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Sigmund Freud, Introduction à la Psychanalyse (1920), Petite Bibliothèque Payot,, traduit de l'allemand avec l'autorisation de l'auteur par le Dr S. Jankélévitch
Né à Freiberg (Moravie) en 1856, autrichien de nationalité, Sigmund Freud est mort émigré à Londres en 1939. Après des études de médecine à l'Université de Vienne, il vient à Paris comme boursier, pour suivre en particulier les cours de Charcot à la Salpêtrière.
Retourné à Vienne, où il se marie et s'établit comme spécialiste des maladies nerveuses, il pratique d'abord le traitement par l'hypnose, avant de mettre au point la méthode qui s'appelera la "psychanalyse".
Il attire de nombreux disciples et s'il voit certains d'entre eux se séparer de lui (Adler et Jung), les cercles psychanalytiques se montrent de plus en plus actifs, la doctrine se répand à l'étranger. Parallèlement, les publications de Freud se multiplient, témoignant de la richesse de sa pensée créatrice, capable d'aborder les sujets les plus variés.
Cette Introduction à la Psychanalyse, dont la matière est une série de leçons professées en 1916, constitue pour le lecteur la somme la plus complète et la synthèse la plus accessible des idées du père de la psychanalyse.
Introduction à la Psychanalyse :
Première partie : les actes manqués
Chap. 1 (introduction) à 4 :
Freud établit une division en trois groupes des "actes manqués" : a) le lapsus, avec ses subdivisions en erreurs d'écriture, de lecture, de fausse audition ; b) l'oubli, avec ses subdivisions correspondant à l'objet oublié (noms propres, mots étrangers, projets, impressions) ; c) la méprise, la perte, l'impossibilité de retrouver un objet rangé.
Un acte manqué est un acte psychique ayant un sens, produit par l'opposition de deux intentions différentes.
L'intérêt psychanalytique des actes manqués réside dans leur fréquence, dans le fait que chacun peut les observer facilement sur soi-même et que leur production n'a pas pour condition nécessaire un état morbide.
Lorsque, dans un discours important ou dans une négociation verbale, quelqu'un dit le contraire de ce qu'il voulait dire, il commet un lapsus qui se laisse difficilement expliquer par la théorie psycho-physiologique ou par la théorie de l'attention. Exemple de lapsus : le président d'une assemblée déclare en ouvrant une séance : "La séance est close... heu, je veux dire : la séance est ouverte."
La tendance pertubatrice se trouve refoulée (en l'occurrence le désir que la séance, pressentie comme houleuse, soit déjà terminée). Comme la personne qui parle s'est décidée à ne pas la faire apparaître dans le discours, elle commet un lapsus, c'est-à-dire que la tendance refoulée se manifeste malgré la personne, soit en modifiant l'intention avouée, soit en se confondant avec elle, soit enfin en prenant tout simplement sa place (comme c'est le cas ici).Tel est le mécanisme du lapsus.
Le refoulement d'une intention de dire quelque chose constitue la condition indispensable d'un lapsus.
Les actes manqués résultent de compromis ; ils signifient que le refoulement est à moitié manqué et à moitié réussi, que l'intention menacée, si elle n'est pas complètement supprimée, est suffisamment refoulée pour ne pas pouvoir se manifester, abstraction faite de certains cas isolés, telle quelle, sans modifications.
L'étude des actes manqués (dire ou écrire un mot à la place d'un autre, oublier un nom propre, oublier un rendez-vous, oublier de rendre un objet, de s'acquitter d'une dette, perdre ou casser un objet... ) amène à admettre qu'il existe chez l'homme des tendances susceptibles d'agir sans qu'il le sache.
"il importe de ne pas perdre de vue le fait que la vie psychique est un champ de bataille et une arène où luttent des tendances opposées. En prouvant l'existence d'une tendance déterminée (par exemple chercher le plaisir et éviter le déplaisir), nous ne prouvons pas par là même l'absence d'une autre tendance, agissant en sens contraire. Il y a place pour l'une et pour l'autre. Il s'agit seulement de connaître les rapports qui s'établissent entre les oppositions, les actions qui émanent de l'une et de l'autre." (p. 65)
Note : on voit se dessiner dans ce premier chapitre des thèmes essentiels : le statut de la psychanalyse. Est-ce une science ? Quel est son "objet" ? La relation entre l'inconscient (le mot n'est pas encore prononcé) et la parole, puisque le lapsus témoigne de son existence ou du moins en suggère l'hypothèse (l'étude des lapsus et des actes manqués amène à admettre l'hypothèse chez l'homme de tendances susceptibles d'agir sans qu'il le sache." écrit Freud p. 65), la notion de refoulement, la résistance à la psychanalyse (au "savoir" psychanalytique), les difficultés d'interprétation inhérentes à la multiplicité et au caractère conflictuel des tendances. Freud cherche à comprendre le "mystère du négatif" (les cauchemars, les actes qui vont à l'encontre de notre intérêt).
L'analyste lui-même a un inconscient et doit lutter contre la tendance à valoriser telle ou telle interprétation et noter par écrit, comme le faisait Darwin aux dires de Freud, les idées qui vont à son encontre.
Deuxième partie : le rêve
Chap. 5 : Difficultés et premières approches :
Phénomène ordinaire auquel on attache peu d'importance, dépourvu en apparence, comme les actes manqués, avec lesquels il a ce point commun qu'il se produit chez les gens bien portants, de toute valeur pratique, le rêve s'offre à l'investigation psychanalytique dans des conditions plutôt favorables.
La découverte que les symptômes morbides des névrosés ont un sens fut le point de départ du traitement psychanalytique. Au cours de ces traitements, on constata que les malades alléguaient des rêves en guise de symptômes et on posa alors que ces rêves devaient également avoir un sens.
Interpréter signifie trouver un sens caché.
S'intéresser au rêve, c'est du même coup s'intéresser au sommeil : dormir, c'est se replonger periodiquement dans l'état où nous nous trouvions avant de venir au monde, lors de notre existence intra-utérine.
Si les rêves n'étaient que des restes de l'activité psychique de l'état de veille susceptibles seulement de troubler le sommeil, leur étude n'entreraient pas dans le cadre de la psychanalyse. Freud montre qu'il n'en est rien.
Raconter un rêve, c'est traduire des images en paroles. Freud donne des exemples de rêves (repris de l'Interprétation des rêves) conduisant au réveil : le rêve de la cloche de l'église, le rêve du traineau, le rêve de la mort du pape, p. 80). Ces exemples montrent que les rêves peuvent être provoqués par une excitation extérieure, en l'occurrence la sonnerie du réveil.
Les excitations extérieures et intérieures ne nous révèlent pas, cependant, l'essence du rêve.
Chap. 6 : Conditions et techniques d'interprétations
Le rêve est un phénomène psychique soumis, comme tous les phénomènes, au déterminisme. Le rêveur "sait sans le savoir" ce que son rêve signifie.
La technique psychanalytique des associations libres (l'exemple du prénom "Albine", p. 94) montre que d'importants dispositifs internes agissent dans le rêve.
Freud propose d'étendre à l'analyse du rêve la technique de l'association libre employée pour retrouver un nom propre oublié (exemple : "Monaco", p. 97) : "Ce qui est possible, lorsqu'il s'agi de l'oubli d'un nom, doit également réussir lorsqu'il s'agit d'interpréter un rêve : on doit notamment pouvoir rendre accessible les éléments cachés et ignorés, à l'aide d'associations se rattachant à la substitution prise comme point de départ." (p.98)
Chap. 7 : Contenu manifeste et idées latentes du rêve
Freud introduit dans ce chapitre (p.99) la notion d'inconscient et de résistance : "Je vous propose maintenant d'opérer une modification de notre terminologie (...). Au lieu de dire : caché, inaccessible, inauthentique, nous dirons désormais inaccessible à la conscience du rêveur ou inconscient."
Le rêve total constitue une substitution déformée d'un événement inconscient. L'interprétation des rêves a pour tâche de découvrir cet inconscient.
Le travail d'interprétation s'accomplit à l'encontre d'une certaine résistance qui s'y oppose. Les idées qu'on voudrait refouler se revèlent toujours et sans exception comme étant les plus importantes et les plus décisives au point de vue de la découverte de l'inconscient.
La distance qui sépare la substitution du substrat inconscient est proportionnelle à la force de la résistance : "Lorsque la résistance est peu considérable, la distance qui sépare la substitution du substrat inconscient est minime ; mais une forte résistance s'accompagne de déformations considérables..." (p. 102)
Freud se propose maintenant d'éprouver la technique psychanalytique de l'interprétation des rêves sur des exemples : le rêve "du bon Dieu qui a sur sa tête un bonnet en papier pointu" (p. 103) : dans ce rêve d'enfance, la distance entre la substitution et le substrat (ce que Freud va appeler quelques pages plus loin entre le "contenu manifeste" et le "contenu latent") est très faible et la déformation peu importante... le rêve du canal, qui recouvre d'ailleurs un mot d'esprit ("Du sublime au ridicule, il n'y a qu'un pas. Oui, le Pas de Calais."), le rêve de la table (Tisch/Tischler), le rêve de l'ascension en montagne et enfin un rêve plus long dans lequel la déformation est importante, proportionnellement au refoulement de la tendance inconsciente : le rêve de la femme mariée (p.108-110).
Plusieurs procédés sont à l'oeuvre dans "le travail du rêve" : la condensation, le déplacement, les procédés de figuration, le symbolisme et l'élaboration secondaire (cf. l'Interprétation du rêve, chapitre VI, Presses Universitaires de France, nouvelle édition augmentée et entièrement révisée par Denise Berger, "Le Travail du rêve", p. 241-266).
Note : Jacques Lacan (Ecrits, "L'instance de la Lettre dans l'Inconscient") établit une relation entre le travail du rêve et les figures de style : métaphore (déplacement) et métonymie (condensation).
1) Le travail de condensation (rapport d'une partie au tout)
"Quand on compare le contenu du rêve et les pensées du rêve, on s'aperçoit tout d'abord qu'il y a là un énorme travail de condensation. Le rêve est bref, pauvre, laconique, comparé à l'ampleur et à la richesse des pensées du rêve. Bref, le rêve couvre à peine une demi-page ; l'analyse, où sont indiqués ses pensées, sera six, huit, douze fois plus étendue." (L'interprétation du rêve, "Le travail du rêve", PUF, p. 242)
2) Le travail de déplacement (approximation ou allusion)
"En rassemblant des exemples de condensation dans le rêve, nous avons remarqué que les éléments qui nous paraissent essentiels pour le contenu ne jouaient dans les pensées du rêve qu'un rôle très effacé. Inversement, ce qui est visiblement l'essentiel des pensées du rêve n'est parfois pas du tout représenté dans celui-ci. Le rêve est autrement centré, son contenu est rangé autour d'éléments autres que les pensées du rêve. (L'interprétation du rêve, "Le travail du rêve", PUF, p. 263)
3) Les procédés de figuration du rêve (représentation verbale plastique)
"Le rêve n'a aucun moyen de représenter les relations logiques entre les pensées qui le composent. Il laisse là toutes ces conjonctions et ne travaille que sur le contenu effectif des pensées du rêve. C'est à l'interprétation de rétablir les liens supprimés par ce travail. Ce défaut d'expression est lié à la nature du matériel psychique dont le rêve dispose. Les arts plastiques, peinture et sculpture, comparés à la poésie, qui peut, elle, se servir de la parole, se trouvent dans une situation analogue." (p. 269)
4) Le rapport symbolique
Freud consacre un chapitre entier à ce procédé, le chapitre 10 : le symbolisme dans le rêve. (Introduction à la Psychanalyse, p. 134-154)
5) L'élaboration secondaire
"L'élaboration secondaire est le facteur du travail du rêve qui a été le mieux remarqué et compris par la plupart des auteurs. Havelock Ellis en donne une vivante image :
"Nous pouvons nous représenter les choses de la façon suivante. La conscience sommeillante se dit : voici venir notre maître, la conscience éveillée, qui attache tant d'importance à la raison, à la logique, etc. Vite ! Prenons les choses, mettons-les en ordre, - n'importe quel ordre est bon - , avant qu'il n'entre occuper la scène."
Cette fonction d'interprétation n'est pas particulière au rêve ; c'est le même travail de coordination logique que nous faisons sur nos sensations pendant la veille (H. Delacroix). (p. 426 et suiv.)
Chap 8 : Rêves enfantins
"Pour comprendre ces rêves, on n'a besoin ni d'analyse, ni d'application d'une technique quelconque. On ne doit pas interroger l'enfant qui raconte son rêve. Mais il faut compléter celui-ci par un récit se rapportant à la vie de l'enfant. Il y a toujours un événement qui, ayant eu lieu pendant la journée qui précède le rêve, nous explique celui-ci. Le rêve est la réaction du sommeil à cet événement de l'état de veille." (Introduction à la Psychanalyse, p. 112)
Freud évoque ensuite trois rêves d'enfant : le rêve du panier de cerises, le rêve du voyage en mer et le rêve de l'excursion en montagne.
Il montre, à partir de ces exemples que les rêves d'enfants ont un sens : ce sont des actes psychiques complets. N'ayant subi aucune déformation (Freud nuance plus loin cette affirmation), ils n'exigent aucun travail d'interprétation. Le rêve manifeste et le rêve latent se confondent et coïncident, la déformation ne constitue donc pas un caractère naturel du rêve.
Le rêve enfantin est une réaction à un événement de la journée qui laisse après lui un regret, une tristesse, un désir insatisfait. Le rêve apporte la réalisation directe, non voilée de ce désir.
"Loin d'être, ainsi qu'on le lui reproche, un trouble-sommeil, le rêve est un gardien du sommeil qu'il défend contre ce qui est susceptible de le troubler. Lorsque nous croyons que sans le rêve nous aurions mieux dormi, nous sommes dans l'erreur ; en réalité, sans l'aide du rêve, nous n'aurions pas dormi du tout. C'est à lui que nous devons le peu de sommeil dont nous avons joui. Il n'a pas pu éviter de nous occasionner certains troubles, même un certain bruit, lorsqu'il poursuit ceux qui par leur tapage nocturne nous auraient troublés dans une mesure plus grande." (p. 114)
Le désir est l'excitateur du rêve ; la réalisation de ce désir forme le contenu du rêve : tel est un des caractères fondamentaux du rêve.
Chap. 9 : La censure du rêve
"L'étude des rêves d'enfants nous a révélé le mode d'origine et la fonction du rêve. Le rêve est un moyen de suppression d'excitations (psychiques) venant troubler le sommeil, cette suppression s'effectuant à l'aide de la satisfaction hallucinatoire." (p. 121)
Les trois exemples de rêves d'enfant évoqués par Freud : le rêve du panier de cerises, le rêve du voyage en mer et le rêve de l'excursion en montagne montrent que chez les enfants le contenu manifeste des rêves coïncide presque sans déformation avec leur contenu latent. "Presque" et non tout à fait car il y a une différence : le contenu latent du rêve n°2 est : "je voudrais poursuivre ce voyage en mer" et son contenu manifeste : "Je poursuis ce voyage en mer." Les rêves d'enfant apportent la réalisation directe, non voilée d'un désir (ne pas offrir le panier de cerises et de le garder pour soi, poursuivre un voyage en mer interrompu, voir de près un sommet montagneux).
Freud donne au début du chapitre 9 un exemple de rêve d'une femme adulte d'une cinquantaine d'années (le rêve des "services d'amour"). Ce rêve offre un contraste frappant avec les rêves d'enfant : il comporte des incohérences, des "blancs", des passages incompréhensibles, des paroles inaudibles. Pourquoi cette différence ?
Elle s'explique, d'après Freud, par l'existence d'une "censure du rêve". Une note de l'éditeur, en bas de page, rappelle que les leçons qui constituent la matière de l'Introduction à la Psychanalyse ont été faites pendant la Première Guerre Mondiale. Le mot "censure" qui désignait la pratique qui sévissait pendant la guerre dans les journaux désigne par analogie l'instance qui est à l'origine de la déformation des rêves.
"Nous parlons directement d'une censure du rêve à laquelle on doit attribuer un certain rôle dans la déformation des rêves. Toutes les fois que le rêve manifeste présente des lacunes, il faut incriminer l'intervention de la censure du rêve." (p. 124)
"Omission, modification, regroupement des matériaux : tels sont donc les effets de la censure et les moyens de déformation des rêves. La censure même est la principale cause ou l'une des principales causes de la déformation des rêves. Quant à la modification et au regroupement, nous avons l'habitude de les concevoir également comme des moyens de "déplacement". (p. 125)
"La déformation du rêve est une conséquence de la censure que les tendances avoués du moi exercent contre des tendances et des désirs indécents qui surgissent en nous la nuit, pendant le sommeil." (p. 132)
Chap. 10 : Le symbolisme dans le rêve
Il existe un rapport constant entre l'élément d'un rêve et sa traduction. Freud donne à ce rapport le nom de "symbolique", l'élément lui-même étant un symbole de la pensée inconsciente du rêve. (p. 135)
L'essence du rapport symbolique consiste dans une comparaison. Le rêve, loin de symboliser sans choix, ne choisit que certains éléments des idées latentes du rêve.
Les objets qui trouvent dans le rêve une représentation symbolique sont peu nombreux : Le corps humain, les parents, les enfants, les frères et soeurs, la naissance, la mort, la nudité...
La maison est la représentation de l'ensemble de la personne humaine, les parents ont pour symboles l'empereur et l'impératrice, le roi et la reine...
Les frères et soeurs ont pour symbole les petits animaux, la vermine (ce qui est nettement moins sympathique, mais exprime bien les rapports de rivalité qui existent souvent entre frères et soeurs)...
La naissance est presque toujours représentée par une action dont l'eau est le principal facteur...
La mort imminente est remplacée dans le rêve par le départ, par un voyage en chemin de fer ; la mort réalisée par certains présages obscurs, sinistres...
Les objets et les contenus du domaine de la vie sexuelle sont représentés par un symbolisme extraordinairement riche et varié.
Exemples de symboles sexuels : le nombre 3, la fleur de lys, le trèfle, représentent l'appareil génital de l'homme, la verge trouve des substitutions symboliques dans des objets qui lui ressemblent par la forme : cannes, parapluies, tiges, arbres, etc., ou qui ont en commun avec la verge de pouvoir pénétrer à l'intérieur d'un corps et causer des blessures : armes pointues, couteaux, poignards, lames, sabres, révolver ou par des objets d'où s'échappe un liquide : robinets à eau, aiguières, sources jaillissantes ou par d'autres susceptibles de s'allonger. L'érection de la verge ou du clitoris (équivalent féminin du pénis) est symbolisée par les ballons, les avions, les dirigeables ou encore l'impression de voler.
L'appareil génital de la femme est représenté symboliquement par tous les objets dont la caractéristique consiste en ce qu'ils circonscrivent une cavité dans laquelle quelque chose peut être logé...
Le glissement, la descente brusque, l'arrachage d'une branche sont des représentations symboliques de l'onanisme. La chute d'une dent signifie la castration. La circoncision est un succédané de la castration.
"Le domaine du symbolisme est extraordinairement grand..." "on a l'impression d'être en présence d'un mode d'expression ancien, mais disparu..." les symboles semblent être les survivances d'une langue fondamentale." (p. 151)
"Il existe des rapports particulièrement étroits entre les symboles véritables et la vie sexuelle."
"Le symbolisme est un facteur de déformation des rêves, indépendant de la censure. Mais nous pouvons supposer qu'il est commode pour la censure de se servir du symbolisme qui concourt au même but : rendre le rêve bizarre et incompréhensible." (p. 154)
Note : Freud admet que tous les symboles ne sont pas d'ordre sexuel, mais affirme que les symboles du rêve le sont presque toujours. La lecture du chapitre 10 permet de comprendre le désaccord avec Jung au sujet de la composante sexuelle des symboles. Le chapitre 10 fait appel à l'anthropologie, à la mythologie, à la linguistique et à l'ethnologie.
Chap. 11 : L'élaboration du rêve
Freud commence par rappeler au début de ce chapitre les rapports existant entre les éléments du rêve (le contenu manifeste) et leur substrat (le contenu latent du rêve) : rapport d'une partie au tout, approximation ou allusion, rapport symbolique et représentation verbale plastique.
Il rappelle également que le travail qui transforme le rêve latent en rêve manifeste s'appelle l'élaboration du rêve et que le travail opposé, qui part du rêve manifeste pour arriver au rêve latent, s'appelle travail d'interprétation.
1) La condensation : le contenu du rêve manifeste est plus petit que celui du rêve latent ; il représente une sorte d'abrégé de celui-ci. Le condensation s'effectue par un des trois procédés suivants :
a) Certains éléments latents sont éliminés.
b) Le rêve manifeste ne reçoit que des fragments de certains ensembles du rêve latent.
c) Des éléments latents ayant des traits communs sont fondus dans le rêve manifeste.
2) Le déplacement : Il est entièrement l'oeuvre de la censure des rêves. le déplacement s'exprime de deux manières : en premier lieu, un élément latent est remplacé, non par un de ses propres éléments constitutifs, mais par quelque chose de plus éloigné, donc par une allusion ; en deuxième lieu, l'accent psychique est transféré d'un lément important sur un autre, peu impotant, de sorte que le rêve reçoit un autre centre et paraît étrange.
3) La transformation d'idées en images visuelles (ou représentation verbale plastique) : Cela ne veut pas dire que tous les éléments constitutifs des idées des rêves subissent cette transformation ; beaucoup d'idées conservent leur forme et apparaissent comme telles ou à titre de connaissances dans le rêve manifeste ; d'un autre côté, les images visuelles ne sont pas la seule forme que revêtent les idées. Il n'en rest epas moins que les images visuelles jouent un rôle essentiel dans la formation des rêves. cette partie du travail d'élaboration est la plus constante.
"Une des constatations les plus étonantes est celle relative à la manière dont le travail d'élaboration traite des oppositions existant au sein du rêve latent. Les éléments analogues des matériaux latents sont remplacés dans le rêve manifeste par des condensations. Or, les contraires sont traités de la même manière que les analogies et sont exprimés de préférence par le même élément manifeste. C'est ainsi qu'un élément du rêve manifeste qui a son contraire peut aussi bien signifier lui-même et son contraire, ou l'un ou l'autre à la fois, ce n'est que d'après le sens général que nous pouvons décider notre choix quant à l'interprétation. C'est ce qui explique qu'on ne trouve pas dans le rêve de représentation univoque du "non". (p. 163)
"Le travail d'élaboration est un processus d'un ordre tout à fait particulier et dont on ne connaît pas encore d'analogue dans la vie psychique. Ces condensations, déplacements, transformations régressives d'idées en images sont des nouveautés dont la connaissance constitue la principale récompense des efforts psychanalytiques. D'autre part, nous pouvons, par analogie avec le travail d'élaboration, constater les liens qui rattachent les études psychanalytiques à d'autres domaines tels que l'évolution de la langue et de la pensée. Les mécanismes qui président au travail d'élaboration sont les prototypes de ceux qui règlent la production des symptômes névrotiques." (p. 167)
Chap. 12 : Analyse de quelques exemples de rêves
Dans ce chapitre, Freud applique à une dizaine de rêves la technique psychanalytique : le rêve de l'oncle juif qui fume une cigarette le jour du shabbat, le rêve du jeune homme à bicyclette, le rêve de l'exhumation du père, trois fragments de rêve d'une jeune fille (le lustre, l'arrachage d'un arbre, le tiroir), le rêve de l'officier au manteau rouge, le rêve de la promenade au Prater d'un fils avec son père et plusieurs fragments de rêve de voyage.
13/ Traits archaïques et infantilisme du rêve
"Au terme de toute cette recherche, nous nous trouvons en présence de deux données qui constituent cependant le point de départ de nouvelles énigmes, de nouveaux doutes.
Premièrement : la régression qui caractérise le travail d'alaboration est non seulement formelle, mais aussi matérielle. Elle ne se contente pas de donner à nos idées un mode d'expression primitif : elle réveille encore les propriétés de notre vie psychique primitive, l'ancienne prépondérance du moi, les tendances primitives de notre vie sexuelle, voire notre ancien bagage intellectuel, si nous voulons bien considérer comme tels les symboles.
Deuxièmement : tout cet ancien infantilisme, qui fut jadis dominant et prédominant, doit être aujourd'hui situé dans l'inconscient, ce qui modifie et élargit la conception que nous en avons. N'est plus seulement inconscient ce qui est momentanément latent : l'inconscient forme un domaine psychique particulier, ayant ses tendances propres, son mode d'expression spécial et des mécanismes psychiques qui ne manifestent leur activité que dans ce domaine." (p. 196)
14/ Réalisations des désirs
Si le rêve est une réalisation de désirs, il ne devrait pas y avoir dans le rêve de sensations pénibles. Comment expliquer ce paradoxe ? Freud donne plusieurs explications :
a) Le travail d'alaboration n'ayant pas pleinement réussi à créer une réalisation de désir, un résidu de sentiments pénibles passe des idées latentes dans le rêve manifeste.
b) Le cauchemar est souvent une réalisation d'un désir, mais d'un désir refoulé, repoussé. L'angoisse qui accompagne cette réalisation prend la place de la censure.
c) La punition du désir.
"Le seul élément essentiel du rêve est constitué par le travail d'élaboration qui agit sur la matière formée par les idées. L'observation analytique montre que le travail d'élaboration ne se borne pas à donner à ces idées une expression archaïque ou régressive : il y a ajoute régulièrement quelque chose qui ne fait pas partie des idées latentes de la journée, mais constitue pour ainsi dire la force motrice de la formation du rêve. cette indispensable addition n'est autre que le désir, également inconscient, et le contenu du rêve subit une transformation ayant pour but la réalisation de ce désir.
Si l'on envisage le rêve en se plaçant au point de vue des idées qu'il représente, il peut signifier un avertissement, un projet, des préparatifs, etc., mais il est toujours en même temps la réalisation d'un désir inconscient, et il n'est que cela, si on le considère comme le résultat du travail d'élaboration.
Un rêve n'est donc jamais un simple projet, un simple avertissement, mais toujours un projet ou un avertissement ayant reçu, grâce à un désir inconscient, un mode d'expression archaïque et ayant été transformé en vue de la réalisation de ce désir.
Un des caractères, la réalisation du désir, est un caractère constant ; l'autre peut varier ; il peut être également un désir, auquel cas le rêve représente un désir latent de la journée réalisé à l'aide d'un désir inconscient." (p. 208)
15/ Incertitudes et critiques
Dans ce dernier chapitre de la deuxième partie de l'Introduction à la Psychanalyse, Freud fait état des objections qui ont été faites à la méthode psychanalytique d'interprétation des rêves : incertitude des résultats, difficultés d'interprétation liées à la "juxtaposition des contraires" et au phénomène de l'inversion des signifiants...
"Ce qui dans l'interprétation des rêves, apparaît comme arbitraire, se trouve neutralisé par le fait qu'en règle générale le lien qui existe entre les idées du rêve, celui qui existe entre le rêve lui-même et la vie du rêveur et, enfin, toute la situation psychique au milieu de laquelle le rêve se déroule permettent, de toutes les interprétations possibles, de n'en choisir qu'une et de rejeter toutes les autres comme étant sans rapport avec le cas dont il s'agit. Mais le raisonnementqui conclut des imperfections de l'interprétation à l'inexactitude de nos déductions trouve sa réfutation dans une remarque qui fait précisément ressortir comme une propriété nécessaire du rêve son indétermination même et la multiplicité des sens qu'on peut lui attribuer." (p. 214)
Il compare les rêves (p. 216-217) à l'écriture chinoise et aux hiéroglyphes égyptiens, à cette différence près que, contrairement aux rêves, les écritures anciennes sont des moyens de communication destinées à être comprises d'une manière ou d'une autre. "Le seul résultat certain de notre comparaison est que les indéterminations, qu'on avait voulu utiliser comme un argument contre le caractère concluant de nos interprétations de rêves, sont seulement inhérentes à tous les systèmes d'expression primitifs." (p. 217)
"En admettant qu'il puisse y avoir entre un élément latent du rêve et sa substitution manifeste les liens les plus éloignés, les plus singuliers, tantôt comiques, tantôt ingénieux en apparence, nous ne faisons que nous conformer aux nombreuses expériences fournies par des exemples dont nous n'avons généralement pas trouvé la solution nous-mêmes (p. 219)
Freud réfute ensuite (p. 221 et suiv.) d'autres interprétations du rêve qui ont été opposées à sa propre théorie : le rêve consiste en tentatives d'adaptation au présent et de solution de tâches futures (A. Maeder), tous les rêves sont bisexuels et devraient être interprétés dans le sens d'une rencontre entre les tendances mâles et femelles (Adler), les sujets en traitement psychanalytique arrangeraient leurs rêves conformément aux théories de leurs médecins (rêves sexuels, rêves de puissance, rêves de palingénésie)
Note : Palingénésie est le terme employé par les philosophes stoïciens pour désigner la reconstitution ou apocatastase du monde après que le Feu l'a détruit, cela dans un Éternel Retour. Le mot employé, en grec (παλιγγενεσία), signifie "naissance à nouveau", "régénération". Telle est la palingénésie cosmique.
Mais, la palingénésie est, plus simplement, le retour à la vie, dans la nature, des divers éléments de la nature. Les plantes se nourrissent de minéraux, les animaux se nourrissent de plantes, les hommes se nourrissent des animaux ou de leurs produits ; en respirant tout vivant assimile des germes et des poussières... De la sorte, les éléments de la vie s'échangent, se redistribuent après la mort, partout, toujours. C'est la palingénésie universelle.
Freud ne nie pas que les idées éveillées par le médecin puissent apparaître dans le rêve manifeste ou être découvertes dans le contenu latent du rêve, mais il affirme que le mécanismes du travail d'élaboration et le désir inconscient du rêve échappent à toute influence étrangère. L'objection d'une influence des théories du médecin sur les rêves du patient étant fondée, selon lui, sur une confusion entre les rêves et les matériaux du rêve.
Conclusion :
"J'ignore ce que vous en pensez, mais je puis vous assurer que je ne regrette nullement de vous avoir tant intéressés aux problèmes du rêve et d'avoir consacré à l'étude de ces problèmes une si grande partie du temps dont nous disposons. Il n'est pas d'autre question dont l'étude puisse fournir aussi rapidement la conviction de l'exactitude des propositions de la psychanalyse. Il faut plusieurs mois, voire plusieurs années de travail assidu pour montrer que les symptômes d'un cas de maladie névrotique possèdent un sens, servent à une intention et s'expliquent par l'histoire de la personne souffrante.
Au contraire, il faut seulement un effort de plusieurs heures pour obtenir le même résultat en présence d'un rêve qui se présente tout d'abord comme confus et incompréhensible, et pour obtenir ainsi une confirmation de toutes les présuppositions de la psychanalyse concernant l'inconscient des processus psychiques, les mécanismes auxquels ils obéissent et les tendances qui se manifestent à travers ces processus.
Et si, à la parfaite analogie qui existe entre la formation d'un rêve et celle d'un symptôme névrotique, nous ajoutons la rapidité de la transformation qui fait du rêveur un homme éveillé et raisonnable, nous acquerrons la certitude que la névrose repose, elle aussi, sur une altération des rapports existant normalement entre les différentes forces de la vie psychique." (p. 224)
Né à Freiberg (Moravie) en 1856, autrichien de nationalité, Sigmund Freud est mort émigré à Londres en 1939. Après des études de médecine à l'Université de Vienne, il vient à Paris comme boursier, pour suivre en particulier les cours de Charcot à la Salpêtrière.
Retourné à Vienne, où il se marie et s'établit comme spécialiste des maladies nerveuses, il pratique d'abord le traitement par l'hypnose, avant de mettre au point la méthode qui s'appelera la "psychanalyse".
Il attire de nombreux disciples et s'il voit certains d'entre eux se séparer de lui (Adler et Jung), les cercles psychanalytiques se montrent de plus en plus actifs, la doctrine se répand à l'étranger. Parallèlement, les publications de Freud se multiplient, témoignant de la richesse de sa pensée créatrice, capable d'aborder les sujets les plus variés.
Cette Introduction à la Psychanalyse, dont la matière est une série de leçons professées en 1916, constitue pour le lecteur la somme la plus complète et la synthèse la plus accessible des idées du père de la psychanalyse.
Introduction à la Psychanalyse :
Première partie : les actes manqués
Chap. 1 (introduction) à 4 :
Freud établit une division en trois groupes des "actes manqués" : a) le lapsus, avec ses subdivisions en erreurs d'écriture, de lecture, de fausse audition ; b) l'oubli, avec ses subdivisions correspondant à l'objet oublié (noms propres, mots étrangers, projets, impressions) ; c) la méprise, la perte, l'impossibilité de retrouver un objet rangé.
Un acte manqué est un acte psychique ayant un sens, produit par l'opposition de deux intentions différentes.
L'intérêt psychanalytique des actes manqués réside dans leur fréquence, dans le fait que chacun peut les observer facilement sur soi-même et que leur production n'a pas pour condition nécessaire un état morbide.
Lorsque, dans un discours important ou dans une négociation verbale, quelqu'un dit le contraire de ce qu'il voulait dire, il commet un lapsus qui se laisse difficilement expliquer par la théorie psycho-physiologique ou par la théorie de l'attention. Exemple de lapsus : le président d'une assemblée déclare en ouvrant une séance : "La séance est close... heu, je veux dire : la séance est ouverte."
La tendance pertubatrice se trouve refoulée (en l'occurrence le désir que la séance, pressentie comme houleuse, soit déjà terminée). Comme la personne qui parle s'est décidée à ne pas la faire apparaître dans le discours, elle commet un lapsus, c'est-à-dire que la tendance refoulée se manifeste malgré la personne, soit en modifiant l'intention avouée, soit en se confondant avec elle, soit enfin en prenant tout simplement sa place (comme c'est le cas ici).Tel est le mécanisme du lapsus.
Le refoulement d'une intention de dire quelque chose constitue la condition indispensable d'un lapsus.
Les actes manqués résultent de compromis ; ils signifient que le refoulement est à moitié manqué et à moitié réussi, que l'intention menacée, si elle n'est pas complètement supprimée, est suffisamment refoulée pour ne pas pouvoir se manifester, abstraction faite de certains cas isolés, telle quelle, sans modifications.
L'étude des actes manqués (dire ou écrire un mot à la place d'un autre, oublier un nom propre, oublier un rendez-vous, oublier de rendre un objet, de s'acquitter d'une dette, perdre ou casser un objet... ) amène à admettre qu'il existe chez l'homme des tendances susceptibles d'agir sans qu'il le sache.
"il importe de ne pas perdre de vue le fait que la vie psychique est un champ de bataille et une arène où luttent des tendances opposées. En prouvant l'existence d'une tendance déterminée (par exemple chercher le plaisir et éviter le déplaisir), nous ne prouvons pas par là même l'absence d'une autre tendance, agissant en sens contraire. Il y a place pour l'une et pour l'autre. Il s'agit seulement de connaître les rapports qui s'établissent entre les oppositions, les actions qui émanent de l'une et de l'autre." (p. 65)
Note : on voit se dessiner dans ce premier chapitre des thèmes essentiels : le statut de la psychanalyse. Est-ce une science ? Quel est son "objet" ? La relation entre l'inconscient (le mot n'est pas encore prononcé) et la parole, puisque le lapsus témoigne de son existence ou du moins en suggère l'hypothèse (l'étude des lapsus et des actes manqués amène à admettre l'hypothèse chez l'homme de tendances susceptibles d'agir sans qu'il le sache." écrit Freud p. 65), la notion de refoulement, la résistance à la psychanalyse (au "savoir" psychanalytique), les difficultés d'interprétation inhérentes à la multiplicité et au caractère conflictuel des tendances. Freud cherche à comprendre le "mystère du négatif" (les cauchemars, les actes qui vont à l'encontre de notre intérêt).
L'analyste lui-même a un inconscient et doit lutter contre la tendance à valoriser telle ou telle interprétation et noter par écrit, comme le faisait Darwin aux dires de Freud, les idées qui vont à son encontre.
Deuxième partie : le rêve
Chap. 5 : Difficultés et premières approches :
Phénomène ordinaire auquel on attache peu d'importance, dépourvu en apparence, comme les actes manqués, avec lesquels il a ce point commun qu'il se produit chez les gens bien portants, de toute valeur pratique, le rêve s'offre à l'investigation psychanalytique dans des conditions plutôt favorables.
La découverte que les symptômes morbides des névrosés ont un sens fut le point de départ du traitement psychanalytique. Au cours de ces traitements, on constata que les malades alléguaient des rêves en guise de symptômes et on posa alors que ces rêves devaient également avoir un sens.
Interpréter signifie trouver un sens caché.
S'intéresser au rêve, c'est du même coup s'intéresser au sommeil : dormir, c'est se replonger periodiquement dans l'état où nous nous trouvions avant de venir au monde, lors de notre existence intra-utérine.
Si les rêves n'étaient que des restes de l'activité psychique de l'état de veille susceptibles seulement de troubler le sommeil, leur étude n'entreraient pas dans le cadre de la psychanalyse. Freud montre qu'il n'en est rien.
Raconter un rêve, c'est traduire des images en paroles. Freud donne des exemples de rêves (repris de l'Interprétation des rêves) conduisant au réveil : le rêve de la cloche de l'église, le rêve du traineau, le rêve de la mort du pape, p. 80). Ces exemples montrent que les rêves peuvent être provoqués par une excitation extérieure, en l'occurrence la sonnerie du réveil.
Les excitations extérieures et intérieures ne nous révèlent pas, cependant, l'essence du rêve.
Chap. 6 : Conditions et techniques d'interprétations
Le rêve est un phénomène psychique soumis, comme tous les phénomènes, au déterminisme. Le rêveur "sait sans le savoir" ce que son rêve signifie.
La technique psychanalytique des associations libres (l'exemple du prénom "Albine", p. 94) montre que d'importants dispositifs internes agissent dans le rêve.
Freud propose d'étendre à l'analyse du rêve la technique de l'association libre employée pour retrouver un nom propre oublié (exemple : "Monaco", p. 97) : "Ce qui est possible, lorsqu'il s'agi de l'oubli d'un nom, doit également réussir lorsqu'il s'agit d'interpréter un rêve : on doit notamment pouvoir rendre accessible les éléments cachés et ignorés, à l'aide d'associations se rattachant à la substitution prise comme point de départ." (p.98)
Chap. 7 : Contenu manifeste et idées latentes du rêve
Freud introduit dans ce chapitre (p.99) la notion d'inconscient et de résistance : "Je vous propose maintenant d'opérer une modification de notre terminologie (...). Au lieu de dire : caché, inaccessible, inauthentique, nous dirons désormais inaccessible à la conscience du rêveur ou inconscient."
Le rêve total constitue une substitution déformée d'un événement inconscient. L'interprétation des rêves a pour tâche de découvrir cet inconscient.
Le travail d'interprétation s'accomplit à l'encontre d'une certaine résistance qui s'y oppose. Les idées qu'on voudrait refouler se revèlent toujours et sans exception comme étant les plus importantes et les plus décisives au point de vue de la découverte de l'inconscient.
La distance qui sépare la substitution du substrat inconscient est proportionnelle à la force de la résistance : "Lorsque la résistance est peu considérable, la distance qui sépare la substitution du substrat inconscient est minime ; mais une forte résistance s'accompagne de déformations considérables..." (p. 102)
Freud se propose maintenant d'éprouver la technique psychanalytique de l'interprétation des rêves sur des exemples : le rêve "du bon Dieu qui a sur sa tête un bonnet en papier pointu" (p. 103) : dans ce rêve d'enfance, la distance entre la substitution et le substrat (ce que Freud va appeler quelques pages plus loin entre le "contenu manifeste" et le "contenu latent") est très faible et la déformation peu importante... le rêve du canal, qui recouvre d'ailleurs un mot d'esprit ("Du sublime au ridicule, il n'y a qu'un pas. Oui, le Pas de Calais."), le rêve de la table (Tisch/Tischler), le rêve de l'ascension en montagne et enfin un rêve plus long dans lequel la déformation est importante, proportionnellement au refoulement de la tendance inconsciente : le rêve de la femme mariée (p.108-110).
Plusieurs procédés sont à l'oeuvre dans "le travail du rêve" : la condensation, le déplacement, les procédés de figuration, le symbolisme et l'élaboration secondaire (cf. l'Interprétation du rêve, chapitre VI, Presses Universitaires de France, nouvelle édition augmentée et entièrement révisée par Denise Berger, "Le Travail du rêve", p. 241-266).
Note : Jacques Lacan (Ecrits, "L'instance de la Lettre dans l'Inconscient") établit une relation entre le travail du rêve et les figures de style : métaphore (déplacement) et métonymie (condensation).
1) Le travail de condensation (rapport d'une partie au tout)
"Quand on compare le contenu du rêve et les pensées du rêve, on s'aperçoit tout d'abord qu'il y a là un énorme travail de condensation. Le rêve est bref, pauvre, laconique, comparé à l'ampleur et à la richesse des pensées du rêve. Bref, le rêve couvre à peine une demi-page ; l'analyse, où sont indiqués ses pensées, sera six, huit, douze fois plus étendue." (L'interprétation du rêve, "Le travail du rêve", PUF, p. 242)
2) Le travail de déplacement (approximation ou allusion)
"En rassemblant des exemples de condensation dans le rêve, nous avons remarqué que les éléments qui nous paraissent essentiels pour le contenu ne jouaient dans les pensées du rêve qu'un rôle très effacé. Inversement, ce qui est visiblement l'essentiel des pensées du rêve n'est parfois pas du tout représenté dans celui-ci. Le rêve est autrement centré, son contenu est rangé autour d'éléments autres que les pensées du rêve. (L'interprétation du rêve, "Le travail du rêve", PUF, p. 263)
3) Les procédés de figuration du rêve (représentation verbale plastique)
"Le rêve n'a aucun moyen de représenter les relations logiques entre les pensées qui le composent. Il laisse là toutes ces conjonctions et ne travaille que sur le contenu effectif des pensées du rêve. C'est à l'interprétation de rétablir les liens supprimés par ce travail. Ce défaut d'expression est lié à la nature du matériel psychique dont le rêve dispose. Les arts plastiques, peinture et sculpture, comparés à la poésie, qui peut, elle, se servir de la parole, se trouvent dans une situation analogue." (p. 269)
4) Le rapport symbolique
Freud consacre un chapitre entier à ce procédé, le chapitre 10 : le symbolisme dans le rêve. (Introduction à la Psychanalyse, p. 134-154)
5) L'élaboration secondaire
"L'élaboration secondaire est le facteur du travail du rêve qui a été le mieux remarqué et compris par la plupart des auteurs. Havelock Ellis en donne une vivante image :
"Nous pouvons nous représenter les choses de la façon suivante. La conscience sommeillante se dit : voici venir notre maître, la conscience éveillée, qui attache tant d'importance à la raison, à la logique, etc. Vite ! Prenons les choses, mettons-les en ordre, - n'importe quel ordre est bon - , avant qu'il n'entre occuper la scène."
Cette fonction d'interprétation n'est pas particulière au rêve ; c'est le même travail de coordination logique que nous faisons sur nos sensations pendant la veille (H. Delacroix). (p. 426 et suiv.)
Chap 8 : Rêves enfantins
"Pour comprendre ces rêves, on n'a besoin ni d'analyse, ni d'application d'une technique quelconque. On ne doit pas interroger l'enfant qui raconte son rêve. Mais il faut compléter celui-ci par un récit se rapportant à la vie de l'enfant. Il y a toujours un événement qui, ayant eu lieu pendant la journée qui précède le rêve, nous explique celui-ci. Le rêve est la réaction du sommeil à cet événement de l'état de veille." (Introduction à la Psychanalyse, p. 112)
Freud évoque ensuite trois rêves d'enfant : le rêve du panier de cerises, le rêve du voyage en mer et le rêve de l'excursion en montagne.
Il montre, à partir de ces exemples que les rêves d'enfants ont un sens : ce sont des actes psychiques complets. N'ayant subi aucune déformation (Freud nuance plus loin cette affirmation), ils n'exigent aucun travail d'interprétation. Le rêve manifeste et le rêve latent se confondent et coïncident, la déformation ne constitue donc pas un caractère naturel du rêve.
Le rêve enfantin est une réaction à un événement de la journée qui laisse après lui un regret, une tristesse, un désir insatisfait. Le rêve apporte la réalisation directe, non voilée de ce désir.
"Loin d'être, ainsi qu'on le lui reproche, un trouble-sommeil, le rêve est un gardien du sommeil qu'il défend contre ce qui est susceptible de le troubler. Lorsque nous croyons que sans le rêve nous aurions mieux dormi, nous sommes dans l'erreur ; en réalité, sans l'aide du rêve, nous n'aurions pas dormi du tout. C'est à lui que nous devons le peu de sommeil dont nous avons joui. Il n'a pas pu éviter de nous occasionner certains troubles, même un certain bruit, lorsqu'il poursuit ceux qui par leur tapage nocturne nous auraient troublés dans une mesure plus grande." (p. 114)
Le désir est l'excitateur du rêve ; la réalisation de ce désir forme le contenu du rêve : tel est un des caractères fondamentaux du rêve.
Chap. 9 : La censure du rêve
"L'étude des rêves d'enfants nous a révélé le mode d'origine et la fonction du rêve. Le rêve est un moyen de suppression d'excitations (psychiques) venant troubler le sommeil, cette suppression s'effectuant à l'aide de la satisfaction hallucinatoire." (p. 121)
Les trois exemples de rêves d'enfant évoqués par Freud : le rêve du panier de cerises, le rêve du voyage en mer et le rêve de l'excursion en montagne montrent que chez les enfants le contenu manifeste des rêves coïncide presque sans déformation avec leur contenu latent. "Presque" et non tout à fait car il y a une différence : le contenu latent du rêve n°2 est : "je voudrais poursuivre ce voyage en mer" et son contenu manifeste : "Je poursuis ce voyage en mer." Les rêves d'enfant apportent la réalisation directe, non voilée d'un désir (ne pas offrir le panier de cerises et de le garder pour soi, poursuivre un voyage en mer interrompu, voir de près un sommet montagneux).
Freud donne au début du chapitre 9 un exemple de rêve d'une femme adulte d'une cinquantaine d'années (le rêve des "services d'amour"). Ce rêve offre un contraste frappant avec les rêves d'enfant : il comporte des incohérences, des "blancs", des passages incompréhensibles, des paroles inaudibles. Pourquoi cette différence ?
