- CathEnchanteur
Cliohist, tu sembles vouloir considérer l'école d'hier avec les critères d'aujourd'hui : il y a 30, 40, 50 ans (et ces périodes sont déjà très différentes entre elles), effectivement, peu d'élèves allaient au lycée/à la fac...
Mais ça n'étaient pas des échecs : le BEPC, c'était un diplôme de valeur, une garantie contre le chômage. Même chose pour le bac, qui pouvait être une fin en soi.
Tu sembles penser que la seule réussite, de tous temps, c'est "tout le monde en fac pendant le plus longtemps possible".
Mais ça n'étaient pas des échecs : le BEPC, c'était un diplôme de valeur, une garantie contre le chômage. Même chose pour le bac, qui pouvait être une fin en soi.
Tu sembles penser que la seule réussite, de tous temps, c'est "tout le monde en fac pendant le plus longtemps possible".
- retraitéeDoyen
Je n'idéalise rien. La voie royale, c'était le bac A', et, quand j'ai décroché le premier bac, appelé probatoire, en 63, la série M était très cotée, elle permettait de faire n'importe quel bac (philo, math élem, et même Sciences Ex.). parmi mes condisciples, beaucoup ont fait des prépas en sortant de cette série, ont intégré X, de grandes écoles, ou sont "simplement" devenus profs ou cadres supérieurs.
Le lycée que je fréquentais, dans les Vosges, avait essentiellement des séries "modernes", et quelques séries de latinistes (B et C). pas de grec en revanche.
Le lycée que je fréquentais, dans les Vosges, avait essentiellement des séries "modernes", et quelques séries de latinistes (B et C). pas de grec en revanche.
- retraitéeDoyen
Avec le BEPC, on pouvait devenir directement employé de banque, avec de belles perspectives d'avancement, ou contremaître d'usine, ou encore instituteur en Algérie. Le concours d'entrée à l'École normale avait lieu en fin de 3e ( licence actuellement!), et comportait, entre autres, une épreuve de commentaire de textes.Cath a écrit:Cliohist, tu sembles vouloir considérer l'école d'hier avec les critères d'aujourd'hui : il y a 30, 40, 50 ans (et ces périodes sont déjà très différentes entre elles), effectivement, peu d'élèves allaient au lycée/à la fac...
Mais ça n'étaient pas des échecs : le BEPC, c'était un diplôme de valeur, une garantie contre le chômage. Même chose pour le bac, qui pouvait être une fin en soi.
Tu sembles penser que la seule réussite, de tous temps, c'est "tout le monde en fac pendant le plus longtemps possible".
Plus tard, ce concours a eu lieu en fin de première, je le sais, j'étais déjà prof et j'ai interrogé à l'oral : une explication de texte sans programme défini, sans liste préalable. J'ai entendu des explications remarquables, que bien des candidats au CAPES ne sont pas capables de faire!
- doctor whoDoyen
Désolé, mais j'aurais tendance au contraire à dire que le système éducatif était relativement plus égalitaire que la société de l'époque. En 1957, 1/4 des élèves de CM2 non redoublants ne présentait pas l'examen d'entrée en 6e alors qu'ils en avaient les capacités. Je ne pense pas que ce soit à cause du système éducatif, mais plutôt à cause des parents, qui ne voyaient pas l'intérêt de prolonger la scolarité au-delà de 14 ans.Luigi_B a écrit:
Personne n'a soutenu ici que le système éducatif français des années 30 ou des années 50 était égalitaire : vous vous battez contre des ennemis imaginaires.
Dans le même ordre d'idées, l'école était à mon avis en avance sur la société. Comment comprendre la spectaculaire augmentation de la scolarisation post-primaire dans l'après-guerre (d'environ 20% d'élèves en 6e en 1945, à 55% en 1962) ?cliohist a écrit:
Et surtout pourquoi vouloir idéaliser à ce point l'Ecole d'hier et d'avant-hier ? Elle avait ses réussites, habituelles ou exceptionnelles ; elle avait aussi ses limites et ses défauts. Elle correspondait surtout à des sociétés qui ne sont plus les nôtres.
