- retraitéeDoyen
05 décembre 2013
A Bondy, la difficile mise en place de la réforme des rythmes scolaires
Bondy fait partie des cinq communes de Seine-Saint-Denis – avec Aubervilliers, L’Ile-Saint-Denis, le Pré-Saint-Gervais et Romainville – qui appliquent depuis la rentrée 2013 la réforme des rythmes scolaires. Dans cette ville socialiste située au nord-est de Paris, 6 500 élèves du primaire ont renoué avec la semaine de 4 jours et demi. Ils ont également fait la connaissance des temps d’activités périscolaires (TAP), cette nouveauté conçue par le ministère de l’éducation nationale, que certaines écoles peinent encore à domestiquer.
Mercredi 13 novembre, alors que la capitale se prépare aux grèves et aux défilés d’enseignants du 14, une foule hétéroclite s’est rassemblée sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Bondy. En famille, enfants à la main et poussettes bien en vue, une centaine de personnes ont répondu à l’appel de l’une des sections locales de la FCPE, le principal syndicat de parents d’élèves.
Mobilisés contre ce qu’ils estiment être une application précipitée de la réforme des rythmes scolaires, ils dénoncent - comme ailleurs - la qualité des TAP proposées, le recrutement au rabais de vacataires, la désorganisation générale et la fatigue des enfants qui en résulte. « Nous ne pouvons plus accepter que nos enfants servent de cobayes et subissent les dysfonctionnements récurrents liés à un manque d’organisation », mentionne le tract diffusé par les organisateurs.
Au même moment, à quelques mètres de là, la section départementale du syndicat enseignant SNUipp-FO tient une réunion d’information dans le hall de la mairie. La salle est pleine et le climat tendu. Tour à tour, et à quelques rares exceptions près, les enseignants racontent leurs mésaventures et font part de leur inquiétude. Ici aussi, les critiques se concentrent sur le recrutement des vacataires. « Certains n’ont même pas le BAFA [brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur], ils sont grossiers et viennent en casquette », déplore une enseignante.
« DE LA GARDERIE »
Du côté des enseignants comme de celui des parents, les activités périscolaires, qui ne constituent rien d’autre qu’une conséquence des changements de rythme et du raccourcissement de la durée journalière de cours, cristallisent l’essentiel des mécontentements. « Ce n’est pas du périscolaire, mais de l’animation, pour ne pas dire de la garderie », lance une enseignante. Les professeurs n’apprécient pas la désacralisation de l’école qui s’insinue par cette réforme. « L’école doit rester l’école, et les activités périscolaires doivent rester périscolaires », enchaîne une autre. Par manque de locaux spécifiques, les TAP ont généralement lieu dans les salles de classes, que les professeurs libèrent avec réticence.
Au-delà des enseignants, ce sont les personnels en charge de l’organisation de ces activités qui affichent leur détresse. Thomas*, « responsable TAP » d’une école bondynoise qui a préféré garder l’anonymat, s’exaspère des cafouillages qu’il a observés depuis la rentrée. « Je n’en peux plus d’avoir tous les soirs des enfants à qui je demande de patienter pour commencer des activités, alors qu’on ne leur propose rien. »
A 15h45, raconte Thomas, c’est la marée humaine dans la cour de l’école, et les nouveaux vacataires sont rarement opérationnels. « Je n’en peux plus des vacataires qui ont 5 minutes de retard, ou qui ne viennent pas et ne préviennent pas. Certains arrivent en survêtement, ne savent pas expliquer leur activité aux enfants et sont complètement incapables de tenir une classe. » Tous les jours, entre 10 % et 30 % des enfants inscrits lui restent sur les bras. « On les met devant une pseudo-vidéo parce qu’on n’est pas assez pour leur proposer autre chose. » A moins qu’il ne s’agisse d’un manque de matériel : les parents évoquent, eux, un atelier « roller »... sans roller.
Au niveau de l’ensemble des écoles de Bondy, ils seraient déjà quatre responsables de TAP à s’être déchargés de leur fonction. « On s’est pris une grosse claque par rapport à ce qui était prévu », se lamente Thomas.
COMBATTRE LE DÉTERMINISME ÉDUCATIF DES BANLIEUES
Face à ces difficultés, une question est sur toutes les lèvres : pourquoi la mairie n’a-t-elle pas attendu la rentrée 2014 pour mettre en œuvre la réforme, comme l’ont fait les communes voisines ?
