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Parce qu'il y eut un autre Michel Serres.... Empty Parce qu'il y eut un autre Michel Serres....

par philann Mar 23 Juil 2013, 09:13


Entretien entre Jankélévitch et Serres sur la réforme de la Philosophie.

Être attentif notamment à ce que dit Serres de l'histoire. Ecouter notamment à partir de la 31ème minute la critique de la "société cybernétique parfaite" et la question du "trou de mémoire", négation de l'histoire...et de la culture historique...

Quelle tristesse de voir ce que Serres est devenu!!
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par Celadon Mar 23 Juil 2013, 09:36
Il a dû être en de bonnes mains pour avoir évolué de la sorte.
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Parce qu'il y eut un autre Michel Serres.... Empty Re: Parce qu'il y eut un autre Michel Serres....

par Nom d'utilisateur Mar 23 Juil 2013, 10:50
philann a écrit:Être attentif notamment à ce que dit Serres de l'histoire. Ecouter notamment à partir de la 31ème minute la critique de la "société cybernétique parfaite" et la question du "trou de mémoire", négation de l'histoire...et de la culture historique...
Quelle tristesse de voir ce que Serres est devenu!!

Il est devenu ce qu'il était, ce qui n'est pas forcément triste. Ici-même, vers la 18e minute : "la philosophie a un effet (ou : 'résultat') critique, mais aussi un effet d'anticipation". Et de préciser ici que la cybernétique implique des machines, lesquelles machines fonctionnent avec des mémoires, de sorte que la société qu'il anticipe et critique dans la digression que vous dites consacrée au "trou de mémoire" orwellien, n'est selon lui "même pas cybernétiquement parfaite" (vers 32e min).
Robin
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par Robin Jeu 25 Juil 2013, 12:37
Nom d'utilisateur a écrit:
philann a écrit:Être attentif notamment à ce que dit Serres de l'histoire. Ecouter notamment à partir de la 31ème minute la critique de la "société cybernétique parfaite" et la question du "trou de mémoire", négation de l'histoire...et de la culture historique...
Quelle tristesse de voir ce que Serres est devenu!!

Il est devenu ce qu'il était, ce qui n'est pas forcément triste. Ici-même, vers la 18e minute : "la philosophie a un effet (ou : 'résultat') critique, mais aussi un effet d'anticipation". Et de préciser ici que la cybernétique implique des machines, lesquelles machines fonctionnent avec des mémoires, de sorte que la société qu'il anticipe et critique dans la digression que vous dites consacrée au "trou de mémoire" orwellien, n'est selon lui "même pas cybernétiquement parfaite" (vers 32e min).

Je suis d'accord avec l'idée que Michel Serres est "devenu ce qu'il était" et on le voit bien dans ce "dialogue" (je mets le mot intentionnellement  entre guillemets) avec Jankélévitch, notamment lorsqu'il dit que la philosophie est "une anticipation des savoirs et des pratiques de l'avenir" ou "celle qui s'entremet" entre les savoirs. En réalité Jankélévitch et Serres ne sont pas du tout sur la même longueur d'ondes. Jankélévitch demeure fidèle à la fonction critique de la philosophie, y compris vis-à-vis d'elle-même (et bien entendu vis-à-vis de la science), contrairement à Serres qui privilégie l'aspect encyclopédique, conformément à la pensée "progressiste" du XVIIIème siècle. D'où l'hypostase de la cybernétique (il est révélateur que son dernier livre soit un conte pour enfants) comme "horizon de vérité" et la réduction de la philosophie à l'épistémologie, à une "science qui se pense".

On peut imaginer une société "sans trous de mémoires", cybernétiquement parfaite et où la fonction critique aurait disparu. ce n'est pas la mémoire qui est dangereuse, mais l'interprétation, l'herméneutique. Cette société existe déjà, Serres n'a nulle besoin de l'anticiper, comme en témoigne la déclassification des documents de la CIA qui n'a pratiquement aucun effet, alors qu'il s'agit de véritables bombes (je pense par exemple aux révélations sur le rôle du gouvernement américain et sur l'instrumentalisation des "pères fondateurs de l'Europe",  Robert Schumann et Jean Monnet au moment de la Guerre froide.)


Dernière édition par Robin le Dim 28 Juil 2013, 16:17, édité 1 fois
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par philann Jeu 25 Juil 2013, 14:38
Je suis bien d'accord et ne sous-entendais pas un accord entre Janké et Serres. Mais 1) La portée de l'échange n'a rien à voir avec la petite poucette du désormais (j'espère gateux) Serres. 2) Il manque un Jankélévitch en face...

Ce que je trouve intéressant dans cet extrait c'est que même si l'on sent poindre le Serres à venir, l'échange a quand même une autre tenue et c'est révélateur à mon sens du philosophe d'alors et de la société d'alors dans laquelle prenait place cet échange;

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par Robin Jeu 25 Juil 2013, 15:09
philann a écrit:Je suis bien d'accord et ne sous-entendais pas un accord entre Janké et Serres. Mais 1) La portée de l'échange n'a rien à voir avec la petite poucette du désormais (j'espère gateux) Serres. 2) Il manque un Jankélévitch en face...

Ce que je trouve intéressant dans cet extrait c'est que même si l'on sent poindre le Serres à venir, l'échange a quand même une autre tenue et c'est révélateur à mon sens du philosophe d'alors et de la société d'alors dans laquelle prenait place cet échange;

Au moment où se déroulait ce dialogue, il y avait Serres et Jankélévitch, mais aussi Dessanti, de Gandillac, Conche, Lévinas, Ricoeur, Althusser, Sartre (il me semble), Dufresne, Lévi-Strauss... Derrida, Deleuze, Lacan et Barthes et donc Serres pouvait jouer sa partition épistémologique ou réécrire le cogito dans "Les cinq sens", sans occuper toute la scène. Foucault ou Derrida pouvait utiliser les outils de la déconstruction, mais Dufresne alerter sur la disparition du sujet dans le structuralisme. Les penseurs se complétaient, mieux se servaient mutuellement d'antidote. Que reste-t-il aujourd'hui ? La pratique dominante (la cybernétique) et son "jeune vieux" penseur : Michel Serres. Ceci a été très bien vu par Heidegger, mais Heidegger passe pour un penseur nazi et on peut désormais user de toutes les outrances sans soulever la moindre objection (la "croix gammée" du Quadriparti)... n'importe quoi !

Serres est un spécialistes des approximations et des contresens, à propos de Montaigne, par exemple, dont il interprète de travers la fameuse citation de la tête bien faite préférable à la tête bien pleine et des atomistes antiques (Démocrite) qu'il transforme en précurseurs du calcul infinitésimal (!) :

"J'ai suivi jadis le cours de Michel Serres sur l'atomisme antique en même temps que celui de Marcel Conche sur l'épicurisme. Serres voulait à tout prix traduire le superlatif « microtatos » de l'atome par « infiniment petit » pour faire de Démocrite un précurseur du calcul infinitésimal, avec le secours d'Archimède tiré par les cheveux. Marcel Conche, dans l'amphithéâtre à côté, corrigeait sévèrement Serres sans le nommer en traduisant correctement par « très petit » ou « le plus petit  (des corps) ». Le cours de Serres était brillant mais, comme l'avait écrit Bossuet en marge d'un exemplaire de son Malebranche : nova, pulchra, falsa. Il n'a pas changé !" (Maxime Cohen)

Je ne sais pas si le lien a déjà été donné : http://skhole.fr/petite-poucette-la-douteuse-fable-de-michel-serres
Robin
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Parce qu'il y eut un autre Michel Serres.... Empty Re: Parce qu'il y eut un autre Michel Serres....

par Robin Jeu 25 Juil 2013, 20:30
Mon cher Papy,

Maman m'a demandé de te remercier pour la guimauve, mais je voulais te dire que je préfère les haribots (c'est beau la vie, plus t'en manges, plus tu grossis !). je t'expliquerai ce que c'est... C'est pas grave ! Pour ton livre, j'ai pas très bien compris, sauf que la Petite Poucette, c'est peut-être moi, mais moi j'ai pas du tout envie d'être abandonnée par mes parents (et par mon grand-père), parce que contrairement à ce que tu as l'air de penser, je ne suis pas aussi géniale que toi, ni aussi débrouillarde que le Petit Poucet.