Une fois la part faite à l'augmentation du niveau de vie, du changement des mentalités dû à l'urbanisation et la "déprimarisation" de l'économie, n'est-ce pas grâce au vivier d'élèves auparavant non inscrits en 6e, mais ayant le niveau, qu'on a pu plus que doubler le nombre des 6e ?
Si ce n'est pas le cas, il faudrait imaginer une aussi spectaculaire baisse d'exigence lors des corrections des examens de 6e, ce qui, à ma connaissance, n'est pas attesté.
PS : je parle d'une "augmentation de la scolarisation post-primaire" et non de la "scolarisation post-élémentaire", puisque la totalité des élèves de l'époque vont à l'école jusqu'à 14 ans, certains en 6e, d'autres en classes de fin d'étude, classes appartenant à l'école primaire mais succédant à l'école élémentaire (CE et CM).
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Mon blog sur Tintin (entre autres) : http://popanalyse.over-blog.com/
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- doctor whoDoyen
En réponse à cliohist et aux articles cités par Spinoza.
On ne peut prendre pour seuls critère de jugement de la réussite scolaire passée ou présente les diplômes et la longueur des études.
Ce qu'il faut voir, c'est le niveau moyen d'instruction. Pour le déterminer, les deux critères ci-dessus ne sont que des indices, qu'il faut compléter par l'examen du contenu des examens, des programmes, des manuels, des cahiers d'élèves, etc...
En outre, le lycée n'était pas la panacée. À Cliohist, qui cite sans cesse Les quatre cents coups de Truffaut, je renvoie au tableau peu reluisant tracé par Gide dans Les Faux-monnayeurs ou par Pagnol dans Le Temps des secrets et Le Temps des amours.
Pas dit que tous les bacheliers aient reçu une instruction si folichonne que cela, dans les sections classiques notamment.
Le caractère "désintéressé" de ces études semble pourtant séduire encore beaucoup de monde, quoi qu'ils aient contre les "lycées napoléonniens", puisqu'il sert de repoussoir à l'enseignement "utilitariste" (en fait pratique et concret) de l'école primaire.
On ne peut prendre pour seuls critère de jugement de la réussite scolaire passée ou présente les diplômes et la longueur des études.
Ce qu'il faut voir, c'est le niveau moyen d'instruction. Pour le déterminer, les deux critères ci-dessus ne sont que des indices, qu'il faut compléter par l'examen du contenu des examens, des programmes, des manuels, des cahiers d'élèves, etc...
En outre, le lycée n'était pas la panacée. À Cliohist, qui cite sans cesse Les quatre cents coups de Truffaut, je renvoie au tableau peu reluisant tracé par Gide dans Les Faux-monnayeurs ou par Pagnol dans Le Temps des secrets et Le Temps des amours.
Pas dit que tous les bacheliers aient reçu une instruction si folichonne que cela, dans les sections classiques notamment.
Le caractère "désintéressé" de ces études semble pourtant séduire encore beaucoup de monde, quoi qu'ils aient contre les "lycées napoléonniens", puisqu'il sert de repoussoir à l'enseignement "utilitariste" (en fait pratique et concret) de l'école primaire.
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- retraitéeDoyen
En 1957, 1/4 des élèves de CM2 non redoublants ne présentait pas l'examen d'entrée en 6e alors qu'ils en avaient les capacités. Je ne pense pas que ce soit à cause du système éducatif, mais plutôt à cause des parents, qui ne voyaient pas l'intérêt de prolonger la scolarité au-delà de 14 ans.
