- RobinFidèle du forum
Dans les deux derniers chapitres de l'Introduction à la Psychanalyse, Freud se propose d'expliquer quel est le mode d'action et les effets de la psychothérapie analytique.
Il commence par rappeler les causes essentielles des maladies psychiques (les névroses et les psychoses) :
a) Les prédispositions héréditaires (explication dominante à son époque et qu'il ne rejette pas totalement).
b) L'influence des événements de la première enfance
c) Les "malheurs de la vie " qui imposent le "renoncement au réel" (les discordes familiales, les mariages mal assortis, les conditions sociales défavorables et la rigueur des exigences morales)
La méthode psychanalytique, explique-t-il, est une thérapie de longue haleine dont les effets sont excessivement lents à se produire et on ne doit pas demander aux analystes de faire les miracles dont le bon peuple gratifie généreusement l'empereur François-Joseph !
Le traitement psychanalytique ne consiste pas à inciter le malade à s'affranchir de "l'idéal social" en "vivant sa vie sexuelle jusqu'au bout" comme le pensait Wilhelm Reich, car le noeud du problème ne réside pas dans l'abstinence, mais dans le conflit entre le refoulement et la libido.
Freud n'en défend pas pour autant la morale sociale de son époque : "Nous pouvons dire sans façons à la société que ce qu'elle appelle sa morale coûte plus de sacrifices qu'elle n'en vaut et que ses procédés manquent aussi bien de sincérité que de sagesse." (Introduction à la Psychanalyse, PBP, p. 410)
Chez le névrosé, le conflit entre les tendances psychiques ne se livrent pas sur le même terrain (le conscient, le préconscient et l'inconscient) La tâche de la thérapeutique est de rendre cette rencontre possible (la rencontre entre l'inconscient et le conscient ou entre le "moi" et le "çà").
Le psychanalyste est un "traducteur". La psychanalyse consiste à traduire l'inconscient dans le conscient : "Nous pouvons exprimer le but de nos efforts à l'aide de plusieurs formules : nous pouvons dire notamment que nous cherchons à rendre conscient l'inconscient ou à supprimer les refoulements ou à combler les lacunes amnésiques (aider le malade à retrouver la mémoire)." (p. 412)
Mais le savoir de l'analyste et celui du malade ne coïncident pas : "Ce que nous savons de l'inconscient ne coïncide nullement avec ce qu'en sait le malade ; lorsque nous lui faisons part de ce que nous savons, il ne remplace pas son inconscient par la connaissance ainsi acquise, mais place celle-ci à côté de celui-là qui reste à peu près inchangé. Nous devons plutôt nous former de cet inconscient une représentation topique (du grec "topos" : lieu, espace), le rechercher dans ses souvenirs là même où il a pu se former à la suite d'un refoulement. C'est ce refoulement qu'il faut supprimer pour que la substitution du conscient à l'inconscient s'opère toute seule." (p. 413)
Le travail psychanalytique comporte donc deux phases :
a) La recherche du refoulement
b) La suppression de la résistance qui maintient ce refoulement
On supprime la résistance en la découvrant et la "mettant sous les yeux" du malade. Dans ce travail, le "moi" du malade collabore donc avec le médecin puisque c'est du moi et non de l'inconscient que provient la résistance.
Les trois atouts dont dispose le médecin sont :
a) le désir du malade de recouvrer la santé
b) l'intelligence du malade
c) ce que Freud appelle "les faits", c'est-à-dire les acquis du processus analytique proprement dit : "A l'époque où la maladie s'était formée, le moi était chétif, infantile et avait peut-être des raisons de proscrire les exigences de la libido comme une source de dangers. Aujourd'hui il est plus fort, plus expérimenté et possède en outre dans le médecin un collaborateur fidèle et dévoué. Aussi sommes-nous en droit de nous attendre à ce que le conflit ravivé ait une solution plus favorable qu'à l'époque où il s'était terminé par le refoulement et, ainsi que nous l'avons dit, le succès que nous obtenons dans les hystéries, les névroses d'angoisse et les névroses obsessionnelles justifie en principe notre attente." (p. 415)
Freud ne cache pas cependant qu'il existe des maladies réfractaires au traitement psychanalytique et dont le médecin ne réussit pas à écarter une résistance ni supprimer un refoulement (la paranoïa, la mélancolie et la démence précoce) : "Nous sommes là en présence d'un fait que nous ne comprenons pas, de sorte que nous sommes tentés de nous demander si nous avons bien compris toutes les conditions du succès que nous avons obtenu dans les autres névroses." (p. 416)
Contrairement à ce qu'affirme Michel Onfray (Freud, Le Crépuscule d'une idole), la psychanalyse n'a jamais prétendu guérir toutes les maladies !
