement, un homme arriva, et resta à mes côtés, très gentiment, me rassurant ; il m’avait entendu crier depuis une autre rue…En même temps, quelques personnes s’attroupèrent autour de nous, ayant enfin osé sortir de leur demeure cadenassée, dont un monsieur qui expliquera plus tard m’avoir vue chuter, mais qui pensait que d’autres m’avaient secourue…Aux pompiers, je répétais comme une litanie « Il faut que quelqu'un s’occupe de mon fils » et « Je veux un scanner, j’ai un traumatisme crânien !», tant et si bien qu’ils finirent par me demander si je n’avais rien bu, tant il leur semblait bizarre que je me répète ainsi. Et puis une presque vieille dame tirant un caddy, vêtue de santiags élimées et d’un vieux manteau noir, errant dans cette ville déserte à huit heures du soir, ne serait-elle pas une pochtronne en partance pour son centre d’hébergement ?
Je m'évertuais donc à leur répéter que je rentrai de mon plein temps au lycée hôtelier de Toulouse, à leur énoncer ma profession, mon adresse; ils ne comprenaient pas bien l’étendue des dégâts-moi non plus, d’ailleurs. L’explication viendrait une semaine plus tard…
S’ensuivit une bonne heure d’attente à l’hôpital d’Auch, seule, sur un brancard où je pris un doliprane de mon propre sac après que l’infirmière ait compressé la plaie de mon nez et du front, car il fallait attendre l’urgentiste. Le scanner que je réclamais toujours avec insistance ne fut pas prescrit, puisque je n’avais pas perdu connaissance-n’est pas Schumi qui veut…-, on m’accorda simplement une radio du nez (double fracture) et ne jeta qu’un œil méprisant que l’abrasion du front et surtout sur la vilaine plaie labiale. Ma généraliste, le lendemain, sera scandalisée de voir qu’on n’avait pas daigné me recoudre…Un an après j’ai toujours une sorte de bec de lièvre –bon, discret, mais moi je vois et sens la très laide boursouflure qui aurait pu être évitée avec quelques petits points…
Croyez-le ou non, je ressortis quelques heures plus tard, avec une simple ordonnance de pansements que, là aussi, j’avais insisté pour avoir, de même que la prescription pour des soins infirmiers ! « Mais vous vous les ferez, les pansements, Madame !! » Je suppose que le célèbre interne blogueur, qui a même sorti un bouquin, n’était pas de garde ce soir-là…
http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/01/30/alors-voila-le-blog-drolatique-et-tragique-d-un-interne-hospitalier_1824506_3232.html
En tous cas, cela m’a furieusement rappelé le traitement subi lors de la naissance de ma première Princesse, la nuit précédant Noël, en 86, dans un hôpital clermontois ressemblant, comme celui de Auch, à un établissement roumain –une douche pour toute la maternité, sic !!!!-, où l’anesthésiste m’engueula comme plâtre en me disant que les « blessés de la route passeraient avant ma péridurale, hein, parce qu’accoucher, ce n’est pas grave »…
Je vous passe les jours suivants, les visites quotidiennes des adorables infirmières –deux pansements, quand même, le nez et la lèvre !!-, ma peur de développer le fameux hématome sous-dural –on ne nait pas hypocondriaque, on le devient, avec trois enfants et tous leurs ennuis qui finissent par déteindre sur vous…-, la présence si réconfortante de l’ami qui était venu me récupérer en miettes à l’hôpital et qui resta plusieurs nuits à mes côtés, la gentillesse des voisins et amis…Et l’empathie de mon chat, qui venait se coucher avec moi avec plus de douceur que l’interne de garde n’avait eu pour panser mes plaies…
De mon brancard, j’avais envoyé à tous les amis et à la famille la photo de ma trombine amochée, et c’est vrai que tous ont cru d’abord que je m’étais fait prendre dans quelque dérapage de la Manif pour tous, qui défrayait les soirées de l’époque !
