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- ParatgeNeoprof expérimenté
Il y a trente ans paraissait le livre de J.-C. Milner De l’École.
Selon lui, la Corporation enseignante et une certaine gauche avaient été gagnés par un fanatisme peu ou prou clérical et par les délices de la « pensée pieuse ».
Milner prévoyait que les « réformateurs pieux » en voulant transformer l’École pour changer la société allaient détruire sa mission principale qui est d’instruire. L’École étant de plus en France ce que la Constitution américaine est aux États-Unis : un des fondements de la République et de la démocratie. Les professeurs seraient dévalorisés. La « pédagogie » étant plus importante que le savoir.
« Le pieux et sentimental anti-raciste » dit finalement la même chose mieux que le raciste ordinaire. « Comme pour les chiens, il faut apprendre à vivre avec les immigrés (« vivre ensemble », n’est-ce pas ?) et pour y parvenir il faut comme pour les chiens, les aimer très fort. Comme pour les chiens, il ne faut leur apprendre que ce qui les concerne… disons… transformer l’École en caniveau pour immigrés… c’est abominable. »
Un syndicat soutenait ce programme, le SGEN : « Parmi ses revendications caractéristiques : l’alourdissement général des services ; la suppression du temps autonome et l’obligation de présence constante des enseignants dans les établissements ; l’alignement du professeur au Collège de France sur l’instituteur de maternelle ; l’abolition de toute différenciation due au savoir ou à la recherche. En bref, le SGEN est cette rareté : un syndicat d’enseignants qui réclame systématiquement l’abaissement matériel et moral de tous les enseignants. »
Ces objectifs étaient relayés par une « presse missionnaire ».
Trente ans plus tard, il s’avère que cet essai, traîné dans la boue à l’époque, était prophétique sur bien des points.
Selon lui, la Corporation enseignante et une certaine gauche avaient été gagnés par un fanatisme peu ou prou clérical et par les délices de la « pensée pieuse ».
Milner prévoyait que les « réformateurs pieux » en voulant transformer l’École pour changer la société allaient détruire sa mission principale qui est d’instruire. L’École étant de plus en France ce que la Constitution américaine est aux États-Unis : un des fondements de la République et de la démocratie. Les professeurs seraient dévalorisés. La « pédagogie » étant plus importante que le savoir.
« Le pieux et sentimental anti-raciste » dit finalement la même chose mieux que le raciste ordinaire. « Comme pour les chiens, il faut apprendre à vivre avec les immigrés (« vivre ensemble », n’est-ce pas ?) et pour y parvenir il faut comme pour les chiens, les aimer très fort. Comme pour les chiens, il ne faut leur apprendre que ce qui les concerne… disons… transformer l’École en caniveau pour immigrés… c’est abominable. »
Un syndicat soutenait ce programme, le SGEN : « Parmi ses revendications caractéristiques : l’alourdissement général des services ; la suppression du temps autonome et l’obligation de présence constante des enseignants dans les établissements ; l’alignement du professeur au Collège de France sur l’instituteur de maternelle ; l’abolition de toute différenciation due au savoir ou à la recherche. En bref, le SGEN est cette rareté : un syndicat d’enseignants qui réclame systématiquement l’abaissement matériel et moral de tous les enseignants. »
Ces objectifs étaient relayés par une « presse missionnaire ».
Trente ans plus tard, il s’avère que cet essai, traîné dans la boue à l’époque, était prophétique sur bien des points.
- InvitéFNiveau 4
Le livre a été réédité chez Verdier en 2009 ; il n'a pas pris une ride en effet.
- User5899Demi-dieu
Mercid'avoir célébré les trente ans de ce bel ouvrage qui devrait être fourni en dotation avec la réussite aux concours; avec La Fabrique du crétin de Brighelli, et Vos enfants ne m'intéressent plus de Maurice T. Maschino. Plus ceux de Duneton.
- LefterisEsprit sacré
Je suis allé sur leur site. C'est ça , hallucinant et consternantParatge a écrit:Il y a trente ans paraissait le livre de J.-C. Milner De l’École.
Selon lui, la Corporation enseignante et une certaine gauche avaient été gagnés par un fanatisme peu ou prou clérical et par les délices de la « pensée pieuse ».
Milner prévoyait que les « réformateurs pieux » en voulant transformer l’École pour changer la société allaient détruire sa mission principale qui est d’instruire. L’École étant de plus en France ce que la Constitution américaine est aux États-Unis : un des fondements de la République et de la démocratie. Les professeurs seraient dévalorisés. La « pédagogie » étant plus importante que le savoir.
