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- doublecasquetteEnchanteur
Oui, voilà... Et même début juin 1947 parce que la vie au grand air, c'est plus cool l'été quand il fait chaud et qu'il ne pleut pas trop souvent.PauvreYorick a écrit:D'accord. Merci pour vos réponses, elles sont instructives. La baisse de confiance dans l'institution, j'imagine, c'est un fait; mais si j'ai bien compris vos diagnostics un peu excédés, voir ce fait souligné par Bentolila aujourd'hui, c'est un peu comme voir un type demander à rejoindre le maquis en 1946?
- User5899Demi-dieu
Quand on entend parler certains parents 100% terroir de mon coin (et de combien d'autres ?) qui sont pourtant tétés auzécoles, on comprend sans peine que la pauvreté culturelle et éducative des enfants ne date pas d'aujourd'hui.
- nova32Niveau 9
Il faudra que je lui présente mon élève bulgare. Arrivée l'an dernier en fin de CP, elle ne sait pas ce qu'est une orange mais sait parfaitement le déchiffrer (j'exagère à peine).doublecasquette a écrit:
- Spoiler:
Si un élève ne sait pas ce que c'est qu'une orange, il ne peut pas déchiffrer le mot "orange". C'est l'insécurité linguistique qui provoque l'échec scolaire en lecture.
- dandelionVénérable
Bien vu! J'essaie d'ailleurs de me rassurer en me disant que ça pourrait être interprété comme un baroud d'honneur: tant qu'à se planter, autant le faire bien. On ne peut cependant pas exclure qu'il ose tout. Comme je tiens à passer une nuit sereine, j'opte pour la première solution.PauvreYorick a écrit:D'accord. Merci pour vos réponses, elles sont instructives. La baisse de confiance dans l'institution, j'imagine, c'est un fait; mais si j'ai bien compris vos diagnostics un peu excédés, voir ce fait souligné par Bentolila aujourd'hui, c'est un peu comme voir un type demander à rejoindre le maquis en 1946?
- LefterisEsprit sacré
Vivement que les enseignants puissent payer leurs créanciers et les commerçants en monnaie de sacrifice, billets de dévouement, et cartes de crédit d'engagement sans faille.
Et défendre enfin le privilège de se faire tirer dessus car "on n'abdique pas l'honneur d'être une cible"
Et défendre enfin le privilège de se faire tirer dessus car "on n'abdique pas l'honneur d'être une cible"
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- CeladonDemi-dieu
Cette harangue mérite une réponse bien sentie qui tiendrait compte du dernier rapport de l'IG sur les instits ne disposant ni des outils conceptuels, ni des bonnes pratiques pour mener à bien leur mission.
Comment peut-on encore écrire de telles bourdes ???
Et avec ça, le monsieur est linguiste ! Le coup de l'orange, c'est quelque chose ! Comment explique-t-il qu'un locuteur qui a appris la combinatoire puisse non seulement déchiffrer mais lire de façon fluide une langue qu'il ne comprend pas ? On est un peu loin de l'orange, là...
Comment peut-on encore écrire de telles bourdes ???
Et avec ça, le monsieur est linguiste ! Le coup de l'orange, c'est quelque chose ! Comment explique-t-il qu'un locuteur qui a appris la combinatoire puisse non seulement déchiffrer mais lire de façon fluide une langue qu'il ne comprend pas ? On est un peu loin de l'orange, là...
- egometDoyen
Aux soldats. D'habitude, c'est assez mauvais signe.carolette a écrit:
J'en reste sans voix… Ou plutôt, j'ai envie de hurler !
Alain Bentolila
Institutrices, instituteurs, réveillez-vous ! Sachez que la nation compte sur vous pour transmettre à ses enfants notre patrimoine de valeurs culturelles, scientifiques et morales. Assumez votre mission de résistance à l'inculture et à la passivité intellectuelle. Ne vous contentez pas d'assurer simplement un service d'enseignement, mais mobilisez toutes vos forces pour la formation des jeunes esprits. Vous êtes, soyez-en persuadés, notre meilleur rempart contre la barbarie ; et si cette mission mérite une valorisation sociale et financière significative, elle vous impose en retour un engagement sans faille, un dévouement constant et parfois même un certain sens du sacrifice. Cela dépasse, et de fort loin, la défense des avantages acquis.
Mais à quelle profession demande-t-on d'avoir le sens du sacrifice en guise de valorisation et/ou d'augmentation ?
Un peu ecule, le truc de Stakhanov qui va sauver l'URSS.
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Primum non nocere.
Ubi bene, ibi patria.
Mes livres, mes poèmes, réflexions pédagogiques: http://egomet.sanqualis.com/
- egometDoyen
Je ne parlerai pas du cote pompier pyromane de Bentolila. Je connais trop mal son oeuvre pour cela.PauvreYorick a écrit:Pardon d'atterrir telle la touffe sur le potage en plein milieu de cette discussion quelque peu irritée.
À la lecture de l'article (sans bien connaître la question, je ne suis pas PE ni instit' et je n'en ai pas à la maison), il m'avait semblé rencontrer quelques propos de bon sens.
Tout ce qu'il contient est faux, ou tendancieux, ou de mauvaise foi, ou il faut faire le tri? S'il faut faire le tri, est-ce que quelqu'un a le courage de trier un peu? Ça permettrait aux collègues qui, comme moi, n'y connaissent pas grand'chose, d'y voir un peu plus clair. Et comme nous sommes très nombreux à être persuadés que beaucoup de choses se jouent à l'école primaire, je pense que nous serions nombreux à souhaiter y voir un peu plus clair. En tout cas, moi, j'aimerais bien mieux comprendre.
Ce qu'il dit de la selection est lamentable:
C'est une affirmation gratuite. La selection etait fondee sur quels principes? Pas tellement l'origine, pas tellement l'argent. On a fait sauter precisement ce qu'il y avait de plus juste dans la selection, les criteres du savoir et du travail. Depuis qu'on ne selectionne plus officiellement, ca se fait par des ruses grossieres (options, domiciliation) et par la casse des eleves.Bentolila a écrit:Lorsque s'est levée la barrière d'une sélection qui, reconnaissons-le, était injuste et cruelle, un nombre considérable d'enfants, auparavant écartés, se sont trouvés précipités dans un système qui n'était pas conçu pour eux.
D'abord, un engagement pris collectivement pose question. Moi, je vois des promesses demagogiques, qui engagent surtout ceux qui ne les ont pas faites.Bentolila a écrit:Lorsqu'il fut décidé d'ouvrir largement les portes de l'école à tous les enfants de ce pays, nous avons collectivement pris l'engagement de les y recevoir tous tels qu'ils étaient : ceux issus de catégories sociales peu favorisées, mais aussi ceux, de plus en plus nombreux, "venus d'ailleurs", en équilibre culturel et religieux instable.
Ensuite, les categories qu'il cite etaient deja accueillies, me semble-t-il, mais pas sans conditions: respect des regles de l'ecole, travail, savoir... Dire qu'on accueille les eleves "tels qu'ils sont", c'est tres joli, mais c'est faire abstraction des exigences de l'ecole. Nous supposons que nos exigences ne touchent qu'a leur comportement, mais pas a leur etre. Ca me va. Mais si nous commencons a dire que leur pauvrete supposee ou leur religion sont des facteurs essentiels, auxquels nous devrions nous adapter, ca ne marche plus.
En outre, affirmer que l'ecole ne s'est pas transformee profondement, qu'elle est restee identique a elle-meme, c'est au mieux de l'aveuglement, au pire un mensonge.
On a essaye de la transformer. Ca n'a pas donne les resultats escomptes, parce que les objectifs etaient impossibles.
La selection n'est pas seulement un confort, ou un avantage pratique, comme il semble le reconnaitre, c'est un fait incontournable. L'egalite n'est qu'une construction juridique, qui n'eliminera jamais les inegalites de talents. Si la selection ne se fait pas sur des criteres raisonnables, choisis en conscience par les professeurs, elle se fera de toute facon.
Il y a des phenomenes sociaux qu'aucune ideologie ne pourra jamais abolir, tels que la loi de l'offre et de la demande ou la constitution d'une oligarchie (aucun peuple n'a jamais gouverne et aucun tyran n'a jamais eu assez de pouvoir pour diriger absolument seul). Ce sont des faits aussi impitoybales que la gravitation. On ne peut les inflechir qu'a condition de les admettre.
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- MandolineNiveau 6
Tiens, c'est étonnant... Je me souviens pourtant parfaitement avoir demandé à ma mère le sens de mots que je découvrais dans les premiers livres que j'ai lus. Serais-je anormale ?doublecasquette a écrit:Il va vous faire le coup de l'orange...Axel a écrit:Vous me faites peur... Il me semble bien que c'est lui qui va mener le stage - auquel nous avons été inscrits d'office - sur les élèves en difficulté avec la lecture qui nous arrivent en collège.