Je repris bien sûr peu à peu figure humaine, et le travail une ou deux semaines après les vacances de Pâques…En septembre, cependant, un neurologue décréta que mon trijumeau n’était toujours pas d’aplomb, et un confrère m’accorda royalement 3 ou 6 % d’incapacité, je ne sais plus…En tous cas, pas de quoi griller les files à la supérette ou de monter un dossier « handicap » pour le sésame de la mutation…Il n’empêche que je ne peux toujours pas lever les yeux sans souffrir, que je ne peux plus me baisser et regarder, par exemple, sous un lit , et que la sensibilité du front est étrangement bloquée. « T’inquiète, t’auras pas besoin de botox ! », me répètent les copines !
En attendant, j’ai aussi des soucis de dos, de cervicales, une tendinite depuis des mois, et surtout, toujours cette peur étrange, ce réflexe comme archaïque qui me fait, vraiment, encore « mal » et sursauter lorsque, par exemple, le produit vaisselle tombe dans l’évier en glissant devant moi. J’ai mis des mois à ne plus marcher comme une petite vieille, ne peux plus faire de vélo, n’ai repris le jogging que récemment, et, déjà que je ne prenais pas les escalators qui descendent, je vous laisse imaginer mon rapport à la vitesse…On appelle ça, je crois, un stress post traumatique, mais bon, comme me l’ont répété les médecins, « Madame, ce n’était pas un accident de voiture, enfin, ce n’est pas grave, si vous saviez ce que les autres endurent… » Ben oui, n’est pas rescapé d’Irak ou de l’autoroute qui veut, là aussi…
Une semaine après mon « accident de trajet » du 18 avril 2013, mes lunettes scotchées et zébrées sur le pansement, je suis revenue rue Desaix. En fait, j’avais trébuché sur plusieurs inégalités de la chaussée, le trottoir étant totalement défoncé, et, surtout, deux plaques d’égout totalement mal serties ayant entraîné ma chute, puisque je trébuchais sur ce trottoir, puis sur la première, avant de m’éclater la tête, de face, sur la deuxième. Oui, le bruit, c’était ça : la fonte recevant ma petite tête de linotte. Heureusement, je ne suis quasi pas plus grande que Mimi Mathy, je ne suis pas tombée de haut…Et puis mes lunettes, paradoxalement, en me cassant le nez, avaient malgré tout amorti la chute…
Nous sommes partis en reportage photo, avec fiston, et avons constaté l’incroyable état de la voierie auscitaine…Partout, ce ne sont que trottoirs défoncés, plaques mal serties…L’adjoint au Maire qui m’a reçue quelques mois après s’est réfugié derrière un ou deux endroits « modèles » de la ville, où, oui, des travaux ont été entrepris…Le rapport d’expert est pourtant accablant, de même que le témoignage de ce monsieur qui m’a vue tomber sur les plaques…Mais mon "assureur militant" n’est pas très vaillant dans le processus juridique engagé, et je n’ai pas les moyens de payer un avocat privé…Le « témoin » a écrit une lettre précise, mais a oublié de photocopier sa carte d’identité…Et puis sur le rapport d’expert de l’huissier il manquerait un chiffre…Alors voilà, point mort.
Non, c’est vrai. Je ne suis pas défigurée, j’ai l’usage de mes jambes, et puis pour ne plus faire tous ces trajets j’ai, à la demande du rectorat, quitté le Gers où pourtant était mon poste pour Toulouse.