« Je ne suis pas casse-cou, se défend Sylvine Thomassin, maire (PS) de la ville depuis 2011. Mes services m’ont assuré qu’il était possible de mettre cette réforme en place. Nous avons organisé une grande concertation, les parents se sont prononcés. Pourquoi attendre un an de plus alors qu’il est prouvé que la semaine de 4 jours est délétère pour les enfants de Bondy ? »
Pour cette ancienne sage-femme, la réforme des rythmes scolaires rejoint un combat plus vaste contre « le déterminisme éducatif et culturel dans les banlieues ». Cette réforme, elle en veut et elle y croit, afin de proposer à tous - et surtout aux enfants des quartiers défavorisés qui, sinon, n’y auraient pas accès - un « parcours culturel, ludique et sportif ».
« Non seulement l’école ne permet pas de rattraper ces inégalités de départ, mais en plus elle les aggrave, assure-t-elle. Retirer une matinée de cours, c’est encore enfoncer un peu plus la tête sous l’eau à nos mômes des quartiers populaires. Alors qu’on sait que c’est le matin que les enfants ont le plus d’appétence scolaire. »
« NOUS AVONS TRANSFORMÉ L’ESSAI »
La détermination affichée par le maire n’est qu’à peine entamée par les récriminations de la communauté éducative ou les plaintes des parents, qu’elle reçoit en délégation dans son bureau. « Il y a des choses à améliorer sur certaines écoles, concède t-elle, mais dans l’essentiel, la réforme a pris, nous avons transformé l’essai. »
D’après les données de la mairie, sur les 390 vacataires recrutés pour assurer les TAP, 70 sont des enseignants, 190 des animateurs de ville, 90 des étudiants, et 40 des animateurs remplaçants. Elle admet le faible niveau de formation de certains vacataires et s’engage à « les faire monter en compétence ». « Certains des animateurs n’ont juste pas validé la troisième partie de leur BAFA », précise t-elle.
Mme Thomassin voit aussi dans la fronde parentale les signes d’une « lutte des classes ». « Les parents que j’entends sont ceux qui n’ont aucun problème pour inscrire leurs enfants au conservatoire ou au sport. Ce sont les parents de Louis et de Marie contre la maman qui élève toute seule le petit Kévin et va tous les jours à Paris faire des ménages. »
UN FRONT DÉSUNI
« C’est la massification de cette réforme qui pose problème, rétorque François Cochain, responsable départemental du syndicat enseignant FSU. Cela ne peut pas se passer de la même manière dans les petites communes et dans les grandes, il faut des moyens d’État et une meilleure répartition des richesses ». Or, Bondy compte 54 000 habitants et 26 écoles primaires, dont une partie est classée en zone d’éducation prioritaire. Quant à la consultation évoquée par la mairie, un millier de parents se sont effectivement prononcés sur l’organisation de l’emploi du temps. « Mais nous n’avions pas la possibilité d’opter pour un report en 2014 ! », s'insurge un parent d’élève membre de la FCPE.
Reste que la contestation à laquelle la mairie fait face affiche pour l’instant un front désuni. D’un côté, ceux qui s’opposent aux 4 jours et demi et se perdent dans des débats sans fin sur la chronobiologie et l’intérêt de l’enfant se recrutent essentiellement chez les enseignants non syndiqués qui réclament une abrogation pure et simple du décret. De l’autre, les principaux syndicats enseignants et de parents d’élèves, dont les directions nationales soutiennent la réforme, gèrent comme ils le peuvent la fronde de certaines de leurs sections locales et se contentent de demander une réécriture ou un report du décret et surtout une augmentation des moyens.
Mme Thomassin, elle, s’en tire par une pirouette. « Ce que nous avons vécu l’année dernière, mes collègues des autres communes sont en train de le vivre. Sauf que nous aurons à Bondy une année d’avance et que nous aurons commencé à améliorer le système. »
Adrien Barbier (Monde Académie)
A Bondy, la difficile mise en place de la réforme des rythmes scolaires
Bondy fait partie des cinq communes de Seine-Saint-Denis – avec Aubervilliers, L’Ile-Saint-Denis, le Pré-Saint-Gervais et Romainville – qui appliquent depuis la rentrée 2013 la réforme des rythmes scolaires. Dans cette ville socialiste située au nord-est de Paris, 6 500 élèves du primaire ont renoué avec la semaine de 4 jours et demi. Ils ont également fait la connaissance des temps d’activités périscolaires (TAP), cette nouveauté conçue par le ministère de l’éducation nationale, que certaines écoles peinent encore à domestiquer.