Oui, mon père se démenait comme un beau diable pour que les parents inscrivent leurs enfants en 6e. Il allait les voir chez eux, et les aidait, le cas échéant, à remplir les dossiers de bourses. Mais beaucoup de parents voulaient assurer leurs arrières, et préféraient faire passer le CEP à leurs enfants. La question qui revenait le plus souvent était "Vous êtes sûr qu'il (elle) a les capacités pour suivre? " Ce qui change des pressions actuelles!
Oui, mon père se démenait comme un beau diable pour que les parents inscrivent leurs enfants en 6e. Il allait les voir chez eux, et les aidait, le cas échéant, à remplir les dossiers de bourses. Mais beaucoup de parents voulaient assurer leurs arrières, et préféraient faire passer le CEP à leurs enfants. La question qui revenait le plus souvent était "Vous êtes sûr qu'il (elle) a les capacités pour suivre? " Ce qui change des pressions actuelles!
- Luigi_BGrand Maître
Ah mais c'est un autre débat !doctor who a écrit:Désolé, mais j'aurais tendance au contraire à dire que le système éducatif était relativement plus égalitaire que la société de l'époque.Luigi_B a écrit:Personne n'a soutenu ici que le système éducatif français des années 30 ou des années 50 était égalitaire : vous vous battez contre des ennemis imaginaires.
On pourrait également se demander si le système est aujourd'hui si égalitaire et démocratique qu'il le prétend.
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LVM Dernier billet : "Une École si distante"
- retraitéeDoyen
La réponse est vite trouvée!
- egometDoyen
Peut-être précisément parce que l'école ne prétendait pas corriger les inégalités de fait au sein de la société, et qu'elle se contentait de traiter les élèves selon leurs actes, dans son domaine propre, sans discrimination positive.doctor who a écrit:Désolé, mais j'aurais tendance au contraire à dire que le système éducatif était relativement plus égalitaire que la société de l'époque. En 1957, 1/4 des élèves de CM2 non redoublants ne présentait pas l'examen d'entrée en 6e alors qu'ils en avaient les capacités. Je ne pense pas que ce soit à cause du système éducatif, mais plutôt à cause des parents, qui ne voyaient pas l'intérêt de prolonger la scolarité au-delà de 14 ans.Luigi_B a écrit:
Personne n'a soutenu ici que le système éducatif français des années 30 ou des années 50 était égalitaire : vous vous battez contre des ennemis imaginaires.
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- Marcel KhrouchtchevEnchanteur
Mais donner les mêmes chances à tous, c'est lutter contre les inégalités! Pas besoin de discrimination positive pour cela.egomet a écrit:Peut-être précisément parce que l'école ne prétendait pas corriger les inégalités de fait au sein de la société, et qu'elle se contentait de traiter les élèves selon leurs actes, dans son domaine propre, sans discrimination positive.doctor who a écrit:Désolé, mais j'aurais tendance au contraire à dire que le système éducatif était relativement plus égalitaire que la société de l'époque. En 1957, 1/4 des élèves de CM2 non redoublants ne présentait pas l'examen d'entrée en 6e alors qu'ils en avaient les capacités. Je ne pense pas que ce soit à cause du système éducatif, mais plutôt à cause des parents, qui ne voyaient pas l'intérêt de prolonger la scolarité au-delà de 14 ans.Luigi_B a écrit:
Personne n'a soutenu ici que le système éducatif français des années 30 ou des années 50 était égalitaire : vous vous battez contre des ennemis imaginaires.
- adelaideaugustaFidèle du forum
Voici ce que pense le grrrrand pédagogue Philippe Meirieu (en 2013) du système éducatif avant et après la massification.
« Longtemps, l’échec scolaire n’a pas été un problème. C’était, en réalité, une solution à la question de la sélection. En effet, quand les familles ne léguèrent plus systématiquement leurs « charges » à leurs enfants,quand on en vint à soupçonner la légitimité de la transmission du capital matériel et culturel à sa progéniture et à réclamer « l’égalité des chances », il a bien fallu un outil pour sélectionner celles et ceux qui seraient promis aux meilleurs études et aux meilleures carrières, et cet outil fut précisément l’échec scolaire.
Dans l’école traditionnelle de la « méritocratie républicaine », avant le grand mouvement de massification qui commence en 1959 avec l’allongement de la scolarité obligatoire à 16 ans et se poursuit avec l’instauration du collège unique, on pratique allègrement et sans la moindre culpabilité la distillation fractionnée. L’échec scolaire est alors parfaitement assumé. Il fait partie du fonctionnement normal de l’institution, et nul n’y voit quoi que ce soit à redire. Les parents acceptent sans broncher le verdict des maîtres : on considère que l’élève qui échoue n’a pas les capacités pour réussir ou a délibérément saboté son travail…Ses proches sont contraints de trouver dans le tissu économique et social de proximité une autre voie d’intégration. L’école reste à l’abri de toute critique : elle pourvoit les filières prestigieuses en sujets brillants et laisse, au fur et à mesure, les autres au bord du chemin, sûre de son bon droit.
A bien des égards d’ailleurs, si le discours s’est adouci, les pratiques n’ont guère changé en profondeur.Malgré l’affirmation ressassée par les politiques de tous bords, del »égale dignité des voies de formation », malgré les possibilités de promotion sociale et de rémunération honorable offertes par les « métiers manuels », malgré les quelques ouvertures proposées par la formation continue pour compenser une formation initiale écourtée ou insuffisante…les filières générales des lycées, les classes préparatoires aux grandes écoles et l’enseignement supérieur académique restent l’objet de toutes les convoitises. Et comme c’est la relative rareté des places qu’elles offrent qui fait la valeur de ces voies de formation, l’échec de la plus grande partie des élèves est bien le corollaire nécessaire au « bon fonctionnement » du système ».
« Longtemps, l’échec scolaire n’a pas été un problème. C’était, en réalité, une solution à la question de la sélection. En effet, quand les familles ne léguèrent plus systématiquement leurs « charges » à leurs enfants,quand on en vint à soupçonner la légitimité de la transmission du capital matériel et culturel à sa progéniture et à réclamer « l’égalité des chances », il a bien fallu un outil pour sélectionner celles et ceux qui seraient promis aux meilleurs études et aux meilleures carrières, et cet outil fut précisément l’échec scolaire.
Dans l’école traditionnelle de la « méritocratie républicaine », avant le grand mouvement de massification qui commence en 1959 avec l’allongement de la scolarité obligatoire à 16 ans et se poursuit avec l’instauration du collège unique, on pratique allègrement et sans la moindre culpabilité la distillation fractionnée. L’échec scolaire est alors parfaitement assumé. Il fait partie du fonctionnement normal de l’institution, et nul n’y voit quoi que ce soit à redire. Les parents acceptent sans broncher le verdict des maîtres : on considère que l’élève qui échoue n’a pas les capacités pour réussir ou a délibérément saboté son travail…Ses proches sont contraints de trouver dans le tissu économique et social de proximité une autre voie d’intégration. L’école reste à l’abri de toute critique : elle pourvoit les filières prestigieuses en sujets brillants et laisse, au fur et à mesure, les autres au bord du chemin, sûre de son bon droit.
A bien des égards d’ailleurs, si le discours s’est adouci, les pratiques n’ont guère changé en profondeur.Malgré l’affirmation ressassée par les politiques de tous bords, del »égale dignité des voies de formation », malgré les possibilités de promotion sociale et de rémunération honorable offertes par les « métiers manuels », malgré les quelques ouvertures proposées par la formation continue pour compenser une formation initiale écourtée ou insuffisante…les filières générales des lycées, les classes préparatoires aux grandes écoles et l’enseignement supérieur académique restent l’objet de toutes les convoitises. Et comme c’est la relative rareté des places qu’elles offrent qui fait la valeur de ces voies de formation, l’échec de la plus grande partie des élèves est bien le corollaire nécessaire au « bon fonctionnement » du système ».