L'insuccès de la cure psychanalytique ne tient pas, selon Freud, au fait que ces maladies ne relèvent pas d'un conflit entre le moi et la libido engendrant la résistance et le refoulement, ni au manque d'intelligence du malade (les paranoïaques sont extrêmement intelligents !), ni au refus de guérir, mais à des facteurs que Freud avoue ne pas pouvoir encore s'expliquer.
Le transfert
Les deux principaux facteurs qui concourent au progrès de la cure psychanalytique sont donc la prise de conscience du refoulé et la suppression de la résistance. Mais il est un troisième facteur, essentiel lui aussi, sans lequel la cure ne peut ni progresser, ni aboutir...
"Si nous nous en tenons à nos hystériques et à nos malades atteints de névrose d'angoisse, nous ne tardons pas à voir se présenter un autre fait auquel nous n'étions nullement préparés. Nous nous apercevons notamment, au bout de très peu de temps, que ces malades se comportent envers nous d'une façon tout à fait singulière (...) Nous constatons notamment que le malade, qui ne devrait pas chercher autre chose qu'une issue à ses conflits douloureux, manifeste un intérêt particulier pour la personne de son médecin..." (p. 416)
Cet intérêt que témoigne le malade pour la personne du médecin apparaît, selon Freud, dès le début du traitement et constitue un auxiliaire efficace du travail de compréhension et donc de guérison : "A la bonne attitude du malade pendant le travail analytique correspond aussi une amélioration objective, constatée par tout le monde de l'état morbide." (p. 417)
Mais cette phase ne dure pas : "Des difficultés surgissent au cours du traitement, le malade prétend qu'il ne lui vient plus aucune idée. On a l'impression très nette qu'il ne s'intéresse plus au travail et qu'il se soustrait d'un cœur léger à la recommandation qui lui a été faite de dire tout ce qui lui passe par la tête, sans se laisser troubler par aucune considération critique. Il se comporte comme s'il n'était pas en traitement, comme s'il n'avait pas conclu de pacte avec le médecin ; il est évident qu'il est préoccupé par quelque chose qu'il tient à ne pas révéler. C'est là une situation dangereuse pour le traitement. On se trouve sans conteste en présence d'une violente résistance. Que s'est-il donc passé ? (p. 418)
Pourquoi le patient manifeste-t-il d'abord de l'amour envers le médecin, puis de l'hostilité ?
Freud montre que ces sentiments ambivalents d'amour et de haine ne visent pas la personne du médecin : "Nous surmontons le transfert en montrant au malade que ses sentiments, au lieu d'être produits par la situation actuelle et de s'appliquer à la personne du médecin, ne font que reproduire une situation dans laquelle il s'était déjà trouvée auparavant." (p. 421)
Le malade "transfère" sur la personne du médecin des sentiments qu'il jadis éprouvés envers d'autres personnes, en particulier ses parents.
"Le transfert peut (ainsi) être comparé à la couche intermédiaire entre l'arbre et l'écorce qui fournit le point de départ à la formation de nouveaux tissus et à l'augmentation d'épaisseur du tronc. Quand le transfert a acquis une importance pareille, le travail ayant pour objet les souvenirs du malade subit un ralentissement considérable. On peut dire qu'on a alors affaire non plus à la maladie antérieure du patient, mais à une névrose nouvellement formée et transformée qui remplace la première. cette nouvelle couche qui vient se superposer à l'affection ancienne, on l'a suivie dès le début, on l'a vue naître et se développer et on s'y oriente d'autant plus facilement qu'on en occupe soi-même le centre. Tous les symptômes du malade ont perdu leur signification primitive et acquis un nouveau sens, en rapport avec le transfert. Ou bien, il ne reste en fait de symptômes que ceux qui ont pu subir une pareille transformation. Surmonter cette nouvelle névrose artificielle, c'est supprimer la maladie engendrée par le traitement. Ces deux résultats vont de pair, et quand ils sont obtenus, notre tâche thérapeutique est terminée. L'homme qui, dans ses rapports avec le médecin, est devenu normal et affranchi de l'action des tendances refoulées, restera aussi tel dans sa vie normale quand le médecin en aura été éliminé." (p. 422)
La question du transfert est au coeur de la théorie psychanalytique parce qu'elle est au centre de la cure : "Nous pouvons dire que notre conviction d'après laquelle l'importance des symptômes tient à la qualité de satisfaction libidineuse substitutive, n'a reçu sa confirmation définitive quà la suite de la constatation du fait du transfert." (p. 422)
La phénomène du transfert, aussi bien positif (amour envers le médecin) que négatif (agressivité) est absolument indispensable à la réussite de la cure. Cette idée peut paraître paradoxale, surtout en ce qui concerne le transfert négatif (ou contre-transfert) qui semble ralentir ou même bloquer la cure.