- Spoiler:
Si un élève ne sait pas ce que c'est qu'une orange, il ne peut pas déchiffrer le mot "orange". C'est l'insécurité linguistique qui provoque l'échec scolaire en lecture.
- RobinFidèle du forum
Oui, c'est assez inquiétant de voir un linguiste confondre le Signifiant/Signifié et le Référent (cf. Ferdinand de Saussure) et penser que parler consiste à mettre des étiquettes sur les choses. J'ai lu que quelqu'un plus haut voulait réfléchir sur l'histoire de l'orange que je crois, moi aussi significative de la "panséeBentolila". J'attends sa contribution.nova32 a écrit:Il faudra que je lui présente mon élève bulgare. Arrivée l'an dernier en fin de CP, elle ne sait pas ce qu'est une orange mais sait parfaitement le déchiffrer (j'exagère à peine).doublecasquette a écrit:
- Spoiler:
Si un élève ne sait pas ce que c'est qu'une orange, il ne peut pas déchiffrer le mot "orange". C'est l'insécurité linguistique qui provoque l'échec scolaire en lecture.
- If_Then_ElseNiveau 9
Cher Yorick,PauvreYorick a écrit:OK; je vois déjà un peu mieux (j'avais lu les posts de DC et du Padre).
Quid sur «instruire des enfants de moins en moins éduqués»? Historiquement fantasmatique? (Parce que, cf. je ne sais plus quel fil à côté, Luc Ferry vient de tenir un discours proche, et les commentaires des néos étaient parfois assez approbateurs.)
À ma lecture, avant de lire le moindre commentaire, je n'avais pas exactement le sentiment que Bentolila rendait responsables les maîtres. Même si j'ai été pour le moins interloqué par les dernières phrases.
"instruire des enfants de moins en moins éduqués" mais en même temps "instruire des enfants de plus en plus connectés"
Je lis régulièrement le blog Claude LELIEVRE (http://blogs.mediapart.fr/blog/claude-lelievre/180213/refondons-lecole-ensemble) et notamment son billet "«Refondons l'Ecole!» Ensemble?" http://blogs.mediapart.fr/blog/claude-lelievre/180213/refondons-lecole-ensemble.
Je me suis intéressé à quelques commentaires laissés par les visiteurs de ce billet et je relève celui-ci qui me paraît comporter des pistes de réflexions appropriées à ce fil :
Réflexion sur les finalités de l’école
Si l’on s’appuie sur les activités effectivement réalisées en classe, on peut dire que celles-ci sont avant tout l’acquisition de compétences pratiques (savoir lire, écrire et compter) et l’acquisition de connaissances compartimentées en matières selon une nomenclature définie il y a plus d’un siècle et qui s’appuie sur les classifications de la fin du XIXème siècle.
L’insatisfaction de plus en plus grande vis-à-vis de notre système éducatif, insatisfaction des élèves, des parents, des éducateurs et de bon nombre de secteurs de la société, nous offrent une occasion de repenser sereinement ce que doivent être les finalités de l’école aujourd’hui.
Cette réflexion doit tenir compte de l’évolution de la société, la modernité actuelle se caractérise par une rupture profonde avec celle d’un passé récent. Jusque dans les années 70-80, elle s’est traduite par des avancées dans presque tous les domaines et dans un cadre qui avait en commun avec les époques pré-modernes, la stabilité (stabilité professionnelle, stabilité des lieux de vie, stabilité affective (famille, cercle d’amis)), le sentiment d’ancrage dans la durée et dans l’espace, de partage d’une même histoire, d’une même langue.
L’icône, le symbole de la modernité actuelle, c'est Internet (et ses produits dérivés : Iphone, tablette, …). D’une certaine manière, Internet abolit le temps et l’espace. Aujourd’hui, le virtuel ne peut plus être opposé au réel, il prend même une place de plus en plus grande dans ce monde réel.
C’est dans ce "nouveau monde" que ceux qui sont nés à partir des années 80, se construisent, apprennent, travaillent et développent leurs relations aux autres. Les conséquences de cette rupture et de l’arrivée de cette nouvelle modernité constituent une raison de plus pour reprendre une réflexion sur les finalités et les contenus d’apprentissage de l’école. Non seulement l’école n’a plus le monopole de la transmission des savoirs et des savoir-faire, elle n’en est même plus la source principale. Dès des années 70, la télévision était devenue un concurrent sérieux de l’école. Aujourd’hui, avec Internet et ses produits dérivés, nous avons – en théorie – accès à une quantité illimitée de connaissances dans tous les domaines. Quel profit les jeunes en âge scolaire en tirent-ils ? Quels contenus assimilent-ils ? Et quelles procédures d’apprentissage mettent-ils en œuvre pour y arriver ? Autant de questions que les responsables de l’école ne devraient plus ignorer.
L'impact de la modernité actuelle sur les apprentissages
La langue maternelle
Grâce aux moyens modernes de communication et tout particulièrement aujourd’hui du texto, du forum de discussion sur Internet, de Face book et du twitter, le "peuple" et notamment les jeunes –quels que soient leur origine sociale et leur niveau de scolarité – se sont emparés de l’expression écrite qui, jusqu’il y a une vingtaine d’années, était l’apanage d’une minorité de personnes ayant fait des études supérieures. Ces nouveaux "écrivants" n’ont aucun complexe vis-à-vis de la norme. Les nouvelles formes d’expression écrite font le pied de nez à l’Académie. Non seulement des mots nouveaux ont été introduits mais l’orthographe, la grammaire et la syntaxe sont en permanence modifiés au gré de l’air du temps. L’école ne peut plus l’ignorer ; elle doit se positionner face à l’évolution de ces nouvelles pratiques langagières.
Arts, lettres histoire et géographie
Le contenu de ces enseignements a été conçu par et pour des personnes habitant la modernité de l'Etat-Nation. Les personnes actuellement scolarisées vivent sur une autre planète. Elles sont nourries d’une culture médiatisée, américanisée et mondialisée. La musique, par exemple, y a pris une importance qu’elle n’a jamais eue auparavant. Les pratiques culturelles sont marquées par un nouveau rapport au temps, une temporalité faite d’une succession de moments sans liens entre eux et donc se situant en dehors de la temporalité de la première modernité (où passé, présent et avenir s'articulaient dans une relation chronologique et logique étroite). Les jeunes en âge scolaire vivent dans un monde aux contours spatiaux, temporels et affectifs de plus en plus fluides. Et face à ce contexte linguistique et culturel nouveau, dans lequel évoluent les élèves, l’école doit se demander si elle est toujours en mesure d’exercer, par le biais de l'enseignement de ces disciplines, sa fonction visant à amener les élèves à créer et partager une identité commune, un bien commun afin de pouvoir faire société.
Place des autres disciplines scolaires
Les mathématiques. Si les apprentissages en arithmétique réalisés à l’école primaire et consolidés au collège sont aussi importants que dans le passé, l’enseignement des maths au collège et au lycée a, de fait, une fonction qui a bien été mise en évidence, l’entraînement à la manipulation de concepts et à la rigueur du raisonnement. Mais elle a aussi une autre fonction non moins importante, à peine cachée, celle de séparer les "bons élèves" des autres, d’ouvrir aux premiers la voie royale et de reléguer les autres aux formations moins valorisantes. Si l’entraînement au maniement de l’abstraction et à la rigueur dans le raisonnement a bien sa place à l’école, on est cependant en droit de se demander s’il n’existe pas d’autres supports permettant d’y arriver que celui du parcours mathématique scolaire, non porteurs de cet effet stigmatisant.
L’enseignement des matières scientifiques : bio, physique, chimie. Il serait bon de savoir sur quels critères et avec quelles finalités les contenus de ces disciplines ont été choisis ? Sont-ils toujours pertinents ?
Au-delà des apprentissages traditionnels
Doit-on se contenter d’une rénovation des apprentissages actuels ? Nous avons vu que la modernité actuelle avait considérablement affaibli le sentiment de partage d'une même culture et le désir de faire société. Alors que les différences (de comportement, de culture et de langue) ont été magnifiées, le socle commun qui nous permet de nous sentir et d’agir comme membres d’une même société devient de plus en plus fragile et indéfini. L’école qui est sensée créer et transmettre cette identité commune ne le fait plus. Elle n’a plus la capacité à impulser une manière de penser et de vivre en société. Si l'école n'a pas à définir les modalités d’une nouvelle socialisation, il lui revient d’offrir les outils et les apprentissages qui permettront de la construire.
Apprentissage du politique
De même que l’obtention du permis de conduire apparaît comme une condition nécessaire pour avoir le droit de diriger un véhicule, une initiation au politique, à la formation du citoyen me paraît être une condition nécessaire au bon exercice d’une socialisation démocratique. Exercice délicat et difficile à mettre en œuvre, certes, mais est-ce une raison suffisante pour l’écarter de la formation scolaire et de laisser les futurs citoyen se débrouiller avec le marketing politique que leur offrent les grands médias et les partis politiques ? Quelles connaissances et quelles compétences devraient maîtriser le citoyen au moment où il termine sa formation scolaire ? Il devrait avoir une connaissance approfondie de la Déclaration universelle des droits humains, de la Constitution de son pays et du fonctionnement politique de l’U.E., une connaissance générale des différents pouvoirs, de ses possibilités de participer à la vie politique, une connaissance de ses droits et devoirs. Mais les connaissances seraient insuffisantes sans l’acquisition des compétences que suppose la participation à la vie démocratique, telles que la capacité à s’exprimer en public - l’action politique passant par l’usage de la parole - le développement de l’esprit critique s’appuyant sur les principes énoncés dans la Déclaration universelle des droits humains et dans la Constitution. Tout ceci devrait permettre à chacun de mieux lire le monde et, pour ceux qui le souhaitent, de participer à son écriture.
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« On n'enseigne pas ce que l'on sait ou ce que l'on croit savoir : on n'enseigne et on ne peut enseigner que ce que l'on est. »
- OlympiasProphète
Et les instituteurs ne se sont pas si mal débrouillés... Il faut dire aussi qu'à l'époque, l'école représentait quelque chose d'important, même pour des parents déshérités qui avaient compris que l'instruction était le seul patrimoine que leurs enfants pourraient faire fructifier.doublecasquette a écrit:Je pense. Les gamins des bidonvilles de Nanterre ou d'ailleurs dans les années 70, les vagues d'enfants d'immigrés polonais, italiens, espagnols, portugais dans les régions industrielles ou d'agriculture gourmande en main d'œuvre à bon marché pendant tout le XXe siècle, les enfants de la fin du XIXe siècle et du début du XXe qui étaient les premiers de leur famille à parler et écrire le français n'étaient sûrement pas plus éduqués que les élèves qu'il cite.PauvreYorick a écrit:OK; je vois déjà un peu mieux (j'avais lu les posts de DC et du Padre).
Quid sur «instruire des enfants de moins en moins éduqués»? Historiquement fantasmatique? (Parce que, cf. je ne sais plus quel fil à côté, Luc Ferry vient de tenir un discours proche, et les commentaires des néos étaient parfois assez approbateurs.)
À ma lecture, avant de lire le moindre commentaire, je n'avais pas exactement le sentiment que Bentolila rendait responsables les maîtres. Même si j'ai été pour le moins interloqué par les dernières phrases.
L'Ecole Primaire a toujours reçu tout le monde et certainement pas seulement les privilégiés (qui, pendant longtemps, ne l'ont pas fréquentée du tout) dont il parle dans son article. Elle a donc toujours intégré des non-francophones déshérités et perdus dans un monde qui était tout nouveau pour eux.
- CeladonDemi-dieu
C'était au temps où les instits disposaient des outils conceptuels... Au temps du Code Soleil, où l'inspecteur allait fouiner dans les placards et demandait des comptes sur ce qu'il y trouvait...
- User5899Demi-dieu
J'ai lu avec attention le msg de IfThenElse et le commentaire qu'il cite. Je suis quand même perplexe sur ce que les jeunes et les moins jeunes tirent comme savoirs de leur connexion permanente. Bien sûr, le net met à disposition. Mais est-ce consulté ? Nous ne sommes pas devant des concitoyens de plus en plus savants, de mieux en mieux informés : c'est le contraire qu'on constate. Le net semble bien davantage fonctionner paradoxalement comme un moyen de demeurer dans sa petite bulle, puisque les membres de la bulle sont toujours connectés. Dans mon entourage, les personnes les plus cultivées et les plus ouvertes sont loin (et ça aussi, c'est nouveau me semble-t-il) d'être les plus jeunes !
Je suis donc extrêmement perplexe. Que le net produise des changements, c'est indéniable. Mais quels changements ? Qui a le sentiment (à défaut du savoir) que nos concitoyens connectés, de par cette connexion, sont des citoyens plus éclairés ?
Je suis donc extrêmement perplexe. Que le net produise des changements, c'est indéniable. Mais quels changements ? Qui a le sentiment (à défaut du savoir) que nos concitoyens connectés, de par cette connexion, sont des citoyens plus éclairés ?
- OlympiasProphète
Mes élèves hyper connectés passent leur temps sur Facebook, twittent des niaiseries et sont assez ignares. ON se fait de grandes illusions à ce sujet... Contrairement à ce qu'affirme Caroline Saliou, la présidente de l' APEL (cf. Le Figaro du jour page 8 - petit article sur les programmes), la majorité des élèves n'arrive pas en cours avec la connaissance uniquement parce qu'ils ont accès aux nouvelles technologies. Ils auront ensuite accès parce que je vais leur apprendre à les utiliser, où et comment chercher...
Ce n'est pas parce qu'on sait Twitter et raconter sa vie sur Facebook qu'on est éclairé et cultivé. Je revois encore leurs têtes ébahies quand je leur ai montré comment utiliser le site Internet de France culture pour travailler en histoire et en français, culture générale....
Ce n'est pas parce qu'on sait Twitter et raconter sa vie sur Facebook qu'on est éclairé et cultivé. Je revois encore leurs têtes ébahies quand je leur ai montré comment utiliser le site Internet de France culture pour travailler en histoire et en français, culture générale....
- User17706Bon génie
Merci pour ces blogs que je ne connaissais pas.
Pour ceux qui seraient curieux, le billet «Refondons l'école» mentionné par If_Then_Else est ici (j'ai corrigé le lien, que quelques navigateurs prendront inévitablement avec le point à icelui concaténé, redirigeant l'infortuné cliqueur vers la page d'accueil du blog):
http://blogs.mediapart.fr/blog/claude-lelievre/180213/refondons-lecole-ensemble
Et le commentaire de Roger Guilloux apparaît également, sous une forme plus complète (et apparemment antérieure), comme un post de blog:
http://blogs.mediapart.fr/blog/rogerguilloux/010312/reflexions-sur-leducation-en-france
***
J'ai un peu la même réaction que Cripure, plus quelques réserves de détail qui, je trouve, ne sont pas tellement de détail que ça (par exemple, dans le paragraphe sur les mathématiques, deux espèces très différentes de «fonction» sont mises sur le même plan, à tel point que parler de «fonction», sans autre précision, dans les deux cas, me gêne beaucoup). Mais c'est le développement sur l'informatique qui me laisse, moi aussi, le plus dubitatif.
Dans l'ensemble, s'il est très louable de s'interroger sur les finalités de l'école, je dirais volontiers qu'il est encore plus louable de répondre à sa propre (excellente) question. C'est seulement dans un second temps, une fois fixées les finalités, que l'on peut apprécier, vis-à-vis d'elles, la pertinence des différents outils. Avec l'outil informatique, on a l'impression non pas que la charrue est mise avant les boeufs, mais qu'on est convié à se doter d'une charrue avant même de savoir si l'on va labourer ou non: «vous avez les moyens, trouvez-nous des buts adaptés à ces moyens, maintenant». Sachant que la réponse commence à annoncer une «réflexion sur les finalités de l'école», c'est gênant. À moins que la finalité ne soit d'utiliser des iPads à tout prix et peu importe à quoi, mais bon, dit comme ça, tout le monde, sauf le Dir'Com' d'Apple, voit bien que...
(Certes, je caricature: ce n'est pas exactement le raisonnement. Le raisonnement consiste plutôt à dire que l'on est captif de l'outil quoi qu'il arrive et qu'on n'a pas le choix de l'utiliser ou non. Il n'empêche qu'il faudrait malgré tout préalablement fixer les finalités et non se les laisser dicter.)
Pour ceux qui seraient curieux, le billet «Refondons l'école» mentionné par If_Then_Else est ici (j'ai corrigé le lien, que quelques navigateurs prendront inévitablement avec le point à icelui concaténé, redirigeant l'infortuné cliqueur vers la page d'accueil du blog):
http://blogs.mediapart.fr/blog/claude-lelievre/180213/refondons-lecole-ensemble
Et le commentaire de Roger Guilloux apparaît également, sous une forme plus complète (et apparemment antérieure), comme un post de blog:
http://blogs.mediapart.fr/blog/rogerguilloux/010312/reflexions-sur-leducation-en-france
***
J'ai un peu la même réaction que Cripure, plus quelques réserves de détail qui, je trouve, ne sont pas tellement de détail que ça (par exemple, dans le paragraphe sur les mathématiques, deux espèces très différentes de «fonction» sont mises sur le même plan, à tel point que parler de «fonction», sans autre précision, dans les deux cas, me gêne beaucoup). Mais c'est le développement sur l'informatique qui me laisse, moi aussi, le plus dubitatif.
Dans l'ensemble, s'il est très louable de s'interroger sur les finalités de l'école, je dirais volontiers qu'il est encore plus louable de répondre à sa propre (excellente) question. C'est seulement dans un second temps, une fois fixées les finalités, que l'on peut apprécier, vis-à-vis d'elles, la pertinence des différents outils. Avec l'outil informatique, on a l'impression non pas que la charrue est mise avant les boeufs, mais qu'on est convié à se doter d'une charrue avant même de savoir si l'on va labourer ou non: «vous avez les moyens, trouvez-nous des buts adaptés à ces moyens, maintenant». Sachant que la réponse commence à annoncer une «réflexion sur les finalités de l'école», c'est gênant. À moins que la finalité ne soit d'utiliser des iPads à tout prix et peu importe à quoi, mais bon, dit comme ça, tout le monde, sauf le Dir'Com' d'Apple, voit bien que...
(Certes, je caricature: ce n'est pas exactement le raisonnement. Le raisonnement consiste plutôt à dire que l'on est captif de l'outil quoi qu'il arrive et qu'on n'a pas le choix de l'utiliser ou non. Il n'empêche qu'il faudrait malgré tout préalablement fixer les finalités et non se les laisser dicter.)
- If_Then_ElseNiveau 9
Cher Yorik,
L'article dit avec une certaine raison que "l'Ecole a réussi la massification, mais elle a raté la démocratisation". Les études récentes (OCDE) corroborent cette analyse. Le livre "1880-1980: un siècle de Lycée" tombe à pic pour montrer des évolutions positives ( mixité tout court avant la mixité sociale).
Mais depuis le système implose de toute part. Quelques sites peuvent encore sauver les apparences, mais les élèves issues des classes fortunées quittent la France pour aller se former dans les meilleures écoles des US, d'UK et CANADA....
Alors, cher Yorik, mon bon maître, je te pose la question: que faut-il faire de ceux qui restent dans nos quartiers populaires?
Roland BRUNET, mon prof de philo à VOLTAIRE dans les années 70, qui a été formateur dans une Ecole Normale, écrivait déjà de façon prémonitoire : " Se placer délibérément du côté des " mauvais élèves " me paraît de plus en plus nécessaire : on regarde la " réussite scolaire " d’un autre œil, et c’est ce qui me semble aujourd’hui le plus urgent". De façon un peu provocante: "Que savent faire les profs ? Réciter ce qu’ils ont appris". Comment faire fonctionner la méritocratie, dans un système qui promet la réussite scolaire à de plus de 15 millions d'élèves (cf. INSEE)) ?
Alors la démocratisation se fait à la maison, de manière plus ou moins clandestine, sur Wikipedia. C'est le règne de l'autodidacte: on se forme soi-même parce que c'est tendance pour tenter d'être auto-entrepreneur et essayer de s'en tirer par soi-même, encouragé par les "success stories" (Microsoft, Google, etc...).
Mais tu as raison: bonjour les dégâts quand cette exposition cathodique n'est pas réfléchie. Et les écrans "gardent" de plus en plus les enfants à la maison!
L'article dit avec une certaine raison que "l'Ecole a réussi la massification, mais elle a raté la démocratisation". Les études récentes (OCDE) corroborent cette analyse. Le livre "1880-1980: un siècle de Lycée" tombe à pic pour montrer des évolutions positives ( mixité tout court avant la mixité sociale).
Mais depuis le système implose de toute part. Quelques sites peuvent encore sauver les apparences, mais les élèves issues des classes fortunées quittent la France pour aller se former dans les meilleures écoles des US, d'UK et CANADA....
Alors, cher Yorik, mon bon maître, je te pose la question: que faut-il faire de ceux qui restent dans nos quartiers populaires?
Roland BRUNET, mon prof de philo à VOLTAIRE dans les années 70, qui a été formateur dans une Ecole Normale, écrivait déjà de façon prémonitoire : " Se placer délibérément du côté des " mauvais élèves " me paraît de plus en plus nécessaire : on regarde la " réussite scolaire " d’un autre œil, et c’est ce qui me semble aujourd’hui le plus urgent". De façon un peu provocante: "Que savent faire les profs ? Réciter ce qu’ils ont appris". Comment faire fonctionner la méritocratie, dans un système qui promet la réussite scolaire à de plus de 15 millions d'élèves (cf. INSEE)) ?
Alors la démocratisation se fait à la maison, de manière plus ou moins clandestine, sur Wikipedia. C'est le règne de l'autodidacte: on se forme soi-même parce que c'est tendance pour tenter d'être auto-entrepreneur et essayer de s'en tirer par soi-même, encouragé par les "success stories" (Microsoft, Google, etc...).
Mais tu as raison: bonjour les dégâts quand cette exposition cathodique n'est pas réfléchie. Et les écrans "gardent" de plus en plus les enfants à la maison!
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« On n'enseigne pas ce que l'on sait ou ce que l'on croit savoir : on n'enseigne et on ne peut enseigner que ce que l'on est. »
- User17706Bon génie
Je crois que «massification, mais pas pour autant démocratisation», c'est un constat qui est largement partagé; en tout cas je n'ai ni les moyens ni l'intention de le contester.
Je ne pense pas non plus qu'on puisse faire comme si wikipédia n'existait pas. Je résiste un peu à l'idée, en revanche, selon laquelle le web sous ses différentes formes modifierait, pour m'exprimer ainsi, l'ordre des fondamentaux. Je ne suis pas sûr que les capacités requises pour bien s'en servir diffèrent du tout au tout des capacités requises pour lire un journal papier, même s'il y a quelques petits trucs supplémentaires à savoir (et même beaucoup, en fait: cent fois plus qu'un individu n'en utilise quotidiennement, mais qui constituent surtout des améliorations à la marge, par exemple amélioration de la vitesse avec laquelle on arrive à obtenir l'information qu'on cherche).
Qu'une partie au moins des «compétences» que liste le commentaire de Roger Guilloux à la fin fassent partie des buts à atteindre, ça ne me semble pas contestable; en revanche, je suis assez attaché à l'idée que l'École doit permettre aux gamins non d'envoyer des sms plus vite (l'auteur souligne lui-même qu'ils y arrivent très bien tout seuls), mais bien de n'être pas totalement étrangers à des textes qui furent écrits il y a de cela plus de vingt siècles pour de tout autres hommes qu'eux. Il faut conserver ce genre d'ambitions, sinon, on massifie, justement, sans démocratiser.
Je ne pense pas non plus qu'on puisse faire comme si wikipédia n'existait pas. Je résiste un peu à l'idée, en revanche, selon laquelle le web sous ses différentes formes modifierait, pour m'exprimer ainsi, l'ordre des fondamentaux. Je ne suis pas sûr que les capacités requises pour bien s'en servir diffèrent du tout au tout des capacités requises pour lire un journal papier, même s'il y a quelques petits trucs supplémentaires à savoir (et même beaucoup, en fait: cent fois plus qu'un individu n'en utilise quotidiennement, mais qui constituent surtout des améliorations à la marge, par exemple amélioration de la vitesse avec laquelle on arrive à obtenir l'information qu'on cherche).
Qu'une partie au moins des «compétences» que liste le commentaire de Roger Guilloux à la fin fassent partie des buts à atteindre, ça ne me semble pas contestable; en revanche, je suis assez attaché à l'idée que l'École doit permettre aux gamins non d'envoyer des sms plus vite (l'auteur souligne lui-même qu'ils y arrivent très bien tout seuls), mais bien de n'être pas totalement étrangers à des textes qui furent écrits il y a de cela plus de vingt siècles pour de tout autres hommes qu'eux. Il faut conserver ce genre d'ambitions, sinon, on massifie, justement, sans démocratiser.
- ParatgeNeoprof expérimenté
Il faut bien reconnaitre que la plupart des élèves se tapent complètement de l'Internet "savant". Ils vont aller sur Wikipédia pour un exo mais jamais pour le plaisir sauf pour lire la fiche d'un footballeur ou d'une chanteuse.
Les illuminés comme Michel Serres (qui dit qu'il y a tout sur le web et qu'il n'y a plus rien à enseigner) me font penser aux vendeurs d'encyclopédie qui faisaient du porte-à-porte en racontant aux parents que la petite ou le petit aurait tout dans l'encyclopédie, que ça marcherait mieux à l'école, etc.
Et en vertu de quoi, la belle encyclopédie était revendue intacte...
Les illuminés comme Michel Serres (qui dit qu'il y a tout sur le web et qu'il n'y a plus rien à enseigner) me font penser aux vendeurs d'encyclopédie qui faisaient du porte-à-porte en racontant aux parents que la petite ou le petit aurait tout dans l'encyclopédie, que ça marcherait mieux à l'école, etc.
Et en vertu de quoi, la belle encyclopédie était revendue intacte...
- RobinFidèle du forum
Bentolila confond (fait semblant de confondre) le signifiant, le signifié et le référent.
Le signifiant, c'est le signe linguistique graphique et acoustique, la dimension "matérielle" du mot (les "phonèmes" qui composent le mot), le signifiant, c'est l'idée, le concept et le référent, c'est l'objet.
"orange" renvoie à chacune de ces trois dimensions : premièrement le signe linguistique "o/r/a/n/g/e", deuxièmement le concept d'orange et troisièmement le fruit à l'écorce épaisse que je suis en train de presser.
Bentolila estime qu'un élève ne peut pas lire/écrire correctement le mot "orange", s'il ne sait pas ce qu'est une orange. Outre le fait que nous ne sommes plus au temps de Louis XIV quand les oranges étaient un privilège de roi, ou même au XIXème siècle, quand ont offrait (à Noël) des oranges aux enfants dans les "classes privilégiées" (réveille toi Bento, le vieux monde est derrière toi !") et que les oranges remplissent désormais les rayons des supermarchés, l'affirmation est complètement absurde si on y réfléchit une seconde.
Tout élève qui a appris à lire peut déchiffrer à peu près correctement "palimpsestre", "nucléotide", "parturition", "iatrogénèse", "archéoptérix"", sans avoir la moindre idée de ce que signifient ces mots.
Mais ils n'ont absolument pas besoin de les comprendre pour les déchiffrer. La compréhension du mot se produit très souvent après le déchiffrement (avec l'aide des adultes, des parents, des enseignants) et c'est heureux car si les enfants devaient comprendre le sens des mots pour être capables les déchiffrer, ils n'entreraient jamais dans le langage.
On se demande pourquoi on est obligé de perdre son temps à énoncer de pareilles banalités. Mais il faut bien répondre aux sophismes.
Par ailleurs il y a une contradiction totale entre le "déclinisme" de Bentolila, l'analyse en partie exacte des problèmes posés par ce que l'on appelle "les nouveaux publics" et les "solutions" qu'il préconise. Bentolila explique qu'il n'est plus possible d'enseigner de la même manière (comme si les enseignants de terrain l'ignoraient), mais aussi que l'on doit enseigner des contenus différents, ce qui l'essence même de l'idéologie constructiviste, dont les bricolages ne font qu'enfoncer les élèves dans leurs difficultés (le pompier pyromane).
Bentolila rejoint donc explicitement la cohorte des démolisseurs de l'Ecole de la République qualifiée "d'élitiste" (Ferdinand Buisson doit effectivement de retourner dans sa tombe), responsables des ravages passés, présents et à venir. Les élèves ont du mal en orthographe, laissons-les écrire en classe comme sur Facebook ! Le milieu familial n'est pas porteur, n'employons que des mots simples ! Ils ont du mal à comprendre des textes littéraires, donnons-leur des notices de machine à laver !
Le signifiant, c'est le signe linguistique graphique et acoustique, la dimension "matérielle" du mot (les "phonèmes" qui composent le mot), le signifiant, c'est l'idée, le concept et le référent, c'est l'objet.
"orange" renvoie à chacune de ces trois dimensions : premièrement le signe linguistique "o/r/a/n/g/e", deuxièmement le concept d'orange et troisièmement le fruit à l'écorce épaisse que je suis en train de presser.
Bentolila estime qu'un élève ne peut pas lire/écrire correctement le mot "orange", s'il ne sait pas ce qu'est une orange. Outre le fait que nous ne sommes plus au temps de Louis XIV quand les oranges étaient un privilège de roi, ou même au XIXème siècle, quand ont offrait (à Noël) des oranges aux enfants dans les "classes privilégiées" (réveille toi Bento, le vieux monde est derrière toi !") et que les oranges remplissent désormais les rayons des supermarchés, l'affirmation est complètement absurde si on y réfléchit une seconde.
Tout élève qui a appris à lire peut déchiffrer à peu près correctement "palimpsestre", "nucléotide", "parturition", "iatrogénèse", "archéoptérix"", sans avoir la moindre idée de ce que signifient ces mots.
Mais ils n'ont absolument pas besoin de les comprendre pour les déchiffrer. La compréhension du mot se produit très souvent après le déchiffrement (avec l'aide des adultes, des parents, des enseignants) et c'est heureux car si les enfants devaient comprendre le sens des mots pour être capables les déchiffrer, ils n'entreraient jamais dans le langage.
On se demande pourquoi on est obligé de perdre son temps à énoncer de pareilles banalités. Mais il faut bien répondre aux sophismes.
Par ailleurs il y a une contradiction totale entre le "déclinisme" de Bentolila, l'analyse en partie exacte des problèmes posés par ce que l'on appelle "les nouveaux publics" et les "solutions" qu'il préconise. Bentolila explique qu'il n'est plus possible d'enseigner de la même manière (comme si les enseignants de terrain l'ignoraient), mais aussi que l'on doit enseigner des contenus différents, ce qui l'essence même de l'idéologie constructiviste, dont les bricolages ne font qu'enfoncer les élèves dans leurs difficultés (le pompier pyromane).
Bentolila rejoint donc explicitement la cohorte des démolisseurs de l'Ecole de la République qualifiée "d'élitiste" (Ferdinand Buisson doit effectivement de retourner dans sa tombe), responsables des ravages passés, présents et à venir. Les élèves ont du mal en orthographe, laissons-les écrire en classe comme sur Facebook ! Le milieu familial n'est pas porteur, n'employons que des mots simples ! Ils ont du mal à comprendre des textes littéraires, donnons-leur des notices de machine à laver !
- SapotilleEmpereur
Souvenirs, souvenirs !
Le GRIP avait déjà sa petite idée quant aux effets d'annonce de Monsieur Bentolila ...
C'était en 2008 ...
Enjoy !
Quel statut pour la grande section de maternelle ?
Le GRIP et le rapport Bentolila
Faire de la maternelle « une école à part entière, non une école entièrement à part », tel est l’objectif affiché par le rapport Bentolila. On souscrirait volontiers à cette belle formule si l’ensemble des propositions de l’expert ne faisait craindre un résultat exactement inverse : une maternelle de moins en moins assurée de ses objectifs et de plus en plus fermée sur elle-même, avec des conséquences non négligeables pour la suite de la scolarité.
Assorti de propositions légales et réglementaires concernant l’obligation scolaire, la définition des programmes, la spécificité de la formation et de l’inspection, ce rapport est en effet marqué par des contradictions, des ambiguïtés et des lacunes bien inquiétantes pour l’évolution de la première école.
La première de ces contradictions touche à la nécessité d’assurer « la continuité des apprentissages » avec l’école primaire. Plusieurs fois affirmée, cette préoccupation ne se heurte-t-elle pas à la proposition de désengagement de la GS du cycle 2, ainsi d’ailleurs qu’au renforcement de cadres réglementaires spécifiques à la maternelle ? C’est là un point aveugle sur lequel on aimerait au moins avoir quelques explications, car la question de la transition harmonieuse entre les apprentissages assurés par la maternelle et ceux proprement scolaires du primaire est en effet capitale, au moins dans deux domaines, celui de la lecture et celui du calcul. Ces explications, l’expert était-il en mesure de les donner ? Avait-il pris la peine de penser à la lumière des évolutions historiques de la maternelle et la spécificité de l’enseignement qui peut y être délivré et son articulation avec la première classe du primaire ? On peut en douter quand on voit son embarras dès qu’il aborde le terrain de la pédagogie, par exemple avec le travail en ateliers.
Sur ce sujet, laissant entendre que les habitudes prises en maternelle pénalisent le primaire, il écrit d’abord : « L’organisation et la rotation du travail en petits groupes, qui sont une nécessité pédagogique, ont souvent des conséquences très inquiétantes sur les temps réels d’apprentissage à l’école maternelle. Les séquences où l’apprentissage s’effectue sous le contrôle attentif et lucide de l’enseignant sont en fait extrêmement réduites. On admettra qu’une demi-heure par semaine d’apprentissage directement accompagnée par la maîtresse apparaît plus qu’insuffisant... Les emplois du temps et la rotation des ateliers en maternelle sont donc à revoir... »
Mais ensuite, s’agissant de sa proposition-phare de travailler l’oral, il écrit : « il est délicat de travailler sur une matière aussi volatile et éphémère que l'oral ... De ce point de vue, il conviendra de chercher les moyens qui permettront aux enseignants de pouvoir travailler efficacement en ateliers de sept ou huit élèves sans avoir à se demander ce qu’ils vont faire des autres. »
Ne soyons cependant pas trop sévères pour ces incohérences ; l’embarras qu’elles traduisent devant la délicate question de la liaison GS-CP n’est pas nouveau. En octobre 1977, une circulaire de René Haby sur ce sujet proposait de régler le problème non pas en préparant le primaire à la maternelle mais en prolongeant celle-ci au primaire.
« Le souci de continuité devrait se manifester, en premier lieu, écrivait alors le ministre, par la prolongation, au cycle préparatoire, de certains des traits caractéristiques du climat et du style de vie dans lesquels se déroulent les activités de l'école maternelle. »
Mais plutôt que rêver à une unification et à une uniformisation quasi-impossibles entre des pratiques pédagogiques qui même dans les classes uniques GS-CP doivent être finement adaptées à l’âge des élèves et à leur degré de maturité, peut être vaudrait-il mieux s'interroger sur l’origine de ce défaut d'harmonisation entre la maternelle et le primaire.