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"Instruire une nation, c'est la civiliser.Y éteindre les connaissances, c'est la ramener à l'état primitif de la barbarie." (Diderot)
"Un mensonge peut faire le tour du monde pendant que la vérité se met en route". (Mark Twain)
"Quand les mots perdent leur sens, les hommes perdent leur liberté".(Confucius)
- doctor whoDoyen
Un article sur le sujet du certificat d'étude :
"Quelle histoire pour le certificat d’études ?" de Philippe Savoie.
http://histoire-education.revues.org/1234
Des nuances intéressantes sur les effets pervers propres à tout examen, mais surtout la même erreur, commune avec la plupart des historiens de l'éducation : penser la démocratisation de l'enseignement seulement à travers le critère du diplôme, vu comme un simple laisser-passer social et professionnel.
"Quelle histoire pour le certificat d’études ?" de Philippe Savoie.
http://histoire-education.revues.org/1234
Des nuances intéressantes sur les effets pervers propres à tout examen, mais surtout la même erreur, commune avec la plupart des historiens de l'éducation : penser la démocratisation de l'enseignement seulement à travers le critère du diplôme, vu comme un simple laisser-passer social et professionnel.
Le niveau réel d'instruction est laissé de côté, ou traité partiellement dans la troisième partie, avec des arguments parfois justes, parfois contestables.Philippe Savoie a écrit:Dans un cas comme dans l’autre, on semble être devant un phénomène qu’on pourrait qualifier, pour emprunter aux économistes de l’éducation le paradigme du capital humain, de propension différentielle à investir dans l’éducation en fonction des probabilités de rendement de cet investissement, ou tout simplement, pour les plus pauvres, en fonction des capacités d’investissement de la famille. Et l’étude, à partir des registres matricules d’une série d’écoles aux profils différenciés, des devenirs professionnels ou scolaires des élèves sortis de l’école avec ou sans certificat, démontre que la valeur d’usage d’un CEP n’est pas la même selon le milieu d’origine. Les groupes sociaux qui rentabilisent le mieux l’obtention d’un CEP, pour poursuivre des études ou pour travailler directement, sont aussi ceux qui s’y présentent le plus et qui y réussissent le mieux. Il semble bien aussi, malgré la base statistique plus étroite de cette partie de l’étude, que les filles soient dans l’ensemble, à origine sociale égale, moins bénéficiaires d’une réussite au CEP que les garçons.
Jusqu’aux années 1930, la grande masse de la population primaire a essentiellement pour horizon, en cas de réussite scolaire, les enseignements primaire supérieur ou technique. L’étude statistique rend compte, à partir de cette époque, de la secondarisation progressive d’une partie des élèves de l’enseignement primaire, qui sortent de l’école élémentaire sans passer le certificat d’études. On retrouve dans ce phénomène les mêmes clivages sociaux et sexuels qu’en matière de démocratisation du certificat. En fin de compte, on observe un glissement général : à mesure que des catégories sociales nouvelles s’approprient massivement le certificat d’études, les catégories sociales plus élevées se tournent vers l’enseignement secondaire ; de même, quand les filles sont de plus en plus nombreuses à passer le CEP, les garçons ont déjà commencé à s’en détourner pour entrer en 6e. Le constat est plutôt accablant, quoique pas vraiment nouveau : l’école primaire de la Troisième République n’est pas tout à fait la formidable machine égalitaire qu’on aimerait y voir. Selon le milieu d’origine, selon le sexe, elle produit, à capacité égale (ce qui est déjà socialement problématique), des effets sociaux différents. L’incapacité de l’école à transcender les différences sociales collectives n’est donc pas nouvelle.
Cependant, s’il valide globalement l’application de la théorie de la reproduction sociale à l’école primaire de la Troisième République, C. Carpentier sait en montrer les nuances et les marges d’indécision. Par exemple, la composition sociale d’ensemble de l’établissement influe sur le comportement des différents groupes sociaux auxquels appartiennent ses élèves à l’égard du certificat d’études ; et la proximité d’une EPS exerce un effet d’attraction évident sur le public des écoles voisines, conformément à un phénomène déjà largement mis en valeur par d’autres auteurs21. De quoi désespérer tout de même un peu plus les nostalgiques de l’école républicaine d’antan : leur doux paradis scolaire était déjà miné par les disparités géographiques. Mais peut-être aussi de quoi imaginer des marges d’action pour desserrer l’étau de la fatalité sociale.
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- ParatgeNeoprof expérimenté
Il est vrai par exemple qu'un bachelier L qui a eu son diplôme au repêchage a un niveau d'instruction très élevé.doctor who a écrit:
Des nuances intéressantes sur les effets pervers propres à tout examen, mais surtout la même erreur, commune avec la plupart des historiens de l'éducation : penser la démocratisation de l'enseignement seulement à travers le critère du diplôme, vu comme un simple laisser-passer social et professionnel.
Le niveau réel d'instruction est laissé de côté, ou traité partiellement dans la troisième partie, avec des arguments parfois justes, parfois contestables.
- egometDoyen
J'aime bien le vocabulaire!Philippe Savoie a écrit:
Jusqu’aux années 1930, la grande masse de la population primaire a essentiellement pour horizon, en cas de réussite scolaire, les enseignements primaire supérieur ou technique. L’étude statistique rend compte, à partir de cette époque, de la secondarisation progressive d’une partie des élèves de l’enseignement primaire, qui sortent de l’école élémentaire sans passer le certificat d’études. On retrouve dans ce phénomène les mêmes clivages sociaux et sexuels qu’en matière de démocratisation du certificat. En fin de compte, on observe un glissement général : à mesure que des catégories sociales nouvelles s’approprient massivement le certificat d’études, les catégories sociales plus élevées se tournent vers l’enseignement secondaire ; de même, quand les filles sont de plus en plus nombreuses à passer le CEP, les garçons ont déjà commencé à s’en détourner pour entrer en 6e. Le constat est plutôt accablant, quoique pas vraiment nouveau : l’école primaire de la Troisième République n’est pas tout à fait la formidable machine égalitaire qu’on aimerait y voir. Selon le milieu d’origine, selon le sexe, elle produit, à capacité égale (ce qui est déjà socialement problématique), des effets sociaux différents. L’incapacité de l’école à transcender les différences sociales collectives n’est donc pas nouvelle.
Cependant, s’il valide globalement l’application de la théorie de la reproduction sociale à l’école primaire de la Troisième République, C. Carpentier sait en montrer les nuances et les marges d’indécision. Par exemple, la composition sociale d’ensemble de l’établissement influe sur le comportement des différents groupes sociaux auxquels appartiennent ses élèves à l’égard du certificat d’études ; et la proximité d’une EPS exerce un effet d’attraction évident sur le public des écoles voisines, conformément à un phénomène déjà largement mis en valeur par d’autres auteurs21. De quoi désespérer tout de même un peu plus les nostalgiques de l’école républicaine d’antan : leur doux paradis scolaire était déjà miné par les disparités géographiques. Mais peut-être aussi de quoi imaginer des marges d’action pour desserrer l’étau de la fatalité sociale.
Avec de tels objectifs, on est toujours insatisfait et on peut tout dénoncer.
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- cliohistHabitué du forum
A la différence de doctor who, je donne raison à Antoine Prost quand il nuance la glorification de l'école républicaine.
Yves Marion, qui vient de publier Quand les enfants du peuple avaient leur école confirmait hier l'existence d'au moins deux écoles pour deux milieux sociaux très distincts avant 1959. On peut le nier et refaire l'histoire sociale et scolaire.
Yves Marion, qui vient de publier Quand les enfants du peuple avaient leur école confirmait hier l'existence d'au moins deux écoles pour deux milieux sociaux très distincts avant 1959. On peut le nier et refaire l'histoire sociale et scolaire.
- CathEnchanteur
Pardon mais j'ai écrit :cliohist a écrit:En politique, il y a au moins deux moyens d'avoir toujours raison :Cath a écrit :Tu sembles penser que la seule réussite, de tous temps, c'est "tout le monde en fac pendant le plus longtemps possible".
- Ne parler qu'avec des gens de son propre camp.
- Prêter à ses adversaires des choses qu'ils n'ont jamais affirmées.
Replonger dans l'histoire de l'école rurale des années 1950, c'est revisiter un autre âge :considérer l'école d'hier avec les critères d'aujourd'hui
aller à l'école à la campagne, c'est aussi marcher matin et soir plusieurs km par tous les temps (j'ai plusieurs photos de groupe avec bcp de sabots - les chaussures étaient de mise, dans l'Ouest, pour aller le dimanche à la messe et à vêpres - les ouvriers marchaient aussi beaucoup pour aller à l'usine). Il n'y avait pas tjs de cantine (mais du lait était servi, avec ou sans chocolat, après P Mendès-France). Et le temps scolaire passait svt après les urgences du travail à la ferme (cf. le coup de main lors des foins en juin-juillet). Des conditions peu propices à des études longues.
Le cours complémentaire, c'était le pensionnat obligatoire, avec parfois un modèle militaire (le réveil au clairon), et une grande sortie tous les 15 jours. Avec des internes qui n'étaient pas toujours des modèles d'obéissance. Une préfiguration du service militaire pour les hommes ?
Nous sommes bien loin des critères d'aujourd'hui.
Ta réponse me semble donc hors de propose avec ma remarque (inutile de rouler des yeux).Cath a écrit:Cliohist, tu sembles vouloir considérer l'école d'hier avec les critères d'aujourd'hui
Ah en fait je comprends : tu parles de toi !cliohist a écrit:En politique, il y a au moins deux moyens d'avoir toujours raison :Cath a écrit : Tu sembles penser que la seule réussite, de tous temps, c'est "tout le monde en fac pendant le plus longtemps possible".
- Ne parler qu'avec des gens de son propre camp.
- Prêter à ses adversaires des choses qu'ils n'ont jamais affirmées.
Car pour moi il ne s'agissait pas d'une discussion politique, j'ai pris la peine d'utiliser un modalisateur, je n'ai pas roulé les yeux, je ne t'ai pas fait dire qq chose que tu n'avais pas écrit.
- Spinoza1670Esprit éclairé
Le message de 5:53 pm était beaucoup plus long et l'on vous a répondu entretemps (Message de cath à 8:42 pm).cliohist a écrit:Message par cliohist Aujourd'hui à 5:53 pm
A la différence de doctor who, je donne raison à Antoine Prost quand il nuance la glorification de l'école républicaine.
Yves Marion, qui vient de publier Quand les enfants du peuple avaient leur école confirmait hier l'existence d'au moins deux écoles pour deux milieux sociaux très distincts avant 1959. On peut le nier et refaire l'histoire sociale et scolaire.
Dernière édition par cliohist le Ven 08 Nov 2013, 9:11 pm, édité 1 fois
- Citation de cath:
- Cath a écrit:cliohist a écrit:Cath a écrit :Tu sembles penser que la seule réussite, de tous temps, c'est "tout le monde en fac pendant le plus longtemps possible".
- Ne parler qu'avec des gens de son propre camp.
- Prêter à ses adversaires des choses qu'ils n'ont jamais affirmées.
considérer l'école d'hier avec les critères d'aujourd'hui
aller à l'école à la campagne, c'est aussi marcher matin et soir plusieurs km par tous les temps (j'ai plusieurs photos de groupe avec bcp de sabots - les chaussures étaient de mise, dans l'Ouest, pour aller le dimanche à la messe et à vêpres - les ouvriers marchaient aussi beaucoup pour aller à l'usine). Il n'y avait pas tjs de cantine (mais du lait était servi, avec ou sans chocolat, après P Mendès-France). Et le temps scolaire passait svt après les urgences du travail à la ferme (cf. le coup de main lors des foins en juin-juillet). Des conditions peu propices à des études longues.