Le transfert et le contre-transfert n'auraient ni sens ni valeur thérapeutique s'il ne s'agissait pour le patient que de prendre intellectuellement conscience du refoulé. Freud montre que ce n'est pas ainsi que les choses se passent : "Les arguments qui n'ont pas leur corollaire le fait d'émaner de personnes aimées n'exercent et n'ont jamais exercé la moindre action dans la vie de la plupart des hommes. Aussi l'homme n'est-il en général accessible par son côté intellectuel que dans la mesure où il est capable d'investissement libidineux d'objets, et nous avons de bonnes raisons de croire, et la chose est vraiment à craindre, que c'est du degré de son narcissisme que dépend le degré d'influence que peut exercer sur lui la technique analytique, même la meilleure." (p. 423)
Nous avons enfin un élément de réponse à la question que se posait Freud à propos de l'échec de certaines analyses : "L'observation montre que les malades atteints de névrose narcissique ne possèdent pas la faculté du transfert ou n'en présentent que des restes insignifiants. Ils repoussent le médecin, non avec hostilité (contre-transfert), mais avec indifférence. C'est pourquoi ils ne sont pas accessibles à son influence ; tout ce qu'il dit les laisse froids, ne les impressionne en aucune façon ; aussi ce mécanisme de la guérison, si efficace chez les autres et qui consiste à ranimer le conflit pathogène et à surmonter la résistance opposée par le refoulement, ne se laisse-t-il pas établir chez eux. Ils restent ce qu'ils sont. Ils ont déjà fait de leur propre initiative des tentatives de redressement de la situation, mais ces tentatives n'ont abouti qu'à des effets pathologiques. Nous ne pouvons rien y changer." (p. 425)
Il commence par rappeler les causes essentielles des maladies psychiques (les névroses et les psychoses) :
a) Les prédispositions héréditaires (explication dominante à son époque et qu'il ne rejette pas totalement).
b) L'influence des événements de la première enfance
c) Les "malheurs de la vie " qui imposent le "renoncement au réel" (les discordes familiales, les mariages mal assortis, les conditions sociales défavorables et la rigueur des exigences morales)
La méthode psychanalytique, explique-t-il, est une thérapie de longue haleine dont les effets sont excessivement lents à se produire et on ne doit pas demander aux analystes de faire les miracles dont le bon peuple gratifie généreusement l'empereur François-Joseph !
Le traitement psychanalytique ne consiste pas à inciter le malade à s'affranchir de "l'idéal social" en "vivant sa vie sexuelle jusqu'au bout" comme le pensait Wilhelm Reich, car le noeud du problème ne réside pas dans l'abstinence, mais dans le conflit entre le refoulement et la libido.
Freud n'en défend pas pour autant la morale sociale de son époque : "Nous pouvons dire sans façons à la société que ce qu'elle appelle sa morale coûte plus de sacrifices qu'elle n'en vaut et que ses procédés manquent aussi bien de sincérité que de sagesse." (Introduction à la Psychanalyse, PBP, p. 410)
Chez le névrosé, le conflit entre les tendances psychiques ne se livrent pas sur le même terrain (le conscient, le préconscient et l'inconscient) La tâche de la thérapeutique est de rendre cette rencontre possible (la rencontre entre l'inconscient et le conscient ou entre le "moi" et le "çà").