Mercredi 13 novembre, alors que la capitale se prépare aux grèves et aux défilés d’enseignants du 14, une foule hétéroclite s’est rassemblée sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Bondy. En famille, enfants à la main et poussettes bien en vue, une centaine de personnes ont répondu à l’appel de l’une des sections locales de la FCPE, le principal syndicat de parents d’élèves.
Mobilisés contre ce qu’ils estiment être une application précipitée de la réforme des rythmes scolaires, ils dénoncent - comme ailleurs - la qualité des TAP proposées, le recrutement au rabais de vacataires, la désorganisation générale et la fatigue des enfants qui en résulte. « Nous ne pouvons plus accepter que nos enfants servent de cobayes et subissent les dysfonctionnements récurrents liés à un manque d’organisation », mentionne le tract diffusé par les organisateurs.
Au même moment, à quelques mètres de là, la section départementale du syndicat enseignant SNUipp-FO tient une réunion d’information dans le hall de la mairie. La salle est pleine et le climat tendu. Tour à tour, et à quelques rares exceptions près, les enseignants racontent leurs mésaventures et font part de leur inquiétude. Ici aussi, les critiques se concentrent sur le recrutement des vacataires. « Certains n’ont même pas le BAFA [brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur], ils sont grossiers et viennent en casquette », déplore une enseignante.
« DE LA GARDERIE »
Du côté des enseignants comme de celui des parents, les activités périscolaires, qui ne constituent rien d’autre qu’une conséquence des changements de rythme et du raccourcissement de la durée journalière de cours, cristallisent l’essentiel des mécontentements. « Ce n’est pas du périscolaire, mais de l’animation, pour ne pas dire de la garderie », lance une enseignante. Les professeurs n’apprécient pas la désacralisation de l’école qui s’insinue par cette réforme. « L’école doit rester l’école, et les activités périscolaires doivent rester périscolaires », enchaîne une autre. Par manque de locaux spécifiques, les TAP ont généralement lieu dans les salles de classes, que les professeurs libèrent avec réticence.
Au-delà des enseignants, ce sont les personnels en charge de l’organisation de ces activités qui affichent leur détresse. Thomas*, « responsable TAP » d’une école bondynoise qui a préféré garder l’anonymat, s’exaspère des cafouillages qu’il a observés depuis la rentrée. « Je n’en peux plus d’avoir tous les soirs des enfants à qui je demande de patienter pour commencer des activités, alors qu’on ne leur propose rien. »
A 15h45, raconte Thomas, c’est la marée humaine dans la cour de l’école, et les nouveaux vacataires sont rarement opérationnels. « Je n’en peux plus des vacataires qui ont 5 minutes de retard, ou qui ne viennent pas et ne préviennent pas. Certains arrivent en survêtement, ne savent pas expliquer leur activité aux enfants et sont complètement incapables de tenir une classe. » Tous les jours, entre 10 % et 30 % des enfants inscrits lui restent sur les bras. « On les met devant une pseudo-vidéo parce qu’on n’est pas assez pour leur proposer autre chose. » A moins qu’il ne s’agisse d’un manque de matériel : les parents évoquent, eux, un atelier « roller »... sans roller.
Au niveau de l’ensemble des écoles de Bondy, ils seraient déjà quatre responsables de TAP à s’être déchargés de leur fonction. « On s’est pris une grosse claque par rapport à ce qui était prévu », se lamente Thomas.
COMBATTRE LE DÉTERMINISME ÉDUCATIF DES BANLIEUES
Face à ces difficultés, une question est sur toutes les lèvres : pourquoi la mairie n’a-t-elle pas attendu la rentrée 2014 pour mettre en œuvre la réforme, comme l’ont fait les communes voisines ?