Le cours complémentaire, c'était le pensionnat obligatoire, avec parfois un modèle militaire (le réveil au clairon), et une grande sortie tous les 15 jours. Avec des internes qui n'étaient pas toujours des modèles d'obéissance. Une préfiguration du service militaire pour les hommes ?
Nous sommes bien loin des critères d'aujourd'hui.Cath a écrit:Cliohist, tu sembles vouloir considérer l'école d'hier avec les critères d'aujourd'huicliohist a écrit:Cath a écrit : Tu sembles penser que la seule réussite, de tous temps, c'est "tout le monde en fac pendant le plus longtemps possible".
- Ne parler qu'avec des gens de son propre camp.
- Prêter à ses adversaires des choses qu'ils n'ont jamais affirmées.
Car pour moi il ne s'agissait pas d'une discussion politique, j'ai pris la peine d'utiliser un modalisateur, je n'ai pas roulé les yeux, je ne t'ai pas fait dire qq chose que tu n'avais pas écrit.
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- CathEnchanteur
Ah oui, effectivement...
Changer complètement la substance d'un message auquel il a déjà été répondu, cela ne se fait pas.
Changer complètement la substance d'un message auquel il a déjà été répondu, cela ne se fait pas.
- ParatgeNeoprof expérimenté
Pour reprendre le titre : nos grands-parents ne savaient pas lire et de plus ils étaient complètement cons !
- Marcel KhrouchtchevEnchanteur
Ce qui m'inquiète d'ailleurs beaucoup, parce que ma grand-mère me bat encore à plate couture au Scrabble.Paratge a écrit:Pour reprendre le titre : nos grands-parents ne savaient pas lire et de plus ils étaient complètement cons !
- ParatgeNeoprof expérimenté
Mais elle n'a pas de compétences de méta-cognition, elle !Marcel Khrouchtchev a écrit:Ce qui m'inquiète d'ailleurs beaucoup, parce que ma grand-mère me bat encore à plate couture au Scrabble.Paratge a écrit:Pour reprendre le titre : nos grands-parents ne savaient pas lire et de plus ils étaient complètement cons !
- CathEnchanteur
Effectivement ça change tout.
- Marcel KhrouchtchevEnchanteur
:lol!:Paratge a écrit:Mais elle n'a pas de compétences de méta-cognition, elle !Marcel Khrouchtchev a écrit:Ce qui m'inquiète d'ailleurs beaucoup, parce que ma grand-mère me bat encore à plate couture au Scrabble.Paratge a écrit:Pour reprendre le titre : nos grands-parents ne savaient pas lire et de plus ils étaient complètement cons !
Et en plus le français n'est pas sa langue maternelle!
- ParatgeNeoprof expérimenté
S'isch ebs anders !Marcel Khrouchtchev a écrit::lol!:Paratge a écrit:Mais elle n'a pas de compétences de méta-cognition, elle !Marcel Khrouchtchev a écrit:Ce qui m'inquiète d'ailleurs beaucoup, parce que ma grand-mère me bat encore à plate couture au Scrabble.
Et en plus le français n'est pas sa langue maternelle!
- Marcel KhrouchtchevEnchanteur
Ah non, ce n'est pas l'alsacien
(plutôt le luxembourgeois, c'est moins classe quand même)
(plutôt le luxembourgeois, c'est moins classe quand même)
- CathEnchanteur
Ah mais tout s'explique alors Marcel. C'est parce qu'elle a fréquenté un autre système scolaire que le système français, générateur d'élitisme et d'inégalités, dont on sortait sans savoir ni lire ni écrire (et peut-être aussi sans savoir compter, faut que je vérifie).
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