Je n’ai pas été mutée, suis toujours « TZR 32 ». Cette année, ils m’ont envoyée hors de ma zone, à 110 km, dans les Pyrénées. Avant d’arriver au lycée, je me lève à 4 h20 et prends bus, métro, TER et bus.
http://www.huffingtonpost.fr/sabine-aussenac/les-tzr-ces-roms-de-l-education-nationale_b_1852799.html
La chute
Je respirais le chant têtu d’un merle, qui embaumait le soir, et j’entendais la magnificence du lilas. Oui, c’est vrai, je marchais vite, après cette longue journée de cours, agrémentée de conseils de classe, à 80 kilomètres de mon domicile…Presque cinq heures de trajets, quatre fois par semaine, dans un TER aux allures de Micheline, et puis aussi le bus, le métro…Un rythme parisien, alors que je vivais bien au cœur de la Gascogne et que j’aurais normalement pu, si l’allemand avait encore eu la place qu’il devrait occuper, travailler al païs, et non pas « hors de ma zone »…
Ce soir-là, je rentrais tôt, et pas au train de 22h…Le JT allait commencer, les maisons déjà étaient closes dans la petite ruelle jouxtant la garde d’Auch…Telle une vieille rosse cahotant vers son écurie à travers les sentes immuables de la forêt, je marchais sur les pas de mes habitudes, tirant vaillamment mon caddy plein de cours et de courses, le sourire aux lèvres devant la gloire de ce printemps, et me réjouissant de retrouver mon fiston qui regardait sans doute PPD et ses Guignols…Plus myope que Nana Mouskouri et presbyte, je regardais bien sûr aussi mes pieds, et loin devant, comme tout conducteur aguerri !
Soudain, je trébuchai, et, emportée dans mon élan –je marche hélas non pas à grandes enjambées, en ondulant de la croupe ave une grâce de top model, mais à petits pas pressés de fourmi laborieuse, et, comme disent les jeunes, oui, je ‘trace’…-, la main droite bloquée par le caddy que je tirais, je n’eus que le temps d’allonger la main gauche, me sentant partir à la vitesse de l’éclair vers l’avant, ce sourire nigaud et printanier encore vissé aux lèvres…En fait, je m’étalai sans réellement comprendre ! On dit qu’un accident de voiture se déroule comme dans un rêve, sans que l’on ait le temps de réagir. Je peux vous assurer qu’à pied, c’est pareil !
C’est le bruit qui m’interpella, m’interloqua, un bruit sourd, profond, intense, qui retentit dans ma tête avant même la douleur. Je ne le compris pas, pas du tout, car je ne voyais déjà plus rien, aveuglée par du sang, les lunettes cassées. Ce que je compris, en revanche, c’est que ma chute avait été très grave. Non pas à cause de la douleur cuisante à la main gauche et au genou droit, mais à cause de ce ressenti intense, de cette détresse vibratoire dans ma tête. Très péniblement, je réussis à m’assoir sur le trottoir, puis je pris mon écharpe pour éponger le sang et me mis à hurler tout en tentant de composer le numéro des pompiers…
Des années durant, j’avais répété à mes filles qu’il fallait crier « au feu !», et jamais « au viol !» en cas de problème…Mais bien entendu, sonnée comme une cloche, je criai bêtement « au secours, à l’aide ! », une bonne de dizaine de minutes durant, seule, en train de « pisser le sang » dans cette petite rue auscitaine ! Certes, j’étais tombée face à un mur aveugle et devant un immeuble, pas devant une maison où des gens auraient pu arroser le jardin ou diner dehors…Mais je vous le jure : c’est ce sentiment d’abandon qui m’a longtemps tourmentée…En parallèle, j’avais réussi à appeler mon fils pour lui dire que je lui enverrai des amis, et les amis en question. Et, enfin, les pompiers…
Finalement, un homme arriva, et resta à mes côtés, très gentiment, me rassurant ; il m’avait entendu crier depuis une autre rue…En même temps, quelques personnes s’attroupèrent autour de nous, ayant enfin osé sortir de leur demeure cadenassée, dont un monsieur qui expliquera plus tard m’avoir vue chuter, mais qui pensait que d’autres m’avaient secourue…Aux pompiers, je répétais comme une litanie « Il faut que quelqu'un s’occupe de mon fils » et « Je veux un scanner, j’ai un traumatisme crânien !», tant et si bien qu’ils finirent par me demander si je n’avais rien bu, tant il leur semblait bizarre que je me répète ainsi. Et puis une presque vieille dame tirant un caddy, vêtue de santiags élimées et d’un vieux manteau noir, errant dans cette ville déserte à huit heures du soir, ne serait-elle pas une pochtronne en partance pour son centre d’hébergement ?