Historiquement, le fossé s’est créé en 1976 avec la loi Haby et l'abandon de tout contenu d'instruction à l’école maternelle. Il s’est élargi très vite, les méthodes idéo visuelles s’engouffrant dans le vide laissé par la liquidation de l’écriture-lecture et des quatre opérations, apprentissages fondamentaux abordés jusque-là en GS. Avec le recul, ce n’est pas sans frémir quelque peu que l’on relit ces lignes de la circulaire d'octobre 1977 consacrant, comme un des apports de la maternelle réformée, « les amorces d'acquisitions spécifiques qui,... peuvent utilement servir de supports ou d'éléments inducteurs pour les acquisitions ultérieures (par exemple, et à des niveaux variables selon les élèves : en lecture, séries de mots identifiés globalement… »
Or qu’en est-il de l’apprentissage de la lecture dans le rapport Bentolila ? Sur ce sujet, on peut faire deux observations qui ne poussent pas à l’optimisme.
La première touche au silence total fait sur les activités ne concernant pas directement le domaine de la langue ; expériences sensorielles, activités manuelles, calcul, leçons d’observation…On nous dit, sans autre commentaire, qu’on veillera à apporter « des bases solides et garanties ». On voudrait bien savoir lesquelles, l’apprentissage de la lecture et celui du vocabulaire étant en GS étroitement liés à ces autres enseignements. « Un mot par jour ! », nous dit-on, en présentant cela comme la conquête de la lune. Mais quels mots, appris, éprouvés et mémorisés dans quelles expériences structurantes de transmission d’un savoir ? On ne nous le dit pas. « Trésor de mots », « dictionnaire mental », dans ces conditions, ces formules sont creuses et flirtent avec le style électoral. Certes, on conviendra sans peine que la pauvreté du vocabulaire ne facilite pas l’apprentissage de la lecture, mais on se gardera d’en déduire que le fait de « mettre le paquet » sur le vocabulaire, sans autre précision, suffit à régler la question. Et l’on n’oubliera pas d’ajouter que la conquête de l’écriture-lecture est sans doute un excellent moyen d’enrichir le vocabulaire. Comme on le voit le rapport Bentolila nous fait progresser à pas de géant.
Deuxième observation : les quelques indications données sur le rôle de la maternelle dans l’apprentissage de la lecture proprement dit ne sont guère plus rassurantes.
« Préparer à… », ou passer, dès qu’il est possible et impératif de le faire, à l’apprentissage effectif de la lecture et de l’écriture, telle est la question qui se pose en maternelle.
La réponse de Pauline Kergomard, fondatrice de l’école maternelle, est connue : « Les enfants qui fréquentent l'école maternelle, écrivait cette pédagogue incontestée, doivent être mis à la lecture le plus tard possible, pour qu'ils sachent lire le plus tôt possible » et elle précisait : « L'enfant arrivant dans la seconde section sera seul admis à apprendre à lire. Il aura cinq ans. »
Mais c’était il y a plus d’un siècle, dans cette époque reculée où l’on enseignait en GS l’écriture-lecture ainsi que les quatre opérations. Depuis la réponse a changé. Elle tient dans la généralisation en maternelle, de la petite à la grande section, d’une démarche idéo-visuelle censée déboucher sur l’accès au fameux « sens » que les méthodes alphabétiques d’antan sacrifiaient, dit-on, sur l’autel du déchiffrage. Un peu partout, on prépare les bambins à « l’entrée dans l’écrit » en les plaçant dans un « bain d’écrits », en leur faisant copier des mots non lus, en leur faisant « produire » du sens avec des « étiquettes-mot » et des « étiquettes-phrase ». Les résultats désastreux de ces fantaisies sont connus : même les rapports officiels n’hésitent plus à pointer l’augmentation du nombre d’enfants en difficulté face à la lecture du CP au CM2. Il est vrai qu’ils le font en prenant garde de ne jamais identifier clairement la cause principale de cette catastrophe : les dérives funestes de l’enseignement dispensé par l’école maternelle et leurs répercussions aux échelons ultérieurs du cursus scolaire. On ne touche pas à la maternelle !
Avec ses interminables considérations sur l’importance décisive de l’oral, le rapport Bentolila n’enfreint pas l’interdit. Oh certes, il condamne au détour d’une phrase les « bains d’écrits », mais non pour leur nocivité intrinsèque : parce qu’ils mêlent des écrits de valeur inégale (chèque, modes d’emplois, recettes, productions d’élève) : et certes il précise que l’apprentissage effectif de la lecture doit attendre le CP, mais non sans insister lourdement sur le fait que la maternelle doit y préparer.
Comment ?
Pas en exigeant des pré-requis : « Il ne s'agit pas de tomber dans le travers de ce que l'on a appelé les « pré-requis » ; ce terme peut en effet laisser entendre que l'on doit dresser la liste des activités à mener avant d'autoriser un enfant à avoir quelque contact que ce soit avec l'écrit ; une conception aussi mécaniste de l'apprentissage est à la fois fausse et dangereuse. »
Mais en énumérant tout de même ce qui ressemble fort à des pré-requis. D’après l’expert, pour que l’enfant apprenne à lire, il lui faudrait en effet :
- un vocabulaire suffisamment riche,
- une bonne analyse phonologique,
- un graphisme attentif des lettres,
- avoir découvert le principe syntaxique,
- avoir atteint le développement cognitif basé sur l’analyse de la tâche,
- être capable d’une réflexion sur le passage du faire à l’appris.
Passons sur les autres conditions – dont les trois dernières laissent perplexe - et arrêtons-nous sur ce problématique « graphisme attentif des lettres ». S’agirait-il d’apprendre à écrire en maternelle avant même d’apprendre à lire en CP ? Un autre passage du rapport nous renseigne, dans lequel l’expert, après avoir expliqué combien il est important de faire dégager à l’oral les unités sonores, écrit ceci :
« Ces unités phoniques ne trouveront, en fait, de réalité concrète que lors de leur mise en relation avec les graphies, leur représentation « visible ». C’est la raison pour laquelle ce travail de mise en relation entre « sons de la langue » et « graphies de l’écrit », et surtout la compréhension des liens conventionnels qui les unissent en français (sans entrer dans la connaissance systématique du code qui se fera en CP), est un objectif pédagogique à atteindre - pour tous les élèves et quelle que soit leur langue maternelle d’origine - à la fin de l’école maternelle.
Par ailleurs, il faut inviter les élèves, autour d’activités collectives mais aussi en groupes restreints et individuellement, à faire des essais d’écriture, d’encodage et de production, avant même de savoir lire. Les élèves devront s’initier à la production de mots, de syllabes ou de phrases par associations, comparaisons, hypothèses, et usages d’unités connues ou re-connues. Il faut avant tout permettre à chacun de se construire une représentation juste de l’écrit, qui l’aidera à saisir sans ambiguïté les relations entre écriture et lecture. Il est nécessaire, très tôt, de banaliser l’écriture, de valoriser le graphisme attentif des lettres, et d’en faire un objet permanent de manipulation tout au long des journées d’école. »
On retiendra ici deux choses qui confirment les craintes qu’on pouvait avoir :
1. L’acquisition de la lecture ne figure pas dans les objectifs de la GS : « la connaissance systématique du code…se fera en CP. »
2. L’apprentissage de l’écriture se fait, lui, « avant même de savoir lire » et il se fait par « associations, comparaisons et hypothèses »
Autrement dit, on est en présence d’une version revisitée de l’approche idéo-visuelle dans laquelle la divination se déplace de la lecture à l’écriture, une version en outre toujours conforme à la religion constructiviste du tâtonnement.
Que cette nouvelle version fasse autant de dégâts que l’ancienne, particulièrement sur ces enfants non-francophones auxquels le rapport recommande par ailleurs d’enseigner d’abord, sous le prétexte approximatif que le bilinguisme serait un atout1, leur langue d’origine, ne fait guère de doute.
Concluons. L’ensemble des propositions et considérations diverses présentées dans le rapport Bentolila ne répond en rien aux problèmes posés aujourd’hui par le fonctionnement de la première école. Au plan pédagogique, une fois écarté le rideau de fumée des pétitions de principe sur l’acquisition du vocabulaire, ce qui apparaît sous la plume de l’expert, c’est la poursuite et l’aggravation - avec de nouvelles justifications pseudo-savantes - des orientations qui ont conduit l’enseignement en maternelle dans l’état de délabrement où il se trouve. Tempérons cependant encore une fois notre sévérité et accordons à l’expert des circonstances atténuantes : avait-il mesuré l’ampleur de la tâche ? À plusieurs reprises, on a l’impression que non, comme dans le passage qui suit, dont l’incohérence peut surprendre :
« Mais il est impératif, avant l’apprentissage de la lecture, d'apprendre aux élèves à attribuer, dès le début de l'apprentissage de la lecture, aux mots et groupes de mots, le rôle qui leur revient dans la construction du sens. »
« Avant » ou « dès « ? Il aurait fallu choisir.
*
* *
Post-scriptum
« Le plus tard possible, pour qu’ils sachent lire le plus tôt possible ». En une seule phrase, Pauline Kergomard donne la ligne à suivre dans l’enseignement en maternelle et fait entrevoir toute la difficulté et la spécificité de celui-ci. Si on admet en effet qu’il faut attendre le plus tard possible pour mettre les enfants à la lecture, se pose alors la question de savoir ce qu’on peut leur faire faire avant, en petite et en moyenne section, et au début de la grande section qui soit utile à l’apprentissage de l’écriture-lecture et à celui, conjoint, et dont le rapport Bentolila ne dit rien, de la numération et du calcul. L’anticipation idéo - visuelle a été dans les dernières décennies et est aujourd’hui encore la réponse maladroite et catastrophique à cette question. Elle traduit en fait une impuissance à concevoir des programmes et des progressions propres à la maternelle.
Pascal Dupré Guy Morel
14 janvier 2008
Le GRIP avait déjà sa petite idée quant aux effets d'annonce de Monsieur Bentolila ...
C'était en 2008 ...
Enjoy !
Quel statut pour la grande section de maternelle ?
Le GRIP et le rapport Bentolila
Faire de la maternelle « une école à part entière, non une école entièrement à part », tel est l’objectif affiché par le rapport Bentolila. On souscrirait volontiers à cette belle formule si l’ensemble des propositions de l’expert ne faisait craindre un résultat exactement inverse : une maternelle de moins en moins assurée de ses objectifs et de plus en plus fermée sur elle-même, avec des conséquences non négligeables pour la suite de la scolarité.
Assorti de propositions légales et réglementaires concernant l’obligation scolaire, la définition des programmes, la spécificité de la formation et de l’inspection, ce rapport est en effet marqué par des contradictions, des ambiguïtés et des lacunes bien inquiétantes pour l’évolution de la première école.
La première de ces contradictions touche à la nécessité d’assurer « la continuité des apprentissages » avec l’école primaire. Plusieurs fois affirmée, cette préoccupation ne se heurte-t-elle pas à la proposition de désengagement de la GS du cycle 2, ainsi d’ailleurs qu’au renforcement de cadres réglementaires spécifiques à la maternelle ? C’est là un point aveugle sur lequel on aimerait au moins avoir quelques explications, car la question de la transition harmonieuse entre les apprentissages assurés par la maternelle et ceux proprement scolaires du primaire est en effet capitale, au moins dans deux domaines, celui de la lecture et celui du calcul. Ces explications, l’expert était-il en mesure de les donner ? Avait-il pris la peine de penser à la lumière des évolutions historiques de la maternelle et la spécificité de l’enseignement qui peut y être délivré et son articulation avec la première classe du primaire ? On peut en douter quand on voit son embarras dès qu’il aborde le terrain de la pédagogie, par exemple avec le travail en ateliers.
Sur ce sujet, laissant entendre que les habitudes prises en maternelle pénalisent le primaire, il écrit d’abord : « L’organisation et la rotation du travail en petits groupes, qui sont une nécessité pédagogique, ont souvent des conséquences très inquiétantes sur les temps réels d’apprentissage à l’école maternelle. Les séquences où l’apprentissage s’effectue sous le contrôle attentif et lucide de l’enseignant sont en fait extrêmement réduites. On admettra qu’une demi-heure par semaine d’apprentissage directement accompagnée par la maîtresse apparaît plus qu’insuffisant... Les emplois du temps et la rotation des ateliers en maternelle sont donc à revoir... »
Mais ensuite, s’agissant de sa proposition-phare de travailler l’oral, il écrit : « il est délicat de travailler sur une matière aussi volatile et éphémère que l'oral ... De ce point de vue, il conviendra de chercher les moyens qui permettront aux enseignants de pouvoir travailler efficacement en ateliers de sept ou huit élèves sans avoir à se demander ce qu’ils vont faire des autres. »
Ne soyons cependant pas trop sévères pour ces incohérences ; l’embarras qu’elles traduisent devant la délicate question de la liaison GS-CP n’est pas nouveau. En octobre 1977, une circulaire de René Haby sur ce sujet proposait de régler le problème non pas en préparant le primaire à la maternelle mais en prolongeant celle-ci au primaire.
« Le souci de continuité devrait se manifester, en premier lieu, écrivait alors le ministre, par la prolongation, au cycle préparatoire, de certains des traits caractéristiques du climat et du style de vie dans lesquels se déroulent les activités de l'école maternelle. »
Mais plutôt que rêver à une unification et à une uniformisation quasi-impossibles entre des pratiques pédagogiques qui même dans les classes uniques GS-CP doivent être finement adaptées à l’âge des élèves et à leur degré de maturité, peut être vaudrait-il mieux s'interroger sur l’origine de ce défaut d'harmonisation entre la maternelle et le primaire.
Historiquement, le fossé s’est créé en 1976 avec la loi Haby et l'abandon de tout contenu d'instruction à l’école maternelle. Il s’est élargi très vite, les méthodes idéo visuelles s’engouffrant dans le vide laissé par la liquidation de l’écriture-lecture et des quatre opérations, apprentissages fondamentaux abordés jusque-là en GS. Avec le recul, ce n’est pas sans frémir quelque peu que l’on relit ces lignes de la circulaire d'octobre 1977 consacrant, comme un des apports de la maternelle réformée, « les amorces d'acquisitions spécifiques qui,... peuvent utilement servir de supports ou d'éléments inducteurs pour les acquisitions ultérieures (par exemple, et à des niveaux variables selon les élèves : en lecture, séries de mots identifiés globalement… »
Or qu’en est-il de l’apprentissage de la lecture dans le rapport Bentolila ? Sur ce sujet, on peut faire deux observations qui ne poussent pas à l’optimisme.
La première touche au silence total fait sur les activités ne concernant pas directement le domaine de la langue ; expériences sensorielles, activités manuelles, calcul, leçons d’observation…On nous dit, sans autre commentaire, qu’on veillera à apporter « des bases solides et garanties ». On voudrait bien savoir lesquelles, l’apprentissage de la lecture et celui du vocabulaire étant en GS étroitement liés à ces autres enseignements. « Un mot par jour ! », nous dit-on, en présentant cela comme la conquête de la lune. Mais quels mots, appris, éprouvés et mémorisés dans quelles expériences structurantes de transmission d’un savoir ? On ne nous le dit pas. « Trésor de mots », « dictionnaire mental », dans ces conditions, ces formules sont creuses et flirtent avec le style électoral. Certes, on conviendra sans peine que la pauvreté du vocabulaire ne facilite pas l’apprentissage de la lecture, mais on se gardera d’en déduire que le fait de « mettre le paquet » sur le vocabulaire, sans autre précision, suffit à régler la question. Et l’on n’oubliera pas d’ajouter que la conquête de l’écriture-lecture est sans doute un excellent moyen d’enrichir le vocabulaire. Comme on le voit le rapport Bentolila nous fait progresser à pas de géant.
Deuxième observation : les quelques indications données sur le rôle de la maternelle dans l’apprentissage de la lecture proprement dit ne sont guère plus rassurantes.
« Préparer à… », ou passer, dès qu’il est possible et impératif de le faire, à l’apprentissage effectif de la lecture et de l’écriture, telle est la question qui se pose en maternelle.
La réponse de Pauline Kergomard, fondatrice de l’école maternelle, est connue : « Les enfants qui fréquentent l'école maternelle, écrivait cette pédagogue incontestée, doivent être mis à la lecture le plus tard possible, pour qu'ils sachent lire le plus tôt possible » et elle précisait : « L'enfant arrivant dans la seconde section sera seul admis à apprendre à lire. Il aura cinq ans. »
Mais c’était il y a plus d’un siècle, dans cette époque reculée où l’on enseignait en GS l’écriture-lecture ainsi que les quatre opérations. Depuis la réponse a changé. Elle tient dans la généralisation en maternelle, de la petite à la grande section, d’une démarche idéo-visuelle censée déboucher sur l’accès au fameux « sens » que les méthodes alphabétiques d’antan sacrifiaient, dit-on, sur l’autel du déchiffrage. Un peu partout, on prépare les bambins à « l’entrée dans l’écrit » en les plaçant dans un « bain d’écrits », en leur faisant copier des mots non lus, en leur faisant « produire » du sens avec des « étiquettes-mot » et des « étiquettes-phrase ». Les résultats désastreux de ces fantaisies sont connus : même les rapports officiels n’hésitent plus à pointer l’augmentation du nombre d’enfants en difficulté face à la lecture du CP au CM2. Il est vrai qu’ils le font en prenant garde de ne jamais identifier clairement la cause principale de cette catastrophe : les dérives funestes de l’enseignement dispensé par l’école maternelle et leurs répercussions aux échelons ultérieurs du cursus scolaire. On ne touche pas à la maternelle !
Avec ses interminables considérations sur l’importance décisive de l’oral, le rapport Bentolila n’enfreint pas l’interdit. Oh certes, il condamne au détour d’une phrase les « bains d’écrits », mais non pour leur nocivité intrinsèque : parce qu’ils mêlent des écrits de valeur inégale (chèque, modes d’emplois, recettes, productions d’élève) : et certes il précise que l’apprentissage effectif de la lecture doit attendre le CP, mais non sans insister lourdement sur le fait que la maternelle doit y préparer.
Comment ?
Pas en exigeant des pré-requis : « Il ne s'agit pas de tomber dans le travers de ce que l'on a appelé les « pré-requis » ; ce terme peut en effet laisser entendre que l'on doit dresser la liste des activités à mener avant d'autoriser un enfant à avoir quelque contact que ce soit avec l'écrit ; une conception aussi mécaniste de l'apprentissage est à la fois fausse et dangereuse. »
Mais en énumérant tout de même ce qui ressemble fort à des pré-requis. D’après l’expert, pour que l’enfant apprenne à lire, il lui faudrait en effet :
- un vocabulaire suffisamment riche,
- une bonne analyse phonologique,
- un graphisme attentif des lettres,
- avoir découvert le principe syntaxique,
- avoir atteint le développement cognitif basé sur l’analyse de la tâche,
- être capable d’une réflexion sur le passage du faire à l’appris.
Passons sur les autres conditions – dont les trois dernières laissent perplexe - et arrêtons-nous sur ce problématique « graphisme attentif des lettres ». S’agirait-il d’apprendre à écrire en maternelle avant même d’apprendre à lire en CP ? Un autre passage du rapport nous renseigne, dans lequel l’expert, après avoir expliqué combien il est important de faire dégager à l’oral les unités sonores, écrit ceci :
« Ces unités phoniques ne trouveront, en fait, de réalité concrète que lors de leur mise en relation avec les graphies, leur représentation « visible ». C’est la raison pour laquelle ce travail de mise en relation entre « sons de la langue » et « graphies de l’écrit », et surtout la compréhension des liens conventionnels qui les unissent en français (sans entrer dans la connaissance systématique du code qui se fera en CP), est un objectif pédagogique à atteindre - pour tous les élèves et quelle que soit leur langue maternelle d’origine - à la fin de l’école maternelle.
Par ailleurs, il faut inviter les élèves, autour d’activités collectives mais aussi en groupes restreints et individuellement, à faire des essais d’écriture, d’encodage et de production, avant même de savoir lire. Les élèves devront s’initier à la production de mots, de syllabes ou de phrases par associations, comparaisons, hypothèses, et usages d’unités connues ou re-connues. Il faut avant tout permettre à chacun de se construire une représentation juste de l’écrit, qui l’aidera à saisir sans ambiguïté les relations entre écriture et lecture. Il est nécessaire, très tôt, de banaliser l’écriture, de valoriser le graphisme attentif des lettres, et d’en faire un objet permanent de manipulation tout au long des journées d’école. »
On retiendra ici deux choses qui confirment les craintes qu’on pouvait avoir :
1. L’acquisition de la lecture ne figure pas dans les objectifs de la GS : « la connaissance systématique du code…se fera en CP. »
2. L’apprentissage de l’écriture se fait, lui, « avant même de savoir lire » et il se fait par « associations, comparaisons et hypothèses »
Autrement dit, on est en présence d’une version revisitée de l’approche idéo-visuelle dans laquelle la divination se déplace de la lecture à l’écriture, une version en outre toujours conforme à la religion constructiviste du tâtonnement.
Que cette nouvelle version fasse autant de dégâts que l’ancienne, particulièrement sur ces enfants non-francophones auxquels le rapport recommande par ailleurs d’enseigner d’abord, sous le prétexte approximatif que le bilinguisme serait un atout1, leur langue d’origine, ne fait guère de doute.
Concluons. L’ensemble des propositions et considérations diverses présentées dans le rapport Bentolila ne répond en rien aux problèmes posés aujourd’hui par le fonctionnement de la première école. Au plan pédagogique, une fois écarté le rideau de fumée des pétitions de principe sur l’acquisition du vocabulaire, ce qui apparaît sous la plume de l’expert, c’est la poursuite et l’aggravation - avec de nouvelles justifications pseudo-savantes - des orientations qui ont conduit l’enseignement en maternelle dans l’état de délabrement où il se trouve. Tempérons cependant encore une fois notre sévérité et accordons à l’expert des circonstances atténuantes : avait-il mesuré l’ampleur de la tâche ? À plusieurs reprises, on a l’impression que non, comme dans le passage qui suit, dont l’incohérence peut surprendre :
« Mais il est impératif, avant l’apprentissage de la lecture, d'apprendre aux élèves à attribuer, dès le début de l'apprentissage de la lecture, aux mots et groupes de mots, le rôle qui leur revient dans la construction du sens. »
« Avant » ou « dès « ? Il aurait fallu choisir.
*
* *
Post-scriptum
« Le plus tard possible, pour qu’ils sachent lire le plus tôt possible ». En une seule phrase, Pauline Kergomard donne la ligne à suivre dans l’enseignement en maternelle et fait entrevoir toute la difficulté et la spécificité de celui-ci. Si on admet en effet qu’il faut attendre le plus tard possible pour mettre les enfants à la lecture, se pose alors la question de savoir ce qu’on peut leur faire faire avant, en petite et en moyenne section, et au début de la grande section qui soit utile à l’apprentissage de l’écriture-lecture et à celui, conjoint, et dont le rapport Bentolila ne dit rien, de la numération et du calcul. L’anticipation idéo - visuelle a été dans les dernières décennies et est aujourd’hui encore la réponse maladroite et catastrophique à cette question. Elle traduit en fait une impuissance à concevoir des programmes et des progressions propres à la maternelle.
Pascal Dupré Guy Morel
14 janvier 2008
- Padre P. LucasNiveau 10
Ah oui, je me souviens de ce rapport sur la maternelle, il en avait rédigé un sur la grammaire aussi.
C'est un spécialiste des rapports tarifés...
C'est un spécialiste des rapports tarifés...
- RoninMonarque
Argh, il risque d'être condamné alors !
_________________
- Padre P. LucasNiveau 10
On peut toujours rêver ! :lol!:Ronin a écrit:Argh, il risque d'être condamné alors !
- PabloPEExpert
Mais élèves en CM2 y arrivent quotidiennement et même pire ils arrivent à prononcer correctement "référent" dans " se réfèrent" ou dans "ce référent".. j'en ai eu la preuve cet après midiMandoline a écrit:Tiens, c'est étonnant... Je me souviens pourtant parfaitement avoir demandé à ma mère le sens de mots que je découvrais dans les premiers livres que j'ai lus. Serais-je anormale ?doublecasquette a écrit:Il va vous faire le coup de l'orange...Axel a écrit:Vous me faites peur... Il me semble bien que c'est lui qui va mener le stage - auquel nous avons été inscrits d'office - sur les élèves en difficulté avec la lecture qui nous arrivent en collège.
- Spoiler:
Si un élève ne sait pas ce que c'est qu'une orange, il ne peut pas déchiffrer le mot "orange". C'est l'insécurité linguistique qui provoque l'échec scolaire en lecture.
- atriumNeoprof expérimenté
Difficile de répondre à cette question (Les enfants sont-ils vraiment moins éduqués aujourd'hui?) sans être historien (ou sociologue?). Mon expérience (cité marseillaise, années 70-80, parents modestes qui travaillent tous les deux, donc peu présents) me laisse penser que nous étions très loin d'être des anges, y compris dans la cour de récréation. Racisme, bagarres, insultes, vandalisme, vol...Nos instits étaient aussi loin d'être tous exemplaires. Certaines voitures ont souffert...PauvreYorick a écrit:
Quid sur «instruire des enfants de moins en moins éduqués»? Historiquement fantasmatique? (Parce que, cf. je ne sais plus quel fil à côté, Luc Ferry vient de tenir un discours proche, et les commentaires des néos étaient parfois assez approbateurs.)
Pourtant ces instits lambdas (voire pas terribles) avec des élèves parfois (souvent!) difficiles obtenaient tout de même un minimum de calme et de résultats scolaires, certes en utilisant le redoublement. Prost avait écrit un édito dans Le Monde qui relayait une étude montant la chute des résultats des élèves du primaire entre 1997 et 2007 et la suite ne s'annonce pas mieux. Qu'est-ce qui a le plus changé pendant ses années-là? L'éducation familiale, les qualités morales des enseignants du primaire ou les méthodes promues par les pontes du ministère via les IUFM?
Le débat est ouvert...
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