« Je ne suis pas casse-cou, se défend Sylvine Thomassin, maire (PS) de la ville depuis 2011. Mes services m’ont assuré qu’il était possible de mettre cette réforme en place. Nous avons organisé une grande concertation, les parents se sont prononcés. Pourquoi attendre un an de plus alors qu’il est prouvé que la semaine de 4 jours est délétère pour les enfants de Bondy ? »
Pour cette ancienne sage-femme, la réforme des rythmes scolaires rejoint un combat plus vaste contre « le déterminisme éducatif et culturel dans les banlieues ». Cette réforme, elle en veut et elle y croit, afin de proposer à tous - et surtout aux enfants des quartiers défavorisés qui, sinon, n’y auraient pas accès - un « parcours culturel, ludique et sportif ».
« Non seulement l’école ne permet pas de rattraper ces inégalités de départ, mais en plus elle les aggrave, assure-t-elle. Retirer une matinée de cours, c’est encore enfoncer un peu plus la tête sous l’eau à nos mômes des quartiers populaires. Alors qu’on sait que c’est le matin que les enfants ont le plus d’appétence scolaire. »
« NOUS AVONS TRANSFORMÉ L’ESSAI »
La détermination affichée par le maire n’est qu’à peine entamée par les récriminations de la communauté éducative ou les plaintes des parents, qu’elle reçoit en délégation dans son bureau. « Il y a des choses à améliorer sur certaines écoles, concède t-elle, mais dans l’essentiel, la réforme a pris, nous avons transformé l’essai. »
D’après les données de la mairie, sur les 390 vacataires recrutés pour assurer les TAP, 70 sont des enseignants, 190 des animateurs de ville, 90 des étudiants, et 40 des animateurs remplaçants. Elle admet le faible niveau de formation de certains vacataires et s’engage à « les faire monter en compétence ». « Certains des animateurs n’ont juste pas validé la troisième partie de leur BAFA », précise t-elle.
Mme Thomassin voit aussi dans la fronde parentale les signes d’une « lutte des classes ». « Les parents que j’entends sont ceux qui n’ont aucun problème pour inscrire leurs enfants au conservatoire ou au sport. Ce sont les parents de Louis et de Marie contre la maman qui élève toute seule le petit Kévin et va tous les jours à Paris faire des ménages. »
UN FRONT DÉSUNI
« C’est la massification de cette réforme qui pose problème, rétorque François Cochain, responsable départemental du syndicat enseignant FSU. Cela ne peut pas se passer de la même manière dans les petites communes et dans les grandes, il faut des moyens d’État et une meilleure répartition des richesses ». Or, Bondy compte 54 000 habitants et 26 écoles primaires, dont une partie est classée en zone d’éducation prioritaire. Quant à la consultation évoquée par la mairie, un millier de parents se sont effectivement prononcés sur l’organisation de l’emploi du temps. « Mais nous n’avions pas la possibilité d’opter pour un report en 2014 ! », s'insurge un parent d’élève membre de la FCPE.
Reste que la contestation à laquelle la mairie fait face affiche pour l’instant un front désuni. D’un côté, ceux qui s’opposent aux 4 jours et demi et se perdent dans des débats sans fin sur la chronobiologie et l’intérêt de l’enfant se recrutent essentiellement chez les enseignants non syndiqués qui réclament une abrogation pure et simple du décret. De l’autre, les principaux syndicats enseignants et de parents d’élèves, dont les directions nationales soutiennent la réforme, gèrent comme ils le peuvent la fronde de certaines de leurs sections locales et se contentent de demander une réécriture ou un report du décret et surtout une augmentation des moyens.
Mme Thomassin, elle, s’en tire par une pirouette. « Ce que nous avons vécu l’année dernière, mes collègues des autres communes sont en train de le vivre. Sauf que nous aurons à Bondy une année d’avance et que nous aurons commencé à améliorer le système. »
Adrien Barbier (Monde Académie)
- arcencielGrand Maître
Les municipales parleront.
Cette mairie aurait pu mettre le paquet sur le centre de loisirs du mercredi...
Cette mairie aurait pu mettre le paquet sur le centre de loisirs du mercredi...
- Docteur OXGrand sage
"Ici aussi, les critiques se concentrent sur le recrutement des vacataires. « Certains n’ont même pas le BAFA [brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur], ils sont grossiers et viennent en casquette », déplore une enseignante."
Youpi ! Objectif atteint ! l'école devient un lieu de vie qui appartient à tous !
Youpi ! Objectif atteint ! l'école devient un lieu de vie qui appartient à tous !
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum