Comment "donner envie" aux 3èmes d'étudier des textes ?

Bonjour,
Une autre question toujours à propos des 3èmes... L'année dernière (ma première année avec ce niveau), j'ai été très découragée par le manque de motivation de mes élèves, pour ne pas dire complètement déprimée! On m'a assuré, mes collègues et même ici sur ce forum, que ce niveau était ingrat parce qu'ils étaient dans l'âge ingrat justement, qu'ils ne s'intéressaient à rien et qu'il n'y avait rien à faire...

Bon cette année, je rempile pour une 3ème et il faut que ça change! Alors comment vous y prenez-vous pour aborder un texte? Pour ma part, je leur proposais une séries de questions que je leur distribuais et nous les prenions une par une. Autant dire que c'était loin d'être motivant! Mais d'un autre côté, sans ce filet de sécurité, il ne se serait RIEN passé dans mon cours vu qu'il n'y avait que 2 ou 3 élèves qui participaient par cours!
Alors êtes-vous plus libres dans votre approche? N'allez-vous que jusqu'où ils ont la force d'aller ou leur donnez-vous des réponses pour avancer? En ce qui me concerne, cette technique s'est à la longue retournée contre moi, puisque je me retrouvais à tout faire: lire les questions et y répondre toute seule!!!

Alors vos avis seront les bienvenus!

Je pense qu'il faut essayer effectivement de varier les approches et oublier de temps en temps le sacro-saint questionnaire (pour tous les niveaux d'ailleurs), même si je suis la première à envisager une grosse partie de mes cours de cette façon !
Le choix des textes est sans doute aussi important. Il y a deux ans, j'ai eu une 3e "mollusque" mais certains se sont réveillés quand on a fait Un Secret de Philippe Grimbert.

Je ne suis jamais tombée personnellement sur une classe de 3è mollusque mais je me rappelle avoir assisté aux cours - excellents - de ma tutrice lors de mon année de stage avec une classe de ce type et c'était horrible    
Cela me faisait de la peine pour elle d'autant qu'elle était très dynamique et enthousiaste mais qu'est-ce qu'elle ramait !
Alors que je n'avais qu'une envie, moi, participer et répondre à ses questions :lol!: 


Néanmoins, sans être confrontée à des classes mollusques, je trouve qu'il y a un réel problème de motivation chez les 3è, aussi bien, malheureusement, chez ceux qui se destinent à une voie professionnelle (et qui pensent qu'ils n'auront plus besoin du tout du français) que chez ceux qui se destinent à une seconde générale  

Donc j'ai hâte de découvrir des "trucs" sur ce topic, que je te remercie d'avoir lancé

L'envie vient ; se donne-t-elle ?

eva a écrit: je trouve qu'il y a un réel problème de motivation chez les 3è, aussi bien, malheureusement, chez ceux qui se destinent à une voie professionnelle (et qui pensent qu'ils n'auront plus besoin du tout du français)

Grossière erreur.
Nous comptons que les collègues de 3ème pour leur rappeler énergiquement le contraire: la 2nde pro n'a pas à accueillir d'élèves semi-illettrés. Il y a un programme, et costaud.

Oui, oui, je le sais bien d'où l'utilisation du verbe "pensent" et non "savent"
D'ailleurs, un des élèves qui me tenait ce discours cette année, après avoir assisté lors d'un "mini-stage" à un cours de français de bac pro sur l'argumentation, m'a ramené, dépité, le texte support de la séance à laquelle il n'avait - m'a-t-il dit - rien compris...
Et le texte était en effet d'un niveau costaud !

Cela ne l'a malheureusement pas pour autant décidé à se mettre au travail et ce qui devait arriver arriva, il n'a pas eu son brevet

J'ai ce niveau depuis quelques années et ,effectivement, les élèves de 3e ont tendance à se transformer en mollusques dès l'entrée en classe. Mais ceci étant valable pour toutes les matières, j'en suis venue à me déculpabiliser!

Du coup j'ai pensé à plusieurs contre-attaques:

- la pratique de l'oral est très appréciée :  - mise en scène de récitations,
                                                             - débats en équipes sous forme de jeu (préparation d'arguments à la maison ou en classe, élimination dès que le niveau de langue devient familier ou si le temps de réflexion pour la contre argumentation est trop lent ; à la fin ils me demandaient eux-mêmes de participer à des débats).

-je suis aussi beaucoup passée par l'image cette année : discussions autour d'images argumentatives (publicités), adaptations cinématographiques de certains textes.

-le travail de groupe s'est révélé payant (j'étais plutôt réticente lorsque l'on me parlait de la "pédagogie entre pairs" cependant cette pratique a plutôt bien fonctionné!) : création d'une image argumentative, création d'une mise en scène d'une pièce de théâtre (activité très intéressante, durant laquelle les élèves réfléchissent pleinement au texte et à sa signification)...

Voilà quelques pistes, cependant les lectures analytiques en classe demeurent de grands moments de solitude, je l'avoue!

J'ai eu des 3eme l'an dernier et effectivement pour leur faire lire les textes cela peut être la croix et la bannière.
Cependant, comme l'explique brown_voodoo "la pratique de l'oral" est très importante, ils aiment mettre en scène et raconter. Ce qui peut être intéressant, surtout dans l'étude des textes classiques, c'est de faire des mises en perspective avec leur quotidien. Nous avons étudié Roméo et Juliette et c'est très bien passé grâce à ça.
Sinon, pour les lectures analytiques, j'ai essayé de les y initier progressivement. Au départ, ils n'en voient pas forcément l'utilité, mais au bout d'un certain temps, surtout sur la poésie, ils étaient très réactifs.
Enfin, pour ce qui est du désintérêt pour le français de ceux qui envisagent le LP, leur montrer le programme de la filière à laquelle ils se destinent permet bien souvent de les ramener à la réalité.
Je précise que j'avais au départ une 3eme où la majorité des élèves étaient désintéressés et/ou désabusés (j'étais leur 3eme prof de français en 1 trimestre)...

Pour ma part, je me méfie beaucoup des activités ludiques dont on peine toujours à déterminer précisément ce que les élèves en retirent ainsi que des travaux de groupes où ceux qui ne veulent pas travailler se reposent sur leurs camarades.

Par contre, je sais que mes élèves ne savent pas lire - j'exagère à peine. Du coup, c'est lecture professorale systématique pour la découverte des textes.

Le choix des textes, aussi, est important. Il faut des textes riches, saisissants, résistants.

Et ce qu'on en fait. La littérature parle de l'homme. Si c'est ça qu'on en dit, les élèves suivent. Ça rame un peu plus dans une classe de mollusques, mais on y arrive. Mais si on se sert du texte pour faire de la narratologie ou un catalogue de figures de style, c'est mort, et c'est normal.

Je vous remercie pour ces pistes.
- l'oral est une bonne approche que je n'ai pas su assez mettre à profit: étant nouvelle dans le bahut, je ne souhaitais aucun laisser-aller dans mon cours, et j'avais tendance, je le crois, à verrouiller les choses et surtout le dialogue, pour ne pas me laisser déborder... C'est une erreur que je ne commettrai plus: j'espère être plus détendue à la rentrée prochaine et donc ne pas craindre de leur laisser la parole et être plus à leur écoute, plus attentive à leur "ressenti" des textes.
- le travail en groupes: c'est pareil, ma peur bleue de l'excès de bavardage (que j'ai vécu dans les différentes ZEP que j'ai pu croiser) m'a tjs fait fuir ce genre d'exercices, sauf quelques fois avec des 6èmes très gentils. Mais je vais le tenter: l'idée de la création d'une mise en scène me parait très intéressante: à ce propos, aurais-tu quelques pistes à me donner? Comment avez-vous réfléchi et à quoi (placement, décor, costumes...)?
- En ce qui concerne le propos sur la poésie de saphyr, je suis entièrement d'accord: cela a été ma meilleure séquence de l'année. Ils étaient vraiment investis, ce fut de bons moments, de ces moments où l'on sait que l'on ne s'est pas trompé de métier! Mais qu'ils sont rares!