Je m'évertuais donc à leur répéter que je rentrai de mon plein temps au lycée hôtelier de Toulouse, à leur énoncer ma profession, mon adresse; ils ne comprenaient pas bien l’étendue des dégâts-moi non plus, d’ailleurs. L’explication viendrait une semaine plus tard…
S’ensuivit une bonne heure d’attente à l’hôpital d’Auch, seule, sur un brancard où je pris un doliprane de mon propre sac après que l’infirmière ait compressé la plaie de mon nez et du front, car il fallait attendre l’urgentiste. Le scanner que je réclamais toujours avec insistance ne fut pas prescrit, puisque je n’avais pas perdu connaissance-n’est pas Schumi qui veut…-, on m’accorda simplement une radio du nez (double fracture) et ne jeta qu’un œil méprisant que l’abrasion du front et surtout sur la vilaine plaie labiale. Ma généraliste, le lendemain, sera scandalisée de voir qu’on n’avait pas daigné me recoudre…Un an après j’ai toujours une sorte de bec de lièvre –bon, discret, mais moi je vois et sens la très laide boursouflure qui aurait pu être évitée avec quelques petits points…
Croyez-le ou non, je ressortis quelques heures plus tard, avec une simple ordonnance de pansements que, là aussi, j’avais insisté pour avoir, de même que la prescription pour des soins infirmiers ! « Mais vous vous les ferez, les pansements, Madame !! » Je suppose que le célèbre interne blogueur, qui a même sorti un bouquin, n’était pas de garde ce soir-là…
http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/01/30/alors-voila-le-blog-drolatique-et-tragique-d-un-interne-hospitalier_1824506_3232.html
En tous cas, cela m’a furieusement rappelé le traitement subi lors de la naissance de ma première Princesse, la nuit précédant Noël, en 86, dans un hôpital clermontois ressemblant, comme celui de Auch, à un établissement roumain –une douche pour toute la maternité, sic !!!!-, où l’anesthésiste m’engueula comme plâtre en me disant que les « blessés de la route passeraient avant ma péridurale, hein, parce qu’accoucher, ce n’est pas grave »…
Je vous passe les jours suivants, les visites quotidiennes des adorables infirmières –deux pansements, quand même, le nez et la lèvre !!-, ma peur de développer le fameux hématome sous-dural –on ne nait pas hypocondriaque, on le devient, avec trois enfants et tous leurs ennuis qui finissent par déteindre sur vous…-, la présence si réconfortante de l’ami qui était venu me récupérer en miettes à l’hôpital et qui resta plusieurs nuits à mes côtés, la gentillesse des voisins et amis…Et l’empathie de mon chat, qui venait se coucher avec moi avec plus de douceur que l’interne de garde n’avait eu pour panser mes plaies…
De mon brancard, j’avais envoyé à tous les amis et à la famille la photo de ma trombine amochée, et c’est vrai que tous ont cru d’abord que je m’étais fait prendre dans quelque dérapage de la Manif pour tous, qui défrayait les soirées de l’époque !
Je repris bien sûr peu à peu figure humaine, et le travail une ou deux semaines après les vacances de Pâques…En septembre, cependant, un neurologue décréta que mon trijumeau n’était toujours pas d’aplomb, et un confrère m’accorda royalement 3 ou 6 % d’incapacité, je ne sais plus…En tous cas, pas de quoi griller les files à la supérette ou de monter un dossier « handicap » pour le sésame de la mutation…Il n’empêche que je ne peux toujours pas lever les yeux sans souffrir, que je ne peux plus me baisser et regarder, par exemple, sous un lit , et que la sensibilité du front est étrangement bloquée. « T’inquiète, t’auras pas besoin de botox ! », me répètent les copines !
En attendant, j’ai aussi des soucis de dos, de cervicales, une tendinite depuis des mois, et surtout, toujours cette peur étrange, ce réflexe comme archaïque qui me fait, vraiment, encore « mal » et sursauter lorsque, par exemple, le produit vaisselle tombe dans l’évier en glissant devant moi. J’ai mis des mois à ne plus marcher comme une petite vieille, ne peux plus faire de vélo, n’ai repris le jogging que récemment, et, déjà que je ne prenais pas les escalators qui descendent, je vous laisse imaginer mon rapport à la vitesse…On appelle ça, je crois, un stress post traumatique, mais bon, comme me l’ont répété les médecins, « Madame, ce n’était pas un accident de voiture, enfin, ce n’est pas grave, si vous saviez ce que les autres endurent… » Ben oui, n’est pas rescapé d’Irak ou de l’autoroute qui veut, là aussi…
Une semaine après mon « accident de trajet » du 18 avril 2013, mes lunettes scotchées et zébrées sur le pansement, je suis revenue rue Desaix. En fait, j’avais trébuché sur plusieurs inégalités de la chaussée, le trottoir étant totalement défoncé, et, surtout, deux plaques d’égout totalement mal serties ayant entraîné ma chute, puisque je trébuchais sur ce trottoir, puis sur la première, avant de m’éclater la tête, de face, sur la deuxième. Oui, le bruit, c’était ça : la fonte recevant ma petite tête de linotte. Heureusement, je ne suis quasi pas plus grande que Mimi Mathy, je ne suis pas tombée de haut…Et puis mes lunettes, paradoxalement, en me cassant le nez, avaient malgré tout amorti la chute…
Nous sommes partis en reportage photo, avec fiston, et avons constaté l’incroyable état de la voierie auscitaine…Partout, ce ne sont que trottoirs défoncés, plaques mal serties…L’adjoint au Maire qui m’a reçue quelques mois après s’est réfugié derrière un ou deux endroits « modèles » de la ville, où, oui, des travaux ont été entrepris…Le rapport d’expert est pourtant accablant, de même que le témoignage de ce monsieur qui m’a vue tomber sur les plaques…Mais mon "assureur militant" n’est pas très vaillant dans le processus juridique engagé, et je n’ai pas les moyens de payer un avocat privé…Le « témoin » a écrit une lettre précise, mais a oublié de photocopier sa carte d’identité…Et puis sur le rapport d’expert de l’huissier il manquerait un chiffre…Alors voilà, point mort.
Non, c’est vrai. Je ne suis pas défigurée, j’ai l’usage de mes jambes, et puis pour ne plus faire tous ces trajets j’ai, à la demande du rectorat, quitté le Gers où pourtant était mon poste pour Toulouse.
Je n’ai pas été mutée, suis toujours « TZR 32 ». Cette année, ils m’ont envoyée hors de ma zone, à 110 km, dans les Pyrénées. Avant d’arriver au lycée, je me lève à 4 h20 et prends bus, métro, TER et bus.
http://www.huffingtonpost.fr/sabine-aussenac/les-tzr-ces-roms-de-l-education-nationale_b_1852799.html
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Ma tête ce n'est pas après une manif pour tous, non, c'est juste après mon AT (accident de trajet) du 18 avril. Après 4 h de trajets, chute, double trauma facial-crânien, double fracture du nez, éclatement labial, écrasement du trijumeau, et j'en passe. Mes lunettes? En ce 7 juin, pas remboursées encore? Mon dossier médical déjà en cours? Pas validé, non, pensez, je ne suis pas COTOREP, alors je n'existe pas.
Sabine, 20 ans TZR.
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