« Le pieux et sentimental anti-raciste » dit finalement la même chose mieux que le raciste ordinaire. « Comme pour les chiens, il faut apprendre à vivre avec les immigrés (« vivre ensemble », n’est-ce pas ?) et pour y parvenir il faut comme pour les chiens, les aimer très fort. Comme pour les chiens, il ne faut leur apprendre que ce qui les concerne… disons… transformer l’École en caniveau pour immigrés… c’est abominable. »
Un syndicat soutenait ce programme, le SGEN : « Parmi ses revendications caractéristiques : l’alourdissement général des services ; la suppression du temps autonome et l’obligation de présence constante des enseignants dans les établissements ; l’alignement du professeur au Collège de France sur l’instituteur de maternelle ; l’abolition de toute différenciation due au savoir ou à la recherche. En bref, le SGEN est cette rareté : un syndicat d’enseignants qui réclame systématiquement l’abaissement matériel et moral de tous les enseignants. »
Ces objectifs étaient relayés par une « presse missionnaire ».
Trente ans plus tard, il s’avère que cet essai, traîné dans la boue à l’époque, était prophétique sur bien des points.
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- philannDoyen
Paratge a écrit:
Ces objectifs étaient relayés par une « presse missionnaire ».
Trente ans plus tard, il s’avère que cet essai, traîné dans la boue à l’époque, était prophétique sur bien des points.
Entre temps, le monde de l'éducation est mort!
Ne désespérons pas!
- Spoiler:
- Ceci dit je l'ai lu pendant longtemps!
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2014-2015: poste fixe dans les Hauts de Seine
2013-2014: certifiée stagiaire dans les Hauts de Seine
2011-2013: prof. contractuelle dans l'Essonne
- RoninMonarque
Effectivement c'est un ouvrage excellent et ce qu'il décrit des syndicats en question peut être repris mot pour mot aujourd'hui.
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- ParatgeNeoprof expérimenté
Je conseille aussi les livres anciens d'Henri Gunsberg qu'on peut télécharger sur la toile.
Le plus récent L'ogre pédagogique : Les coupeurs de tête de l'enseignement est concis et impitoyable.
Ce serait de salubrité publique que tout stagiaire lise tout ce genre d'ouvrages plutôt que la Geste de saint Meirieu...
Le plus récent L'ogre pédagogique : Les coupeurs de tête de l'enseignement est concis et impitoyable.
Ce serait de salubrité publique que tout stagiaire lise tout ce genre d'ouvrages plutôt que la Geste de saint Meirieu...
- ParatgeNeoprof expérimenté
Le mépris du savoir
« Évidemment, ceux qui disent qu’il n’y a pas de savoirs en général veulent dire autre chose que ce qu’ils disent en apparence : ils veulent dire que les savoirs effectivement transmis par l’école ne devraient pas être transmis, qu’ils ne méritent pas de l’être : qu’importe en effet le savoir de la métrique latine – à supposer qu’il soit enseigné – en face de ce qui n’est pas enseigné : poterie, tissage ou boulangerie. Mais on voit bien que la question est là toute différente : on fait semblant de parler des savoirs en général pour dire qu’il n’y en a pas, mais en réalité on parle de certains savoirs en particulier pour dire qu’ils ne devraient pas exister. Nous ne discuterons pas ce point ici : tout au plus fera-t-on remarquer qu’il n’y a aucune raison a priori pour qu’on enseigne la métrique latine dans les écoles, plutôt que la boulangerie. Mais l’inverse est vrai aussi : il n’y a aucune raison d’enseigner la boulangerie, plutôt que la métrique. C’est une affaire de décision et il serait préférable que la décision fût motivée : bien des gens croient que tout ici va de soi. Les plus nombreux aujourd’hui tiennent qu’il vaut mieux enseigner aux élèves la fabrication des crêpes que l’orthographe. Nous leur abandonnerons leur préférence ; simplement nous soulignerons qu’elle ne saurait revendiquer le moindre privilège sur la préférence inverse : l’une et l’autre doivent être justifiées par des raisons, lesquelles, bien évidemment, se révéleront rapidement des raisons de fond. Les pédagogues du « concret » ont leur philosophie et leur politique, tout comme les autres : il serait bon parfois qu’on puisse les examiner pour elles-mêmes. Une thèse fréquemment avancée par les ennemis de l’école, c’est qu’il existe des savoirs qui se transmettent ailleurs. Qu’elle n’a donc nul monopole. Cela