Elle s'explique, d'après Freud, par l'existence d'une "censure du rêve". Une note de l'éditeur, en bas de page, rappelle que les leçons qui constituent la matière de l'Introduction à la Psychanalyse ont été faites pendant la Première Guerre Mondiale. Le mot "censure" qui désignait la pratique qui sévissait pendant la guerre dans les journaux désigne par analogie l'instance qui est à l'origine de la déformation des rêves.
"Nous parlons directement d'une censure du rêve à laquelle on doit attribuer un certain rôle dans la déformation des rêves. Toutes les fois que le rêve manifeste présente des lacunes, il faut incriminer l'intervention de la censure du rêve." (p. 124)
"Omission, modification, regroupement des matériaux : tels sont donc les effets de la censure et les moyens de déformation des rêves. La censure même est la principale cause ou l'une des principales causes de la déformation des rêves. Quant à la modification et au regroupement, nous avons l'habitude de les concevoir également comme des moyens de "déplacement". (p. 125)
"La déformation du rêve est une conséquence de la censure que les tendances avoués du moi exercent contre des tendances et des désirs indécents qui surgissent en nous la nuit, pendant le sommeil." (p. 132)
Chap. 10 : Le symbolisme dans le rêve
Il existe un rapport constant entre l'élément d'un rêve et sa traduction. Freud donne à ce rapport le nom de "symbolique", l'élément lui-même étant un symbole de la pensée inconsciente du rêve. (p. 135)
L'essence du rapport symbolique consiste dans une comparaison. Le rêve, loin de symboliser sans choix, ne choisit que certains éléments des idées latentes du rêve.
Les objets qui trouvent dans le rêve une représentation symbolique sont peu nombreux : Le corps humain, les parents, les enfants, les frères et soeurs, la naissance, la mort, la nudité...
La maison est la représentation de l'ensemble de la personne humaine, les parents ont pour symboles l'empereur et l'impératrice, le roi et la reine...
Les frères et soeurs ont pour symbole les petits animaux, la vermine (ce qui est nettement moins sympathique, mais exprime bien les rapports de rivalité qui existent souvent entre frères et soeurs)...
La naissance est presque toujours représentée par une action dont l'eau est le principal facteur...
La mort imminente est remplacée dans le rêve par le départ, par un voyage en chemin de fer ; la mort réalisée par certains présages obscurs, sinistres...
Les objets et les contenus du domaine de la vie sexuelle sont représentés par un symbolisme extraordinairement riche et varié.
Exemples de symboles sexuels : le nombre 3, la fleur de lys, le trèfle, représentent l'appareil génital de l'homme, la verge trouve des substitutions symboliques dans des objets qui lui ressemblent par la forme : cannes, parapluies, tiges, arbres, etc., ou qui ont en commun avec la verge de pouvoir pénétrer à l'intérieur d'un corps et causer des blessures : armes pointues, couteaux, poignards, lames, sabres, révolver ou par des objets d'où s'échappe un liquide : robinets à eau, aiguières, sources jaillissantes ou par d'autres susceptibles de s'allonger. L'érection de la verge ou du clitoris (équivalent féminin du pénis) est symbolisée par les ballons, les avions, les dirigeables ou encore l'impression de voler.
L'appareil génital de la femme est représenté symboliquement par tous les objets dont la caractéristique consiste en ce qu'ils circonscrivent une cavité dans laquelle quelque chose peut être logé...
Le glissement, la descente brusque, l'arrachage d'une branche sont des représentations symboliques de l'onanisme. La chute d'une dent signifie la castration. La circoncision est un succédané de la castration.
"Le domaine du symbolisme est extraordinairement grand..." "on a l'impression d'être en présence d'un mode d'expression ancien, mais disparu..." les symboles semblent être les survivances d'une langue fondamentale." (p. 151)
"Il existe des rapports particulièrement étroits entre les symboles véritables et la vie sexuelle."
"Le symbolisme est un facteur de déformation des rêves, indépendant de la censure. Mais nous pouvons supposer qu'il est commode pour la censure de se servir du symbolisme qui concourt au même but : rendre le rêve bizarre et incompréhensible." (p. 154)
Note : Freud admet que tous les symboles ne sont pas d'ordre sexuel, mais affirme que les symboles du rêve le sont presque toujours. La lecture du chapitre 10 permet de comprendre le désaccord avec Jung au sujet de la composante sexuelle des symboles. Le chapitre 10 fait appel à l'anthropologie, à la mythologie, à la linguistique et à l'ethnologie.
Chap. 11 : L'élaboration du rêve
Freud commence par rappeler au début de ce chapitre les rapports existant entre les éléments du rêve (le contenu manifeste) et leur substrat (le contenu latent du rêve) : rapport d'une partie au tout, approximation ou allusion, rapport symbolique et représentation verbale plastique.
Il rappelle également que le travail qui transforme le rêve latent en rêve manifeste s'appelle l'élaboration du rêve et que le travail opposé, qui part du rêve manifeste pour arriver au rêve latent, s'appelle travail d'interprétation.
1) La condensation : le contenu du rêve manifeste est plus petit que celui du rêve latent ; il représente une sorte d'abrégé de celui-ci. Le condensation s'effectue par un des trois procédés suivants :
a) Certains éléments latents sont éliminés.
b) Le rêve manifeste ne reçoit que des fragments de certains ensembles du rêve latent.
c) Des éléments latents ayant des traits communs sont fondus dans le rêve manifeste.
2) Le déplacement : Il est entièrement l'oeuvre de la censure des rêves. le déplacement s'exprime de deux manières : en premier lieu, un élément latent est remplacé, non par un de ses propres éléments constitutifs, mais par quelque chose de plus éloigné, donc par une allusion ; en deuxième lieu, l'accent psychique est transféré d'un lément important sur un autre, peu impotant, de sorte que le rêve reçoit un autre centre et paraît étrange.
3) La transformation d'idées en images visuelles (ou représentation verbale plastique) : Cela ne veut pas dire que tous les éléments constitutifs des idées des rêves subissent cette transformation ; beaucoup d'idées conservent leur forme et apparaissent comme telles ou à titre de connaissances dans le rêve manifeste ; d'un autre côté, les images visuelles ne sont pas la seule forme que revêtent les idées. Il n'en rest epas moins que les images visuelles jouent un rôle essentiel dans la formation des rêves. cette partie du travail d'élaboration est la plus constante.
"Une des constatations les plus étonantes est celle relative à la manière dont le travail d'élaboration traite des oppositions existant au sein du rêve latent. Les éléments analogues des matériaux latents sont remplacés dans le rêve manifeste par des condensations. Or, les contraires sont traités de la même manière que les analogies et sont exprimés de préférence par le même élément manifeste. C'est ainsi qu'un élément du rêve manifeste qui a son contraire peut aussi bien signifier lui-même et son contraire, ou l'un ou l'autre à la fois, ce n'est que d'après le sens général que nous pouvons décider notre choix quant à l'interprétation. C'est ce qui explique qu'on ne trouve pas dans le rêve de représentation univoque du "non". (p. 163)
"Le travail d'élaboration est un processus d'un ordre tout à fait particulier et dont on ne connaît pas encore d'analogue dans la vie psychique. Ces condensations, déplacements, transformations régressives d'idées en images sont des nouveautés dont la connaissance constitue la principale récompense des efforts psychanalytiques. D'autre part, nous pouvons, par analogie avec le travail d'élaboration, constater les liens qui rattachent les études psychanalytiques à d'autres domaines tels que l'évolution de la langue et de la pensée. Les mécanismes qui président au travail d'élaboration sont les prototypes de ceux qui règlent la production des symptômes névrotiques." (p. 167)
Chap. 12 : Analyse de quelques exemples de rêves
Dans ce chapitre, Freud applique à une dizaine de rêves la technique psychanalytique : le rêve de l'oncle juif qui fume une cigarette le jour du shabbat, le rêve du jeune homme à bicyclette, le rêve de l'exhumation du père, trois fragments de rêve d'une jeune fille (le lustre, l'arrachage d'un arbre, le tiroir), le rêve de l'officier au manteau rouge, le rêve de la promenade au Prater d'un fils avec son père et plusieurs fragments de rêve de voyage.
