- Docteur OXGrand sage
Rythmes scolaires: les illusions perdues de la refondation
Grèves, blocages d'écoles, maires en colère... Alors que la fronde contre les nouveaux rythmes bat son plein, le Cercle des recteurs disparus dénonce un "enfumage" et raille Vincent Peillon "l'illusionniste".
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Grèves, blocages d'écoles, maires en colère... Alors que la fronde contre les nouveaux rythmes bat son plein, le Cercle des recteurs disparus dénonce un "enfumage" et raille Vincent Peillon "l'illusionniste".
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La fronde générale liée à la mise en oeuvre de la réforme des rythmes scolaires a profondément marqué la rentrée. Elle fut aggravée par l'affaire Léonarda qui continue d'agiter le microcosme lycéen, et Vincent Peillon, en brandissant la carte de la sanctuarisation de l'école, se trouve dépassé sur sa gauche par un mouvement qu'il a lui-même suscité et qu'il tente de reprendre en mains avec un paternalisme affligeant.
Le moins que l'on puisse dire est donc que ce fut une rentrée difficile pour le ministre et pour sa politique dont on cherchera toujours en vain le caractère refondateur, à tout le moins la visibilité. Et ce n'est sans doute pas fini: lycées bloqués en cette rentrée de Toussaint, perspective de grève nationale les 12, 13 et 14 novembre; parents mécontents, maires remontés contre la réforme des rythmes scolaires voire abandon de ladite réforme et retour à la semaine des 4 jours pour certaines municipalités, enseignants exaspérés par les déclarations contradictoires, péremptoires et suffisantes de ce ministre-philosophe qui se voyait revêtir les habits d'un Jules Ferry du nouveau siècle, animateurs dépités, chefs d'établissement réduits au silence, recteurs désemparés faute de ligne claire...
Et même les syndicats, pourtant acquis à sa cause, ne cessent de protester contre l'amateurisme de la rue de Grenelle et le manque de considération dont on fait preuve à leur endroit. Si l'on ajoute enfin que les enfants semblent épuisés par la nouvelle distribution du temps scolaire et que l'animation des plages périscolaires fait pour le moins débat, on dépasse amplement la simple grogne habituelle des rentrées.
Et pourtant, ce n'est pas tout. L'enfumage de la réforme des rythmes scolaires -car comment qualifier autrement "ce ballon d'essai" improvisé qui ne concerne au final en cette rentrée, que 20% des écoliers à peine?- a masqué tous les autres problèmes de la rentrée, ceux pour lesquels on tire généralement un premier bilan à la Toussaint, après les couacs "normaux" des premiers jours de septembre et les nécessaires ajustements que les recteurs avertis et les DASEN maîtrisent.
Tant de bruit et tant de moyens mobilisés pour si peu...
Le cycle élémentaire semble avoir fait l'objet de toutes les attentions sauf à observer que les fermetures de classe en milieu rural se sont malgré tout poursuivies. Les nouveaux postes injectés n'ont permis ni l'ouverture de nouvelles classes ni celle de nouvelles formations. Et la posture consistant à rejeter la responsabilité sur le gouvernement précédent a fait long feu face à la réalité : celle de la persistance de la décroissance démographique dans les campagnes. Situation que le ministre fait mine de découvrir ! Ne revenons pas sur les ratés de la réforme des rythmes scolaires qui pourraient se résumer en une évidence de bon sens: "Tant de bruit et tant de moyens mobilisés pour si peu".
Insistons davantage sur un nouveau tour de passe-passe : la suppression de l'aide personnalisée aux enfants en difficulté. Moyennant quoi, le changement et la refondation dans le primaire, c'est quand, c'est quoi ? Quelles que soient les rustines dont le ministre a usé ou les béquilles dont il affuble désormais sa réforme, elle est à l'agonie et les municipalités jouent désormais la montre, dans le secret espoir d'un enterrement de première classe dont le pouvoir actuel est coutumier.
Le cycle secondaire et notamment les lycées, eux aussi, ont été plutôt malmenés : 5 à 10% d'élèves en plus ayant franchi le cap 3ème-Seconde... et pourtant, la rentrée s'est faite à moyens constants. Les effectifs des classes de seconde sont surchargés, supérieurs à 30 élèves par classe, ce qui, en d'autres temps, avait provoqué des cris d'orfraie de la gauche, alors dans l'opposition ; et elle ne peut cette fois en attribuer la paternité à une politique malthusienne de suppression de postes.
En revanche, à l'heure de l'austérité et de l'effort national exigé de tous, des dépenses pharaoniques ont pourtant été consenties pour des hypothétiques "Emplois d'Avenir Professeurs (EAP)", formés à bac +2, sans aucune expérience, parachutés et payés 12 heures par semaine, qui viennent s'ajouter aux 60 000 autres postes prévus sur le budget de l'Etat. Alors comment s'y retrouver dans la logique Peillon quand on sait qu'il vilipendait l'ancienne majorité pour mettre en place des enseignants sans formation? Ce qui d'ailleurs était faux, les académies, fortes alors de leur capacité d'expérimentation aujourd'hui totalement menottée, avaient mis en place des dispositifs personnalisés de formation des jeunes enseignants. Mais dans le même temps, au delà des effets d'annonce, les fameuses écoles supérieures du professorat et de l'éducation voulues par Peillon (les anciennes IUFM, rebaptisées Espé, mais sans rien changer), où sont- elles, quel est leur programme, dirigées par qui, encadrées par quelles équipes? Le mystère est total mais notons au passage que le déficit financier est tel dans les académies qu'il sera difficile d'assurer le fonctionnement de cette nouvelle formation, ne serait-ce qu'en termes de frais de déplacement.
Peillon l'illusionniste
A ce rythme et sur ces bases, la France devrait donc dans les années à venir crever les plafonds aux classements PISA de l'OCDE, forte de l'illusion mortifère réfutée par tous les pays, du "plus de profs = meilleurs résultats des élèves".
Le calendrier scolaire n'échappe pas au flou artistique. Evidemment, il y eut cette initiative maladroite de vouloir modifier d'un trait de plume le calendrier estival. Non pas que la réorganisation de l'année et la question des charges de service des enseignants ne soient pas de vraies questions (c'est sans doute par là qu'il eût fallu commencer d'ailleurs), mais la méthode utilisée, ne reposant sur aucune concertation et aucune analyse sérieuse, était pour le moins brutale. Il y eut aussi cette journée de prérentrée à propos de laquelle les chefs d'établissement s'arrachent encore les cheveux : doit-elle être décomptée, rattrapée comme le calendrier national les y invite, remplacée par un jour supplémentaire à la Toussaint ?
La charte pour la laïcité, diffusée à grands renforts de moyens et de publicité, à peine affichée est déjà oubliée, confondue avec l'introduction de cours de morale laïque. Dans les lycées, les cours d'histoire sont réintroduits en classe de 1ere, restaurés en terminale scientifique. Comment, sur quels programmes, avec quels moyens ?
Enfin - car il faut bien mettre un point final, même à un puits apparemment sans fond-, l'affectation des enseignants stagiaires sur les supports budgétaires a viré dans les académies à une opération de " verrouillage " des postes et les mutations des enseignants titulaires, qui n'ont pu accéder aux postes qu'ils convoitaient légitimement, ont été rendues impossibles.
Pour mener à bien une REFONDATION, il eût fallu faire oeuvre d'anticipation, d'impulsion, d'inspiration. Il eût fallu un véritable souffle pour donner à l'éducation un élan nouveau, s'appuyant sur les acquis et traçant les lignes de force d'un développement structuré. A la place de quoi, ce fut démolition, dénaturation, improvisation. En somme, la rentrée d'un illusionniste.
Navis Rector.
"Navis Rector" regroupe un "Cercle des recteurs disparus", composé de hauts fonctionnaires de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur.
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- User17706Bon génie
Wow, c'est proprement assassin comme papier. Merci pour l'info.
- Luigi_BGrand Maître
Oui enfin on a surtout connu depuis dix ans la réalité vivifiante du "moins de profs = moins de dépenses", avec comme résultat des taux d'encadrement parmi les plus faibles de l'OCDE dans le primaire et dans le supérieur.A ce rythme et sur ces bases, la France devrait donc dans les années à venir crever les plafonds aux classements PISA de l'OCDE, forte de l'illusion mortifère réfutée par tous les pays, du "plus de profs = meilleurs résultats des élèves".
Source : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
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LVM Dernier billet : "Une École si distante"
- Luigi_BGrand Maître
Après vérification, selon Regards sur l'éducation 2011 "l'illusion mortifère" du "plus de profs = meilleurs résultats des élèves" fonctionne à plein en Finlande avec 11,2 élèves par enseignant en pré-élémentaire, 13,6 primaire, 10,1 au collège (contre respectivement 19,7, 19,7 et 14,9 en France).
J'avais pourtant cru comprendre que la Finlande était bien classée dans PISA.
J'avais pourtant cru comprendre que la Finlande était bien classée dans PISA.
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LVM Dernier billet : "Une École si distante"
- Luigi_BGrand Maître
Autre phrase sibylline, lourde de menaces :
Non pas que la réorganisation de l'année et la question des charges de service des enseignants ne soient pas de vraies questions (c'est sans doute par là qu'il eût fallu commencer d'ailleurs)...
- Spoiler:
- J'ai reconnu Martine Daoust !
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LVM Dernier billet : "Une École si distante"
- atriumNeoprof expérimenté
Ben moi je travaille nettement mieux quand j'en ai minimum 30 avec 3 ou 4 AVS et 1 ou 2 qui relèvent de l'ITEP mais n'y vont pas faute de place ou parce que les parents refusent l'orientation.Luigi_B a écrit:Après vérification, selon Regards sur l'éducation 2011 "l'illusion mortifère" du "plus de profs = meilleurs résultats des élèves" fonctionne à plein en Finlande avec 11,2 élèves par enseignant en pré-élémentaire, 13,6 primaire, 10,1 au collège (contre respectivement 19,7, 19,7 et 14,9 en France).
J'avais pourtant cru comprendre que la Finlande était bien classée dans PISA.
Devenu remplaçant cette année, je ne comprends pas comment on peut faire du langage en maternelle à moins de 25. C'est beaucoup mieux pour socialiser les PS aussi.
Ces finlandais sont des amateurs.
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