va de soi : il y a sûrement des savoirs qui se transmettent par des voies non scolaires. Il y en a aussi, il faut bien le dire, qui ne se transmettraient guère, s’il n’y avait nulle école. Peut-on croire sérieusement que les mathématiques ou la physique, sans parler de la philosophie, de l’histoire, de la philologie, subsisteraient un instant s’il n’y avait pas, pour les soutenir, une forme de contrainte : une règle de bienséance selon quoi, dans nos sociétés, il est tenu pour honorable de les connaître un tant soit peu ? L’école n’est que l’expression institutionnelle de cette bienséance, et, dans une société égalitaire, l’école obligatoire pour tous assure que les patriciens ne seront pas seuls à l’observer. Nous disons bienséance à dessein, ne tenant pas à préjuger de la plus ou moins grande utilité sociale ou productive des savoirs : il devrait suffire ici que certaines ignorances soient mal supportées…
Ce dont ils programment la mort, ils disent vouloir le sauver : ils veulent donc et ils ne veulent pas. Pris dans une contradiction patente, ils s’en tirent diversement : par le sophisme inconscient, par la mauvaise conscience ou, c’est le cas le plus fréquent, par le discours de l’Autrement : on ne dira pas que l’école doit disparaître, mais qu’elle doit continuer d’une Autre manière. Qu’à tout observateur impartial, cette Autre manière paraisse rendre toute école impossible, c’est là un détail dont on sera requis de ne tenir aucun compte. On ne dira pas que les enseignants sont l’appendice inutile d’une institution dangereuse et presque criminelle ; on dira seulement qu’ils doivent devenir Autres : animateurs, éducateurs, grands frères, nourrices, etc. La liste est variable. Que, par là, les enseignants cessent d’être ce qu’ils doivent être, c’est encore une fois sortir de la question.
On ne dira pas que les enseignants n’ont pas à exister, mais qu’ils ont à exister Autrement. Que cette Autre existence consiste à renoncer à soi-même pour disparaître dans la nuit éducative et s’y frotter, tous corps et tous esprits confondus, avec les partenaires de l’acte éducatif – manutentionnaires, parents, élèves, etc. – seul un méchant pourrait en prendre ombrage. Mais, pour peu que l’on se détourne des leaders de la réforme et qu’on s’attache au tout-venant de leurs sectateurs, le plus frappant est ceci : tout n’est que pur et simple rond de jambe. Il ne faut pas dire d’eux qu’ils veulent et ne veulent pas, mais qu’ils disent vouloir et ne veulent pas. »
« Évidemment, ceux qui disent qu’il n’y a pas de savoirs en général veulent dire autre chose que ce qu’ils disent en apparence : ils veulent dire que les savoirs effectivement transmis par l’école ne devraient pas être transmis, qu’ils ne méritent pas de l’être : qu’importe en effet le savoir de la métrique latine – à supposer qu’il soit enseigné – en face de ce qui n’est pas enseigné : poterie, tissage ou boulangerie. Mais on voit bien que la question est là toute différente : on fait semblant de parler des savoirs en général pour dire qu’il n’y en a pas, mais en réalité on parle de certains savoirs en particulier pour dire qu’ils ne devraient pas exister. Nous ne discuterons pas ce point ici : tout au plus fera-t-on remarquer qu’il n’y a aucune raison a priori pour qu’on enseigne la métrique latine dans les écoles, plutôt que la boulangerie. Mais l’inverse est vrai aussi : il n’y a aucune raison d’enseigner la boulangerie, plutôt que la métrique. C’est une affaire de décision et il serait préférable que la décision fût motivée : bien des gens croient que tout ici va de soi. Les plus nombreux aujourd’hui tiennent qu’il vaut mieux enseigner aux élèves la fabrication des crêpes que l’orthographe. Nous leur abandonnerons leur préférence ; simplement nous soulignerons qu’elle ne saurait revendiquer le moindre privilège sur la préférence inverse : l’une et l’autre doivent être justifiées par des raisons, lesquelles, bien évidemment, se révéleront rapidement des raisons de fond. Les pédagogues du « concret » ont leur philosophie et leur politique, tout comme les autres : il serait bon parfois qu’on puisse les examiner pour elles-mêmes. Une thèse fréquemment avancée par les ennemis de l’école, c’est qu’il existe des savoirs qui se transmettent ailleurs. Qu’elle n’a donc nul monopole. Cela va de soi : il y a sûrement des savoirs qui se transmettent par des voies non scolaires. Il y en a aussi, il faut bien le dire, qui ne se transmettraient guère, s’il n’y avait nulle école. Peut-on croire sérieusement que les mathématiques ou la physique, sans parler de la philosophie, de l’histoire, de la philologie, subsisteraient un instant s’il n’y avait pas, pour les soutenir, une forme de contrainte : une règle de bienséance selon quoi, dans nos sociétés, il est tenu pour honorable de les connaître un tant soit peu ? L’école n’est que l’expression institutionnelle de cette bienséance, et, dans une société égalitaire, l’école obligatoire pour tous assure que les patriciens ne seront pas seuls à l’observer. Nous disons bienséance à dessein, ne tenant pas à préjuger de la plus ou moins grande utilité sociale ou productive des savoirs : il devrait suffire ici que certaines ignorances soient mal supportées…
Ce dont ils programment la mort, ils disent vouloir le sauver : ils veulent donc et ils ne veulent pas. Pris dans une contradiction patente, ils s’en tirent diversement : par le sophisme inconscient, par la mauvaise conscience ou, c’est le cas le plus fréquent, par le discours de l’Autrement : on ne dira pas que l’école doit disparaître, mais qu’elle doit continuer d’une Autre manière. Qu’à tout observateur impartial, cette Autre manière paraisse rendre toute école impossible, c’est là un détail dont on sera requis de ne tenir aucun compte. On ne dira pas que les enseignants sont l’appendice inutile d’une institution dangereuse et presque criminelle ; on dira seulement qu’ils doivent devenir Autres : animateurs, éducateurs, grands frères, nourrices, etc. La liste est variable. Que, par là, les enseignants cessent d’être ce qu’ils doivent être, c’est encore une fois sortir de la question.
On ne dira pas que les enseignants n’ont pas à exister, mais qu’ils ont à exister Autrement. Que cette Autre existence consiste à renoncer à soi-même pour disparaître dans la nuit éducative et s’y frotter, tous corps et tous esprits confondus, avec les partenaires de l’acte éducatif – manutentionnaires, parents, élèves, etc. – seul un méchant pourrait en prendre ombrage. Mais, pour peu que l’on se détourne des leaders de la réforme et qu’on s’attache au tout-venant de leurs sectateurs, le plus frappant est ceci : tout n’est que pur et simple rond de jambe. Il ne faut pas dire d’eux qu’ils veulent et ne veulent pas, mais qu’ils disent vouloir et ne veulent pas. »
- philannDoyen
Merci Paratge
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- ParatgeNeoprof expérimenté
Les trois forces alliées pour détruire l'école
1. Les gestionnaires
Ce sont des fonctionnaires de gouvernement, tenus par l’administration des Finances, qu’ils en soient eux-mêmes membres ou qu’ils soient simplement obéissants. Leur axiome est connu et simple : il convient de réduire les coûts. Il n’y a là rien de spécifique : on sait que l’Armée, la Justice, la Santé, etc., sont traitées de semblable façon et seule une conjoncture particulière pourra faire varier le dessein général. Mais il s’ajoute à cela une volonté plus secrète et spécialement active quand il s’agit des enseignants : les gestionnaires supportent mal – et cela est d’essence – un pouvoir qui puisse s’égaler au leur en étendue et qui, de plus, s’autorise d’une légitimité indépendante ; haine des corps intermédiaires et des zones d’autonomie.…
« Si les enseignants sont très savants, ils tendront à coûter cher. À l’inverse, plus ils seront ignorants, meilleur marché ils seront. Remplacer le savoir par le devoir d’ignorance, ou, si ce mouvement paraît trop violent, le remplacer par une qualité non mesurable - dévouement, abnégation, aptitude à l’animation, chaleur affective, etc., voilà de bons bénéfices. Mais il y a plus que le gain sordide : si les enseignants ne peuvent plus faire valoir la mesure de leur savoir par des titres nationaux, s’ils consentent à ne plus s’autoriser que de leurs vertus privées, ils ne sont plus des représentants de l’État. »
2. La Corporation : les syndicats des instituteurs et des PEGC
« La guerre menée par la Corporation contre les stratifications verticales est peu connue du public… Cette querelle secrète oppose la Corporation aux autres membres de l’école publique. Aux instituteurs et PEGC qui, malgré leur titre, ne répondent pas aux normes (la première d’entre elles étant le passage par une École normale d’instituteurs) ; aux agrégés et aux certifiés, qui, enseignant dans le secondaire, ont néanmoins été formés dans le supérieur et, par-là, blessent la Corporation ; et, à présent, à la plupart des membres de l’enseignement supérieur. Le mot d’ordre « un seul corps de la maternelle au Collège de France » n’a pas été proféré par le SNI, mais par le SGEN : peu importe. Comme le chat tire les marrons du feu, les éternels nigauds ont simplement dit tout haut ce qui donnera sens et contenu à une victoire de la Corporation. »
3. Les chrétiens démocrates
« Il faut le savoir, en effet : depuis 1945, tous les thèmes de toutes les réformes de tous les niveaux d’enseignement sont d’origine chrétienne. La Corporation n’y a, de fait, rien articulé, sinon sa volonté de monopole. Des chrétiens, et non pas d’elle, viennent ces locutions et ces vœux inimitables, où le loyal sans cesse prend un air déloyal : dévaluation de l’institution au bénéfice de la communauté ; dévaluation des savoirs au bénéfice du dévouement ; dévaluation de l’instruction au bénéfice de l’éducation ; dévaluation du cognitif au bénéfice de l’affectif ; intrusion dans les âmes et ouverture au monde, etc. La liste est longue et désordonnée, mais nous y reviendrons. Tout est à présent en place : la dévaluation chrétienne des savoirs permet à la Corporation de persécuter ceux qui s’opposent à elle et lui reprochent son ignorance. Elle sert également les buts des gestionnaires qui trouveront le moyen de payer moins ceux qui en savent moins, mais aussi de payer moins ceux qui en savent plus. La dévaluation chrétienne de l’institution sera utilisée par la Corporation contre ceux qui voudraient se servir des stratifications héritées (corps des agrégés, corps des professeurs d’Université, etc.) pour résister à son emprise. Elle satisfait tout autant les gestionnaires qui, entendant se réserver le monopole des pouvoirs, ne souhaitent rien tant que l’abolition des institutions qu’ils ne contrôlent pas. Enfin, le recours constant au dévouement devra fermer la bouche aux protestataires. S’ils arguent de leur savoir ou simplement de leur attachement à une discipline, on leur fera honte de manquer au devoir d’humilité. N’ont-ils pas compris que leur savoir est de nulle valeur au regard de leur haute mission ? Et si d’aventure ils supportent mal que, non content de les humilier, on alourdisse leurs contraintes et diminue leur salaire, on invoquera les idéaux : n’ont-ils pas compris que leur tâche est si noble, leur dévouement si essentiel qu’ils sont au-delà de toute rétribution matérielle ? »
1. Les gestionnaires
Ce sont des fonctionnaires de gouvernement, tenus par l’administration des Finances, qu’ils en soient eux-mêmes membres ou qu’ils soient simplement obéissants. Leur axiome est connu et simple : il convient de réduire les coûts. Il n’y a là rien de spécifique : on sait que l’Armée, la Justice, la Santé, etc., sont traitées de semblable façon et seule une conjoncture particulière pourra faire varier le dessein général. Mais il s’ajoute à cela une volonté plus secrète et spécialement active quand il s’agit des enseignants : les gestionnaires supportent mal – et cela est d’essence – un pouvoir qui puisse s’égaler au leur en étendue et qui, de plus, s’autorise d’une légitimité indépendante ; haine des corps intermédiaires et des zones d’autonomie.…
« Si les enseignants sont très savants, ils tendront à coûter cher. À l’inverse, plus ils seront ignorants, meilleur marché ils seront. Remplacer le savoir par le devoir d’ignorance, ou, si ce mouvement paraît trop violent, le remplacer par une qualité non mesurable - dévouement, abnégation, aptitude à l’animation, chaleur affective, etc., voilà de bons bénéfices. Mais il y a plus que le gain sordide : si les enseignants ne peuvent plus faire valoir la mesure de leur savoir par des titres nationaux, s’ils consentent à ne plus s’autoriser que de leurs vertus privées, ils ne sont plus des représentants de l’État. »
2. La Corporation : les syndicats des instituteurs et des PEGC
« La guerre menée par la Corporation contre les stratifications verticales est peu connue du public… Cette querelle secrète oppose la Corporation aux autres membres de l’école publique. Aux instituteurs et PEGC qui, malgré leur titre, ne répondent pas aux normes (la première d’entre elles étant le passage par une École normale d’instituteurs) ; aux agrégés et aux certifiés, qui, enseignant dans le secondaire, ont néanmoins été formés dans le supérieur et, par-là, blessent la Corporation ; et, à présent, à la plupart des membres de l’enseignement supérieur. Le mot d’ordre « un seul corps de la maternelle au Collège de France » n’a pas été proféré par le SNI, mais par le SGEN : peu importe. Comme le chat tire les marrons du feu, les éternels nigauds ont simplement dit tout haut ce qui donnera sens et contenu à une victoire de la Corporation. »
3. Les chrétiens démocrates
« Il faut le savoir, en effet : depuis 1945, tous les thèmes de toutes les réformes de tous les niveaux d’enseignement sont d’origine chrétienne. La Corporation n’y a, de fait, rien articulé, sinon sa volonté de monopole. Des chrétiens, et non pas d’elle, viennent ces locutions et ces vœux inimitables, où le loyal sans cesse prend un air déloyal : dévaluation de l’institution au bénéfice de la communauté ; dévaluation des savoirs au bénéfice du dévouement ; dévaluation de l’instruction au bénéfice de l’éducation ; dévaluation du cognitif au bénéfice de l’affectif ; intrusion dans les âmes et ouverture au monde, etc. La liste est longue et désordonnée, mais nous y reviendrons. Tout est à présent en place : la dévaluation chrétienne des savoirs permet à la Corporation de persécuter ceux qui s’opposent à elle et lui reprochent son ignorance. Elle sert également les buts des gestionnaires qui trouveront le moyen de payer moins ceux qui en savent moins, mais aussi de payer moins ceux qui en savent plus. La dévaluation chrétienne de l’institution sera utilisée par la Corporation contre ceux qui voudraient se servir des stratifications héritées (corps des agrégés, corps des professeurs d’Université, etc.) pour résister à son emprise. Elle satisfait tout autant les gestionnaires qui, entendant se réserver le monopole des pouvoirs, ne souhaitent rien tant que l’abolition des institutions qu’ils ne contrôlent pas. Enfin, le recours constant au dévouement devra fermer la bouche aux protestataires. S’ils arguent de leur savoir ou simplement de leur attachement à une discipline, on leur fera honte de manquer au devoir d’humilité. N’ont-ils pas compris que leur savoir est de nulle valeur au regard de leur haute mission ? Et si d’aventure ils supportent mal que, non content de les humilier, on alourdisse leurs contraintes et diminue leur salaire, on invoquera les idéaux : n’ont-ils pas compris que leur tâche est si noble, leur dévouement si essentiel qu’ils sont au-delà de toute rétribution matérielle ? »
- adelaideaugustaFidèle du forum
Paratge a écrit:Je conseille aussi les livres anciens d'Henri Gunsberg qu'on peut télécharger sur la toile.
Le plus récent L'ogre pédagogique : Les coupeurs de tête de l'enseignement est concis et impitoyable.
Ce serait de salubrité publique que tout stagiaire lise tout ce genre d'ouvrages plutôt que la Geste de saint Meirieu...
Je cite un passage jubilatoire de "L'ogre pédagogique".
" Un des trucs les plus constamment utilisé par ces penseurs à la pensée bouillonnante et égalemnt en bouillie est de se servir d'un langage abscons ou fabriqué à partir de mots connus, cela donne à leurs textes un petit air pseudo-scientifique dont ces Trissotins raffolent.
On trouve dans l'"Avertissement aux lecteurs" (Faire l'école, faire la classe. Philippe Meirieu ED. ESF) les expressions et mots suivants : "De manière applicationniste", "l'unité de l'acte dans une structuration narrative", "assumer son "impouvoir" ", "se faire oeuvre de lui-même", "opérationnaliser". Et tout ce charabia en une demi-page. Pauvre Voltaire ! Pauvre Anatole France ! Et ce monsieur Meirieu fait partie des ces grands pédagogues qui, du haut de leur prétention, s'imaginent donner la clé d'un bon enseignement à la valetaille enseignante. Ce type de pédantisme est d'ailleurs une vieille casserole : on y mijote un enseignement vide avec la sauce d'un vocabulaire époustouflant qui dissimule le creux de la pensée."
Malheureusement, rien n'a changé, depuis cet écrit qui date de 2005 : Meirieu sévit toujours, a toujours l'oreille attentive de not' bon ministre, continue à co-éditer des livres...(Il préconise la suppression totale de la notation, dans la préface d'un livre qui vient de sortir. (Echec Scolaire, La Grande Peur de Julie Chupin.)
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"Instruire une nation, c'est la civiliser.Y éteindre les connaissances, c'est la ramener à l'état primitif de la barbarie." (Diderot)
"Un mensonge peut faire le tour du monde pendant que la vérité se met en route". (Mark Twain)
"Quand les mots perdent leur sens, les hommes perdent leur liberté".(Confucius)
- gauvain31Empereur
Quel livre merveilleux..... J'ai été très étonné quand je l'ai lu tellement il est d'actualité... j'ai du le lire 5 ou 6 fois il y a deux ans tellement il est pertinent !!
Quant aux vocabulaire foireux, il a tendance à disparaître, même si il y a des encore des relents du genre "le scénario pédagogique" au lieu de programmation
Quant aux vocabulaire foireux, il a tendance à disparaître, même si il y a des encore des relents du genre "le scénario pédagogique" au lieu de programmation
- KimberliteExpert
Tu trouves? Perso, je suis toujours effarée du jargon qu'on nous sert à l'ESPE lors des formations (entre les masturbations intellectuelles pour différencier une compétence d'un savoir-faire, ou définir ce qu'est un problème, les différents sigles cryptiques, etc... on découvre quasiment chaque fois un nouveau terme spécifique EN...).gauvain31 a écrit:Quant aux vocabulaire foireux, il a tendance à disparaître, même si il y a des encore des relents du genre "le scénario pédagogique" au lieu de programmation
J'imagine qu'on finit par d'habituer...
K.
- DinosauraHabitué du forum
Cripure a écrit:Mercid'avoir célébré les trente ans de ce bel ouvrage qui devrait être fourni en dotation avec la réussite aux concours; avec La Fabrique du crétin de Brighelli, et Vos enfants ne m'intéressent plus de Maurice T. Maschino. Plus ceux de Duneton.
Si ces ouvrages m'avaient été donnés durant mes études, je n'aurais très certainement pas choisi d'être prof. J'étais avertie pour les zep, et je pensais que je pouvais surmonter cela (et à l'usage, ce n'est pas si simple, même au nom de mes idéaux d'égalité... sacrée usure nerveuse quand même dont on ne se rend compte qu'à l'épreuve du feu je crois). Mais savoir qu'on aurait voulu me contraindre à consacrer tous mes efforts, toute mon énergie à la Pédagogie plutôt qu'au savoir (comprendre : aux raffinements excessifs de la forme par rapport aux contenus, et restreindre les contenus à leur version la plus allégée, être "embêtée" pour ne pas dire plus parce que je ne me plie pas à ces exigences institutionnelles, et avec l'approche compétencielle c'est pire... les connaissances ne deviennent plus que des moyens pour autre chose... je pourrais être prof de SVT, EPS ou couture, on me demanderait d'enseigner de la même façon, peu importe les contenus disciplinaires de l'histoire, de la SVT ou de la couture...), bah là clairement je ne me serais pas emm...dée plusieurs années pour passer les concours de prof... Et franchement, je ne pense pas être une exception par rapport à cela.
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"Le plus esclave est celui qui ignore ses chaînes."
- C'est pas fauxEsprit éclairé
Non. En tout cas, ce serait mauvais signe.KinetteKinette a écrit:Tu trouves? Perso, je suis toujours effarée du jargon qu'on nous sert à l'ESPE lors des formations (entre les masturbations intellectuelles pour différencier une compétence d'un savoir-faire, ou définir ce qu'est un problème, les différents sigles cryptiques, etc... on découvre quasiment chaque fois un nouveau terme spécifique EN...).gauvain31 a écrit:Quant aux vocabulaire foireux, il a tendance à disparaître, même si il y a des encore des relents du genre "le scénario pédagogique" au lieu de programmation
J'imagine qu'on finit par d'habituer...
K.
- auléricNeoprof expérimenté
et bling 2 livres de plus dans ma pile à lire ...
dinausaura : moi je suis maso : je savais un peu mais j'ai passé le concours quand même. J'avoue cependant que la réalité est pire que ce qu'on m'en avait dit (ou que çà se dégrade encore plus vite qu'avant, je ne sais pas )
dinausaura : moi je suis maso : je savais un peu mais j'ai passé le concours quand même. J'avoue cependant que la réalité est pire que ce qu'on m'en avait dit (ou que çà se dégrade encore plus vite qu'avant, je ne sais pas )
- ParatgeNeoprof expérimenté
auléric a écrit:et bling 2 livres de plus dans ma pile à lire...