Le psychanalyste est un "traducteur". La psychanalyse consiste à traduire l'inconscient dans le conscient : "Nous pouvons exprimer le but de nos efforts à l'aide de plusieurs formules : nous pouvons dire notamment que nous cherchons à rendre conscient l'inconscient ou à supprimer les refoulements ou à combler les lacunes amnésiques (aider le malade à retrouver la mémoire)." (p. 412)
Mais le savoir de l'analyste et celui du malade ne coïncident pas : "Ce que nous savons de l'inconscient ne coïncide nullement avec ce qu'en sait le malade ; lorsque nous lui faisons part de ce que nous savons, il ne remplace pas son inconscient par la connaissance ainsi acquise, mais place celle-ci à côté de celui-là qui reste à peu près inchangé. Nous devons plutôt nous former de cet inconscient une représentation topique (du grec "topos" : lieu, espace), le rechercher dans ses souvenirs là même où il a pu se former à la suite d'un refoulement. C'est ce refoulement qu'il faut supprimer pour que la substitution du conscient à l'inconscient s'opère toute seule." (p. 413)
Le travail psychanalytique comporte donc deux phases :
a) La recherche du refoulement
b) La suppression de la résistance qui maintient ce refoulement
On supprime la résistance en la découvrant et la "mettant sous les yeux" du malade. Dans ce travail, le "moi" du malade collabore donc avec le médecin puisque c'est du moi et non de l'inconscient que provient la résistance.
Les trois atouts dont dispose le médecin sont :
a) le désir du malade de recouvrer la santé
b) l'intelligence du malade
c) ce que Freud appelle "les faits", c'est-à-dire les acquis du processus analytique proprement dit : "A l'époque où la maladie s'était formée, le moi était chétif, infantile et avait peut-être des raisons de proscrire les exigences de la libido comme une source de dangers. Aujourd'hui il est plus fort, plus expérimenté et possède en outre dans le médecin un collaborateur fidèle et dévoué. Aussi sommes-nous en droit de nous attendre à ce que le conflit ravivé ait une solution plus favorable qu'à l'époque où il s'était terminé par le refoulement et, ainsi que nous l'avons dit, le succès que nous obtenons dans les hystéries, les névroses d'angoisse et les névroses obsessionnelles justifie en principe notre attente." (p. 415)
Freud ne cache pas cependant qu'il existe des maladies réfractaires au traitement psychanalytique et dont le médecin ne réussit pas à écarter une résistance ni supprimer un refoulement (la paranoïa, la mélancolie et la démence précoce) : "Nous sommes là en présence d'un fait que nous ne comprenons pas, de sorte que nous sommes tentés de nous demander si nous avons bien compris toutes les conditions du succès que nous avons obtenu dans les autres névroses." (p. 416)
Contrairement à ce qu'affirme Michel Onfray (Freud, Le Crépuscule d'une idole), la psychanalyse n'a jamais prétendu guérir toutes les maladies !
L'insuccès de la cure psychanalytique ne tient pas, selon Freud, au fait que ces maladies ne relèvent pas d'un conflit entre le moi et la libido engendrant la résistance et le refoulement, ni au manque d'intelligence du malade (les paranoïaques sont extrêmement intelligents !), ni au refus de guérir, mais à des facteurs que Freud avoue ne pas pouvoir encore s'expliquer.
Le transfert
Les deux principaux facteurs qui concourent au progrès de la cure psychanalytique sont donc la prise de conscience du refoulé et la suppression de la résistance. Mais il est un troisième facteur, essentiel lui aussi, sans lequel la cure ne peut ni progresser, ni aboutir...
"Si nous nous en tenons à nos hystériques et à nos malades atteints de névrose d'angoisse, nous ne tardons pas à voir se présenter un autre fait auquel nous n'étions nullement préparés. Nous nous apercevons notamment, au bout de très peu de temps, que ces malades se comportent envers nous d'une façon tout à fait singulière (...) Nous constatons notamment que le malade, qui ne devrait pas chercher autre chose qu'une issue à ses conflits douloureux, manifeste un intérêt particulier pour la personne de son médecin..." (p. 416)
Cet intérêt que témoigne le malade pour la personne du médecin apparaît, selon Freud, dès le début du traitement et constitue un auxiliaire efficace du travail de compréhension et donc de guérison : "A la bonne attitude du malade pendant le travail analytique correspond aussi une amélioration objective, constatée par tout le monde de l'état morbide." (p. 417)
Mais cette phase ne dure pas : "Des difficultés surgissent au cours du traitement, le malade prétend qu'il ne lui vient plus aucune idée. On a l'impression très nette qu'il ne s'intéresse plus au travail et qu'il se soustrait d'un cœur léger à la recommandation qui lui a été faite de dire tout ce qui lui passe par la tête, sans se laisser troubler par aucune considération critique. Il se comporte comme s'il n'était pas en traitement, comme s'il n'avait pas conclu de pacte avec le médecin ; il est évident qu'il est préoccupé par quelque chose qu'il tient à ne pas révéler. C'est là une situation dangereuse pour le traitement. On se trouve sans conteste en présence d'une violente résistance. Que s'est-il donc passé ? (p. 418)
Pourquoi le patient manifeste-t-il d'abord de l'amour envers le médecin, puis de l'hostilité ?