13/ Traits archaïques et infantilisme du rêve
"Au terme de toute cette recherche, nous nous trouvons en présence de deux données qui constituent cependant le point de départ de nouvelles énigmes, de nouveaux doutes.
Premièrement : la régression qui caractérise le travail d'alaboration est non seulement formelle, mais aussi matérielle. Elle ne se contente pas de donner à nos idées un mode d'expression primitif : elle réveille encore les propriétés de notre vie psychique primitive, l'ancienne prépondérance du moi, les tendances primitives de notre vie sexuelle, voire notre ancien bagage intellectuel, si nous voulons bien considérer comme tels les symboles.
Deuxièmement : tout cet ancien infantilisme, qui fut jadis dominant et prédominant, doit être aujourd'hui situé dans l'inconscient, ce qui modifie et élargit la conception que nous en avons. N'est plus seulement inconscient ce qui est momentanément latent : l'inconscient forme un domaine psychique particulier, ayant ses tendances propres, son mode d'expression spécial et des mécanismes psychiques qui ne manifestent leur activité que dans ce domaine." (p. 196)
14/ Réalisations des désirs
Si le rêve est une réalisation de désirs, il ne devrait pas y avoir dans le rêve de sensations pénibles. Comment expliquer ce paradoxe ? Freud donne plusieurs explications :
a) Le travail d'alaboration n'ayant pas pleinement réussi à créer une réalisation de désir, un résidu de sentiments pénibles passe des idées latentes dans le rêve manifeste.
b) Le cauchemar est souvent une réalisation d'un désir, mais d'un désir refoulé, repoussé. L'angoisse qui accompagne cette réalisation prend la place de la censure.
c) La punition du désir.
"Le seul élément essentiel du rêve est constitué par le travail d'élaboration qui agit sur la matière formée par les idées. L'observation analytique montre que le travail d'élaboration ne se borne pas à donner à ces idées une expression archaïque ou régressive : il y a ajoute régulièrement quelque chose qui ne fait pas partie des idées latentes de la journée, mais constitue pour ainsi dire la force motrice de la formation du rêve. cette indispensable addition n'est autre que le désir, également inconscient, et le contenu du rêve subit une transformation ayant pour but la réalisation de ce désir.
Si l'on envisage le rêve en se plaçant au point de vue des idées qu'il représente, il peut signifier un avertissement, un projet, des préparatifs, etc., mais il est toujours en même temps la réalisation d'un désir inconscient, et il n'est que cela, si on le considère comme le résultat du travail d'élaboration.
Un rêve n'est donc jamais un simple projet, un simple avertissement, mais toujours un projet ou un avertissement ayant reçu, grâce à un désir inconscient, un mode d'expression archaïque et ayant été transformé en vue de la réalisation de ce désir.
Un des caractères, la réalisation du désir, est un caractère constant ; l'autre peut varier ; il peut être également un désir, auquel cas le rêve représente un désir latent de la journée réalisé à l'aide d'un désir inconscient." (p. 208)
15/ Incertitudes et critiques
Dans ce dernier chapitre de la deuxième partie de l'Introduction à la Psychanalyse, Freud fait état des objections qui ont été faites à la méthode psychanalytique d'interprétation des rêves : incertitude des résultats, difficultés d'interprétation liées à la "juxtaposition des contraires" et au phénomène de l'inversion des signifiants...
"Ce qui dans l'interprétation des rêves, apparaît comme arbitraire, se trouve neutralisé par le fait qu'en règle générale le lien qui existe entre les idées du rêve, celui qui existe entre le rêve lui-même et la vie du rêveur et, enfin, toute la situation psychique au milieu de laquelle le rêve se déroule permettent, de toutes les interprétations possibles, de n'en choisir qu'une et de rejeter toutes les autres comme étant sans rapport avec le cas dont il s'agit. Mais le raisonnementqui conclut des imperfections de l'interprétation à l'inexactitude de nos déductions trouve sa réfutation dans une remarque qui fait précisément ressortir comme une propriété nécessaire du rêve son indétermination même et la multiplicité des sens qu'on peut lui attribuer." (p. 214)
Il compare les rêves (p. 216-217) à l'écriture chinoise et aux hiéroglyphes égyptiens, à cette différence près que, contrairement aux rêves, les écritures anciennes sont des moyens de communication destinées à être comprises d'une manière ou d'une autre. "Le seul résultat certain de notre comparaison est que les indéterminations, qu'on avait voulu utiliser comme un argument contre le caractère concluant de nos interprétations de rêves, sont seulement inhérentes à tous les systèmes d'expression primitifs." (p. 217)
"En admettant qu'il puisse y avoir entre un élément latent du rêve et sa substitution manifeste les liens les plus éloignés, les plus singuliers, tantôt comiques, tantôt ingénieux en apparence, nous ne faisons que nous conformer aux nombreuses expériences fournies par des exemples dont nous n'avons généralement pas trouvé la solution nous-mêmes (p. 219)
Freud réfute ensuite (p. 221 et suiv.) d'autres interprétations du rêve qui ont été opposées à sa propre théorie : le rêve consiste en tentatives d'adaptation au présent et de solution de tâches futures (A. Maeder), tous les rêves sont bisexuels et devraient être interprétés dans le sens d'une rencontre entre les tendances mâles et femelles (Adler), les sujets en traitement psychanalytique arrangeraient leurs rêves conformément aux théories de leurs médecins (rêves sexuels, rêves de puissance, rêves de palingénésie)
Note : Palingénésie est le terme employé par les philosophes stoïciens pour désigner la reconstitution ou apocatastase du monde après que le Feu l'a détruit, cela dans un Éternel Retour. Le mot employé, en grec (παλιγγενεσία), signifie "naissance à nouveau", "régénération". Telle est la palingénésie cosmique.
Mais, la palingénésie est, plus simplement, le retour à la vie, dans la nature, des divers éléments de la nature. Les plantes se nourrissent de minéraux, les animaux se nourrissent de plantes, les hommes se nourrissent des animaux ou de leurs produits ; en respirant tout vivant assimile des germes et des poussières... De la sorte, les éléments de la vie s'échangent, se redistribuent après la mort, partout, toujours. C'est la palingénésie universelle.
Freud ne nie pas que les idées éveillées par le médecin puissent apparaître dans le rêve manifeste ou être découvertes dans le contenu latent du rêve, mais il affirme que le mécanismes du travail d'élaboration et le désir inconscient du rêve échappent à toute influence étrangère. L'objection d'une influence des théories du médecin sur les rêves du patient étant fondée, selon lui, sur une confusion entre les rêves et les matériaux du rêve.
Conclusion :
"J'ignore ce que vous en pensez, mais je puis vous assurer que je ne regrette nullement de vous avoir tant intéressés aux problèmes du rêve et d'avoir consacré à l'étude de ces problèmes une si grande partie du temps dont nous disposons. Il n'est pas d'autre question dont l'étude puisse fournir aussi rapidement la conviction de l'exactitude des propositions de la psychanalyse. Il faut plusieurs mois, voire plusieurs années de travail assidu pour montrer que les symptômes d'un cas de maladie névrotique possèdent un sens, servent à une intention et s'expliquent par l'histoire de la personne souffrante.
Au contraire, il faut seulement un effort de plusieurs heures pour obtenir le même résultat en présence d'un rêve qui se présente tout d'abord comme confus et incompréhensible, et pour obtenir ainsi une confirmation de toutes les présuppositions de la psychanalyse concernant l'inconscient des processus psychiques, les mécanismes auxquels ils obéissent et les tendances qui se manifestent à travers ces processus.
Et si, à la parfaite analogie qui existe entre la formation d'un rêve et celle d'un symptôme névrotique, nous ajoutons la rapidité de la transformation qui fait du rêveur un homme éveillé et raisonnable, nous acquerrons la certitude que la névrose repose, elle aussi, sur une altération des rapports existant normalement entre les différentes forces de la vie psychique." (p. 224)
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