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- lapetitemuExpert
C'est bien ça le problème, en fait. J'ai le sentiment d'avoir été carrément flouée sur la nature de mon métier. Je n'avais jamais imaginé, en passant un concours de l'enseignement du secondaire, avoir à apprendre à lire et à écrire à mes élèves.V.Marchais a écrit:Lapetitemu, pour ma part, ça va beaucoup mieux depuis que je ne m'attends plus à voir arriver en 6e des élèves qui sachent lire ou écrire. Je sais que, tous les ans, ce sera pareil. Non, ils ne savent pas lire, pas bien en tout cas. La plupart ne comprennent rien à ce qu'ils lisent, quand ils font l'effort de lire, et ça n'a pas l'air de les perturber plus que ça. Quant à rédiger, c'est une chose qu'ils n'apprennent plus guère à l'école. Le cahier ordinaire est bardé de photocopies sur lesquelles il faut copier un mot ou un bout de phrase et la maîtresse n'a pas le temps (on va dire que c'est le temps, hein !) de corriger les fautes d'orthographe, sauf de loin en loin.
Alors depuis quelques années, ayant pris acte de la situation, j'apprends moi-même à lire et à écrire à mes 6e.
Pour la lecture, j'aide les lecteurs médiocres à mettre en place des stratégies pour élaborer le sens progressivement, d'abord phrase par phrase, puis groupe de phrases par groupes de phrases, puis paragraphe par paragraphe... Ça marche pas mal. (Je parle d'élèves qui déchiffrent mais ne sont pas autonomes en lecture, ceux qui ne savent pas lire du tout, j'en ai 7 dans une seule classe, cette année, c'est une autre paire de manche, et je découvre.)
Pour l'écriture, je reprends à zéro. J'apprends à mes élèves à utiliser un verbe pour faire une phrase. Je martèle : "Majuscule, point". Je mets zéro à toute réponse non rédigée. Je fais faire des mini-rédac de 8 phrases seulement - je compte en phrases, ça oblige à faire attention à la ponctuation, qu'il faut d'ailleurs entourer pour vérifier qu'on a satisfait aux consignes. Puis on apprend à relier ses phrases, à faire un paragraphe... Pas à pas. En ce moment, tu vois, j'en suis encore à l'étape phrase.
Et pour les leçons a apprendre, je fais de leur vie un enfer si ce n'est pas fait, je ne lâche rien, au moins jusqu'en avril, quand je suis moi-même usée jusqu'à la corde à force de sévir, punir, pousser, tirer, engueuler, encourager, soutenir, coller...
Ce sont quelques pistes, loin de ce que nous sommes censés faire, mais en phase avec le réel.
Attention, je ne dis pas que faire cet apprentissage-là, c'est du sous-professorat ; bien au contraire, c'est justement face à la difficulté d'apprendre les notions de base que je me sens découragée.
Disons que, premièrement, je me sentirais davantage motivée si j'avais su dès le départ que cela ferait partie intégrante de mon métier, au lieu de le découvrir malgré moi.
Deuxièmement (mais c'est lié, bien sûr), ce serait envisageable s'il ne fallait pas respecter les programmes. Parce que travailler la lecture et l'écriture de manière systématique tout en balayant (voire... approfondissant - quel gros mot !) les notions du programme, avec cinq heures par semaine, toujours en classe entière, c'est impossible. Là aussi, il y a mensonge. On ne peut pas suivre le déroulement normal d'une scolarité dans le secondaire tout en revenant sans cesse en arrière pour combler les lacunes.
Dernièrement, ce serait aussi plus simple si je n'avais que des élèves en difficulté dans mes classes. Mais (heureusement, me direz-vous) ce n'est pas le cas : il y a toujours quelques élèves qui ont un niveau "normal", et qui peuvent absorber le vrai programme.
Je veux dire, apprendre à lire à des écoliers de CP, c'est "facile" : on les prend tous au même niveau, mis à part les quelques élèves déjà lecteurs. Et, justement, ces élèves déjà lecteurs, c'est en quelque sorte à eux de s'adapter, parce qu'ils ont pris de l'avance. En 6e, c'est comme si les choses s'inversaient : ceux qui sont en retard deviennent la norme, et la majorité, et ceux qui ont un niveau standard de 6e sont obligés de subir des cours qui ne sont pas de leur niveau. C'est à eux de s'adapter, et pas l'inverse. Résultat : ils arrêtent d'apprendre, et ils deviennent, en 4e, ce que décrit Sei.
Non, vraiment, je suis déprimée. Je ne fais clairement pas le métier que je voulais faire.
Véronique, je t'admire d'y croire encore. Pour ma part, je sais pertinemment que je n'aurai pas l'énergie de faire ce que tu fais - sans doute parce que je n'y crois pas assez.
- JaneBNeoprof expérimenté
J'adore ce petit trait d'humour!Cowabunga a écrit:Allez, je vais essayer de te remonter le moral en te prouvant que ça pourrait être pire, ok ?
Prenons une classe de 17 sixièmes (la mienne, par exemple) :
- 3 savent lire de façon fluide ;
- 2 comprennent ce qu'ils lisent (dont un qui ne sait pas lire de façon fluide...) ;
- 2 reconnaissent ne pas savoir l'alphabet avec certitude et les 15 autres se moquent d'eux, dont 2 qui, en fait, ne savent pas non plus ;
- 2 ne savent pas écrire les majuscules ;
- 10 ont une calligraphie qui fait mal aux yeux ;
- 2 sont officiellement dyslexiques et dysorthographiques, et ne reçoivent aucune aide car ils ne voient pas d'orthophoniste ;
- 2 ont l'air bien dyslexiques mais refusent de voir un orthophoniste ou un ophtalmologiste pour faire un bilan ;
- 2 refusent de mettre leurs lunettes et font des fautes en copiant le tableau... mais bon, 1 seul sait copier le tableau sans erreur ;
- 15 ne font pas leurs devoirs et n'apprennent pas leur leçon ;
- 2 oublient leur classeur un cours sur deux ;
- 5 passent leur temps à rigoler en cours et n'écoutent rien ;
- 9/9 profs trouvent la classe formidable : ils sont bien meilleurs que nos 5e, 4e et 3e.
Plan d'action de leur prof de français :
1) leur faire apprendre le cours en classe (parce que chez eux, j'abandonne)
2) leur apprendre à comprendre ce qu'ils lisent (merci le ROLL pour les deux heures de français en plus)
3) les faire écrire tout le temps
4) noter plein de vocabulaire dans un répertoire et leur faire utiliser dans les travaux d'écriture.
Allez, courage. Si ça se trouve, les 6e de l'an prochain seront mieux : plus que 8 mois à tenir.
- Asha KrakenNeoprof expérimenté
Le pire, c'est que je pense que ça n'en est pas...
- CowabungaHabitué du forum
Je n'en serais pas si sûre. Selon leur environnement familial, ils ont plus ou moins de vocabulaire, plus ou moins d'attrait pour l'objet livre, plus ou moins l'envie de percer le mystère du truc-écrit-que-tous-les-adultes-comprennent-mais-pas-moi.lapetitemu a écrit:
Je veux dire, apprendre à lire à des écoliers de CP, c'est "facile" : on les prend tous au même niveau, mis à part les quelques élèves déjà lecteurs. Et, justement, ces élèves déjà lecteurs, c'est en quelque sorte à eux de s'adapter, parce qu'ils ont pris de l'avance.
Pour moi, la classe de niveau homogène, c'est un mythe.
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"La parole est mon domaine, la parole est mon royaume" Paul Ricoeur
- CowabungaHabitué du forum
Exact : en salle des profs, nous nous pâmons tous "oh, coool, j'ai les 6e, qu'est-ce qu'ils sont biieeennn !"Asha Kraken a écrit:Le pire, c'est que je pense que ça n'en est pas...
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- JaneBNeoprof expérimenté
C'est bien çà qui me fait rire justement ...le tableau est accablant mais les autres niveaux sont pires encore!
- SeiGrand Maître
Cripure a écrit:Faut voir. Nous avons désormais en seconde générale 1°) ceux qui voulaient y aller ET 2°) ceux qui voulaient aller en pro et qui n'ont pas été prisSei a écrit:Je sais que c'est difficile à imaginer, mais tu n'as pas les pires.iphigénie a écrit:ça y est , je les ai. En seconde.
Une classe hallucinante:
Mais pourquoi un tel non-sens... ?
Il ne s'agit pas de faire l'apanage de classes de niveau. Mais quand une partie de la classe (4e) ne sait pas reconnaître un nom, un déterminant, un verbe, voire ne connaît pas les voyelles (vu en 6e, mais aussi au lycée), je pense qu'on est au-delà d'une classe hétérogène classique.Cowabunga a écrit:Je n'en serais pas si sûre. Selon leur environnement familial, ils ont plus ou moins de vocabulaire, plus ou moins d'attrait pour l'objet livre, plus ou moins l'envie de percer le mystère du truc-écrit-que-tous-les-adultes-comprennent-mais-pas-moi.lapetitemu a écrit:
Je veux dire, apprendre à lire à des écoliers de CP, c'est "facile" : on les prend tous au même niveau, mis à part les quelques élèves déjà lecteurs. Et, justement, ces élèves déjà lecteurs, c'est en quelque sorte à eux de s'adapter, parce qu'ils ont pris de l'avance.
Pour moi, la classe de niveau homogène, c'est un mythe.
- lapetitemuExpert
Tu as peut-être malheureusement raison. Ce qui me faisait dire ça, c'est l'idée que, quand on entre enCowabunga a écrit:Je n'en serais pas si sûre. Selon leur environnement familial, ils ont plus ou moins de vocabulaire, plus ou moins d'attrait pour l'objet livre, plus ou moins l'envie de percer le mystère du truc-écrit-que-tous-les-adultes-comprennent-mais-pas-moi.lapetitemu a écrit:
Je veux dire, apprendre à lire à des écoliers de CP, c'est "facile" : on les prend tous au même niveau, mis à part les quelques élèves déjà lecteurs. Et, justement, ces élèves déjà lecteurs, c'est en quelque sorte à eux de s'adapter, parce qu'ils ont pris de l'avance.
Pour moi, la classe de niveau homogène, c'est un mythe.
Mais c'est sûr, mon problème vient aussi de là : j'ai beaucoup, beaucoup de mal avec la classe hétérogène et la pédagogie différenciée. Je n'ai jamais compris en quoi (dans nos moyens impartis, évidemment) ça pouvait être un facteur de réussite.
- lapetitemuExpert
+1Sei a écrit:Il ne s'agit pas de faire l'apanage de classes de niveau. Mais quand une partie de la classe (4e) ne sait pas reconnaître un nom, un déterminant, un verbe, voire ne connaît pas les voyelles (vu en 6e, mais aussi au lycée), je pense qu'on est au-delà d'une classe hétérogène classique.
- marininhaHabitué du forum
Ah au moins en vous lisant je me sens moins seule ... Tous les ans c'est de pire en pire, je vais exploser l'année prochaine je pense ...
- Asha KrakenNeoprof expérimenté
Heu, si j'ai bien suivi certains fils de discussions de PE (et quelques autres), il semblerait que, d'après les instances qui nous gouvernent, les élèves aient toute la vie pour "entrer dans la lecture"...:lol:lapetitemu a écrit:Tu as peut-être malheureusement raison. Ce qui me faisait dire ça, c'est l'idée que, quand on entre enCowabunga a écrit:Je n'en serais pas si sûre. Selon leur environnement familial, ils ont plus ou moins de vocabulaire, plus ou moins d'attrait pour l'objet livre, plus ou moins l'envie de percer le mystère du truc-écrit-que-tous-les-adultes-comprennent-mais-pas-moi.lapetitemu a écrit:
Je veux dire, apprendre à lire à des écoliers de CP, c'est "facile" : on les prend tous au même niveau, mis à part les quelques élèves déjà lecteurs. Et, justement, ces élèves déjà lecteurs, c'est en quelque sorte à eux de s'adapter, parce qu'ils ont pris de l'avance.
Pour moi, la classe de niveau homogène, c'est un mythe.6e(lapsus!) en CP, on sait qu'on doit apprendre à lire : tout le monde nous le dit, que l'école primaire sert à ça (entre autres, bien sûr !). Disons que je parlais d'homogénéité dans le "commencement" (pfff, je ne suis pas claire, désolée).
Mais c'est sûr, mon problème vient aussi de là : j'ai beaucoup, beaucoup de mal avec la classe hétérogène et la pédagogie différenciée. Je n'ai jamais compris en quoi (dans nos moyens impartis, évidemment) ça pouvait être un facteur de réussite.
- Hermione0908Modérateur
Faut que j'arrête de lire ce fil... Cet aprèm, la patronne de l'écurie, me voyant m'occuper des poules, me dit que j'aurais pu être fermière. Elle enchaîne en disant qu'elle se demandait si elle n'ouvrirait pas une ferme pédagogique et que je pourrais en faire partie, vu que j'avais l'air à l'aise. Et pendant un moment, ça m'a vraiment vendu du rêve. Et en lisant ce fil et d'autres, ça continue de me vendre du rêve...
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Pour en savoir plus, c'est par ici : https://www.neoprofs.org/t48247-topics-en-acces-restreint-forum-accessible-uniquement-sur-demande-edition-2021
- User5899Demi-dieu
Oui, bon, enfin, je ne sais toujours pas exactement ce que peut bien être un déterminant, hein, alors bon...
- Blan6ineÉrudit
Tu risquerais de t'ennuyer quand même à cocher les compétences des poules, pas sûr qu'il y ait un niveau 2 dans leur socle.Hermione0908 a écrit:Faut que j'arrête de lire ce fil... Cet aprèm, la patronne de l'écurie, me voyant m'occuper des poules, me dit que j'aurais pu être fermière. Elle enchaîne en disant qu'elle se demandait si elle n'ouvrirait pas une ferme pédagogique et que je pourrais en faire partie, vu que j'avais l'air à l'aise. Et pendant un moment, ça m'a vraiment vendu du rêve. Et en lisant ce fil et d'autres, ça continue de me vendre du rêve...
- Hermione0908Modérateur
Mais c'est plus marrant de courir après les poules qu'après les élèves. Et quand elles posent problème : au placard pendant trois jours, et je n'ai pas les parents sur le dos !
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- Déprimée
- Rapport : la qualité de l'enseignement est fortement liée... au niveau de connaissance des enseignants et au niveau d'instruction des apprenants !
- inspectée et déprimée
- Jean-Louis Auduc propose "des mises à niveau obligatoires pour les enseignants qui changent de niveau ou de territoire".
- tzr et déprimée !
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