Freud montre que ces sentiments ambivalents d'amour et de haine ne visent pas la personne du médecin : "Nous surmontons le transfert en montrant au malade que ses sentiments, au lieu d'être produits par la situation actuelle et de s'appliquer à la personne du médecin, ne font que reproduire une situation dans laquelle il s'était déjà trouvée auparavant." (p. 421)
Le malade "transfère" sur la personne du médecin des sentiments qu'il jadis éprouvés envers d'autres personnes, en particulier ses parents.
"Le transfert peut (ainsi) être comparé à la couche intermédiaire entre l'arbre et l'écorce qui fournit le point de départ à la formation de nouveaux tissus et à l'augmentation d'épaisseur du tronc. Quand le transfert a acquis une importance pareille, le travail ayant pour objet les souvenirs du malade subit un ralentissement considérable. On peut dire qu'on a alors affaire non plus à la maladie antérieure du patient, mais à une névrose nouvellement formée et transformée qui remplace la première. cette nouvelle couche qui vient se superposer à l'affection ancienne, on l'a suivie dès le début, on l'a vue naître et se développer et on s'y oriente d'autant plus facilement qu'on en occupe soi-même le centre. Tous les symptômes du malade ont perdu leur signification primitive et acquis un nouveau sens, en rapport avec le transfert. Ou bien, il ne reste en fait de symptômes que ceux qui ont pu subir une pareille transformation. Surmonter cette nouvelle névrose artificielle, c'est supprimer la maladie engendrée par le traitement. Ces deux résultats vont de pair, et quand ils sont obtenus, notre tâche thérapeutique est terminée. L'homme qui, dans ses rapports avec le médecin, est devenu normal et affranchi de l'action des tendances refoulées, restera aussi tel dans sa vie normale quand le médecin en aura été éliminé." (p. 422)
La question du transfert est au coeur de la théorie psychanalytique parce qu'elle est au centre de la cure : "Nous pouvons dire que notre conviction d'après laquelle l'importance des symptômes tient à la qualité de satisfaction libidineuse substitutive, n'a reçu sa confirmation définitive quà la suite de la constatation du fait du transfert." (p. 422)
La phénomène du transfert, aussi bien positif (amour envers le médecin) que négatif (agressivité) est absolument indispensable à la réussite de la cure. Cette idée peut paraître paradoxale, surtout en ce qui concerne le transfert négatif (ou contre-transfert) qui semble ralentir ou même bloquer la cure.
Le transfert et le contre-transfert n'auraient ni sens ni valeur thérapeutique s'il ne s'agissait pour le patient que de prendre intellectuellement conscience du refoulé. Freud montre que ce n'est pas ainsi que les choses se passent : "Les arguments qui n'ont pas leur corollaire le fait d'émaner de personnes aimées n'exercent et n'ont jamais exercé la moindre action dans la vie de la plupart des hommes. Aussi l'homme n'est-il en général accessible par son côté intellectuel que dans la mesure où il est capable d'investissement libidineux d'objets, et nous avons de bonnes raisons de croire, et la chose est vraiment à craindre, que c'est du degré de son narcissisme que dépend le degré d'influence que peut exercer sur lui la technique analytique, même la meilleure." (p. 423)
Nous avons enfin un élément de réponse à la question que se posait Freud à propos de l'échec de certaines analyses : "L'observation montre que les malades atteints de névrose narcissique ne possèdent pas la faculté du transfert ou n'en présentent que des restes insignifiants. Ils repoussent le médecin, non avec hostilité (contre-transfert), mais avec indifférence. C'est pourquoi ils ne sont pas accessibles à son influence ; tout ce qu'il dit les laisse froids, ne les impressionne en aucune façon ; aussi ce mécanisme de la guérison, si efficace chez les autres et qui consiste à ranimer le conflit pathogène et à surmonter la résistance opposée par le refoulement, ne se laisse-t-il pas établir chez eux. Ils restent ce qu'ils sont. Ils ont déjà fait de leur propre initiative des tentatives de redressement de la situation, mais ces tentatives n'ont abouti qu'à des effets pathologiques. Nous ne pouvons rien y changer." (p. 425)
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