Je suis rien qu'une petite fille qui a tout à apprendre, mais ça ne me gêne pas du tout. J'ai compris que tu faisais un jeu de mot sur pouce, Poucette... et que tu admirais la rapidité de mes pouces quand j'écris des textos à mes copines, mais franchement y'a rien à admirer, c'est juste des trucs entre nous. Internet, c'est pas si bien que tu le crois, tu sais, surtout pour les enfants, c'est plein d'ogres et de loups ! Facebook, tu dis que c'est super parce que t'es ami avec tout le monde, mais moi, je préfère être amie avec Mathilde.

Tu dis aussi que c'est mieux que ce soit dans l'ordinateur que dans ma tête, mais moi je suis pas d'accord. Je préfère que ce soit dans ma tête parce que si on fait comme tu dis, c'est les ordinateurs qui vont nous diriger. C'est comme ton histoire de saint Denis qui porte sa tête dans ses mains, c'est rigolo, ça ressemble aux bottes de sept lieues, j'aime bien les contes, mais c'est pas comme dans la vraie vie. Et puis les contes, je préfère les lire dans un vieux livre que sur un écran d'ordinateur.

Tu dis qu'avec les ordinateurs, y aura plus besoin de professeurs pour apprendre aux enfants, mais les ordinateurs ils nous apprennent rien, c'est comme des gros dictionnaires avec des trucs vrais et des trucs faux et des trucs trop durs pour nous ou pas du tout pour nous et on sait pas faire le tri.

Je suis bien contente que Madame Lelièvre (c'est ma maîtresse), elle nous fasse des vrais cours de maths, d'orthographe, de grammaire et de vocabulaire et qu'elle nous apprenne à nous servir de l'ordinateur et à trier tous les trucs pas possible qu'il y a dans sa tête, entre le système digestif et les soucoupes volantes, parce qu'entre nous, des textos bourrés de fôtes d'orthographe, c'est pas ça qui va me faire avoir un travail dans la vie ou devenir une grande professeure connue et admirée dans le monde entier comme toi (même pas en rêve !).

Le reste du livre, j'essaierai de le lire quand je serai plus grande pour en parler avec toi, mais je t'en supplie, arrête de nous prendre en exemple nous les enfants et de nous dire que tout ce qu'on fait c'est très bien, c'est merveilleux, c'est génial, parce que c'est pas vrai...

Je t'embrasse très fort,

Ta "petite Poucette" qui t'aime.

PS : Maman m'a demandé de te joindre des passages d'un livre d'une dame qui s'appelle Hannah Arendt et qui pense qu'il ne fait pas laisser les enfants livrés à eux-mêmes, ni les abandonner  dans la forêt avec les loups :

"La disparition générale de l'autorité ne pouvait guère se manifester de façon plus radicale qu'en s'introduisant dans la sphère prépolitique, où l'autorité semblait prescrit par la nature elle-même, indépendamment de tous les changements historiques et de toutes les conditions politiques. D'autre part, l'homme moderne ne pouvait exprimer plus clairement son mécontentement envers le monde et son dégoût pour les choses telles qu'elles sont qu'en refusant d'en assumer la responsabilité pour ses enfants. C'est comme si, chaque jour, les parents disaient : "En ce monde, même nous ne sommes pas en sécurité chez nous ; comment s'y mouvoir, que savoir, quel bagage acquérir sont pour nous aussi des mystères. Vous devez essayer de faire de votre mieux pour vous en tirer ; de toute façon vous n'avez pas de comptes à nous demander. Nous sommes innocents, nous nous lavons les mains de votre sort." (page 245)

"C'est bien le propre de la condition humaine que chaque génération nouvelle grandisse à l'intérieur d'un monde déjà ancien, et par suite former une génération nouvelle pour un monde nouveau traduit en fait le désir de refuser aux nouveaux arrivants leurs chances d'innover."(page 228)

(Hannah Arendt, "La Crise de l'Education", in La Crise de la Culture, Huit exercices de pensée politique, traduit de l'anglais sous la direction de Patrick Lévy, Gallimard, 1972,  pg. 242-243)
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