dinausaura : moi je suis maso : je savais un peu mais j'ai passé le concours quand même. J'avoue cependant que la réalité est pire que ce qu'on m'en avait dit (ou que çà se dégrade encore plus vite qu'avant, je ne sais pas )
Si tu en cherches d'autres, j'ai proposé une biblio :
https://www.neoprofs.org/t56435-en-reaction-aux-pedagogies-nouvelles-essai-de-bibliographie?highlight=bibliographie
- auléricNeoprof expérimenté
merci je vais explorer le topic (bien que j'ai du choix à la maison déjà .... les brighelli déjà lus par exemple) (oui maso je vous dit , lus avant et j'ai signé quand même)
- LouisBarthasExpert
…et continue d'être traîné dans la boue, comme dans le dernier billet de Luc Cedelle :Paratge a écrit:Il y a trente ans paraissait le livre de J.-C. Milner De l’École.
Trente ans plus tard, il s’avère que cet essai, traîné dans la boue à l’époque, était prophétique sur bien des points.
Luc Cédelle
"...De l'école, de Jean-Claude Milner, ouvrage pionnier et référence de l'antipédagogisme. Un petit bijou de grand style, tout de bile jubilatoire et dont je recommande la lecture (stoïque) à qui souhaite assimiler l'esprit de ce courant de pensée."
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Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. - Albert Camus
Aller apprendre l'ignorance à l'école, c'est une histoire qui ne s'invente pas ! - Alexandre Vialatte
À quels enfants allons-nous laisser le monde ? - Jaime Semprun
Comme si, tous ceux qui n'approuvent pas les nouveaux abus étaient évidemment partisans des anciens. - Edmund Burke
Versaillais de droite et Versaillais de gauche doivent être égaux devant la haine du peuple. - Manifeste des proscrits de la Commune
- User5899Demi-dieu
En même temps, Cédelle, dans trois mois...
- gauvain31Empereur
C'est pas faux a écrit:Non. En tout cas, ce serait mauvais signe.KinetteKinette a écrit:Tu trouves? Perso, je suis toujours effarée du jargon qu'on nous sert à l'ESPE lors des formations (entre les masturbations intellectuelles pour différencier une compétence d'un savoir-faire, ou définir ce qu'est un problème, les différents sigles cryptiques, etc... on découvre quasiment chaque fois un nouveau terme spécifique EN...).gauvain31 a écrit:Quant aux vocabulaire foireux, il a tendance à disparaître, même si il y a des encore des relents du genre "le scénario pédagogique" au lieu de programmation
J'imagine qu'on finit par d'habituer...
K.
Effectivement on ne s'y habitue pas et je fais tout pour ne pas l'intégrer ... même (et surtout) le mot compétence , qui est remplacé par "savoir" ou "savoir-faire". Mon IPR l'a bien vu , puisqu'elle avait repris mes termes dans l'entretien... et même le mot "compétence" venait dans sa bouche comme un cheveu sur la soupe ... j'ai été très étonné. Les mots à la mode devienne très vite désuets... le mot compétence finira bien par disparaître du jargon de l'EN... en tout cas autour de moi c'est bien parti....
De toute façon c'est en étant dans le métier qu'on voit très vite le vocabulaire nécessaire et celui qui sert à rien
- CarnyxNeoprof expérimenté
KinetteKinette a écrit:Tu trouves? Perso, je suis toujours effarée du jargon qu'on nous sert à l'ESPE lors des formations (entre les masturbations intellectuelles pour différencier une compétence d'un savoir-faire, ou définir ce qu'est un problème, les différents sigles cryptiques, etc... on découvre quasiment chaque fois un nouveau terme spécifique EN...).gauvain31 a écrit:Quant aux vocabulaire foireux, il a tendance à disparaître, même si il y a des encore des relents du genre "le scénario pédagogique" au lieu de programmation
J'imagine qu'on finit par d'habituer...
K.
Ce qui est toujours étonnant c'est l'inventivité des pédagogistes pour rebaptiser des choses que d'ailleurs ils avaient souvent déjà renommées !
Et vas-y que je te balance des « tâches complexes », des « classes inversées », des « îlots bonifiés », des « tâche finales » ou « reformuler dans ses propres mots la trame narrative » !
- User5899Demi-dieu
30 ans qu'on sait ce qu'est le SGEN
- CarnyxNeoprof expérimenté
Cripure a écrit:30 ans qu'on sait ce qu'est le SGEN
Aaargh !
Un élitiste bourgeois !
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