Tout à fait d'accord avec toi V. Marchais, la littérature ça parle de l'homme, et j'ai parfois mis tout mon cœur pour les rendre sensibles à cela, et leur faire comprendre certaines choses... et j'ai attendu longtemps... très longtemps une quelconque réaction de leur part...
C'est bien pour cela que je suis si dépitée.
Je ne suis peut-être pas assez douée pour "transmettre"...

On a tous des flops.

Mais je connais peu de classes inertes devant Oedipe se crevant les yeux ou le fameux "Un homme ça s'empêche".

J'ajoute que l'essentiel, c'est que les élèves étudient les textes. Qu'ils en aient envie, c'est le petit plus appréciable mais pas obligatoire. J'exige d'eux ce travail, et je suis capable d'être très très désagréable quand ledit travail n'est pas fait, quand ça lambine trop en classe. Les élèves s'y mettent bon gré mal gré. Et certains finissent même par découvrir que c'est plus agréable quand ils s'investissent.

Ne t'inquiète pas lolv0736, tes questions prouvent que tu as réellement envie de transmettre ton savoir, et c'est cela le plus important!

V. Marchais, je suis d'accord, effectivement tes réticences sont tout à fait compréhensibles, cependant tous les textes que nous étudions ne sont pas que des "Oedipe" et comme tu le dis, nous sommes et serons tous confrontés à des flops. Je pense qu'il faut tenter de varier les approches pour continuer d'éveiller chez eux de l'intérêt, ce qui me paraît quand même important. Travailler avec plaisir me semble plus appréciable même si comme toi parfois je dois les forcer à se pencher sur les textes.

Voici mon barème pour la mise en scène d'une récitation (texte que nous avons au préalable expliqué en cours):

Texte su : pas de balbutiements, de temps mort /4
Ton employé /1
Volume de voix /1
Les éléments du décor /1
Les accessoires /1
Les mouvements (qui font sens) et les gestes qui expriment les non-dits ou soulignent les « dits » /1
Les placements : jamais dos au public, ne pas piétiner, contrôler les pieds et les mains (pas les mains dans les poches ni devant la bouche) /1

Bien évidemment, si le texte n'est pas su, je ne mets pas la moyenne même si tous les autres éléments sont travaillés.
Je joins à ce barème un plan (très grossier) de ma classe : le nombre de portes accessibles, le positionnement des tables et des couloirs... ils y dessinent les mouvements et le positionnement des décors.

Sur la même feuille, je joins un tableau des personnages, ils doivent tenter d'expliquer le caractère du personnage ainsi que le ton à employer pour certaines phrases.

Je ramasse ce plan ainsi que les idées travaillées des élèves une première fois, j'y joins mes remarques et les leur rends (attention aux fausses bonnes idées : les bougies, l'encre rouge qu'on ne peut nettoyer ... :shock:  )

Pour ma part, en ce qui concerne les approches différentes, il y a 2 ans, je travaillais de temps en temps en salle info. Ils étaient tellement contents qu'ils bossaient de bon cœur alors que je leur mettais le texte, des questions, de temps en temps une question recherche. Ça leur plaisait de surligner sur le texte etc Du coup ça passait mieux. Sauf que je n'ai pas trouvé de solution idéale concernant la mise en commun de ce type de travail.

L'an dernier je n'ai pas pu le faire car c'était très compliqué d'avoir la salle info de dispo.

C'est aussi mon challenge de cette année: essayer de m'éloigner de mon questionnaire sur chaque texte pour que le cours soit plus spontané.

Merci brown-voodoo pour ces idées. Je n'avais pas compris cela: je pensais qu'ils devaient faire le boulot du metteur en scène: comment organiser la scène, l'emplacement et le mouvement des comédiens, les décors... Mais c'est vrai qu'on peut coupler avec un atelier théâtre complet où ils doivent jouer eux-même un passage. Mais du coup, c'est bcp plus long à mettre en place.
Je vais murir tout cela.

 N'hésite pas à nous faire part de tes nouvelles expériences en la matière!